Chapitre 12
Le manoir du duc est magnifique. Il est bien plus grand qu'on la décrit. Plusieurs voitures défilent pour faire leur entrer. La crème de la société mondaine s'exécute comme des fourmis pour rencontrer leur reine ; ou devrais-je dire leur roi. Mère nous presse à notre tour et j'essaie de rester là, plus loin, derrière. Finalement, le duc est bien présent. Il a le regard absent, mais personne ne semble le remarquer. On nous présente comme la coutume et ce dernier ne prend même pas la peine de nous adresser la parole. Il hoche simplement la tête au grand déplaisir de mères.
Cette dernière rejoint son groupe de femmes et me pousse à remplir mon carnet de prétendants. Brandon reste à mes côtés, repoussant quelques hommes dont certains jouissent d'une réputation douteuse. J'amène mon frère un peu à l'écart et je lui donne le petit bout de papier :
— Ne l'ouvrez pas. Je lui ordonne, si jamais il m'arrive quelque chose ce soir, donnez-le à Sebastian.
— Voyons, Jennyfer, il ne vous arrivera rien. S'exclame-t-il un peu trop fort. Nous sommes à un bal. Que se passe-t-il ?
— S'il vous plait, mon frère, ne me demandez pas ce qui se passe. Je ne pourrais jamais trouver les mots. Faites seulement ce que je vous ai demandé.
— D'accord.
Tout à coup, un groupe de jeunes filles près de nous commencent à chuchoter en regardant vers une porte du jardin. Un homme est de dos à nous, il est élégant. Est-ce lui ? Curieuse, je m'approche, mais reste assez loin pour qu'on ne remarque pas ma présence. Ce dernier finit tout de même par se tourner vers nous et je reste bouche bée. Sebastian ? Que fait-il là ? Je croyais que le bal n'était pas son «rang ». Son visage est sérieux et ne s'illumine même pas lorsque nos regards se croisent. Ne le reconnaissant pas, les jeunes femmes se pâment devant lui, mais ce dernier n'a rien à faire. Il se dirige vers moi et s'incline comme coutume. Mon ami me tend le bras en disant :
— Puis-je vous offrir une danse, mademoiselle Hasting ?
— Volontiers.
Sans réfléchir, je le prends sous les regards furieux de certaines filles. Je suis amusée, mais curieuse à la fois. Il n'a jamais la classe supérieure à la sienne et pourtant, ce dernier se mêle à tous ces gens. Nous dansons un cotillon et je ne peux m'empêcher de lui demander :
— Que faites-vous ici ?
— N'ai-je pas le droit de danser ?
— Ne vous jouez pas de moi, Sébastian. Que faites-vous ici ?
— Je fais simplement mon devoir.
— Votre devoir ? Je croyais que vous détestiez tous ces snobs.
— Je les déteste oui, mais pas tous, me regardant droit dans les yeux, mais je dois les préserver de la menace.
— Alors, c'est pour lui que vous êtes venus. Dis-je une pointe déçue.
— Pas seulement. Je voulais vous revoir avant...
— Qu'il m'arrive quelque chose ?
— Oui.
— Vous croyiez vraiment qu'il va se montrer.
— Je suis certain. Je le sens dans tout mon être...
Sa phrase est coupée par l'arrêt de la musique et des chuchotements bruyants. Nous tournons nos visages vers la porte principale. Un homme plus grand que tout le monde de la pièce est accompagné par le duc. Il cherche quelque chose ou quelqu'un du regard. Sebastian se positionne devant moi afin de me protéger. Dois-je vraiment craindre cet homme ? Je ne le vois pas bien. Mon ami me cache, mais je sens que l'ambiance devient étrange. Suis-je la seule à s'en apercevoir. Les murmures se sont encore plus forts. Les femmes se pâment devant lui, tandis que les hommes lui jettent des regards de jalousie. On essaie de lui parler, mais ce dernier ne se préoccupe de personne. Je peux entendre dire qu'il est malpoli et grossier. Qu'il devrait au moins inviter une personne à danser, même en ne connaissant personne.
Sebastian m'éloigne de la salle en sortant par la porte de jardin. Dès que je me retrouve sur le balcon, je suis parcourue d'un frisson. Je claque quelques minutes des dents avant de me ressaisir. C'est la première fois que je vois le jardin du duc. Il est magnifique. Au centre trône un vieux saule pleureur avec un banc de pierre à ses pieds. C'est un endroit qui me parait plutôt intime. Des fleurs, surtout des rosiers blancs, roses, rouges sont le thème principal de cette composition florale.
