Chapitre 3 : Mort de Garde

Assise au milieu des draps de soie bleu métallique, bras croisés, je fixais le corps étendu, la tête dans le coussin. Trop stupéfaite pour hurler, trop emprunte de ma nuit pour réellement être surprise, je restais là, à observer.

Ce n’était pas une hallucination. Ou alors, j’étais devenue folle. Cela expliquerait peut être la multiplicité de mes orgasmes, ravageurs comme j’en avais connu qu’avec… Dante.

Incapable de me retenir, je posai ma main sur ce dos ferme, fit dériver mes doigts le long de ses muscles d’aciers. Je suivis la courbe de sa colonne vertébrale, m’arrêtai à la naissance de ses fesses, dissimulées par le drap de soie. Remontai, jusqu’à sa nuque, ses cheveux noirs chatouillant le dessus de ma main.

Dante Thurston.

Vivant, et non six pieds sous terre, dans ce cimetière où j’avais pleuré toutes les larmes de mon corps.

La colère m’envahit.

J’avais pleuré comme une madeleine, et ce salopard dormait à poings fermés !

Mon coup à l’épaule le fit sursauter, l’arrachant brutalement à son sommeil.

-Hein, quoi ? Qu’est-ce que…

-Ordure ! m’exclamai-je en le frappant à nouveau. Comment oses-tu sortir de ta tombe, sans un mot d’excuse !?!

-Je… Heu… Hélène ! s’écria-t-il en reculant dans le lit, pour échapper à mes coups. Attend, je… Et merde !

Il tomba par terre, embarquant toutes les couvertures avec lui. Nue en plein milieu du matelas, un léger frisson me parcourut. Mais je n’en avais cure. Perchée à quatre pattes sur le rebord, je pointais un index vengeur dans sa direction.

-Avant de me sauter, tu aurais au moins pu me dire que tu étais vivant !

Il arrêta de se débattre contre les draps, pour m’adresser un sourire carrément érotique, ses yeux bleus me clouant sur place.

-Pourquoi, tu ne t’en es pas rendu compte, cette nuit ?

Il reçut le coussin en pleine figure, ce qui le fit éclater de rire.

-Attend, Hélène ! Ne te fâche pas ! Je suis vraiment mort !

J’étais sur le point de lui en lancer un second, mais il saisit mes deux poignets, au-dessus de ma tête, me forçant à la lâcher.

-Jolis… Murmura-t-il en baissant les yeux vers mes seins, remontés par la posture.

Il me renversa sur le lit, sans me lâcher les poignets. Lui s’installa sur le flanc, pour m’observer à loisir, tandis que je me débattais faiblement.

-Bon. Je m’excuse, lâcha Dante. Mais à ma décharge, s’extirper seul de sa tombe a de quoi un peu dérouter. Et toi, tu vas bien ?

-Évidemment, que je vais bien, grommelai-je, en détournant les yeux. J’ai juste pensé que tu étais mort. Juste ça.

-Heu… Ouais, moi aussi. Mais je ne te parlais pas de ça.

-De quoi, alors ?

Il lâcha mes poignets, me caressa la peau du cou, avec révérence.

-Du fait que j’ai bu ton sang cette nuit.

Je clignai des paupières. Une fois. Deux fois.

-Sans rire ?

Dante acquiesça, guettant une réaction de dégoût de ma part. Mais en vérité, je pédalais dans la semoule. D'ailleurs, ça devait se voir.

-Attend… Heu… Je ne suis pas dans une hallucination.

-Non.

-Donc, tu es vivant… Mais tu es mort d’une balle dans la tête… Je t’ai enterré… Je t’ai pleuré… Et tout ça, ce n’était que des conneries ! Ne me fait pas le coup du vampire pour tenter de cacher le fait que tu nous as tous mentit, tocard !

Je le repoussai violemment pour me relever, le laissant estomaqué sur le lit, entièrement nu.

-Tocard !?! Parce que je suis mort et je suis revenu à la vie sans savoir comment !?! C’est dur, là…

Occupée à m’enrouler dans le drap bleu métallisé, je ne lui adressais même pas un regard.

-Personne ne peut revenir à la vie, Dante Thurston. Donc, tu n’es jamais mort. Maintenant, si tu permets, je pars à la recherche de mes vêtements. Au revoir.

-Hélène…

Mais j’étais déjà sorti de la chambre. A peine en ais-je franchi le seuil que deux grands bras me ceinturèrent par derrière, me soulevant littéralement du sol pour me ramener au lit.

-Hé ! Dante, lâche-moi ! Laisse-moi partir !

-Non, grogna-t-il en me laissant tomber par terre, comme je me débattais.

-Ouch…

Il posa sur moi un regard brûlant, son expression grave m'alarmant quelque peu.

-J’ai besoin de toi, Hélène. Tu m’as vraiment enterré. Et je suis réellement revenu à la vie.

Assise par terre, je le dévisageais.

-Tu es mort, alors ?

Son soupir me fit un drole d'effet. Comme une gifle de la réalité.

-D’une balle dans la tête, Hélène. C’est toi la dernière personne que j’ai vu avant de mourir, je te signal.

Qu’aurais-je pus dire face à ça ?

A part : « ok, je vais t’aider à comprendre ce qui ce passe ».

