Chapitre 7- Mariage

La fête se poursuivit jusqu'à tard dans la nuit. Tandis qu'elle accomplissait son devoir d'épouse, Sekhmet fermait les yeux pour échapper à l'horreur de ce qu'elle faisait et se remémora son mantra : « La fin justifie les moyens ». Peu importait si elle avait envie de vomir, si la répulsion la faisait s'imaginer être avec Aton plutôt qu'avec Sethi.

Ce qui importait était que ce mariage l'approche un peu plus du pouvoir.

*********

Le matin venu, la princesse, incapable de dormir, sortit de ses appartements pour se diriger vers les jardins. Après le désert, cet endroit était le seul où elle se sentait entière, vivante, à sa place.

Dehors, Amon-Rê s'était à peine levée, et l'astre lunaire côtoyait encore la barque solaire dans le ciel grisâtre. Les sycomores géants semblaient de longues silhouettes sombres et lugubres dans la brume épaisse qui enveloppait tout Thèbes, mais étrangement, cela la rassura. Personne ne pouvait la voir, seule dans ces jardins royaux.

Alors, assise au pied d'un dattier, elle se laissa aller à sa faiblesse. Les larmes dévalaient ses joues, les marbrant d'un noir intense, tandis qu'elle sanglotait à en perdre la voix. Sekhmet se sentait sale, souillée et malgré toute l'ardeur avec laquelle elle désirait le pouvoir, elle ne pouvait empêcher cette boule de culpabilité et de tristesse de lui bloquer la gorge.

Quiconque l'aurait approchée à ce moment-là aurait vu une petite fille perdue, vulnérable et misérable. Elle se balançait sur elle-même, entourant ses épaules de ses bras, comme pour se protéger d'un froid immatériel.

Au bout de plusieurs minutes, elle parvint à se ressaisir. Elle était une souveraine née, elle se devait d'agir comme telle.

Alors qu'elle dépoussiérait sa robe de lin et se débarrassait de son grotesque masque de maquillage, des pas résonnèrent sur le gravier dont étaient recouverts les chemins qui sillonnaient les jardins royaux.

Tendue, la princesse savait que l'intrus l'avait probablement entendue pleurer, et se maudit pour sa faiblesse. Comment avait-elle pu être aussi stupide ? Il n'y avait pas de raison pour qu'une reine pleure, surtout dans un endroit aussi découvert que celui-ci.

Elle ne put s'empêcher de trouver la présence de l'inconnu en ces lieux étrange. Thèbes, même ses ouvriers les plus dévoués, ne se réveillerait pas avant une heure au moins, et les jardins, l'une des parties les plus précieuses du palais, étaient surveillés si étroitement qu'elle trouvait surprenant qu'on l'ait laissé entrer.

Plus l'étranger s'approchait, malgré le fait qu'elle ne voyait que sa silhouette dans l'épais brouillard, plus elle se sentait intimidée. Ses larges épaules, sa démarche déterminée et son port royal lui suffirent pour gagner le respect de Sekhmet.

Lorsqu'il l'atteignit enfin, elle tressaillit. Les traits ravageurs de l'homme, sensuels et dangereux, étaient encadrés de cheveux d'un roux flamboyant, et ses yeux, d'un rouge sombre, fouillaient son regard comme s'il avait pu voir son âme.

Il s'agissait de Seth. Elle en était certaine. Cet homme, c'était celui, si puissant, qui l'avait visitée en rêve.

Le sourire narquois du dieu lui confirma son identité. Elle resta debout un instant, abasourdie.

- Nul besoin de te prosterner, mortelle, dit-il d'une voix profonde et éraillée, alors qu'elle allait effectivement s'incliner devant lui. Tu m'as toujours été fidèle et d'ailleurs, il me semble que tes projets me serviront.

Sekhmet resta sans voix un court moment, puis reprit son aplomb de reine :

- Comment, seigneur ? Il me plairait de vous aider. Mais comment êtes-vous ici, par quel merveilleux miracle ?

Le dieu eut l'air agacé.

- Cela ne te concerne nullement, Sekhmet. Contente-toi de ma satisfaction. Il est rare que je daigne m'adresser à un mortel, mais je t'ai crue digne de cet honneur. Ai-je eu tort ?

Il leva un sourcil sceptique lorsqu'elle secoua la tête.

- Non, Ô Seth. Je vous en prie, pardonnez ma trop grande curiosité. Je vous remercie de vous montrer à moi. Puis-je cependant vous demander le but de votre visite ?

Seth claqua sa langue contre son palais et secoua la tête, réprobateur.

- Jeune insolente. On ne pose pas de question à un dieu. Il n'y aurait habituellement pas de raison, mais il se trouve que j'en ai bien une aujourd'hui. Bien vu, mais ne commets pas cette erreur une deuxième fois, énonça-t-il d'une voix tranchante.

Elle hocha la tête et baissa les yeux, honteuse. Elle détestait se faire rabrouer, surtout par le dieu qu'elle admirait le plus. Elle peinait encore à croire que tout cela était réelle. Elle se sentait honorée par cette visite impromptue et se prit à espérer que son air abattu et les traces de larmes sur ses joues auraient disparu. Elle désirait paraître forte à ses yeux.

Alors qu'elle regardait le sol devant elle, la honte lui brûlant les joues, les pieds du dieu apparurent dans son champ de vision et une main forte, mais tendre, la força à relever la tête. Elle rencontra le regard ardent de Seth, qui l'examinait des pieds à la tête.

Il approcha lentement sa tête de celle de Sekhmet, qui se raidit, nerveuse. Malgré sa beauté, l'homme divin dégageait une telle impression de puissance et de danger qu'elle en était effrayée.

Lorsqu'ils respirèrent le même air, Seth murmura :

- Je suis venu visiter celle qui rétablira mon pouvoir dans le royaume d'Égypte et ma future femme.

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