Chapitre 3- La demande

La caresse de doux rayons de soleil sur le dos de Sekhmet la réveilla. Baillant à s'en décrocher la mâchoire, elle s'assit dans son lit et ne tarda pas à se rappeler les évènements de la nuit précédente.
Elle avait revu Aton. Ils avaient ri ensemble, bu de l'hydromel qui coulait à flots et avaient fini la nuit dans la chambre de la princesse.
Celle-ci tourna la tête et le regarda dormir, paisible, ses mèches noirs et frisées tombant sur son beau visage. Il ne l'avait point déçu et elle l'avait chevauché jusqu'au petit matin. Mais il était temps qu'il parte, et elle n'était pas sûre de vouloir le revoir. Il semblait un peu trop attaché à elle à son goût, tandis qu'elle ne le considérait guère que comme un atout.

Sekhmet toucha doucement d'abord son épaule musclée, puis, voyant qu'il ne se réveillait pas, le secoua rudement, agacée. Il se réveilla en sursaut, un air ahuri sur le visage :

- Qu'est-ce qui se passe ?

Elle leva les yeux au ciel.

- Rien, à part le fait que tu doives partir.

Décidant de garder son atout, la princesse ajouta avec un sourire qu'elle espérait tendre :

- Si mon père te surprenait ici, il te ferait exécuter ! Et je tiens beaucoup trop à toi pour ça...

Devant son sourire idiot, elle sut qu'elle avait atteint son but. Il me mangerait dans la main à partir de ce moment, pensa-t-elle avec satisfaction.

- Tu as raison, je file. Je ne supporterais pas de te voir pleurer, ma belle princesse, même de l'au-delà.

Après un dernier baiser passionné, il quitta sa chambre. Sekhmet soupira de soulagement ; ce qu'il était lourd ! Heureusement qu'il était naïf aussi.

Elle fit une autre courte sieste, puis s'habilla aidée de ses servantes, avant de descendre aux jardins.

Il était presque l'heure du repas du midi, et comme d'habitude, Thebes était enveloppée d'une épaisse couverture de chaleur. Un vent léger soufflait, faisant bruiter les feuilles des cocotiers, dattiers, palmiers et autres arbres fruitiers, importés de toutes les provinces conquises. Les oiseaux qui vivaient dans les végétaux gazouillaient joyeusement, leur son résonnant agréablement à ses oreilles.

La princesse flâna quelques temps sur les chemins pavés de grès des jardins, caressant paresseusement certaines fleurs d'hibiscus, observant un bel ara rouge qui s'était posé non loin de l'endroit où elle se trouvait.

Alors qu'elle essayait de lui faire répéter le mot "Isis", ce que cet oiseau stupide ne semblait pas décidé à faire, elle entendit des voix.

Sans réfléchir, elle se cacha dans les épaisses feuilles de vigne près d'elle et tenta d'en écarter une afin de bien voir qui arrivait.

Surprise, surprise ! Il s'agissait de sa chère soeur Akhmet et de son amant, Ahmès.

Laid comme une chèvre, ce dernier lui semblait à peine plus intelligent que sa soeur. Ses petits yeux bruns ne recelaient aucune vivacité et sa petite stature le faisait ressembler à un vautour. Charognard, il l'était certainement. Il n'aimait pas Akhmet plus qu'on aimait un petit chien perdu.

Sekhmet le soupçonnait de vouloir prendre le pouvoir, ou du moins d'avoir une bonne position au sein du gouvernement, par l'intermédiaire d'Akhmet.

En effet, malheureusement, cette imbécile congénitale était née près d'un an avant elle, ce qui la plaçait en cinquième place pour le trône, avec Sethi, sa mère, son frère plus jeune et elle la précédant.

Leurs voix la tirèrent de sa rêverie. Ahmès guida sa soeur près de la mare qui ornait le centre du jardin et ils s'assirent sur les pierres qui bordaient l'ondée. Durant une minute, ils ne dirent mot et on n'entendit plus que le murmure du vent dans les feuilles des sycomores et le lent glouglou des petites vagues qui venaient lécher la rive de la mare.

- Akhmet, tu sais que je t'aime plus que tout, n'est-ce pas ? déclara enfin Ahmès, tout en scrutant l'une des carpes japonaises qui barbotaient paresseusement près d'eux.

L'air stupide comme toujours, elle hocha la tête et balbutia :

- Mmm... Heu... Uiiiiii.

Il acquiesça d'un air qui se voulait solennel et sortit quelque chose, un petit écrin, d'un pan de sa tunique.

- Mon cher amour, acceptes-tu de m'épouser ? demanda-t-il, la voix dégoulinante de miel.

Sekhmet n'en croyait pas ses oreilles ! Cet idiot de profiteur avait osé ? Évidemment, cette misérable créature qui lui servait de demi-soeur ne pourrait refuser. Elle ne trouverait pas les mots pour.

Elle hocha la tête, un sourire béat au milieu de son affreux visage, ce qui la rendait encore plus laide. La princesse réprima une moue de dégoût tandis qu'ils s'en allaient, main dans la main. S'ils se mariaient, cela risquait de poser problème.

Elle devait éliminer ce problème, et elle savait exactement qui aller voir.

***********
- Dites à Amonbophis que la princesse Sekhmet est venue le voir et requiert une audience avec lui.

Le garde hocha la tête, la lumière du soleil sur son casque se reflétant à travers le couloir ouvert du palais. Il ouvrit l'immense porte de bois noir qu'il surveillait quelques instants auparavant et s'engouffra dans les appartements. L'autre garde referma la porte et la regarda avec une expression admirative.

Au bout d'un moment de ce manège, cela l'agaça et elle siffla :

- Quoi ? Qu'est-ce que tu regardes, roturier ?

Il détourna vivement la tête, l'air apeuré, mais ne répondit rien. Satisfaite, la princesse attendit en silence, jusqu'à ce que le battant s'ouvre et laisse passer l'homme d'Amonbophis.

Il s'inclina bien bas et prit la parole :

- Mon seigneur est prêt à vous recevoir.

Avec un sourire en coin, Sekhmet s'écria :

- Il était temps !

Et elle entra dans les appartements de son assassin personnel. La porte se referma sur elle et les ténèbres l'avalèrent.

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