Sans m'en rend compte, je marche vers l'arbre sous les protestations de Sebastian. Des lucioles dansent sous le saule pleureur donnant un magnifique spectacle. Je m'adonne à rire aux éclats lorsqu'elles se mettent autour de moi. Cela fait tellement de bien.
— Il y a un moment que je ne vous ai pas entendu rire, surgit mon ami derrière moi.
— C'est vrai.
— J'aime vous entendre rire.
Je ne sais pas quoi lui répondre, alors je préfère sourire. Sebastian se rapproche de moi, collant son corps contre le mien. Je pourrais rester ici, toute ma vie. Ses yeux sont étincelants, une lueur danse dans ses yeux et ce n'est pas le reflet des lucioles. Je l'ai vu une fois, mais je n'étais pas certaine. Au moment, où nos lèvres s'effleurent, j'entends un grognement et je me recule. Je n'ai pas le temps de lui dire quoi que ce soit que mon ami est au sol. Mon corps ne réagit pas immédiatement. Je reste tétanisée un moment. Il est là. Juste devant moi.
C'est un homme.
L'est-il vraiment ?
Je n'ai pas peur.
Il allonge sa main vers moi comme si dans l'ordre naturel des choses, je devrais la prendre. Je me secoue la tête en réalisant que Sebastian ne bouge pas. Je m'agenouille au sol en lui touchant le corps et je m'écris :
— Qu'est-ce que vous lui avez fait ?
— ...
— Vous n'êtes qu'un...
Un sourire narquois se dessine sur son visage, comme vainqueur d'une action que j'ignore. Son sourcil droit se hausse en se léchant la lèvre inférieure. J'ai la rage au corps, je n'accepte pas un tel acte. Sebastian Est... est mon quoi déjà ?
— Monstre ? continue-t-il.
Je ne lui réponds même pas, essayant toujours de réveiller Sebastian. Il faut que ce dernier se réveille. Malgré moi, des larmes coulent le long de mes joues en le voyant inerte, ce qui déplait à cet homme debout qui me regarde. Il pousse un grognement avant de m'attraper par un bras et de me relever avec force. Je tente de lui résister, mais ma force n'équivaut pas à la tienne. Je ne peux m'empêcher de voir ses yeux devenir sombres. Je ne distingue pas ses pupilles.
— Quel gâchis de pleurer pour un humain, crache-t-il, plus gâchis de t'avoir caché.
— Lâchez-moi. Je m'écris. Et ne me touchez pas.
Il sourit.
— Tu crois vraiment que quelqu'un va venir t'aider. Cette fête n'est qu'un prétexte pour t'emmener. D'accord, je voulais le faire devant tout le monde. Leur montrer que je suis plus fort qu'eux, mais ils ne voient que la vanité. Les femmes et les hommes auraient jeté leur pucelle dans les bras pour une simple danse ou un mot. Tu me facilites la tâche, bichette.
— Je ne suis pas une bichette, lui donnant un coup de pied dans les parties.
Il gémit et finit par me relâcher. Je m'accroupis à nouveau aux côtés de Sebastian qui ne réagit toujours pas. Pourquoi ne se réveille-t-il pas ? N'est-il pas censé être plus fort que les humains normaux ?
L'homme m'attrape à nouveau, mais par la taille cette fois-ci. Je me débats et le griffe dans le dos. Cela semble même lui faire plaisir, mais je continue quand même afin qu'il me laisse tomber au sol.
— Non, c'est vrai, tu n'es pas une bichette, clame-t-il en souriant, je devrais dire plutôt une tigresse. Tu m'as marquée. Je suis impatient de voir lors de notre nuit de noces.
La nuit de noces ? Cela est impossible. Ce n'est pas ce qu'ils m'ont raconté et ce qui s'est dit dans le livre. Les femmes de notre lignée sont vendues ou mortes noyées. Il fait erreur sur la personne. Je ne suis pas une femme à marier. Que lui ont-ils dit à mon sujet ? Je n'aime pas cet homme. Mon cœur appartient à Sebastian.
Nous nous éloignons du jardin, moi toujours, sur son épaule et je vois Sebastian se relever. Mon espoir renait. Il n'est pas mort. Je murmure à son intention.
— Je t'aime Sebastian.
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