Chapitre 14 : Frustration
Quelques dix minutes plus tard, nous nous trouvions dans le bureau épuré d’Elwis. Confortablement installé dans son fauteuil, il nous examinait de la tête au pied, Dante, moi, et Dragan, dont le sourire était rayonnant. Il s’amusait comme un petit fou.
-Alors. Pourquoi devons-nous trouver le cadavre de notre chère scientifique ?
-Parce qu’il est la clé, répondit simplement Dante.
Tendu, il se tenait raide dans son fauteuil. La scène de sang de tantôt avait dû le perturber quelque peu.
-La clé ? Nous cherchons des informations, pas un cadavre pourrissant !
-Vous m’avez fait chercher pour que je trouve ces informations, cingla Dante en se penchant en avant. Je suis le clone de Dragan, j’ai donc le même mode de pensée. Quand Lévine m’a tiré une balle dans la tête, cela m’a fait comprendre où j’aurais dissimulé toutes ces informations vitales à toute une race. A un seul endroit où personne ne viendrait le chercher.
-Quel est cet endroit ? s’impatienta le fantôme du scientifique. Bon sang, Dante, je ne me souviens de rien ! C'est extrémement frustrant.
Elwis trépignait lui aussi, les yeux brûlants d’une fièvre que je ne lui avais encore jamais vu. Inquiète, je me tournais vers Dante… Dont le sourire était rusé.
-Dans ma molaire, susurra-t-il en tapotant sa joue.
Nous restâmes tous interdits. Une molaire ? La molaire d’un zombie ? Il se moquait de nous ?
-Mais oui ! s’exclama Dragan, soudain exalté. C’est une dent inutile pour les vampires !
-Et c’est le seul endroit du corps suffisamment accessible pour dissimuler une capsule… Où pour se confectionner une cache sur mesure. Sans que quiconque ne le sache. Jamais.
-De plus, les dents sont conservées fort longtemps. Dante, mon ami, nous sommes géniaux !
Pour un peu, il l’aurait pris dans ses bras, s’il ne l’aurait pas traversé. Mon amant souriait finement. Une molaire… Ce cinglé de fantôme avait réellement caché des informations sur un sérum dans sa molaire !?
-D’accord, si cette théorie est bonne… Où se trouve le cadavre ?
-Oh, ça… Dans une de mes propriétés. Enfin… Dans une de celles d’Hélène, puisque pour le moment, tous mes biens sont encore à mon nom.
Dans une des… Oh non… Il ne voulait tout de même pas dire…
-La bibliothèque de Toulon ? glapis-je, horrifiée. Il y a un cadavre de zombie dans la bibliothèque !?
Dante m’adressa un clin d’œil.
-Dragan a dû faire en sorte que je sois capable de le retrouver facilement. Or, il devait savoir pourquoi j’affectionne tant cet endroit.
-Parce que c’est l’endroit où vous vous êtes déclaré votre flamme pour la première fois ? lança le scientifique.
-Non, soufflai-je. Parce que c’est l’endroit où nous nous sommes rencontrés pour la toute première fois.
Lors de mes quatre ans, j’avais fait des pieds et des mains pour que mon père m’emmène dans cet endroit, qui à l’époque était le Musée d’Histoire Naturelle de Toulon. C’est là que, pour la toute première fois, j’ai fait la connaissance de ce jeune garçon habitant la maison à côté de la mienne.
*
Elwis nous conseilla de nous reposer, pendant qu’il rassemblait des hommes pour entrer dans la bibliothèque de Toulon, de nuit.
Je me retrouvais donc plaquée contre le mur de la chambre, frissonnante contre le corps de Dante logé entre mes cuisses. Il m’embrassait avec un désir ravageur, ses crocs effleurant ma peau sensible. A l’instant, où il posa ses mains sur mes fesses, j’étais prête à tout… quand il s’écarta brusquement de moi, réajustant d’un geste quelque peu tremblant son veston.
-Bon. Elwis doit faire le plein de sang avant la sortie de cette nuit.
-Hein ? balbutiai-je, sans comprendre.
