Chapitre 6
— Mais qu'est-ce que vous faites -là ?
Ai-je vraiment rampé aussi loin ? Perdue, je regarde autour de moi et je reconnais immédiatement le puits qui sépare nos deux propriétés. Sebastian, aussi tard soit-il, est dehors et attend une réponse de ma part. Que fais-je là ? Bonne question ? Pourquoi père a-t-il construit une sortie qui donne près de la ferme des voisins ? Quand l'a-t-il fait ? Se doutait-il que des membres de sa famille allaient venir un jour ?
— Et vous, que faites-vous là ? N'est-il pas trop tard pour vous ? Feintant de ne pas vouloir lui répondre.
— Notre jument est en train de mettre bas et nous avions besoin d'eau. Vous, que faites-vous là ? Je rêve, il y a une trappe. Où mène ce chemin ? Que faisiez-vous là-dedans ?
— Ce n'est rien et cela ne vous regarde pas.
— Bien sûr que cela me regarde, nous sommes sur la ligne mitoyenne.
— Justement.
Je m'apprête à lui tourner le dos, mais Sebastian m'agrippe le bras me forçant à le regarder. Je vois dans son regard qu'il semble contrarié et désolé à la fois. Je dois tourner ma langue plusieurs fois dans ma bouche afin de ne rien lui dire de ce qui se passe à la maison. J'aurais aimé qu'il ne me dise rien ; que ses mensonges n'ont jamais été dits.
— Je suis vraiment désolé, souffle-t-il, vraiment.
— Je sais.
— Y a-t-il un espoir que nous devions encore des amis ?
Son regard est rempli d'étincelles d'espoirs. Pourrons-nous redevenir comme avants ? Je n'ai pas de réponse à lui donner. Où serais-je demain ? Que serais-je ? Des questions que je me poserai tous les jours, les jours qui viennent.
— Je ne sais pas, je lui avoue, j'ignore où le temps me mène.
— Pourquoi ne pas faire comme si vous n'aviez jamais rien entendu ? Vous me manquez, Jennyfer. Mon amie me manque.
— Il s'est découlé une seule journée.
— Et cela fait comme une éternité.
— Vous m'aviez fait des promesses, Sebastian. Une promesse d'avenir.
— Croyez-moi, je le regrette amèrement. J'avais de réelles intentions, mais certaines choses ont changé qui promettaient les promesses que je vous avais faites.
— Quelles situations ?
— Le mépris de votre mère, l'avenir prestigieux qu'elle vous réserve, mon rang, un amour non partagé, moi.
— Mère méprise tout le monde qui n'est pas d'accord avec elle. Mon avenir c'est à moi seule de le décider, malgré tout ce qu'on dit. Votre rang ? Je vous ai toujours dit que votre situation ne m'incombait pas. Pourquoi freinez-vous à tout cela ? Je vous ai toujours aimé... Vous êtes le seul garçon qui fait battre mon cœur, vous ne pouvez pas dire que l'amour n'est pas partagé. Vous ? Qu'avez-vous de changé ? Je ne comprends pas.
— Non, vous avez aimé l'idée de vivre un amour qui augmenterait la colère de votre mère. Cela n'est pas réel, Jennyfer. Et tout change...
— Bien sûr que cela est réel. Vous n'avez guère à décider pour moi. Vous ne pouvez pas me dire qui je dois aimer ou non. Non, vous ne pouvez pas.
D'un coup violent, je retire mon bras sous son regard triste. Une rage en moi aimerait lui hurler dessus, qu'il se trompe, mais je suis une lady et une lady ne cri pas. Je prends une grande respiration, ferme les yeux et me retourne. Je marche en direction de ma demeure sous les cris de Sebastian. Il n'a pas le droit de dire que je ne l'aime pas. Le fermier a toujours été celui qui fait battre mon cœur, qui me donne des papillons dans le ventre et qui me fait sourire. Il n'en sait rien. J'ai toujours préservé une certaine réserve envers lui pour ne pas paraître pour une fille avec peu de classe. Seulement, les émotions que j'éprouve sont toujours authentiques et fortes. Rien ne pourra les enfreintes.
****
— Réveillez-vous, Jennyfer. Vous êtes pire qu'une marmotte au début de printemps.
Cette voix me semble si lointaine. Je suis tellement fatiguée. Je suis arrivée si tard à la maison hier soir. Je me suis effondrée dans mon lit sans même me changer. Je souffle, j'aimerais dormir encore un peu. Pourquoi me réveille-t-on ? D'un coup sec on m'enlève le drap me faisant parcourir un frisson. J'ai toujours froid lorsque je suis fatiguée.
— Jennyfer, me gronde-t-on, vous allez être en retard pour l'école.
