Chapitre 11 : Une cave dans le noir
C’était encore pire que prévu. Les zombies étaient arrivés en masse, prenant par surprise les chasseurs de vampires. Ils tirèrent dessus, sans réussir à les arrêter, pris au dépourvu par ces créatures plus mortes que vivent.
Alors qu’un carnage se perpétrait dans les couloirs de la maison où j’avais grandis, je fus jetée dans la cave emménagée de mon père. Oh, je n’étais pas seule. Avec moi se trouvait le susmentionné père, Lévine et une poignée de survivants. Le reste se faisait dévorer à l’extérieur, dans un concert de grognements, de claquements de dents et du bruit humide de chairs déchiquetées.
-Je croyais les zombies incapables d’attaquer en groupe ! s’exclama Lévine, un fusil à pompe à la main.
Il aurait été sexy, ainsi, si je n’avais pas été autant en colère contre lui. Dans la cave à la lumière clignotante, l'air glacial me faisait frissonner.
-Les zombies sont le deuxième stade d’évolution des vampires, soupirai-je, essoufflée par notre fuite. Vous ne savez même pas ça ?
-Heu…
-Quoi, vous ne saviez pas ça ?!
Je les interrogeai tour à tour du regard. Aucun n’osa le soutenir, me laissant pantoise.
-Nous pensions les vampires immortels…
-Ils le sont ! Mais pas forcément physiquement. Ils sont vampires, puis zombies, puis fantômes. Tiens, comme Dragan, là. Dragan !?
Le scientifique translucide me fit un grand sourire, tandis que les autres sursautaient. Je fus très fière de ne pas suivre leur exemple.
-Salut, Hélène. Encore dans un sacré pétrin, à ce que je vois. Chasseurs plus zombies… Joli score.
Au même instant, la porte de la cave vibra, sous le poids de corps se projetant contre elle. Oh non… S’ils parvenaient à entrer ici, nous allions nous faire dévorer tout cru.
-C’est quoi ce bordel !? rugit mon père en reculant.
Il paressait perdu, dépassé par une situation chaotique. Son mouvement dévoila un coin de la cave, mal éclairé, où…
-Dante !
Son corps gisait sur le sol. Je me précipitai vers lui, les larmes aux yeux. Ils l’avaient ramené jusqu’ici ! Voilà pourquoi les zombies étaient venus… Ils le cherchaient toujours, avec une soif de plus en plus démente. Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi au moment où il m’avait de nouveau quitté, son sang auréolant son visage ?
Son sang…
-Ils veulent le dévorer ! C’est pour ça qu’ils sont ici !
-Ils doivent penser qu’en mangeant ses chaires, ils redeviendront comme avant, approuva Dragan. Ironique, non ? Les vampires veulent évoluer grâce à lui, les zombies veulent régresser à leur état antérieur…
-C’est quoi, cette histoire ? fit Lévine, son fusil braqué sur la porte.
Ils frappaient tellement fort, à présent, que de la poussière tombait du plafond, les briques entourant les gonds vibrant de plus en plus. Le plafonnier commençait à osciller, faisant jouer les ombres autour de nous.
-Dragan, croyez-vous pouvoir prévenir la Maison de Balder? demandai-je en me tournant vers le fantôme. Si vous êtes ici, c’est que la nuit est tombée, pas vrai ?
-C’est déjà fait, fillette. Ils seront là dans quelques minutes.
-Ce sera déjà trop tard, gémis-je, ma main agrippant la chemise de Dante.
-Oh, il y a un moyen de contre-attaque bien plus rapide, gloussa Dragan en s’agenouillant près de moi. Ouvre-toi les veines.
-Quoi !? rugirent mon père et Lévine. Hors de question !
Je saisis le petit couteau, donné tout à l’heure pour me défendre. Sans poser de questions, je me tailladai l’avant-bras, dans le sens de la longueur. Je n’allais pas me couper les ligaments, non plus ! En voyant le vermeil s’épanouir sur ma peau, je compris soudain.
