Chapitre 18


         — Alors ! s'exclame le roi, fille de l'autre monde, comment as-tu fait connaissance avec mon cher fils.

— Il m'a kidnappé, avoué-je, j'étais à un bal avec ma famille et un ami qui m'est très cher.

— Un bal, dis-tu, il y a longtemps que nous n'avons pas eu de bal. Dites-moi, comment sont ta famille et cet ami si cher ?

Je jette un coup d'œil à Caden avant de répondre.

— Ma famille est ce qui est le plus banal, je dois admettre. J'ai plusieurs frères avant moi, cinq en tout. Tous sont dans le monde ou presque.

— Tu es donc la seule fille.

— Au grand désespoir de ma mère, oui, je suis la seule fille.

— Eh bien, je vois qu'Andras n'a pas perdu de temps à forniquer dans l'autre monde, ricane le droit, plusieurs fils avant d'avoir une fille.

J'entends soudain un grognement provenant de Kildan. Je me souviens soudainement de ce qu'il m'a confié. Je serais dans le même état d'esprit si celui que j'aime allait faire des enfants avec une autre personne. Il se ressaisit. Le roi souhaite toujours me questionner, continu :

— Et cet ami ? Qui est-il donc pour toi ?

— Nous devions nous marier dans quelques mois.

— Alors, c'est plus qu'un ami ? Es-tu encore vierge, fille de l'autre monde ?

— Allons, mon roi, tempère Emmery, ce n'est pas une question à poser à une si jeune personne.

Je rougis à cette demande. J'ai tant espéré que Sebastien soit le premier. Depuis toujours, je cultive un amour pour lui et cela ne s'arrête pas aujourd'hui. Je garde encore espoir de le revoir. Soudainement, à mes côtés, Caden se crispe et ses poings se referment sur la table. La question de son père est-elle trop déplacée pour lui ? Non, cela est impossible.

— Elle est à ma table, crache le roi, j'ordonne et j'exige que cette fille me répond.

— Tu devrais répondre, m'encourage Kildan, le roi n'est pas aussi patient qu'on le croit.

— Oui, je le suis.

Et ce dernier s'esclaffe avec Emmry à sa suite. Je suis déstabilisée par cette question à laquelle j'ai dû répondre. C'est personnel. Je n'ai jamais parlé de ces choses avec ma mère et mes copines, eh bien, je n'en ai pas eu à qui raconter mes secrets. Sebastian est le seul, hormis de ma famille, à qui je parlais. Qu'est-ce que ma virginité leur rapporte ? Cela ne regarde que moi. Je jette un nouveau coup d'œil à Caden. Ce dernier semble rouge de colère. Ce que j'ai dit est la stricte vérité. Pourquoi se comporte-t-il de la sorte ? Je n'entretiens aucune relation avec lui.

Soudainement, il se lève en faisant tomber sa chaise et part de la salle à manger. Je regarde Kildan qui hausse les épaules. Devrais-je lui courir après ? Bien sûr que non, car cela voudrait dire que je ressens une quelconque émotion pour lui. Je reste donc là, sous le regard amusé du roi. Je suis mal à l'aise et je baisse mon regard. Je souhaiterais être ailleurs.

Tandis que je suis dans mes pensées, de jeunes femmes entrent dans la salle à manger avec plusieurs couverts. Le plat principal est installé sur la table avant d'y enlever le couvercle. Un énorme sanglier d'une taille que je n'ai jamais vu est rôti accompagné de salade et de pommes de terre. Les jeunes femmes nous offrent pour cette entrée : une composition de champignon badigeonner avec une sauce à la texture très douteuse. Je crains d'être empoisonnée. Je fais donc semblant de m'intéresser au plat sans rien manger. Kildan m'observe, mais ne dit rien. Caden revient lorsqu'on s'apprête à couper le sanglier. Sa colère semble avoir disparu. Le roi fixe son fils en disant :

— Te voilà de retour. Bien, je veux tout savoir de tes intentions.

— Nous en avons déjà parlé, père, rétorque ce dernier.

— Tu es le prochain roi.

— Roi ou non, j'ai le droit de choisir la personne à mes côtés.

— Je ne veux pas de cette fille sur le trône de ta mère. Elle ne vient pas d'ici. Elle ne connaît pas nos coutumes et tu l'as très bien attendue tout à l'heure, cette femme que tu as ramenée va se marier avec quelqu'un d'autre que toi. Tu ne peux rien n'y faire.

— Si. Elle sera mienne. Qu'elle le veuille ou non. Elle va m'aimer.

— Il est hors de question !

Ils parlent comme si je n'attendais rien. J'ignore ce que je dois faire. Donner raison au roi ou prendre la défense de Caden ? Non, il est capable de se débrouiller seul. Cependant, je déteste quand on me considère comme une chose.

— Je suis là et je vous attends. Il est hors de question qu'on me traite comme une chose.