L'école ? Je croyais que j'allais en être épargnée ; eh bien non. Je grogne un peu et je me lève enfin sous les yeux effarés de mère. Qu'a-t-elle donc ?
— Mais qu'est-ce qui est arrivé à vos vêtements ? Mon Dieu ! Regardez vos mains, votre visage, ils sont pleins de terre. Qu'avez-vous fait ? Vous vous êtes roulé dans la terre ? Vous étiez avec ce garçon de ferme ?
— Bien sûr que non. J'ai dû aller dépendre Butch hier soir, il était pris dans un collet et je suis entrée fatiguée.
— Hmm... Nous n'avons pas le temps de te faire prendre un bain au complet. Faites une toilette rapide et trempez vos mains dans de l'eau chaude que Willa va vous emporter.
— Bien, mère.
Il faut croire que cela était prévu, car il s'écoule que quelques secondes lorsque Willa fait son entrée dans la chambre après le départ de mère. Notre femme de chambre attitrée à mes bons soins depuis le plus loin que je me souvienne, ne parle que par nécessité. Je ne l'ai jamais entendu crier après moi ou me réprimander pour quelques mauvaises manières que j'ai pu avoir. Au contraire, dans de bons moments, je pouvais l'entendre fredonner des chansons étrangères. Je crois même que certaines venaient d'Irlande. Je ne l'ai jamais questionné sur ses origines. Je sais seulement que sa famille et elle avaient fait la traversée lors de la colonisation, mais que celle-ci fut la seule survivante. Ses parents attrapèrent la tuberculose quelques semaines après leur arrivée, la rendant alors orpheline. Pour la suite, je n'en sais rien. J'imagine, n'ayant aucune famille, cette dernière a fait des orphelinats.
Je sors de mes pensées lorsque Willa, j'ignore vraiment si c'est son vrai prénom, me dit que mon eau est prête. Je me débarbouille à une vitesse et trempe mes doigts dans l'eau. Je sais que cela ne sera pas parfait, mais si je dois aller à l'école, je dois faire cela vite. Pas le temps de me laver les cheveux. Je les peignes et les nattes avec un deux morceaux de rubans blancs.
— Vos habits sont prêts, mademoiselle, m'informe-t-elle, vos cahiers sont sur la petite table près de la porte.
— Merci, Willa.
J'entends la porte de ma chambre se fermer et je m'habille. Robe toute simple de classe. Si je la salis, mère ne m'en voudra pas. Je suis prête. Qu'est-ce que cette journée me réserve ?
****
Brandon m'accompagne sur le sentir de l'école, habituellement il part toujours en avance et j'attends Sebastian. Est-ce que cela va être comme cela jusqu'à la moisson ? Je suis soudainement nostalgique de mes promenades avec mon ami, mais je ne dois pas l'être. Le chemin me semble si court. Brandon court vers ses amis, tandis que je rentre dans le bâtiment. Je n'ai pas vraiment de cercle social en ces lieux, puisque j'ai toujours été qu'avec Sebastian. Si je suis assise avec Anna, c'est parce que nous n'avons pas le droit de nous asseoir avec les garçons. Fille d'un côté et les garçons de l'autre. Celle-ci me parle par courtoisie, rien de plus. Personne ne veut vraiment être ami avec le garçon de ferme en fait, c'est toujours cela que j'ai cru.
— Je n'étais pas certain si tu allais venir.
La voix de Sebastian résonne dans la pièce. Il ne reste jamais dehors à parler avec les autres garçons. Je sens sa présence dans mon dos. Pourquoi veut-il être si près et si loin en même temps ? Je souffle et me retourne. Il a travaillé dans les champs avant de venir en classe, cela se voit à ses bottes pleines de terre.
— Tu as encore de la terre, juste là.
Sa main se pose sur ma joue et son pouce me la caresse afin d'enlever la tache de terre oubliée de ce matin. Je n'ose même pas le regarder.
— Tu ne devrais pas faire cela, je souffle, certaines personnes pourraient voir cela comme des gestes inappropriés.
— Mais cela a toujours été toi et moi, réplique-t-il, on se contrefiche de ce que les gens peuvent bien dire.
— Cela est nouveau ? Faisant un pas à reculons, cela vous a toujours terrifié.
— Seul ce que vous dites peut m'atteindre.
— J-je...
