Chapitre 24


Si les lacérations ne sont plus là, je ressens la douleur même après deux jours. Je suis tellement courbaturée que j'en ai le souffle coupé lorsque je me relève. La reine s'est remise de sa défaite que le lendemain matin en organisant un festin. Au départ, j'ai cru qu'elle allait m'empoisonner surtout quand la petite fille est venue me servir. Athan m'a assuré que rien n'était et j'ai alors mangé comme jamais.

Dans la forêt oubliée, je ne suis pas prisonnière. Du moins, on me laisse le croire. Je sais qu'il y a toujours quelqu'un qui me surveille. Athan est celui qui est toujours dans les alentours. Je ne sais pas s'il fait cela pour la reine ou pour l'amitié de son compagnon d'armes, mais je reste sceptique.

Le seul endroit où je trouve un peu de solitude au travers de tout ce brouhaha dans le cœur de la forêt est la berge de la rivière. Je pense très souvent à Sebastian et parfois je m'amuse à imaginer la colère de Caden à propos de ma disparition. Cependant, je reprends le cours de mes pensées lorsque j'attends une branche qui craque. Je tourne légèrement ma tête et y aperçois Athan, là, derrière moi.

— C'est la première fois que vous faites du bruit.

— C'est voulu, me confie-t-il, en s'assoyant à mes côtés, je trouvais injuste que tu sois la seule à profiter de la tranquillité de la rivière.

— Vous y venez souvent ?

— Tous les jours, du moins avant ton arrivée.

— Pourquoi portez-vous toujours cette capuche ?

Par réflexe, il la descend encore plus sur son visage. Je suis soudainement mal à l'aise de lui avoir posé une telle question.

— Il y a longtemps, lorsque j'étais encore qu'une jeune et imprudent sorcier, se remémore-t-il, j'ai joué avec de la magie plus forte que moi. Je croyais que j'étais capable de la contrôler, mais c'est celle-ci qui a eu une emprise sur moi. Mon visage a été marqué à vie. Peu de gens ont vu mon visage.

— Le roi Draken.

— Il a été l'une des exceptions. Draken et moi étions des amis. Lorsqu'on se moquait de mon visage, il les réprimandait. Lorsqu'il est devenu roi, les sentences devenaient plus cruelles. Une fois, Draken a fait subir le même sort au visage d'un de mes persécuteurs ce qui a dissuadé les autres de le faire par la suite. Lorsqu'on m'aperçoit, on craint encore que Draken leur fasse payer.

— Mais ils ne savent pas que ce dernier est mort.

— Exact.

— Puis-je vous poser une question ?

— Si je peux y répondre, je répondrai.

— Quelle était la diversion que vous avez organisée lorsque vous m'avez kidnappée ?

Malgré sa capuche, j'ai l'impression que ce dernier fronce les sourcils comme s'il ne comprenait pas où je voulais en venir.

— Nous n'avons créé aucune diversion. Cela faisait deux jours que nous étions en ville. La reine nous a donné l'ordre de te kidnapper sans faire aucun bruit, mais constamment avec Melkildan et Caden, je ne pouvais rien faire. L'opportunité s'est présentée lorsque le prince t'a attaché à Alissa. Puis, le coup de grâce lorsqu'un groupe ennemies sont venus vers le château.

— Vous savez qui sont ces ennemies.

— Des gens qui veulent que la justice soit rétablie. Des gens ennemis des loups. Il en existe peu de nos jours, mais ils ont encore beaucoup de partisans.

— Qui sont leurs ennemies ?

— Je crois que tu sais déjà la réponse, Jennyfer. On raconte qu'il y avait un beau jeune homme à leur tête très doué à l'arc.

— Sebastian, soufflé-je, je croyais presque qu'il ne me cherchait plus.

— Attention, Jennyfer, un chasseur ira toujours pour ses convictions et ses lois. Je me demande si vraiment ce jeune homme est vraiment votre salut.

— Je connais Sebastian, dis-je offusquée, je le connais depuis toujours. Je l'aime. Il m'aime. Jamais, il ne me fera mal.

— En êtes-vous vraiment certaine ?

— ...

— Caden est un choix plus certain, mais pas moins dangereux.

Je le regarde un moment. Ceux pourvus de magie ne veulent-ils pas la justice ? Pourquoi Sebastian ne serait-il pas un bon choix ? Il m'a déjà parlé d'une faute commise en m'embrassant quand ce dernier me savait promise à son ennemie. Je ne comprends pas tout ceci. J'ai de la difficulté à croire que mon ami tuera quelqu'un de plein gré.

— Ne voulez-vous donc pas de justice ? Je lui demande, confuse.

