Chapitre 7
Lorsque Brandon et moi entrons à la maison, je sens quelque chose de changer. La forêt n'est plus aussi silencieuse que d'habitude. Mon frère ne perçoit pas la différence, mais je la sens bien. Lorsque nous arrivons près du croisement de chemin entre la demeure des Hunt et la nôtre, j'entends un cri étouffé. J'ordonne à Brandon d'entrer immédiatement à la maison, mais ce dernier proteste ce disant plus vieux que moi et qu'il pourrait m'offrir une protection. J'arrive, tout de même, à le convaincre et ce dernier part en se secouant la tête. Tous ceux qui le connaissent bien savent que Brandon n'a rien d'un batailleur et encore moins d'un intimidateur.
Dès qu'il est hors de ma vue, je m'enfonce dans la forêt où j'espère que cela ne serait pas père qui a étouffé un cri. Près de ce que je suppose être la hutte d'Ilda, je me cache derrière un gros arbre en voyant l'homme qui a ramassé la canne de la vieille tante. Il est penché vers la sorcière et semble mécontent. C'est la première fois que je vois une émotion sur son visage. J'essaie de m'approcher sans faire de bruit pour écouter leur conversation.
— Tu es ici depuis tout ce temps, s'écrit-il, dans ce monde d'humains. Pourquoi ?
— J'avais des choses à faire. Je ne pouvais pas laisser Andras partir seul, comme cela.
— Andras savait ce qu'il faisait... Il le faisait pour une cause juste.
— Tu le soutiens dans cette action ?
— Comme toujours.
— Pourquoi es-tu avec Esmelda, si tu es du côté d'Andras ?
— Il fallait quelqu'un de son côté pour l'espionner. J'y suis resté fidèle pendant toutes ces années.
— Comme un petit chien.
Ce dernier se met à grogner comme un animal, comme s'il avait été élevé par des animaux. Sa colère se fait ressentir les alentours et j'en frissonne un peu. Qu'est-ce qu'est leur monde ? Est-ce vraiment si différent ?
— Je sais ce que je suis, lui grogne-t-il, mais toi Ilda, sais-tu qui tu es ?
— Bien sûr, lui réponde-t-elle, nonchalant, je suis celle qui va redonner espoir à notre peuple. Qui le réunifiera.
— Qu'as-tu donc fait ?
— Je l'ai choisi. Je l'ai marqué... Mais le chasseur est près d'elle.
— Qui as-tu marqué, Ilda ?
Je ne vois pas bien ce qui se passe, mais ce dernier se recule en titubant. Il vient de comprendre quelque chose que je n'arrive pas à saisir, car je suis trop loin. Cependant, j'ai un pressentiment qu'elle parle de moi. La marque que j'ai sur ma main y est depuis qu'elle m'a touchée et cette dernière semble changer de forme à travers de mes actions.
— Ce n'est qu'une enfant ! Son enfant. Tu n'avais pas le droit de lui imposer ce choix.
— Je le fais pour notre peuple.
— Un peuple qui s'est entretué par lui-même. Un peuple qui ne vaut même pas le peine d'être sauvé.
— Dont tu fais partie.
— Crois-moi, je regrette ce que je suis. Ce qu'ils ont imposé. Ce que notre monde est devenu. Elle ne survivra pas là-bas.
— Elle est plus forte que tu le crois. C'est la fille d'Andras. Une potentielle... mais, attend ! Tu le savais. Tu savais qu'il avait une fille.
— Bien sûr que oui. Je l'ai caché à notre monde pendant des années...
— Pourquoi maintenant ?
Il ne répond pas à la question. J'aurais aimé que ce dernier explique pourquoi ils connaissent mon existence que maintenant. Comment ma vie serait-elle donc déroulée ? Comme père, me la raconter ?
Tout à coup, un bruit distrait les deux interlocuteurs et la vieille sorcière disparait. Conscience que je ne dois pas rester là, je rebrousse le chemin. Je fais quelques pas avant d'entrer en collision dans une personne. Mais comment a-t-il fait pour se déplacer aussi vite ? Cela est impossible.
— Il est mal poli d'écouter les conversations qui ne vous concernent pas, me reproche-t-il, et il est dangereux de se promener seule dans les bois. On ignore qu'est-ce qu'on peut s'y cacher.
— Je n'avais pas l'intention de vous écouter, mais il était clair que vous parliez de moi. Je connais ces bois depuis mon plus jeune âge. Je n'ai pas peur.
— Et pourtant vous devriez.
Il penche sa tête vers moi, se croyant menaçant. Je ne pense pas que ce dernier le soit, après ce qui s'est passé la nuit dernière. Il aurait très bien pu me dénoncer, mais ne l'a pas fait.
— Jennyfer, vous allez bien ?
Je dévie mon regard pour retourner vers la voix. Sebastian se tient aux côtés de Brandon. Je n'en reviens pas. Mon frère est allé chercher le garçon de ferme pour me secourir, lorsque je lui ai ordonné de retourner à la maison. Voyant que je ne réponds pas, ce dernier s'avance en brandissant un arc? Hein... Que fait-il avec ce genre d'arme ? La plupart des gens ont des fusils. L'homme grogne et dit :
— Le chasseur.