Mais il se passait quoi, bon sang !?! Il m’avait expliqué s’être réveillé dans un cercueil à l’intérieur violet satiné –je l’avais choisis-, après quoi il avait dû s’extirper hors de terre par la propre force. J’avais du mal à réaliser la chose. Cela faisait très zombie.

Néanmoins, j’attendais patiemment devant la porte du petit cabinet de docteur, installé dans son immense maison –je ne l’avais même pas vu lors de la visite avec le notaire Manneville-. Assise dans les escaliers blancs, j’attendais, en tendant l’oreille pour tenter de percevoir les brides de conversation.

Dante avait refusé de me laisser entrer. Pourtant, il aurait bien eu besoin d’aide pour expliquer tout cela au médecin, dont le cœur avait frôlé l'infarctus en voyant le célèbre récent mort tout à fait vivant.

-C’est elle !

Je sursautai sur ma marche d’escalier. En bas, la petite amie de Dante me pointait d’un doigt accusateur, encadré par des colosses à la mine patibulaire. Blonde, avec une robe moulante des plus indécentes, sa bouche peinturlurée de rouge formait une courbe peu sexy. Mince, elle s’appelait comment, déjà ? Patty ? Katty ? Polly ? Penny ?

-Debby ! Quel plaisir de te revoir…

-Sale garce ! hurla-t-elle en grimpant les marches quatre à quatre, le rebord de sa robe rose dévoilant trop de chose à ma vue indignée. Dante aurait dû tout me léguer ! Qu’est-ce que tu lui as fait pour hériter de tout !?! Oh ! Tu as dû le tuer, avoue !

Sidérée, je fixais Debby et les deux colosses, sans comprendre. Que fichaient-ils ici, d’abord ?

-Tuer ? Mais qui ?

-Dante Thurston ! La poule aux œufs d’or ! Tu vas mourir pour m’avoir lésée, Hélène Valens !

-Quoi !?!

Un des golgoth m’attrapa par l’épaule, si fort que des larmes me montèrent aux yeux…. Qui se figèrent en même temps que ma personne au vu du pistolet. La réplique exacte de celui de mon père, lors de mes entraînements.

-Heu… On se connaît à peine, c’est un peu tôt dans notre relation pour tenter de me tuer, non ?

-Saigne-la ! cria Debby.

Le sang déserta mon visage. J’allais mourir ? Oh non… Quoique, si je revenais comme Dante, ce n’était pas si…

La détonation raisonna, me vrillant les tympans. Je fermais les yeux par réflexe… Sans que les affres de la souffrance ne me tombent dessus. J’entrouvris un oeil. Découvris le tireur terrorisé, les mains en l’air, son arme au bout du doigt.

-Vous vous rendez compte de ce que vous venez de tenter, monsieur ?

La voix de Dante, plus froide encore que la mort à laquelle il avait échappé, m’attira. Vêtu d’un costume trois pièces, sans la veste, il était en bras de chemise, son veston gris soulignant l’étroitesse de ses hanches… Et son regard bleu acier aurait pu tuer.

Mais surtout… Surtout, entre ses doigts se trouvait la balle destinée à m’assassiner. Il referma son poing, faisant plier le métal dans un grincement.

-C’est mon mort de garde, lançai-je, avec un sourire moqueur.

-Exactement, confirma froidement Dante. Et je vous conseille de partir sur le champ si vous tenez à la vie.

Ils partirent tous dans des hurlements de terreur, Debby atteignant la première la sortie, avec son cri strident de poupée Barbie. Je gloussai, ce qui me valut une tape sur la tête de la part de Dante.

-Que sont devenus tes reflexes, Hélène !?! Tu aurais pu te faire tuer !

-Mais non…

Il brandit sous mon nez la balle écrasée.

-Si, tu aurais pu te faire tuer.

Je lui envoyai un baiser.

-Pas avec mon mort de garde.

Il roula des yeux résignés.

-Bon, ok. Viens avec moi. Tu n’es même pas en sécurité dans ma propre demeure. Je vais devoir y remédier.

-Qu’a dit le docteur ? demandai-je, tout excitée en le suivant dans le cabinet.

-Une chose qui ne lui a rien valut, grommela Dante en désignant le médecin étalé sur le sol, inconscient.

-Oh…

Le cabinet de soin était standard, avec placards laqués de blanc, une grande lumière aveuglante, un médecin –inutilisable pour le moment-, et…

-C’est quoi cette grosse boule de tôle froissée ?

Elle trônait en plein milieu de la pièce. Dante haussa les épaules, les mains dans les poches de son pantalon de costume.

-La table d’examen.

-La table de… Tu plaisantes ?

-Ce qu’il m’a annoncé m’a un peu mit en colère. J’ai eu besoin de me défouler.

Je passais du reste de la table à Dante, une dizaine de fois, avant de devoir me rendre à l’évidence. Il tenait désormais plus d’Hercule que de l’humain.

-Tu es plus fort que ce que je pensais.

-Que ce que je pensais aussi, marmonna-t-il.

Un coup d’œil au médecin me fit poser la question.

-Heu… Dante… Qu’est-ce qu’il t’a dit pour te mettre suffisamment en rogne pour… En arriver là ?

Le grand informaticien poussa un grondement, dévoilant ses dents. Ses canines surtout. Me renvoyant brutalement à ce qu’il m’avait dit plus tôt, à ce qu’il avait fait à une balle en plein vol. Oh purée…

-Visiblement, j’ai toutes les caractéristiques du vampire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top