— La justice est différente pour toute personne. Les chasseurs ne sont pas aussi justes qu'on le croit. Lorsque notre monde a été créé, la justice revenait à une personne neutre. Une personne sans pouvoir. Le premier fut l'un de vos descendants Flamescream. Elle avait une main de velours dans un gant de fer. Tout le monde l'admirait et voulait être dans son entourage. Lorsque les peuples ont commencé à se rebeller, ses fidèles la protégèrent aux périls de leur vie. Ceux-ci la firent comme ils le pouvaient. Les chasseurs étaient ceux qui exécutaient ses ordres.

— Vous en parlez comme si vous étiez...

— Amoureux ? me coupe-t-il. Oui, nous l'étions, mais nous ne venions pas du même monde. Elle est mortelle. Moi, sorcier. On trouvait cela injuste qu'elle s'éprenne d'un homme au visage monstrueux. Nous avons vécu notre amour dans le plus grand des secrets. Jadelya attendait un enfant. Mais la guerre l'a eu vaincu, lors du cinquième anniversaire de notre fils. Si de la magie régit dans le sang des Flamescream, c'est en partie ma faute.

— Une faute ? Vous étiez amoureux.

— Mais je lui ai causé plus de tort que de bien.

— Je suis certaine que non. L'amour est le plus beau des cadeaux.

Je pense à cette histoire. Qu'est-il devenu de cet enfant ? L'a-t-il élevé dans la magie ? Beaucoup de questions restent sans réponse. Comme sur le fait que Caden aurait utilisé l'artéfact pour trouver son âme sœur ? Comment peut-on conspirer pour mettre un enfant au monde ?

— Qu'est-il advenu de votre fils ?

— Il est tombé amoureux de la fille du premier roi.

— Le roi Xaros, soufflé-je... Je sens un «mais» à cette histoire.

— Toutes les histoires n'ont pas toutes de fin heureuse, Jennyfer. Mais Xaros n'autorisait pas la relation entre sa fille et mon fils. Il lui a ordonné de s'exiler dans les Hautes terres ambrées. Mon fils n'a pas obéi. À la place, il a jeté un sort à l'enfant que sa tendre aimée allait avoir avec son prétendant.

— Un sort ?

— Une malédiction. L'enfant ne saura se contrôler sauf s'il rencontrait son âme sœur, histoire qui était devenue une légende.

— C'est à cause de cette malédiction que Caden cherche son âme sœur ou du moins a participé à sa fabrication.

Athan secoue la tête d'un air sérieux.

— L'artéfact ne permet pas de fabriquer une chose. Elle n'a pas ce pouvoir.

— Je croyais.

— Il montre seulement où la moitié de notre âme peut se trouver. Votre père n'avait pas le choix d'avoir une fille, c'est inscrit dans un serment magique qu'il essayait de contourner. Lorsque Caden a utilisé l'artéfact, on lui a montré une femme portant un enfant, mais ne savait pas de qui il pouvait s'agir. Ce n'est qu'une fois avoir un obtenu un message de votre père en lien de son serment qu'il a compris. On le mettait sur le chemin. Pour garantir votre survie ou du moins la garantie de votre naissance, Caden lui a offert la clémence ; pouvoir que ce dernier ne possède pas. Mais cela, votre père l'ignorait. Il a fait son devoir, mais n'a pas respecté sa promesse. Vous auriez dû vivre ici, dans ce monde, lieu où vous êtes nées.

— Comment pouvez-vous savoir tout cela ?

— Parce que l'artéfact ne peut fonctionner sans magie. J'étais là et je serais toujours là. Ma promesse, je la tiendrais toujours.

— Quelle est-elle ?

— De veiller au bien-être des descendants de Draken.

— Mais il ne le savait pas. La reine ne lui a pas dit.

— Draken le savait. Les loups sentent certaines choses.

Il y a un moment de silence, avant de continuer :

— Alors vous êtes du côté de Caden ?

Il reste un moment en silence, puis jette un regard derrière lui. Quelqu'un est-il susceptible de nous écouter ? Ce monde n'est pas si différent de celui dans lequel j'ai grandi. Que ce soit ici ou là-bas, les gens cherchent toujours la guerre. Il y a toujours une raison pour en faire une. Pourquoi se déchirer pour une poignée de terre ou pour un royaume qui ne voulait pas être vaincu?

— Je serais toujours là pour assurer ses arrières, dit-il tout bas, qu'importe qui cherchera à lui nuire.

— Même éliminer la reine, dis-je surprise.

— Qu'importe !

Je reste stoïque un moment. Athan est prêt à évincer la reine Drayna si elle nuit à son fils. Comment peut-on en arriver là ? Si, je nuisais à Caden, ça sera mon cas aussi ? J'ose imaginer ce qui pourrait m'arriver. D'une part, Athan fait partie de ma famille, mais je crains qu'il ne le réalise pas. De plus, je me demande si la reine est au courant du plan du sorcier. Je dois vraiment faire attention, maintenant plus que jamais.

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