Chapitre 13


Je ne comprends pas pourquoi Sebastian ne court pas derrière nous, pour me secourir. Je suis déçue ou fâchée, je ne sais pas vraiment... J'ai l'épaule de cet homme dans mon estomac, ce qui m'empêche de bien réfléchir. J'espère seulement le voir, sortir de l'ombre, mais rien ne se fait.

L'homme marche plutôt vite, c'est sûr qu'être plus grand qu'un humain doit être avantageux. Nous quittons en vitesse la cour du duc pour rejoindre la forêt où il me jette au sol. À mes côtés, un corps gémit et je me redresse lorsque je reconnais mon père. Je me rends compte alors que Esmelda, Kildan et l'autre homme sont là. Kildan essaie de ne pas regarder mon père, tandis que les trois autres parlent entre eux.

— Père. C'est moi, Jennyfer. Je le lui chuchote.

— Jenny... Il est trop tard.

— Non, il n'est pas trop tard, dis-je en secouant la tête, nous pouvons encore partir. Il peut toujours arriver.

— Je crains que non.

L'homme dont je ne connais pas le nom et qui est toujours scotché à Esmelda lève mon père au sol avant de l'amener devant l'ami du duc. Ce dernier le toise du regard. Je n'arrive pas à déchiffrer ses émotions. Va-t-il le tuer ? Je prie que non.

— Alors, Andras Flamescream ? C'est donc elle ta fille. Elle est plus jolie qu'on m'a rapporté.

— Je suis que les dires ne sont pas exacts. Trompeur, même.

— Trompeur... Hmm. Ce n'est pas le mot exact. Mais sache que cacher ta fille unique constitue un crime très grave. Je te suis venu en aide, ne l'oublie pas.

— Elle n'est pas née dans notre monde...

— Tu veux me supplier, dit-il avec amusement, ton sang coule dans tes veines. Qu'elle soit née dans ce monde-ci ou dans notre monde, les lois sont strictes. Elle doit être vendue ou noyée... Mais je dois avouer que cela est un vrai gâchis de la noyée avec ce si joli corps.

Malgré moi, je croise mes bras sur ma poitrine. Je n'aime pas, comment il me regarde. Toutefois, cela est la première fois que j'entends le nom Flamescream. D'où vient le nom de famille que nous portons ? Toute cette histoire est étrange et je n'aurais probablement jamais de réponse.

Mon père essaie de se mettre le plus droit possible en le regardant droit dans les yeux. Il trouve du courage pour me défendre, mais ce dernier ne le devrait pas.

— Elle vaut plus que tu le penses.

— Peut-être ou peut-être pas. C'est à moi seule d'en décider.

— Et ma récompense ? demande Esmelda. Vous m'avez promis une récompense si je retrouvais Andras et plus je trouvais s'il avait des enfants.

— C'est vrai. Nous y verrons lorsque nous aurons traversé le portail.

Elle n'est donc pas venue pour rien. Je le savais, mais je ne pouvais pas prévoir de quoi il en retournait. J'avais raison de ne pas faire confiance à cette femme.

Tout à coup, un vent chaud nous bouscule et les lueurs de la lune commencent à éclairer entre les deux arbres. Petit à petit, une lumière bleue apparait en formant un tourbillon. Il est vraiment trop tard. Mon espoir n'est plus. Sebastian ne viendra pas me sauver, je ne le reverrai plus jamais. Mon cœur est lourd, rempli de chagrin ; mon ami va me manquer. Mes émotions se font ressentir chez l'individu qui m'a emportée ici et ce dernier me regarde d'un drôle d'air. Il s'approche de moi tel un prédateur et m'observe quelques instants. J'ignore ce que cet homme cherche, mais ne trouvera rien. Je n'ai rien à lui offrir. Mon cœur appartient déjà à quelqu'un.

— Tu l'oublieras vite cet humain, me crache-t-il, tu seras mienne.

— Ne prenez pas vos rêves pour la réalité, je rétorque, mon cœur lui appartient.

Il grogne.

— Nous verrons.

Il tourne légèrement la tête vers le tourbillon et sourit. De nouveau, il me jette sur son épaule et tout le monde se dirige vers le passage entre les deux arbres. Au moment, où cet homme s'apprête à enjamber le portail, une flèche se plante aux côtés de sa tête. Je relève la tête et mon cœur bat la chamade. Sebastian est là, avec un arc étrange à la main. Celle-ci est brillante et conçue d'un matériel étrange. Je n'ai jamais rien vu de tel. L'homme tourne la tête en grognant comme un animal et fronce les sourcils en voyant Sebastian. Je crois qu'il le croyait mort. Celui dont j'ai donné mon cœur décoche une nouvelle qui se plante dans le flanc gauche de l'homme qui me porte, puis une autre dans la tête de l'inconnu qui accompagne Esmelda. Le corps sur lequel je repose se raidit en arrachant la flèche et en poussant surement un juron dans une langue que je ne connais pas, mais elle ne ressemble pas à celle dont mon père a parlé l'autre jour avec Kildan.

— Sebastian. Je murmure.

****

— Espèce de folle, hurle l'homme en jetant au sol sans ménagement, comment tu peux omettre de me dire qu'il y avait un chasseur !

L'expression de confiance qu'abordait la vieille tante sur son visage depuis son arrivée s'estompe en quelques secondes. Elle le craint. L'un de ses hommes de main est mort de l'autre côté, mais j'ignore si Kildan est de son côté où celui de mon kidnappeur. Effrayée, dès qu'il s'approche trop près de cette dernière, elle se met à genoux, les mains jointes comme une prière en disant :

— J'ignorais qu'il avait un chasseur. Je ne pouvais pas savoir que des chasseurs ont pu traverser le portail.