Les seins à l’air libre, mon short ouvert de travers, les lèvres rouge de ses baisers… je me sentais franchement délaissée. Surtout quand il m’adressa un regard brûlant et moqueur à la fois.
-Intéressant… susurra-t-il. C’est toi qui me punit en me privant de sexe, et c’est moi qui te frustre. J’adore…
-Je.. Heu… Hé, ho, tu me fais quoi, là !?!
Il m’embrassa furtivement tout en baissant mon t-shirt sur mes seins, me faisant délicieusement frissonner.
-On va profiter de la distraction d’Elwis pour partir. Nous devons atteindre la bibliothèque avant lui.
-Hein ? balbutiai-je. Mais… Mais…. Pourquoi ?
-Une monnaie d’échange, Hélène. J’ai besoin d’une monnaie d’échange pour nous libérer tout les deux.
*
Frustrée au possible, je me retrouvais donc à raser les murs de l’antre des vampires, pour tenter d’atteindre le garage sans être repérée. Bon, ce n’était pas compliqué. Visiblement, tous les vampires fêtaient leur superbe prise : mon père et mon mari, la tête pensante des Chasseurs. Tous se gorgeaient de sang à en perdre la tête, au point que je dus enjamber un vampire rond comme un ballon écroulé par terre, un filet sanguinolent à la commissure de son sourire béat.
Nous arrivâmes discrètement dans les garages, bourrés de voitures de collection et de Lamborghini hors de prix. Dante choisit l’une d’entre elle, en me faisant une petite remarque du style « ça me rappel ma sortie de l’armée : j’ai fêté ça en m’offrant le dernier modèle de l’époque ». J’avais l’impression de ne pas même pouvoir poser mes fesses sur le cuir, tant l’habitacle respirait le luxe.
Néanmoins, nous sortîmes sans encombre. Une chance, car une fois aux abords de Toulon, nous tombâmes sur les sempiternels embouteillages. Nous n’avançâmes presque pas durant une heure. Si quelqu’un nous avait poursuivis, il nous aurait fallut fuir à pieds ! Le deuxième stade fut celui de la quête désespérée d’une place de parking. Quand nous en trouvâmes une, aux abords de la clinique près de la gare, ce fut uniquement grâce au départ des infirmières d’après-midi.
Il faisait donc nuit quand nous atteignîmes les portes de la bibliothèque.
Imposante, majestueuse. Sa forme de U la faisait s’avançait vers nous telles les pattes d’un sphinx, les cariatides de la façade illuminée nous défiant de pénétrer dans son enceinte. Mais justement : il y avait trop de lumière. La surface de la fontaine scintillait sous cette débauche, pas un centimètre de pavé ne disparaissait dans une parcelle d’ombre. Nous ne pourrions jamais y entrer sans être repérés aussitôt. Aussi restais-je interdite devant le grand portail, un grillage ouvragé protégeant le bâtiment des importuns.
-Comment nous allons entrer ? fit Dante, étonné de mon inquiétude. Tu es bête, ou quoi ? Ha non, c’est vrai, juste frustrée par ta propre punition à mon égard…
-Sale type.
-Monsieur Thurston, je vous dérange, peut-être ?
Je sursautai en me retournant, pour découvrir un homme à lunette, en costume impeccable.
-Ha, Manneville ! s’exclama Dante en prenant dans ses bras le notaire. Heureux de te voir entier !
-Je vous le dois, Monsieur, sourit-il. Sans votre férocité au combat, ces fous m’auraient certainement eu. Votre épaule va mieux ?
-Je réagis plutôt bien aux balles, ces derniers temps. Tu as la clé ?
-Bien sûr, Monsieur. Madame Valens…
Désemparée, j’articulai un son inintelligible, qui fit sourire ce maudit vampire. Une main sur ma taille, il fit signe à Manneville de s’approcher du portail… Qu’il déverrouilla avec une clé. Ancienne, lourde, en fer forgé elle aussi.
-C’est une blague ?
-Non, pas du tout, rit Dante en m’attirant vers le bâtiment illuminé.