-Il n’est pas mort, n’est-ce pas ?
-Non, sourit Dragan. Il a juste besoin d’un petit stimulant pour revenir. Et d’après ce que j’ai compris, tu es le meilleur d'entre tous pour lui.
Je baissais les yeux sur Dante. Immobile, pâle comme la mort, avec un trou parfaitement circulaire creusé dans son front. A peine quelques gouttelettes de sang tâchaient sa peau, le reste constellant le sol de béton, sous sa tête.
-Ne fais pas ça, Hélène ! supplia mon époux, sans quitter des yeux la porte, en train de se fissurer. Donner son sang à un vampire est la pire des choses à faire !
-Je l’ai déjà fait, crétin, cinglai-je.
Je plaquai mon avant-bras sur la bouche de Dante.
Une, deux, dix secondes passèrent. Sans aucune réaction, sans aucun changement. A l’extérieur, ils continuaient à tambouriner, de plus en plus fort, de plus en plus violemment. A la onzième, la porte vola en éclats, livrant passage à des zombies affamés de la chair de mon amant.
Ils se heurtèrent aux chasseurs, dont la hargne de survivre fut redoutable. Néanmoins, ils étaient trop nombreux, trop assoiffés de sang pour tous les contenir. Je vis un zombie se ruer vers moi, son visage à moitié décomposé tordu par une faim atroce. Saisissant un bâton sur le sol, je l’accueillis comme une Pinata. Sa tête éclata dans une gerbe de fluides immondes, des gouttelettes m’aveuglèrent. Je lâchais un juron en dégageant mes yeux du liquide… Et quelque chose me heurta. Je rebondis sur le mur derrière moi, l’arrière de mon crâne cognant violemment. Des étoiles dansèrent devant la lumière glauque du plafonnier, les sons pulsèrent à mes oreilles, étouffés par ceux de mon sang battant à mes tempes.
Lévine et mon père luttaient pour survivre, face à des dizaines de zombies. Une balle perdue avait fait sauter le plafonnier, dont l’ampoule grésillait par intermittence, éclairant la cave par à-coup, au rythme des coups de feux. Dans cet affreux jeu de lumière, je vis un de ces monstres s’approcher de moi en rampant, ouvrant sa bouche à moitié édentée. Sa main spongieuse et humide se referma autour de ma cheville, ses ongles ébréchés m’écorchant au passage. Je tentais de me redresser, prête à me défendre…
… Quand la lumière s’éteignit. Des hurlements retentirent, un craquement assourdissant déchira les ténèbres. Une deuxième main cadavérique m’agrippa, une haleine pestilentielle emplit mes narines. Entre les coups de feux de Lévine et de mon père éclairant les lieux, je vis la silhouette de Dante se dresser au-dessus du zombie. Une seconde, il l’attrapait à la gorge… la suivante, un crâne ensanglanté roulait à mes pieds. Mes yeux croisèrent ceux de Dante, d’une froideur polaire. Puis les coups de feux cessèrent, la lumière disparut.
Un concert de râles, de hurlements de douleurs explosa, rapidement remplacé par un silence pesant. Lorsque Lévine trouva sa lampe-torche, Dante se tenait à mes côtés, assit sur ses talons, à m’observer tel un chat sa proie.
Derrière lui, mon père contemplait, effaré, les cadavres autour de lui, encore en mouvements une seconde auparavant.
-Tout va bien ?
J’observai mon amant, dont la voix plus basse que de coutume emplissait l’espace. Derrière lui, Lévine s’approchait, livide. Tendant le bras, j’effleurai les lèvres tachées de mon sang de Dante.
-Avec mon mort de garde ? Évidemment.
Il me sourit, une lueur de soulagement dans ses yeux bleus… Quand le bruit d’un fusil que l’on chargeait brisa la béatitude de l’instant.
-Éloigne-toi de ma femme.
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