Chapitre 12 : Telle une fiente
Dante se leva calmement, afin d'affronter le canon du fusil à pompe pointé sur lui. Le doigt de Lévine, livide de fureur et de jalousie, frémissait sur la gâchette. Il se retint de sourire méchamment. Il avait rêvé, ces dernières années, de voir une telle expression sur son visage. Lui, qui avait pu épouser Hélène.
Néanmoins, il se contenta d'un insolent haussement de sourcil.
-Encore une balle ? susurra-t-il en effleurant la rougeur persistante sur son front. Ça ne fonctionne pourtant pas très bien...
Lévine, en dépit de sa peau sombre, devint rouge de fureur, ses yeux empli d’une envie de meurtre.
-Voir ton corps criblé de balles seras suffisant pour le moment, gronda-t-il, en appuyant sur la gâchette.
La détonation explosa dans l’air… Et une pluie de plâtre tomba entre eux. Le canon du fusil était tordu vers le ciel, l’empreinte de la main de Dante le déformant. La tête que fit Lévine valait le détour.
-Désolé de vous décevoir, fit froidement le vampire, mais les fantassins à terre ne signifient pas la fin des hostilités.
-Que veux-tu dire, sale rejeton du Diable ? siffla le père d’Hélène.
-Bonsoir, Bernard.
-Réponds !
Dante ignora ce vieux désagréable pour aider Hélène à se redresser. Elle embaumait l’odeur de son sang, lui donnant les crocs. Toutefois, une partie de jambe en l’air n’était, pour le moment, pas la bienvenue.
-Les zombies étaient trop détériorés, fit Hélène, en s’appuyant sur lui. Ils ne ressemblaient pas à ceux qui ont tenté de nous enlever.
-Effectivement, approuva le fantôme de Dragan.
Mince, il était là depuis combien de temps, celui-là ? Dante n’eut pas réellement le temps de se poser la question. Il fallait parer au plus pressé.
-Leurs chefs sont les mieux conservés, continua-t-il. Ils doivent être en chemin, maintenant, pour venir récupérer mon corps.
-Ton corps ? railla Lévine. Je serais heureux de le leur jeter en pâture !
-Dis encore une chose de ce genre, et je t’émascule.
Hélène avait dit cela si froidement, que tous en restèrent sans voix. Elle enfonça son index dans le torse de son mari, le cou tordu pour pouvoir le fusiller du regard.
-J’ai déjà cru perdre Dante deux fois, en moins d’une semaine. Je bute le prochain qui me fait ce genre de mauvaise blague. C’est bien compris ?
-On est marié, je te rappel !
-Ha ouais ? Pourtant, on est censé tout se dire, non ? Tu ne m’as pas dit que mon père t’avais envoyé pour me surveiller ! Tu n’as pas dit non plus que tu étais un chasseur de vampire ! Tout notre mariage repose sur un mensonge, Lévine !
Oh oh… Dante observa le couple s’entredéchirer, aux anges. Bernard, lui, était perdu, ne sachant que faire pour arranger la situation.
-Dragan, pouvez-vous vérifier la position des ennemis ?
-Bien sûr, fiston.
Le fantôme disparut, laissant la dispute en huis-clos.
-Bon, ca suffit, finit-il par dire, en attirant Hélène à lui. Je dois tenter de vous faire survivre pour le moment, alors cesser de vous chamailler.
-Je peux très bien m’en sortir sans toi, sangsue !
-Oh, Lévine… Je survis aux balles dans la tête. Et toi ?
Sa seule réponse fut un regard noir.
-C’est bien ce qui me semblait. Ha, Dragan. Où se trouvent-ils ?
Le fantôme réapparut, juste à ses cotés. Pour la première fois, les deux chasseurs parurent faire le rapprochement entre eux deux. Car leur mâchoire manqua se décrocher.
-Dans le vestibule. Ils hésitent entre le salon et la cuisine. D’après les plans…
-Il vaut mieux prendre les escaliers de la salle à manger pour monter à l’étage et sauter sur le frêne qui touche la chambre d’Hélène... Hé, ne me regardez pas comme ça, Bernard. Je sortais avec votre fille quand elle avait seize ans, je vous rappelle. Je connais bien la maison.
-Quoi !? s’exclama Lévine.
-Stop ! intervint Hélène. A partir de maintenant, tout le monde se tait ! Et on suit Dante. Tout renâclement sera passible d’un abandon sur place, c’est clair ?
*
C’est ainsi que je me retrouvais à raser les murs dans ma propre maison d’enfance.
Avec, dans l’ordre : moi, mon mari, mon père, mon amant. Et le fantôme du clone de mon amant en éclaireur.
