Chapitre 6 : Chasseurs et Vampires
La fusillade me fit sursauter dans la salle de bain. Des hurlements suivirent, faisant trembler la brosse à dent de Manneville dans le porte-gobelet. Instinctivement, j’attrapai mon arme, me précipitai vers la porte….
… Et tombai en arrière dans un hurlement.
-Du calme, madame Valens, fit le fantôme, avec un sourire rassurant. Je suis là pour vous aider.
Je fixais la forme translucide, entre la porte et moi. Elle ne paressait pas sur le point de me sauter dessus pour prendre possession de mon corps. C'était déjà ça.
-Ok.
Je pris une profonde inspiration. Là, mes problèmes de cœur n’avaient vraiment plus la moindre importance. Je reléguais les fesses de Dante à l’arrière-plan, pour vérifier que je n’étais pas de nouveau en proie à une hallucination.
-Vous êtes un ancêtre venu me dire de tuer Dante d’un pieu dans le cœur ? lançai-je, sarcastique. Parce que si c’est le cas, vous pouvez retourner en Enfer vous y faire cuire un œuf.
Je m’appuyai sur le lavabo pour me redresser. Ne pas trembler, ne pas trembler… C’était tout à fait normal de croiser le fantôme d’un type en costume, alors qu’une fusillade retentissait plus loin… Oui…
-Non, je ne suis pas votre ancêtre, gloussa-t-il. Je veux juste que vous restiez ici jusqu’à ce que ça se calme, dehors.
-Alors que Dante est en danger !? Espèce de timbré !
Je m’avançai d’un pas décidé, arme au point…
-Traversez-moi, si vous l’osez.
Cela m’arrêta net. Je reculai avec un frisson incontrôlable. Le fantôme me fixa, une lueur malicieuse dans ses yeux transparents. Dans une posture de videur de boite de nuit, il me défia, sans un mot de plus. Traverser quelqu’un…
-Vous ne pouvez pas juste vous pousser ? demandai-je gentiment.
*
Dante fracassa la porte de la salle de bain d’un coup de pied, l’envoyant valser contre son mur porteur.
-Hélène !
-Mon mort de garde !
Elle allait bien. Enfin… Du mieux qu’elle pouvait. Recroquevillée au fond de la baignoire, le fantôme de tout à l’heure près d’elle à la toucher, elle était un peu plus pâle qu'auparavant. L’ectoplasme s’évanouit à son arrivée, et elle parut respirer de nouveau.
-Tu es blessé ?
-On a des chasseurs de vampires sur le dos, expliqua-t-il en l’attrapant par la main. Manneville s’est réfugié dans sa cave, mais nous devons évacuer les lieux.
-Des… Des quoi !?!
-Chasseurs de Vampires.
Ils sortirent de la salle de bain. Dante guetta le moindre geste dans le couloir, tout en priant pour que son ami fasse vite.
-J’imagine que quand un type hyper riche se ressurécte tout seul, ça s’apprend plus vite que de coutume.
-Je me suis ressurecté ? C’est un nouveau verbe ?
-Bah, j’ai bien croisé un vampire, des zombies, et un fantôme dans la même journée. J’ai bien le droit de changer mon français.
-Ok, ma Gâchette Fleurie, on en reparlera plus tard. En attendant, toi qui es bibliothécaire, dis-moi une chose : les vampires sont-ils nyctalopes ?
-Vous êtes des créatures de la nuit. Ce ne serait vraiment pas de chance de…
Toutes les lumières de la villa sautèrent d’un coup, à cause d’une surtension. Provoquée par Manneville, dans sa cave.
-Effectivement, je suis nyctalope, constata Dante.
Il voyait les couloirs aussi nettement qu’en plein jour. Hélène, elle, venait d’enfoncer ses ongles dans son épaule. Elle semblait prête à lui grimper dessus, comme une enfant terrorisée dans une maison hantée. Ce qui n’était peut-être pas tout à fait faux, avec le fantôme en costume.
-Les chasseurs sont nombreux ?
-Tous ceux du bureau sont morts, chuchota Dante. Je n’ai pas eu le choix.
-Mieux vaut eux que toi, ronchonna-t-elle.
Il haussa un sourcil. Ce qu’elle ne vit pas, bien sûr. Agrippée à lui, elle suivait le moindre de ses mouvements, ce qui n’était pas pour lui déplaire.
-Il en reste à l’extérieur. Tu vas devoir me faire une confiance aveugle, Hélène.
-C’est déjà le cas.
-Parfait. Nous allons rejoindre une voiture. Pas dans le garage de Manneville, c’est trop risqué. Tu prendras le volant, je sécuriserai les alentours.
