Chapitre 8


Le lendemain à mon réveil, on vient m'avertir que mère m'autorise à ne pas aller à l'école aujourd'hui. Avoir su ce que la journée me réservait, j'y serais en douce. Après le petit déjeuner, on fait les derniers ajustements pour ma robe de bol pour qu'ensuite Judith s'amuse à essayer de me coiffer. Je me tortille tellement qu'il me vaut des réprimandes de mère et je dois rester assise sans bouger. Personne ne parle de père, et ce qui s'est passé. Suis-je la seule à avoir de la considération pour père et ses agissements. Bien sûr, j'aimerais en savoir davantage et surtout de trouver ce livre qui me donnera des explications sur son monde.

Après des heures interminables, je peux enfin disposer à ma guise. J'ai besoin d'air frais. Je sors donc au-dehors ne remarquant rien d'étrange. En fait, Butch court vers moi en jappant. J'ignore ce qui lui prend. C'est comme s'il voulait que je le suive. Haussant les épaules, je décide de le suivre jusqu'à la falaise. L'homme qui se dit ami, avec mon père, est là dos à moi, regardant l'horizon. Butch va le voir en se remuant la queue. Il est heureux.

— Vous pouvez approcher. Je n'ai pas l'intention de vous mordre. Me dit-il sans même se retourner.

— Qui ne dit pas que vous ne me jetterez pas en bas de la falaise ? Je réponds tac au tac.

— Rien. Mais vous êtes la fille de Andras, je ne peux vous toucher.

— Pourquoi ?

— Tant de questions, sans réponse n'est-ce pas ?

— Et vous êtes là pour m'éclairer ?

— Je ne suis pas un bouquin. On me donne des ordres et j'obéis. Je ne pose que rarement des questions.

— Comme un soldat ?

— Oui, un soldat. On ne sait pas toujours pour quelle cause on se bat. On nous fait croire que c'est pour le bien quand tout en est le contraire.

— C'est cela qui vous est arrivé ?

Il ne parle pas. Je décide de m'approcher tranquillement pour être à sa hauteur tout en gardant une certaine distance. Je crois voir du regret et de la nostalgie dans son regard. Que regrette-t-il ? Son monde lui manque-t-il ?

— Andras et moi étions des amis ou plutôt comme des frères. Il avait des idéaux qui pouvaient réunir nos peuples sous une même bannière, mais le reste de sa famille ne voyait pas cela sous un bon angle. Nous venions d'être divisés près d'une guerre de pouvoir où certains sont restés fidèles à la famille de votre père et que d'autres se sont mis sous la protection du nouveau roi élu. Protection, plutôt esclavage, ironise-t-il, des gens des deux côtés ont été traités comme du bétail. Bien sûr, les hauts rangs gardèrent leur statue tout en restant dans les rangs. Ils ne devaient pas créer d'émeute et tenter de renverser le roi par n'importe quelle manière.

— Vous êtes resté du côté de père, malgré tout.

— Oui. Lorsque sa famille a tenté de corrompre les gens, ils lui ont mis cela sur le dos. Ils l'ont accusé de vouloir tuer le premier né du roi. Votre père était un haut placé à la cour du roi, assez pour commettre un acte pareil.

— Vous n'y avez pas cru ?

— Non. Je connais Andras. Pendant des années, je me suis tenu à ses côtés. Jamais il n'aurait pu faire du mal à un enfant. Certes, le roi et lui avaient des divergences d'opinions, mais se respectaient mutuellement.

— Le roi a cru à cette histoire ?

— Personnellement, je ne le crois pas. Mais sa femme était plutôt facile à se faire corrompre. Elle n'aimait pas que le roi puisse regarder la mère d'Andras avec envie. Je ne me doute pas qu'elle put lui avoir suggéré cette idée dans leur intimité.

— Combien d'années ce sont découler depuis la fuite de mon père dans ce monde ?

— Beaucoup trop.

— Combien ? Je lui exige de répondre.

— Il faut comprendre que le temps passé ici et le temps écoulé là-bas sont très différents. Là-bas, cela peut paraitre une éternité tandis que dans votre monde cela se résout à quelques années.

— Combien ? Je répète.

— Pour vous, ça peut être cinquante ans, mais pour nous un siècle.

Quel est ce drôle de monde ? Plus j'y pense, plus je crois qu'il me sera difficile d'y rester en vie. Si effectivement la famille de père est aussi cruelle, je ne ferais pas long feu.

— L'autre jour, père disait que le fils de cette femme était son jumeau. Comment est-ce possible ?

— Il existe dans notre monde des choses qui ne s'explique pas. En fait, Esmelda et Emmery étaient des jumelles. Comme les traditions de votre famille devaient l'exiger, la première née a été vendue comme esclavage, mais qui deviendra la favorite du roi.

— Je croyais que la guerre était bien après la naissance de père.

— La mémoire se transmet par le sang.

— ...

— Qui était la première née ?

— La douce Emmery. Esmelda est restée dans sa famille, en jouissant de certains privilèges de la cour à cause de leur rang. Plusieurs années plus tard, trois femmes sont tombées enceintes. Une concubine du roi, la favorite du roi et Esmelda.

— Le roi était-il le père de tous ces...