La montée des escaliers fut ardue, car nous étions pliés en deux. Je présentais mes fesses à Lévine, or, dans les présentes circonstances, cela ne m’enchantait pas, mais pas du tout. Qui plus étais, Dante restait en arrière, au cas où les zombies nous repéreraient.
Nous pouvions entendre le bruit de leur progression. Leur respiration rendue saccadée par des gorges déchiquetées par la pourriture, des cliquètements d’armes, le raclement de leurs pieds alourdi par la dégénérescence… Et le murmure gutturale de leur voix d’outre-tombe, alors qu’ils se communiquaient les informations sur notre probable localisation.
L’étage était dégagé. Nous nous faufilâmes dans ma chambre, celle-là même où j’avais découvert la roublardise de mon père et de mon mari. Ou celle où Dante m’avait fait l’amour pour la toute première fois.
Nous dûmes penser la même chose en regardant le lit, qui n’avait pas bougé d’un pouce, car nous échangeâmes un regard lourd de sens. Néanmoins, il alla inspecter l'exterieur, par la fenêtre. La nuit noire couvrirait notre départ, mais le silence ambiant rendait impossible la moindre erreur. Le son se propageait comme sur la surface d’une mer calme.
-Trois d’entre eux patrouillent dans le jardin, chuchota Dante, occupé à déverrouiller la fenêtre. Je passe devant. Je réceptionne Hélène, puis vous deux. Dragan, faite le guet.
-En bas de l’arbre ?
-Oui.
Le frêne avait encore poussé depuis mes seize ans. Les branches se trouvaient quasiment dans ma chambre, aussi l’entreprise n’allait-elle pas être si ardue. Dante sauta sur la plus épaisse, avec la grâce d’un félin. Pas une feuille ne broncha, pas un bruit ne vint perturber le silence. Il me fit signe de me rapprocher. Montant sur le rebord de la fenêtre, j’avalais brusquement ma salive.
Un pas de côté, et je me retrouvais le nez encastré dans le sol quatre mètres plus bas. Heureusement pour moi, un hurlement de rage retentit quelque part dans la maison, précipitant les choses : mon père me donna une violente poussée dans le dos… et je dérapais de mon perchoir. Mes fesses heurtèrent le rebord, mes doigts effleurèrent la branche à laquelle j’escomptais m’accrocher… Mais je chutais vers le sol, prête à m’écraser telle une fiente de pigeon sur le bitume, au son du cri de Lévine…
Pour atterrir dans les bras de Dante, les pieds fermement plantés dans le gazon, qui adressa une œillade meurtrière à mon si prévenant père.
-Vous êtes vraiment rapide, fit-t-il en s’avançant sur la branche, suivit de près par Lévine.
-Faite encore un mauvais tour à Hélène, et vous le regretterez amèrement.
-Tu menaces notre chef de mort, maintenant !? Cracha mon mari, peu ému de me voir tétanisée dans les bras de mon amant, les poings crispés, les paupières grandes ouvertes.
-De mort ? Oh, non. N’oubliez pas qui je suis. Je peux faire de votre vie un enfer grâce à ma seule fortune. Croyez-moi.
-Da… Dante… Po… Se moi par… Terre…
-Désolé, ma gâchette fleurie, mais ça ne va pas être possible.
-P… Pourquoi ?
-Parce que la bétise de ton père a attiré les zombies.
C’est ainsi que je me retrouvais chargée sur son épaule, mon estomac, déjà retourné, compressé au possible. Ajoutez à ça l’odeur pestilentielle de nos poursuivants, et vous obtiendrez une nausée de luxe.
Lévine et mon père courraient comme des dératés, suivant tant bien que mal l’allure ralentie de Dante. Par égard pour moi, présumais-je, il ne pouvait se résigner à les laisser sur place. Aussi les zombies nous talonnèrent en moins de cinq minutes.
-Bande de nazes ! Courrez plus vite ! ordonnai-je aux deux autres.
Cinq zombies, parfaitement lucides, nous pourchassaient, armés de fusils, qu’ils pointaient d’ors et déjà sur nous. Sans jamais ralentir leur course. La vache, ces types étaient entrainés au combat, pour réussir un tel tour !
-La Maison Balder !
L’exclamation de Dante raisonna contre ma hanche. Je me tortillais, pour découvrir une rangée de vampires vêtus de jeans et t-shirt tachés de peintures, marque de fabrique de cette Maison sur le champ de bataille. Jason à leur tête, ils étaient tous muscles et crocs dehors. Dante attendit d’avoir passé leur barrière avant de s’arrêter net, suivit des deux autres.
-Surveillez-la, ordonna-t-il à mon père et à mon mari. Je vais les aider.
-Tu viens t’amuser, Dante ? lança Jason, avec un grand sourire dentu.
A peine mon amant disparut-il dans la bataille, que mon mari me plaquait contre lui pour un baiser renversant.
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