— Non, rectifie Sebastian, je suis le garçon de ferme.
L'homme me regarde.
— Les dés du destin sont maintenant lancés.
Je fronce les sourcils. Pourquoi les dés du destin seraient-ils lancés avec l'arrivée de Sebastian ? C'est un garçon de ferme et... mon ami, en fait je crois. Ni l'un ni l'autre ne veulent reculer. L'arc est tendu, prêt à laisser échapper sa flèche. Ne voulant qu'aucun d'eux ne soit blessé, je me recule et entraine Sebastian et Brandon avec moi vers notre demeure. Jugeant assez loin, je m'arrête, les mains sur les hanches et je les dévisage tous les deux. Brandon semble savoir ce que je vais leur dire et me devance en disant :
— Je ne pouvais pas vous laisser seule, Jennyfer. Qu'est-ce qui aurait bien pu arriver si nous n'étions pas arrivés ?
— Je n'avais pas besoin qu'on me porte secours. Je n'étais pas en danger.
— La scène le présageait, rétorque Sebastian, vous étiez seule avec un homme et dans les bois.
— Bon d'accord, cela portait à confusion, mais je vous rassure que je n'étais pas en danger.
— Qui est-il tout d'abord et que faisiez-vous avec lui ? demande mon ami.
— C'est un parent de père et il était là avec Ilda...
— Avec Ilda ? Vous devriez tous les deux entrer à la maison.
— C'était ce que je m'apprêtais à faire avant que vous arriviez.
— Je ne plaisante pas, Jennyfer.
Je tente de comprendre ces mots. Pourquoi craint-il Ilda ? Je ne peux pas lui poser la question puisque Brandon me force à avancer. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et Sebastian m'observe m'éloigner la tête et le regard déterminé. Que va-t-il faire ? Je ne l'ai jamais vu avec une expression pareille sur son visage. Je crains plus pour sa vie que pour la mienne.
***
— Où étiez-vous donc passé ? nous demande mère.
— Nous avons joué à un jeu en revenant, s'empresse de dire mon frère, nous n'avons pas vu le temps passé.
— Hmm... Allez vous débarbouiller, le repas sera servi dans quelques instants.
— D'accord.
Brandon me tire jusqu'à ma chambre où il referme la porte derrière lui. Cela est la deuxième fois que ce dernier entre et rejoue cette scène. Je crains cependant que ce ne soit pas la même conversation.
— J'ignore ce que vous avez en tête, ma chère sœur, mais je n'aime pas cela.
— En tête ? Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
— Ne jouez pas l'idiote. Depuis que vous êtes allée dans le bureau de père, vous êtes différente. Vous ne vouliez pas aller au bal et maintenant, vous êtes d'accord avec mère. Vous êtes docile comme un agneau. Vous ne protestez plus devant elle. Quelque chose se trame.
— J'ai le droit de changer d'avis, Brandon.
— Pas si vite. Je vous connais, ma sœur.
— Même si vous me connaissez, je ne pourrais vous dire...
— Alors, me coupe-t-il, il y a bien quelque chose qui se trame.
— Je ne peux vous en parler. J'ignore ce qui va se passer réellement. Je sais seulement tout ce que nous connaissons ou plutôt se ce que je connais sera différent de ce que je connais.
— De ce que vous connaissez ? L'arrivée de cette femme n'y est pas pour rien...
— J'ai bien peur que non, je cherche encore à découvrir ce qui se cache derrière tout cela.
— Si vous avez besoin d'aide, je suis là.
Je lui souris avant de l'enlacer dans mes bras. Nous nous montrons notre affection que dans des moments de sincérité. Je suis plus près de Brandon qu'avec mes autres frères. Peut-être est-ce dû à notre faible écart d'âge ? Il finit par sortir de ma chambre, tandis que j'en profite pour me faire une toilette rapidement.
Avant de descendre à la salle à manger, je regarde par la fenêtre de ma chambre. Je vois la vieille tante faire les cent pas devant la grange et Butch l'observer coucher sous la calèche. Je me demande pourquoi ce chien l'examine à ce point. Il m'a aidée, la vieille à trouver père. Ce chien est vraiment étrange.
Je finis tout de même à rejoindre le reste de la famille à la salle à manger. Éventuellement, père n'est pas là, ce qui ne semble pas tant troubler mère. Gregory étant le plus vieux a pris la place du patriarche avec Judith à sa gauche. Ma chaise est près de celle de mère en face de Brandon. On nous sert une crème de carottes et navets en entrée et comme plat principal des gésiers de perdrix accompagné de pommes de terre. Nourriture que nous ne mangeons que très peu. Lorsque père nous accompagne, il y a toujours de la viande à profusion et parfois elle est saignante. Je n'ai jamais compris ses goûts culinaires, mais, je suppose, maintenant que cela provient surement d'où il vient.
Le repas se déroule avec des conversations insignifiantes qui n'ont aucun rapport avec l'arrivée de la vieille tante. Mère parle des rumeurs concernant le Duc. Finalement, il aurait prêté sa maison de vacances à un ami qui vient de loin. Cela veut dire que ce dernier n'y sera pas, mais on dit que son ami est un très bel homme. Pourquoi la beauté et la richesse doivent-elles être préconisées sures tout ?
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