Chapitre 9


Je me réveille au milieu de la nuit en sueur. J'ai chaud, je n'arrive pas à respirer. J'ai l'impression qu'on m'écrase la poitrine. Plus je me débats pour faire passer l'oxygène, plus que ma vision se trouble. Je n'entends rien autour de moi, mais je prends tout même compte que ma porte de chambre est ouverte. Impossible.

Tout à coup, dans le peu de champs de vision que je possède, j'aperçois Butch. Que fait-il là ? Il est assis sur son arrière-train et me regarde. Voyant que je ne vais pas bien, l'animal se relève et émet un puissant jappement. Cela me saisit et j'arrive à respirer de nouveau. Une main sur ma poitrine, j'essaie de reprendre sur moi, mais j'ai un peu de difficulté. Pour la première fois de ma vie, Butch monte en se couchant sur mes genoux et son museau accoté sur ma main. Ce geste me détend et je le remercie d'être là.

Nous passons de longues minutes dans cette position, jusqu'à, je sois en plein contrôle de ma respiration. Une fois, redevenue, moi-même, je me lève, puis j'ouvre ma fenêtre. Aucun air de vent. L'air semble écrasant. Je passe mon buste pour le confirmer et effectivement, ce sera une journée de chaleur.

Tout à coup, les corbeaux se mettent à croasser et je me cogne le derrière de la tête. Je me rends compte que cela arrive. C'est le deuxième signe. Mauvais présage pour moi. Je prends un grand respire avant d'aller me faire une toilette. Il fait encore nuit, mais j'espère qu'il y aura un peu de fraicheur quelque part.

À pas de souris, je sors de la maison. Si mère apprend que je suis sortie au milieu de la nuit pour marcher, elle me réprimandera. Au fond, rendu là, je m'en contre fiche. Je serais bientôt plus là. Malheureusement, il n'y a aucune brise de vent et les corbeaux croassent. Butch me suit depuis la maison. Je tente d'aller vers la grange, mais ce dernier m'en dissuade. Je ne sais pas pourquoi, je l'écoute. Peut-être est-ce pour mon bien ?

Tranquillement, je me rends à la falaise, espérant un air frais de la mer. Je n'y trouve rien. Même les brises qui surviennent sont chaudes. Je prends une grande respiration en fermant les yeux. Si je sautais de la falaise, est-ce que je m'épargnerais une vie de misère dans un monde que je ne connais pas ? On pleurerait ma mort et d'autres s'en réjouiraient peut-être. Toutefois, je ne suis pas du genre à abandonner si facilement. Je crains seulement ce que j'appréhende.

Soudainement, mon pied glisse lorsque j'entends résonner mon prénom. Je manque de tomber, mais on me retient juste à temps. On me tire et nous tombons à la renverse. J'ouvre tranquillement les yeux en voyant un Sebastian inquiet. Que fait-il là ? Pour la première fois, ses mains se baladent sur mon corps pour savoir si je n'ai rien.

— Que faisiez-vous là ? me demande-t-il à bout de force. Vous vouliez sauter ?

— Non. Ce n'est pas ce que vous croyez Sebastian. J'étais peut-être au bord de la falaise, mais je recherchais du vent frais. J'espérais en trouver ici, mais en vain. Mon pied a glissé parce que vous m'avez fait sursauter. Je ne m'attendais pas de voir quelqu'un.

— Moi non plus, je ne m'attendais pas à voir quelqu'un.

Nous restons un moment ainsi, à nous regarder dans les yeux. Je vois son hésitation. Il se bat contre lui-même. Je sais maintenant que ses mots n'ont jamais été le reflet de ses pensées. Le garçon de ferme m'aime, mais il est trop tard. Je suis vouée à une destinée autre que de vivre dans notre société. Loin du monde que j'aime. Sebastian finit par se relever et je fais de même. Butch nous regarde comme s'il était amusé de la situation et je me secoue la tête.

— Que faites-vous ici, Sebastian ?

— Comme vous, j'espérais avoir un peu d'air frais et je ne m'endormais plus.

— Vous faites des cauchemars.

Il fronce ses sourcils comme si je l'avais épié dans son sommeil. Peut-être que la chaleur nous a tous fait faire des cauchemars. Nous n'y sommes pas vraiment habitués.

— Vous en avez fait, vous aussi ?

— Oui.

— Je vous demande pardon Jennyfer. Tout ce que j'ai dit... Tout ce que j'ai pu...

— Ne vous excusez pas. Aujourd'hui, avec un peu de recul, je comprends mieux.

— Non. Vous ne comprenez rien.

— Au contraire.

— Non. Crit-il, en prenant ma tête entre ses mains. Non, vous ne comprenez pas. Je vous aime Jennyfer, tellement que je manque de souffle chaque fois que je vous vois. Mes journées sont sombres lorsque vous n'êtes pas là pour l'éclairer. J'aimerais tant tout vous dire, mais je ne puis le faire, souffle-t-il en posant son front contre le mien, vous lui appartenez depuis votre naissance.