-Madame l’a peut-être oublié, mais cette bibliothèque fait partie des propriétés de Monsieur Thurston. D’ailleurs, les papiers ont été acceptés. Vous êtes de nouveau vivant et détenteur de vos biens.
-Parfait. Ça a couté combien ?
-La note de frais est pour moi. Considéré cela comme un cadeau de résurrection.
-Merci, Clément. Ha, le personnel a évacué les lieux ?
-Comme demandé. Voulez-vous que je reste ?
-Non, la nuit promet d’être mouvementée.
Incapable de suivre plus longtemps leur conversation, j’observais la façade de la bibliothèque, hypnotisée. Les médaillons peints semblaient nous dévisager, les jeux d’ombres leur donnant une vie propre. Debout sur le perron, devant la grande porte vitrée prenant toute l’arcade, je me sentais minuscule, impressionnée par la majesté des lieux. Ce ne fut que lorsque Manneville s’éloigna, que je retrouvais mes esprits.
-Le cadavre de Dragan se trouve réellement ici ? balbutiai-je.
-Oh, oui, cela ne fait aucun doute, sourit Dante en dévérouillant la porte vitrée. Viens, ma gâchette fleurie. Nous devons faire vite.
L’intérieur du bâtiment était intimidant. La statue d’un ange dompté par un colosse de muscles, tendant la main vers le ciel en quête de liberté, paressait douée elle aussi de vie. Un couloir longeait la façade, dissimulant un double escalier colossal. Les marches faisaient trois ou quatre mètres de larges, les rampes auraient pu être des bancs. En arrivant en haut, j’eu le souffle coupé en découvrant les portes de la bibliothèque, dissimulée à cet étage, entre-ouvertes.
-Mais… Comment allons-nous le trouver ? murmurai-je, de peur de laisser ma voix raisonner entre ces murs anciens.
Dante, ma main dans la sienne, ne me répondit pas tout de suite. Autant attiré que moi par la bibliothèque, il m’y entraîna.
Des rayons s’alignaient sur parquet craquant sous nos pas. Sur les murs de plusieurs étages, des étagères courraient, ployant sous le poids de livres. Un escalier à colimaçon montait jusqu’au plafond, guidant nos pas au milieu de ce trésor de pages, les senteurs de bibliothèque emplissant tout cet espace magique.
-Tu crois qu’il est ici ?
-Dragan ? Oh, non pas du tout, gloussa Dante.
-Ha bon…
Je fis courir mes doigts sur les tranches des livres, savourant autant leur contact que le bruit du parquet sous mes bottines. En bout de rayon, je découvris l’espace de lecture. Des longues tables étaient alignées, strictement anonymes, permettant à tout visiteur de lire. Dans la nuit, l’ambiance était étrange. Intimiste.
-Hélène.
Le timbre rauque de Dante fit battre mon cœur plus vite. Me tournant vers lui, je le découvris en train de desserrer sa cravate d’une main, et de déboutonner chemise et veston de l’autre.
-J’aurais voulu faire ça de manière plus romantique, mais je n’en peux plus.
En un clin d’œil, je me retrouvais renversée sur le parquet poli par les ans, le poids de mon vampire pesant sur moi.
-Quoi ? Là, maintenant ? En pleine…
-J’ai les crocs, gémit-il en enfouissant son visage dans mon cou. Je n’ai rien bu depuis que tu m’as ramené à la vie dans la cave.
Heu… Ce n’était pas follement romantique, mais son léger mouvement de bassin, contre le mien, me coupa le souffle, faisant accélérer les battements de mon cœur. Dante le sentit, la pointe de sa langue suivant le trajet de ma carotide.
-Ton fantasme a toujours été de faire l’amour dans une bibliothèque, si je me souviens bien…
-Dante…
Ses mains glissèrent sous mon short, effleurant ma petite culotte. Je me cambrai en haletant, mes ongles se plantant dans son dos.
-Ce serait le moment idéal pour…
-Oh, bon sang, Dante ! grommelai-je en l’empoignant par les pans de sa chemise, pour l’embrasser au point de lui faire oublier toute parole.
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