— Tu n'as pas le luxe de choisir ce que tu es ou ce que tu deviendras, fille de l'autre monde, crache le roi. Tu es de la lignée des Flamescream, loisir que tu n'as pas. Bien, d'entre elles ont été fait esclave et beaucoup noyé lorsqu'il en avait trop. Vous ne ferez pas exception à la règle.

— Une lignée des Flamescream. Répété-je. Que faites-vous de dame Emmery ? N'est-elle pas la mère de mon père et ainsi ma grand-mère ? Vous lui avez donné une faveur, qui semble à ma foi bien plus que convenable que certains choix qui s'offre à moi.

L'évocation du statut de ma grand-mère le fait sortir de ses gonds. À une vitesse folle, ce dernier se retrouve à mes côtés et m'empoigne la gorge. Il me soulève de terre, tandis que je me débats pour me défaire de son emprise. Je vois la rage dans ses yeux, mais aussi une flamme d'animosité dansante dans ceux-ci. J'ai peut-être mon salut. Je vais peut-être trouver la solution pour partir d'ici. Le roi ne m'aime pas. Si je ne meurs pas de sa main, je pourrais me faire bannir.

— Le sort de Emmery ne te regarde pas, fille de l'autre monde. Je pourrais te tuer sur le champ. Priver tes poumons d'air et te voir mourir à petit feu entre mes mains.

— Faites-le. Je ne crains pas de mourir. Je serais enfin débarrassée de vous.

Le roi contre moi et resserre sa main sur ma gorge. Je commence à voir des petits points noirs. Je cherche mon air, mais je retrouve vite au sol, tandis que Caden se rue sur son père. Kildan me soulève et me ramène à la chambre où je m'assois sur un canapé rouge brodé de fil d'or. Amusé, ce dernier s'exclame :

— Il y a longtemps que nous n'avons pas eu de drames lors des diners. Je trouve cela bien divertissant.

J'ignore comment je dois le prendre. J'ai volontairement mis en colère le roi à mes fins personnelles. On m'a enlevée de mon milieu. Tout a été chamboulé en si peu de temps. On aurait dû me dire la vérité bien plus tôt. Pourquoi tant de secrets ? Sans que je comprenne ce qui se passe, on me soulève une fois de plus en me plaquant contre le mur. Sonnée, j'essaie de reprendre mes moyens, mais tout ce que je vois c'est Caden. Il est en colère, mais surtout nu. Pourquoi ? Ma tête cogne plusieurs fois contre le mur de pierre jusqu'à un craquement étrange. J'ai très mal. Je vois que ses lèvres bouger sans son. Derrière l'épaule de ce dernier, je vois Kildan approcher et se mettre en nous deux. Mes jambes cèdent sous mon poids et instinctivement je porte ma main derrière ma tête. Je sens un liquide. Oh non ! Ce n'est pas bon signe. Tremblante, je l'avance. Du sang. Je saigne. Mes lèvres veulent dire quelque chose, mais rien ne sort. Kildan se tourne vers moi en s'agenouillant et je peux l'entendre dire:

— Regarde ce que tu as fait, pauvre prince. On n'agit pas de la sorte. Même les esclaves sont mieux traitées.

Kildan est en colère. Je ne comprends pas sa réaction. Il parle avec son frère, mais je n'entends pas les réponses de Caden. Cela me semble étrange. Mon escorte me soulève et m'amène ailleurs. La dernière chose que je l'entends dire, c'est :

— Ne t'approche pas. Tu aurais dû y réfléchir avant de la présenter comme tienne à père.

*****

Je me réveille en sursaut. Où suis-je ? On dirait que je viens de faire un mauvais rêve. Je regarde autour de moi. Non, je ne suis pas à la maison. Cette chambre, je ne la reconnais pas. Je m'assois en portant ma main derrière ma tête. Pas de bosse, même pas une enflure. Cela est impossible. Je fronce les sourcils en essayant de me remémorer les évènements, mais je la seule chose que je me souviens c'est Kildan m'amenant quelque part d'autre.

La porte s'ouvre, soudainement, sur mon père et son compagnon. Tous deux m'offrent un regard compatissant. Je ne reproche rien à Kildan, mais pour mon paternel, je me garde une réserve de ne pas lui cracher au visage qu'il a omis de me dire la vérité. Que me cache-t-il donc d'autre ?

— Comment allez-vous, ma fille ? me demande-t-il.

— Je vais bien, je crois. Combien de temps ai-je dormi ?

— À peine deux jours, répond Kildan, tu as perdu énormément de sang.

— Comment se fait-il que je n'aie rien ? Je touche et je ne sens rien.

— Nous l'ignorons. Hier soir, lorsque la lune éclairait la chambre, tout s'est refermé seul comme par magie. C'est la première fois que je vois ça. S'étonne ce dernier.

Je regarde mon père en demandant des explications, car je suis certaine qu'il sait quelque chose. Toutefois, ce dernier décide de quitter la pièce et je lui crie :

— Pourquoi, vous ne me dites pas la vérité ?

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