Je me détache de Sebastian en avalant chacune de ses paroles. Il m'aime. Il m'a toujours aimée. Mais comment peut-il être au courant de ce qui va bientôt arriver ? Je n'arrive pas à comprendre, non, je saisis les informations. Sebastian le savait depuis le début. C'était pourtant évident, mais je ne pouvais pas le savoir parce que je ne savais rien de notre famille.

— Vous le saviez ? Je m'écris. Vous saviez pour ma famille.

— Oui.

— Depuis quand ?

— ...

— Sebastian ! Répondez-moi. Je le lui ordonne.

— Depuis le jour de notre rencontre. Un feu ardent s'est mis à bruler lorsque je vous ai aperçu. Je connaissais les légendes de ma famille et de la vôtre. Seulement, je suis le dernier. Je suis un chasseur. Les chasseurs doivent tuer les bêtes... Tuer, leur compagne pour les rendre faibles, mais je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Je vous aime Jennyfer...

— Embrassez-moi.

— Non.

Je m'approche de lui en le regardant droit dans les yeux, il a cet éclat violet dans ses yeux, lui qui a l'habitude de les voir verts.

— Embrassez-moi. Soyez le premier.

Dans une fougue que je ne lui connais pas, ce dernier attrape mon visage et plaque ses lèvres sur les miennes. Communément, elles dansent ensemble. Malgré moi, des larmes s'échappent. Notre baiser est doux, émouvant, rempli d'amour et de regret. J'ai tant voulu de ce baiser que j'en savoure chaque seconde. J'ignore qui y met le fait, mais on se blottit dans les bras l'un de l'autre. On finit par se réfugier pour le reste de la nuit dans la vieille cabane du pêcheur en bas sur la plage. Rien ne se passe de plus, nous sommes allongés sur ce qui reste de lit.

***

Je ne me suis pas rendu compte que je me suis assoupie. Lorsque j'ouvre les yeux, je suis seule dans la cabane. Tout de suite, je cherche du regard, Sebastian ne le trouvant nulle part. Je décide de me lever et je soupire de soulagement lorsque je le vois près d'un feu. Je m'approche en attendant toujours les corbeaux croassés. Ce sont vraiment les derniers moments.

Mon ami me sourit en m'invitant à m'asseoir. Instinctivement, je me place à ses côtés en le regardant faire. Je me demande où il a trouvé des œufs et ces petits fruits. A-t-il pu faire un aller-retour chez lui ?

— J'ai trouvé des couverts dans ce qui reste d'armoire, j'espère que cela suffira. Je n'ai pas trouvé d'ustensiles, en revanche.

— Cela ne fait rien. Où avez-vous trouvé les œufs ?

— J'ai trouvé un nid pas loin... Je ne voulais pas vous abandonner et ces fruits étaient tout près de la forêt.

— Ai-je dormi longtemps ?

— À peine une heure, je crois.

— Et vous ?

— Je n'ai pas pu trouver le sommeil. Il m'aurait été difficile de ne plus vous revoir lorsque je me serais éveillé.

— ...

— Combien reste-t-il de jours ?

Sebastian le sait, mais veut me l'entendre le dire. Trop peu pour savourer ce moment.

— Un jour ou deux... Il ne reste qu'un signe.

— La lune rouge, souffle-t-il, donc demain lors du bal. Vous ne serez plus là.

— Que va-t-il vous arriver ? je lui demande inquiète.

— Je l'ignore. J'aimerais profiter de cette dernière journée avec vous, comme si...

— Je vous appartenais.

Il sourit, mais ne dit rien. J'ai compris son message. J'aimerais tant que tout cela ne soit qu'un rêve. Heureusement qu'aujourd'hui c'est la fête de la moisson et nous aurons tout le loisir de rester ensemble malgré nos devoirs familiaux.

***

Plus tard dans la journée, on se retrouve près du lac du comté où se situe l'église. Mère ne sait jamais aperçu que j'ai déserté pendant la nuit. Certes, j'ai les traits un peu tirés, mais elle ne le remarque pas. Après tout, peu de gens ont passé une bonne nuit avec cette chaleur. Le croassement des corbeaux agace quelques personnes, mais n'enfreint aucunement les activités.

J'abandonne très vite ma famille dont plusieurs personnes importantes du comté demandent où est passé père. Mère prétexte une urgence à son travail et qu'il a dû partir au cours de la semaine. Elle croit tellement à son mensonge ; qu'il lui ait aisé de le dire tout bonnement. Si seulement, celle-ci savait.

Je m'adosse à un arbre à l'écart des gens et je sens une main prendre la mienne. Je souris, mais je ne dis rien. Promesse que nous nous sommes faite ce matin. Nous nous adonnons à quelques jeux de main, mais rien de vilain. D'où je suis, personne ne peut le voir derrière l'arbre et cela me fait drôle d'agir comme cela.

À la fin de la journée, on annonce le gagnant du meilleur dessert et sans surprise c'est madame Hunt qui gagne. Une fois de plus, mère est contrariée et ne le cache pas. Elle nous ordonne à nous tous de retourner à la maison et avant de partir, Sebastian me tire vers lui et me vole un baiser. Je rougis, je n'avais pas prévu cela. En me retournant, je touche mes lèvres.

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