Un cliquètement retentit à leur droite. Dante utilisa son ouïe, de plus en plus fine depuis son réveil. Le bruit c’était produit vers la piscine. Des chuchotements… Ils hésitaient à entrer dans la maison plongée dans les ténèbres. Parfait.
Il bifurqua brusquement vers le bureau, où les cadavres se vidaient toujours de leur sang. Comment ça marchait, un vampire ? Parce qu’en dépit de l’odeur métallique, il n’avait aucune envie de se jeter sur les restes sanguinolents. En fait, cette simple idée lui donnait la nausée. En revanche, Hélène lui donnait les crocs…
-Je viens de marcher sur quoi ? murmura-t-elle, horrifiée.
Il baissa les yeux. Heu…
-Sur un coussin.
-Alors pourquoi ça a fait « splash » ?
-Hum… C’était un coussin dans une mare de sang.
D’une porte dissimulée dans le mur en bois, ils passèrent dans la chambre de Manneville. Là, deux grandes fenêtres coulissantes donnaient de l’autre côté de la maison, sur le jardin éclairé par la lune.
-A partir de maintenant, plus un bruit.
Elle hocha la tête.
Une fois dans le jardin, Dante tandis l’oreille, tous ses sens en éveil. Les chasseurs de vampire avaient commencé à entrer dans la villa. Ils allaient devoir se dépêcher.
Sans attendre, il chargea Hélène sur son épaule –elle émit un bruit étouffé-, avant de foncer vers les arbres devant eux. Il ne produisait aucun son en courant sur l’herbe, son entrainement militaire et ses nouvelles capacités se mêlant avantageusement.
Il avait presque atteint les arbres quand il freina brusquement en lâchant un juron.
*
J’atterris sur le sol avec toute la grâce dont j’étais capable –étant donné que Dante m’avait littéralement laissé tomber-, fit un roulé boulé, et pointai mon pistolet dans la direction de la cause de son juron…. Et rencontrai les fesses du vampire, qui formaient un barrage entre moi et le problème.
Oula…
Une dizaine d’hommes se profilaient dans les rayons de la lune, blafards, tous vêtus de jeans et de t-shirts couverts de tâches de peintures. Particulièrement déplaçés, sur la pelouse bien entretenue de Manneville. C’étaient eux, les chasseurs de vampires ?
-C’est le type qui m’a tué, gronda Dante en me désignant l’un des gaillards de droite.
Aussitôt, l’adrénaline inonda mes veines, brulantes.
Grand, blonds, musclé, l’assassin de mon ex souriait calmement, ses dents blanches tranchant dans la nuit. Ce salopard… C’était lui la cause de tout mon chagrin ! A cause de lui que j’avais dû organiser l’enterrement de Dante !
Avant même de réaliser ce que je faisais, je contournai le vampire… Et tirai une balle en pleine dans le cœur de son meurtrier. La détonation brisa le calme de la nuit, le cadavre s’effondra sur le sol.
-Hélène ! s’exclama Thurston. Mais qu’est-ce que…
-Ce monstre m’a fait pleurer comme une madeleine sur ton cercueil ! Il mériterait de mourir trois fois encore !
-Tu as pleuré sur mon cercueil ?
J’adressai un regard brulant de fureur à Dante, qui eut un léger mouvement de recul.
-D’accord, je ne te poserais plus jamais la question.
-Elle est complétement dingue, cette nana ! éructa l’un des types en jean.
-Ils sont là !
-Et mince… La détonation a attiré les chasseurs de vampires !
-Oh, je n’y avais pas pensé… murmurai-je, à peine contrite.
Nous nous retrouvâmes bientôt pris en sandwich, entre les tâches de peintures et les chasseurs de vampire –huit au total, avec deux fois plus de pistolets-. Oh oh…
-Vous en avez mis du temps, suceurs de sang, ricanèrent les fous de la gâchette. Votre nouvelle recrue vous a donné du fil à retordre ?
-Des vampires !? s’exclama Dante.
-Mais alors, vous êtes des potes !?!
Les peintres me regardèrent bizarrement, avant de darder sur les chasseurs des expressions très, très menaçantes. Confrontation au claire de lune… Cela n’augurait rien de bon.
-Nous sommes plus nombreux que vous. Je vous conseille de partir.
-On ne vous laissera jamais Dante Thurston. Avec lui dans vos rangs, ce sera la fin de l’humanité !
-Hé ! Pourquoi est-ce que je tuerai tout le monde !?
-Reculez, humains !
