Chapitre 1: Le Testament

Lovée dans un fauteuil, une tasse de chocolat chaud à la main, je fixais les cieux orageux, la pluie s’abattait sur la fenêtre. Lévine était parti depuis deux heures. Une affaire de toute urgence à Paris, avait-il dit. Juste en cet instant, où j’avais terriblement besoin de lui.

L’enterrement c’était passé comme dans un cauchemar. Plus qu’un hommage à un homme merveilleux, il avait tourné à un défilé de mode de tous les grands obséquieux de ce monde, qu’il avait côtoyé. Dante avait été entouré de fieffés prétentieux, dont le chagrin avait plus pour cause la boue sur leurs chaussures en daim que l’idée de l’enterrer. De le faire disparaitre six pieds sous terre. De rayer son nom de celui des vivants.

J’avais été la seule à pleurer. Vêtue de noire, sans élégance, j’avais pleuré, au point que même la pluie ne pouvait dissimuler mes larmes. Dante était mort. Et la seule personne sur terre à le pleurer était une pauvre bibliothécaire, qui avait osé lui dire une minute avant sa mort qu’elle ne voulait plus le voir.

Je n’avais pas eu la force d’assister au repas de funérailles. J’étais rentrée directement chez moi, pour sécher mes larmes en me plongeant dans mes souvenirs. Lévine était parti, me murant dans la solitude.

Trois heures plus tard, on sonna à ma porte. Mon ventre se noua, les épisodes de cette fameuse nuit, où l’on avait assassiné Dante, me revinrent. Le sang, tout ce sang. La mort. La fuite de son assassin… Lévine l’avait pris en chasse, mais il n’était pas parvenu à l’attraper. Je crois qu’il s’en voulait.

La boule au ventre, je m’arrachais à mon fauteuil, pour aller ouvrir. La personne insistait, je n’avais pas le choix. Je découvris sur mon seuil, dégoulinant d’eau de pluie, un homme à la mine enjouée, une mallette à la main.

-Bien le bonjour. Etes-vous madame Hélène Valens ?

Réchauffant mes mains sur ma tasse de chocolat chaud, je hochai la tête.

-Je me nomme Clément Manneville. Je suis le notaire de feu monsieur Dante Thurston.

-Oh… Vous vous trompez d’endroit, monsieur Manneville, le repas à lieu…

-Je ne me méprend pas sur l’adresse, madame Valens. Puis-je entrer ?

-Heu… Oui, bien sûr…

-Merci.

Dans le salon, le bruit de la pluie battant les vitres meublant le silence, je lui servis une tasse de chocolat chaud. Toujours souriant, il sortit des documents de sa mallette, ainsi qu’un boîtier transparent, avec un CD à l’intérieur, marqué « Pour Hélène ». Ma gorge se noua.

-Je ne veux rien, soufflai-je en comprenant ce qui allait se passer. Dante était pour moi…

-Je vous comprends, madame Valens, sourit le notaire en chaussant ses lunettes. Néanmoins, monsieur Dante était mon ami. Je respecte sa mémoire en vous faisant écouter son testament.

Testament… Le mot me donna la nausée. Pourtant, je restais clouée sur ma chaise. C’était impossible. Je ne pouvais pas me trouver sur ce testament. Je ne l’avais plus vu depuis des années…

-Nous devrions attendre les autres personnes pour ça, non ?

-Vous êtes l’unique bénéficiaire du testament. Puis-je commencer ?

La gorge nouée, je hochais la tête. Autant en finir vite. Ainsi, je pourrais dire que je refusais tout plus tôt. Et retourner à mes souvenirs…

-Bien. Vous, madame Hélène Valens, héritez de l’intégralité des biens de monsieur Dante Thurston. Cela comprend ses parts de l’entreprise Thurston, son siège de PDG de l’entreprise Thurston, sa maison à Solliès-Toucas, son appartement à Paris, celui à Rome, Venise, Miami, New-York, Tokyo, Kyoto, Séoul, Pékin…

S’en suivit une liste astronomique de maisons, d’appartements, de voitures de collections, de cartes pour des clubs réputés à travers le monde. Ce type était encore plus riche que ce que je pensais. Il y avait tant de choses que je perdis le fil, jusqu’à à un point.

-Attendez… Qu’avez-vous dit ?

-Que vous héritez des quatre bibliothèques de feu monsieur Thurston. Toutes trois portent le nom d’ « Hélène de Troie », et se trouvent dans différents pays du monde. L’une en France, l’autre en Afrique du Sud, l’une en Grèce, et la dernière se trouve à Toulon.

-Quoi !?! m’exclamai-je. Mais je suis bibliothécaire ! Je travaille dès lundi à la bibliothèque centrale de…

-Oui, effectivement, approuva Manneville. Monsieur Thurston vous a engagé. Il avait eu vent de vos difficultés à trouver un travail. Mais continuons. L’inventaire de vos nouveaux biens fini, je me dois de vous confier un DVD, enregistré par monsieur cette semaine.

Une vidéo ? Stupéfaite, je vis le notaire se diriger vers ma télévision et mon lecteur DVD. Dès que l’image de Dante apparut à l’écran, les larmes me montèrent aux yeux.

-Normalement, je n’assiste pas à ce type de diffusion, s’excusa Manneville. Mais monsieur a précisé que vous risquiez de mal réagir, et a expressément demandé une présence prés de vous. Comme nous sommes seuls…

Mais je ne l’écoutais déjà plus. Abandonnant ma tasse de chocolat, j’allais m’agenouiller devant l’écran. Si seulement… Si seulement…

« -Salut, Hélène, fit Dante, tout sourire. »

Le son de sa voix déformée fit rouler des larmes sur mes joues, ma main se posa sur l’écran. Il portait un costume, ses cheveux étaient parfaitement coiffés, et ses fossettes ressortaient au coin de ses lèvres. A l’instar de son vivant…

« -Bon, puisque tu regardes ça, c’est que je suis mort. Ou alors, que j’en ai eu marre de te voir roucouler de bonheur avec Lévine. Bon, d’accord, c’est peu probable, mais tout de même, je suis jaloux. »

Il fronçait les sourcils en disant cela. Son sourire revint vite, illuminant ses yeux bleus.

« -Cette vidéo reste une occasion pour moi de te dire d’accepter mes biens ! Non, je ne suis pas menacé de mort. Tu es juste la personne la plus importante à mes yeux, donc je te lègue tout. Félicitation, voisine, tu es riche ! »

Dante éclata de rire, à s’en faire pleurer tout seul.

« -Heu, bon, enfin, bref. Je suis mort, tu me détestes parce que j’ai fait foirer toutes tes anciennes relations, mais acceptes tout de même mes biens, Hélène. Ceci est ma dernière volonté. »

Il tendit la main vers la camera, certainement pour l’arrêter, mais se ravisa.

« -Un dernier truc. Je t’aime, Hélène. Désolé, tu es mariée, pourtant il fallait vraiment que je le dise. Même à une foutue camera. »

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