— C'est drôle que même à la cour et dans le bas monde on colporte des rumeurs depuis une cinquantaine d'années.

— Des rumeurs, il y en a de toutes sortes. Il n'est pas simple de savoir quelles sont les vraies des fausses.

— Tu aurais dû anticiper.

Il se tourne vers nous, mais Esmelda n'en a pas fini.

— Et ma récompense ? demande-t-elle.

— Ta récompense ?

— Tu me l'as promis.

Ce dernier l'attrape par la gorge et la soulève. Elle essaie de se débattre, mais il est beaucoup plus puissant. Étouffée, Esmelda arrive à dire :

— Caden...

Caden. Il s'appelle donc ainsi. J'ignore ce qui se passe, mais tout se déroule à une vitesse folle. Esmelda se trouve décapitée et sa tête roule jusqu'à mes pieds étouffant ainsi un cri. Je n'ai pas de mots pour justifier cet acte gratuit de violence. Caden se tourne vers nous, le visage ensanglanté, et s'approche de Kildan. Que va-t-il lui faire ? Le tuer également ? Non, ils se prennent dans les bras. Je ne comprends plus rien, mais le visage de Caden reste impassible.

— Tu sais qu'il sera jugé.

— Je sais, souffle Kildan, je sais que beaucoup de choses pèsent sur lui.

— Il est temps de rentrer à la maison.

Caden me regarde et s'approche de moi. Toujours au sol, je rampe à reculons jusqu'à un arbre. Je suis effrayée pour la première fois de ma vie. Je crains qu'il me touche. Je ferme mes yeux lorsque sa main se tend vers moi. Ne reculant devant rien, il me remet sur son épaule et nous partons.

Je ferme les yeux tout le long du trajet qui me semble interminable. La seule chose que je peux constater, c'est à quel point ce dernier est musclé. Mon poids ne le gêne même pas. C'est comme si je ne pesais qu'une plume pour lui.

Je crois que je finis par m'assoupir, car je sursaute lorsque j'entends mon prénom résonner. Je m'autorise à ouvrir les yeux pour y voir mon père. Il m'aide à me tenir debout quand Caden me dépose au sol. Je regarde autour de nous et constate que nous sommes devant une auberge. En fait, c'est ce que je crois. L'écriteau est dans une langue étrange. Nous restons au-dehors avec Kildan en attendant que Caden en ressorte. Pourquoi n'en profiterais-je pas pour m'enfuir ?

— Je te le déconseille, dit Kildan, je sais à quoi tu penses.

— Je ne connais pas ces lieux.

— Exactement. Tout peut arriver et je ne suis pas certain que Caden appréciera ta disparition.

Je croise les bras sur ma poitrine en faisant la moue, mais il est vrai que je ne connais rien d'ici. Tout pourrait m'arriver. Je n'abandonne pas l'idée de m'enfuir lorsque j'en apprendrai davantage. Caden finit par ressortir en donnant une clé à Kildan. Pourquoi n'en ai-je pas ?

— Ta chambre est au premier étage. Je compte sur toi pour qu'il ne s'échappe pas.

— Ne t'en fais pas Caden. Il n'ira nulle part.

Ce dernier se tourne vers moi en disant :

— Notre chambre est au troisième.

— Quoi ? Jamais !

— Ne me force pas à t'y amener.

— Vous rêvez si je vais partager une chambre avec vous...Ahhh !

Caden me prend une nouvelle fois sur son épaule avant d'entrer dans l'auberge. Je peux entendre des clients rires aux éclats et d'autres dire : « C'est leur nuit de noces. La demoiselle est réfractaire. Va-t-il réussir à la soumettre, tu crois ? Je paris que non. » Ils croient vraiment que cela est notre nuit de noces. Plutôt rêver. À grande enjambée, Caden rejoint la chambre et me dépose sur le lit. Tiens, il ne m'y jette pas violemment. Ce dernier, reste, un moment, planté -là, à me regarder avant de sortir de la pièce fermant la porte derrière lui. Je me lève d'un bond en me dirigeant à la porte, mais malheureusement, celle-ci est fermée à clé. Ce n'est qu'un bout de plusieurs minutes qu'une femme, surement la femme du propriétaire de l'auberge qui fait son entrée en me disant :

— Je t'ai emporté des vêtements qui te permettront de passer un peu plus inaperçue.

— ...

— Tu ne parles pas notre langue ?

Je fronce les sourcils. Pourquoi ne devrais-je pas la comprendre ? Pourquoi parle-t-elle avec tant de familiarité ? Je ne la connais pas. Je n'ai pas l'habitude d'employer la deuxième personne du singulier lors de mes conversations. Je trouve cela un peu grossier.

— Pardonne-moi, je croyais que tu parlais notre langue.

— Pourquoi ne devrais-je pas en être capable ?

— Oh, elle parle. Disons que beaucoup de voyageurs passent sur nos terres. Certains ne comprennent pas notre langue.

— Je ne vois aucune différence.

— D'où viens-tu, jeune fille ?

— Est-ce que cela à de l'importance ?

— Beaucoup observent les moindres faits et gestes du futur roi...

— Et alors d'où je viens, ne devrais pas vous importuner. Je ne compte pas rester ici. Dès que possible, je partirais.

Elle fronce les sourcils avant de sortir de la chambre. Cela ne lui a peut-être pas plu, mais je ne compte vraiment pas rester dans un monde qui n'est pas le mien. Un monde dans lequel la lignée de mon père est autant opprimé que de celui d'où je viens. Je vais tenter de fuir, j'en fais le serment. Je ne resterais pas ici. Je sauverai mon père et nous repartirons à la maison. 

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