-Moi aussi ? fis-je.
-Jamais ! Mourrez, sales parasites !
*
Dante atterrit brutalement sur le côté d’une voiture, enfonçant la portière, avec tant de force qu’elle faillit se renverser sur le flanc. Il glissa sur le trottoir avec un gémissement, accompagné du mien, bloqué dans son étreinte. Une forte odeur de roussie nous accompagnait.
-Purée… C’était quoi ?...
-Lance-roquette, haleta-t-il en me tâtant les cheveux, pour vérifier que j’étais bien entière.
-Tous dingues…
Je me remis sur pied difficilement, avant d’aider Dante. Il avait encaissé un sacré choc. En attendant le sifflement de la roquette nous poursuivant entre les arbres –nous avions laissé les fous se crêper le chignon- il m’avait protégé de son corps. Nous avions été soufflé par l’explosion, et envoyé dans la rue où cette pauvre voiture avait amorti le choc.
-Tu es bigrement résistant, soufflai-je, une fois qu’il fut debout.
-Ça ce discute, grommela-t-il. Ha… Une voiture…
Nous tanguâmes tous les deux, encore sonnés.
-Vous allez bien !?!
Une femme courrait vers nous, seins ballotant au vent –elle n’avait pas de soutien-gorge sous son t-shirt couvert de peinture, la folle-, l’air inquiète.
-Peinture, balbutiai-je en désignant son haut.
-Vampire…
-Vous êtes complètement sonné, constata-t-elle en arrivant à notre hauteur. Hector ! Que dois-je faire ?
Le fantôme de tout à l’heure apparut soudain, et… Je poussai un hurlement un grimpant sur Dante, qui dû s’appuyer contre la voiture défoncée alors que je m’enroulai autour de sa tête.
-Un fan… Un fanfan... Un… J’en ai marre…
-Tes seins sont moelleux, Hélène, mais là…
Je redescendis aussi sec. Il prit une grande inspiration, avant que la vampire ne l’inspecte.
-Il doit boire du sang, fit le fantôme –Hector-. Je vais prévenir Betty, qu’elle emmène la voiture.
Il disparut, nous laissant seuls avec la bimbo aux mains baladeuses. En quelques secondes, elle avait mis Dante torse nu, et semblait apprécier la vue en dépit du sang et de la suie.
-L’humaine, on va avoir besoin de toi.
-Ouais, moi aussi, j’ai la pèche, merci de vous en inquiéter, ricanai-je en chancelant dangereusement.
-Hélène !
Dante me rattrapa juste avant que je ne m’écroule sur le bitume.
-‘cupez vous d’elle… Vais bien…
-Vous êtes la priorité !
-M’en fiche… Elle d’abord…
Ce fut la dernière chose que j’entendis.
*
La voiture de ces deux femmes vampires se gara devant une imposante maison ancienne, provoquant le réveil d'Hélène. La lourde double porte en bois s’ouvrit comme par enchantement, permettant à la bibliothécaire de le soutenir. Sa confiance ayant des limites, il refusait de se laisser approcher par les deux autres.
Ivre de douleur, marchant avec difficulté, il écouta la voix d’Hélène pour rester conscient. Elle lui demandait sans relâche ce qu’elle pouvait bien faire pour lui, sans même prendre en compte ce qui l’entourait.
Sans réaliser qu’ils entraient dans le nid des vampires.
A vrai dire, lui-même avait du mal à se concentrer. Mais avec un dos brulé, un flanc perforé par balle, et la moitié de l’épaule déchiquetée par un fusil à pompe, il pensait avoir quelques excuses.
Par contre, il comprit quand il se retrouva enfermé dans une chambre avec Hélène. Alors, il baissa les yeux vers elle. Elle battit des paupières, ses joues rosissant légèrement.
-Tu as les crocs ?
Il ne tint plus.
L’attrapant par la nuque, il la plaqua contre lui. Envolées, toutes ses douleurs, toutes ses peines. Il n’existait plus que cette femme entre ses bras, dont le corps s’anima délicieusement. Elle. Il ne voulait qu’elle.
Hélène…
-Attend… Dante…
-J’ai cru te perdre…
-Je… Ils vont revenir pour…
-Qu’ils viennent…
Il l’embrassa, prenant possession de ses lèvres avec une soif mordante. Il fit glisser les bretelles de sa robe le long de ses épaules, elle arracha la ceinture de son pantalon. En une minute, ils se retrouvèrent nus, enflammés comme des torches.
Et si quelqu’un entra dans les instants qui suivirent, ni l’un ni l’autre ne s’en aperçut.
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