— Non. Bien que favorite, le roi ne touchait pas Emmery la jugeant trop douce pour sa force. Un membre de sa cour rapproché a eu le droit de la courtiser sous certaines réserves. Ce dernier ne savait pas qu'elles étaient jumelles, puisque ces deux femmes ne pouvaient apparaitre au même endroit.

— Alors, il...

— Oui. Et des jumeaux peuvent donner naissance à des enfants avec le même bagage génétique. Andras et Jaspar se ressemblaient tellement, mais il était vicieux et fourbe comme Esmelda. Votre père retient beaucoup de sa mère.

— Qu'est-il arrivé à l'enfant de la concubine ?

— L'enfant illégitime ? Je ne sais pas.

Cette histoire me donne des frissons. Je n'arrive pas à comprendre le mode de fonctionnement de ce monde si étrange. J'appréhende ce moment. Une boule se forme au creux de mon ventre. Vais-je m'en sortir ? Je ne crois pas être aussi forte que cela. L'homme dont je ne connais toujours pas le nom reste là à regarder l'horizon. Je vois bien que son monde lui manque. Qu'il ne peut partir avant que les évènements se produisent.

— Vous devriez entrer, me dit-il, il va bientôt pleuvoir.

— Il n'y a aucun nuage.

— Croyez-moi. Votre mère serait très fâchée de vous voir trempée.

Il ne faut pas être devin pour le deviner. Je rebrousse donc le chemin à contrecœur de ne pas en savoir plus sur ce monde qui m'attend. Toutefois, je me retourne une dernière fois en lui demandant :

— Quel est votre prénom ?

— Kildan.

**********

Kildan n'a pas eu tort. Quelques secondes après être entré dans la maison, il commence à pleuvoir. Comment a-t-il pu savoir ? Je me secoue la tête en me joignant à mes frères dans le salon. Ils semblent tous innocents. Ces derniers parlent et rient sans se soucier du sort de père et de ce qui va bientôt se passer.

Je décide d'aller dans ma chambre où je passe le reste de la journée. On m'apporte même un plateau de repas ; chose que mère refuse de faire habituellement à moins d'être à l'article de la mort. Curieusement, c'est en dessous de mon lit que je trouve le livre de père. Comment est-il arrivé là ? Je n'y pensais plus. Je le dépose sur le lit et une lueur dorée s'en dégage lorsque je l'ouvre.

« Nouveau gardien,

Te voici, maintenant gardien du livre du monde Pyadath. Ce manuscrit a été conçu à partir des fragments d'âmes des trois originaux. Nous devions ensemble faire de ce monde une oasis pour tous les habitants, mais l'un de nous désireux, de plus de pouvoir a tenté de s'en prendre au livre. Nous avions tous au départ fait un serment qui ne pouvait être brisé si le notre cœur devenait sombre. Cependant, Hélias a forcé son ouverture, violant ainsi notre pacte. Nous l'avons récupéré, bien sûr, non sans difficulté. Nous en avons tous perdu quelque chose que le livre a réussi à reprendre. Il est vivant. Il a sa propre pensée. Nous pensons qu'il a fragmenté nos esprits pour en faire qu'un.

Nouveau gardien, il ne faut pas que le livre tombe entre mauvaises mains. Si tu as été choisi, c'est pour une bonne raison. Nous ne savons pas toujours laquelle, mais il sait ce que nous ne savons pas.

Il y a plein de choses à découvrir sur ce monde qui t'entoure. Toutefois, il faut savoir faire preuve de courage et de discernement. Ne te donne pas ta confiance à personne qui ne la mérite pas. Les gens blessent. Te donneront un coup de poignard dans le dos.

Nouveaux gardiens, nous te saluons. »

Cette histoire commence bien. Bien avant la guerre de pouvoir, ils se sont battus. Dans tous les âges de la terre, les hommes se sont battus, exterminés des peuples, conquis des territoires qui ne leur appartenaient pas. En fait, nos deux mondes ne sont pas si différents que cela. Je feuillette le livre pendant encore quelques minutes lorsqu'une question me vient en tête et que ce dernier se met à tourner ses pages seul. Je reste, un moment, surprise, puis des lignes se dessinent. Je crois que c'est un arbre généalogie. Celle-ci s'arrête à père. Nous ne sommes pas représentés. Pourquoi ? Cependant, un nom attire mon attention. Celui du fils de la concubine. Melkkildan. C'est drôle, on dirait que j'ai déjà attendu ce nom quelque part. Je hausse les épaules et mets le livre de côté.

Ma nuit est peuplée de cauchemar. Il y a des corbeaux, des gens sans visages qui tournent autour de moi. J'entends leurs croassements et leurs murmures, mais je me bouche les oreilles pour ne rien entendre. Ils finissent par se disperser, mais je ne vois toujours rien. Il fait noir et j'arrive qu'à distinguer la lune rouge haute dans le ciel. Je n'arrive pas à me réveiller, je veux sortir de ce cauchemar. Soudain, une énorme silhouette cache à moitié la lune et s'avance vers moi. Elle m'empoigne par la taille, je me sens si petite, si faible. Dans une voix grave, celle-ci me murmure :

Tu seras bientôt à moi, fille d'Andras.



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Désolée, problème technique avec mon pc. Je ne pouvais plus l'ouvrir et j'ai eu peur de tout perdre. Je n'ai pas pu continuer à écrire, mais je vais faire de mon mieux cette semaine.

Voici deux petits chapitres.


P.s : Bonne fête à tous les papas.

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