Je suis coupée par notre enseignant qui sonne la cloche. À contrecœur, je prends ma place en baissant mon regard vers mon livret. Anna s'assoit, mais ne dit rien pour une fois. Pas de : bon matin ou d'il fait beau aujourd'hui. Elle est silencieuse. Étrange. Je sais que notre enseignant est son grand frère et doit la remettre à l'ordre parfois, mais je me demande si cette dernière ne sait pas quelque chose qu'on ignore. Les autres filles se réjouissent en disant des mots comme : danse et garçons. Je regarde Anna qui se fait encore plus petite à mes côtés. Notre enseignant exige le silence puis prend la parole :
— Comme vous le savez tous, à la fin de ce mois-ci, il y aura le bal de la moisson. À la demande du conseil des parents de l'école, je dois vous enseigner quelques danses. Cela ne me plait pas, puisque nous avons beaucoup de choses à voir, mais certaines personnes d'entre vous vont faire leur entrer dans le monde mondain.
— Est-ce que nous serons jumelés avec des garçons ? demande une fille au premier rang.
— Bien sûr. Toutefois, je veux que vous restiez calme. Je ne veux pas voir un geste de déplacer. Nous allons tous pousser vos bureaux aux murs et vous mettre en ligne devant votre partenaire.
Nous nous exécutons à la tâche et je sens tout de suite l'embarras. Je me mets en dernier de la ligne et je lève les yeux sur mon partenaire de danse. J'aurais aimé que cela soit Brandon, mais Sebastian a pris sa place ou du moins ils se sont mis d'accord. Je déteste les cotillons, mère nous oblige toutes les fins de semaine à les apprendre. Il faut savoir danser si nous voulons nous marier ; chose complètement ridicule.
Notre professeur nous montre les pas de danse que je connais par cœur et nous invite à faire de même. Certains de mes camarades sont plutôt gauches et d'autres se débrouillent comme ils peuvent. À mon grand étonnement, Sebastian est très doué. Nous sommes parfaitement synchronisés et parfois je sens son regard me couvrir. À cet instant, c'est comme si nous sommes seuls, mais je me rends compte que tout le monde nous regarde et je m'arrête en plein milieu de la danse. Gênée, je sors de l'école et me réfugie près de la réserve. Je n'aime pas attirer l'attention, je me fous de ce qu'on peut dire de moi, mais je sais que cela sera le sujet de conversation de la journée.
— Miss Hastings !
Je me retourne pour voir notre enseignant venir droit sur moi, l'air inquiet. Je ne lui ai jamais vraiment parlé seule et encore une fois, je risque d'attirer des regards.
— M. Valley.
— Pourquoi êtes-vous sorti précipitamment de la classe ? Les autres vous observaient avec admiration.
— Ou médiocrité ?
— Ne dites pas cela.
— Vous savez très bien que je ne suis pas vraiment appréciée, malgré ma famille. On rit de moi dans mon dos, on colporte des rumeurs et l'on fait semblant d'avoir une amitié pour les soirées que mes parents donnent. Vous-même, vous le savez.
— Les enfants peuvent être blessant et croyez-moi, Miss Hasting que rien ne s'arrange en grandissant. Vous êtes l'une de plus douée de ma classe. Ne laissez pas les ragots vous atteindre.
— Oh, mais ils ne m'atteignent pas. Je n'aime seulement pas ce que les gens peuvent dire sur...
— M. Hunt et sa famille, me coupe-t-il, et cela indiquent que vous avez un grand cœur. Peu de gens se soucient de ceux qui ne proviennent pas de la même classe sociale qu'eux. Ne leur permettez pas de leur donner plus de pouvoir. Vous pouvez être ami avec M. Hunt, même plus si vous le désiré. Vous êtes le seul maître de votre destin.
C'est la première fois qu'une personne me dit que je peux décider par moi-même, mais sait-il les répercussions que cela peu engendrer sur ma famille. Si, je décide de m'enfuir pour ne pas balancer dans cet autre monde qui m'attend ? Si, je refusais à être cette demoiselle docile que mère espère tant ? Si, j'acceptais vraiment le sort qu'on me réserve. Il y a beaucoup de suppositions. Je le regarde et ce dernier me fait signe de le suivre.
Nous retournons dans la classe sous les yeux des autres élèves. On ne dit rien, mais je sais ce qu'ils pensent. De plus, je suis restée seule avec notre professeur ; un racontar à ajouter. Nous continuons à danser jusqu'à midi en évitant le regard de Sebastian. Je déteste faire cela. Habituellement, c'est moi qui le regarde intensément, espérant une marque d'affection. Pourrais-je l'éviter pendant un long moment ?
Heureusement, il disparait pour entrer chez lui et travailler dans les champs. Suis-je heureuse ? Non, pas nécessairement, mais c'est mieux pour l'instant.
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Coucou. Cadeau pour aujourd'hui, deux chapitres. Je ne sais pas si demain j'aurais le temps de pouvoir en poster un.
Bonne lecture.
Qu'arrive-t-il à Jennyfer ?
Jennyfer et Sebastian pourront-ils redevenir amis ?
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