Chapitre 10


Tout le monde se couche tôt. En fait, je fais semblant. J'attends que tout le monde soit endormi pour me glisser au-dehors. J'ai besoin de voir père. Je dois savoir s'il va bien. Je sais que sa tante s'est présentée aux festivités de la moisson. Les gens ne parlaient que de cela. On se demandait à voix basse d'où ils pouvaient venir. J'aurais dû en profiter à ce moment-là pour aller à la grange.

Comme s'il savait ce que je voulais faire, Butch est devant la grange à m'attendre. Je me glisse sous la trappe et j'y aperçois père toujours attaché. Il me semble si faible. Il n'y a ni eau ni nourriture tout près de ce qui me suggère que ces derniers le laissent mourir de faim. Je m'approche tranquillement de père en lui relevant la tête doucement.

— Père, dis-je tout bas, c'est moi, Jennyfer.

— Jennyfer. Vous... Vous ne devriez pas être ici. Vous devez partir.

— Je l'ai trouvé sous mon lit, père.

— Bien.

— Je crains, que n'ayons plus vraiment de temps.

— En effet... La lune s'élèvera haut dans le ciel. Ils ont trouvé un moyen de communiquer avec ce monde-ci.

— Comment ?

— Je l'ignore... Soyez prudente, mon enfant...

— Qu'est-ce qui va vous arriver ?

— Ne vous souciez pas de mon sort... Il a été scellé, il y a des années. Vous devez partir...

Je veux l'enlacer une dernière fois, mais une personne m'en empêche. Je me retourne en voyant Kildan qui me dévisage. Les émotions de son visage sont contradictoires, je n'arrive pas bien à les saisir. Son visage se tourne vers mon père et il... s'attendrit ? Je me recule. Ce dernier essai de relever mon père en lui caressant le visage.

— Je suis désolé, lui souffle-t-il, vraiment désolé.

— Tu as fait ce que je t'ai ordonné. Ek elska pik.

— Ek elska pik, lui répète-t-il, tu sais que je n'aime pas te voir dans cet état.

— Ne t'en fais pas pour moi...

— Comment pourrais-je ne pas m'en faire quand je suis le responsable de ton état ?

— Tu as ton rôle à jouer, Elska. Nous ne serons peut-être jamais réunis dans cette vie, mais nous le serons dans la prochaine.

— Ensemble pour toujours.

Je ne comprends pas vraiment ce qui se passe. De plus, ces mots sont étranges. On dirait qu'ils sont plus que des amis. Je semble ne pas connaitre mon père comme je le souhaiterais. Pourquoi être avec une femme ? J'aimerais éclaircir ce mystère, mais je n'ai pas le temps. Kildan me pousse vers la sortie dissimulée derrière les planches et je reste quelques minutes là. Il a donc senti la vieille tante et l'autre venir à la grange.

— Que fais-tu là ? le lui demande-t-elle un poil, suspicieuse.

— J'ai entendu du bruit provenir d'ici. Je croyais qu'il avait réussi à s'échapper.

— Hmm... Avec la jeune fille qui rôde dans le coin, tu as bien fait. Nous devons préparer l'arrivée du roi. Tu vas trouver quelque chose...

— Dans la forêt. Une clairière. Deux grands chênes s'entrecroisent et l'on y aperçoit parfaitement la lune entre les troncs.

— C'est parfait.

Ils finissent tous par partir et je sais qu'il serait dangereux de sortir par la grange. Je rampe donc à proximité du puits. Cette fois-ci, personne n'y est. Je suis presque déçue de ne pas y voir Sebastian. Je m'époussette un peu avant de rebrousser chemin vers ma demeure. L'air s'est refroidi un peu et cela fait du bien. Cette chaleur était suffocante.

Le chemin me semble long. Je regarde partout ; craintive de tomber sur quelqu'un ou quelque chose qui n'a rien à faire là. J'essaie de me dire qu'il n'y a rien dans les bois, mais contenu ce qui va bientôt arriver, je reste alerte.

Je sursaute lorsqu'une main se pose sur mon épaule. Je tourne légèrement la tête, poussant un soupir en reconnaissant la main de Sebastian. Que fait-il là ? Ne doit-il pas dormir ? Est-il comme moi à ne pas trouver le sommeil ? Je fronce les sourcils en me tournant vers lui. Son visage n'exprime aucune expression.

— Sebastian, que faites-vous là ? je lui demande avec curiosité.

— Vous, que faites-vous là ? La nuit n'est pas sûre pour les jeunes femmes.

— Ni pour les jeunes hommes.

— Je sais me défendre, je rétorque, vous ne trouviez pas sommeil ?

— Non. Je le sens dans chaque fibre de mon corps. Cela approche, Jennyfer.

— Vos cauchemars prennent forme.

— Ils ont plus clairs. Avez-vous fait des cauchemars ce soir, également ?

— Non. Je ne trouvais pas le sommeil. Je devais aller voir père. Comment il allait. Il a tellement sacrifié de choses pour moi.

— Je sais.

Je commence bientôt à trembler, non de froid, mais de sanglots. J'ai toujours eu une profonde affection et admiration pour père et le voilà dans une situation précaire ; par ma faute. Sebastian, voulant me consoler, me prend dans ses bras. Depuis la vieille, il se montre tactile ; chose que j'aurais aimé qu'il fasse bien avant. Mes larmes coulent sur sa chemise tachée de terre.

— J'aimerais tant vous dire que tout se passera bien, me souffle-t-il en caressant mes cheveux, mais j'ignore ce qui vous attend. C'est un monde cruel.

— Rien pour l'instant ne peut me réconforter. J'ai peur, je lui avoue.

— C'est normal. Qui ne craint pas pour sa vie ?

— Dormez encore avec moi, cette nuit.

— Vous savez très bien la réaction que votre mère aurait si elle me trouvait dans votre lit.

— Allons ailleurs dans ce cas.

Il se recule pour me regarder dans les yeux et pour constater si je suis sérieuse. Je le suis. À ce que je sais, cela est ma dernière nuit ici et je veux la passer avec quelqu'un qui m'aime ou du moins s'inquiète.

— Je n'ai pas d'endroit confortable à vous offrir.

— Et je m'en fiche. Nous pouvons toujours retourner dans la cabane du pêcheur.

— Impossible. Un bateau s'y est accosté cet après-midi.

— Votre grange.

— Ce n'est pas vraiment la meilleure idée, Jennyfer.

— C'est la meilleure.

Il ne dit rien, mais me prend la main. En silence, nous prenons le chemin de sa demeure. Je me sens fébrile. Je sais que rien ne se passera, je ne suis pas ce genre de fille. Je n'ai jamais écarté mes cuisses pour quelqu'un. Bien sûr, j'aurais aimé le faire avec Sebastian comme toutes les filles avant moi qui se sont mariées. Je sais que cela est pêché d'y penser, mais ces derniers mois, je les ai faits souvent. Je me suis autorisée quelques fois avant de m'endormir de me toucher afin de freiner mes pulsions. Je sais que cet acte est mal vu et encore que c'est pêché, mais cela me faisait du bien.

Nous arrivons à la grange des Hunt et nous montons l'échelle un par un. Sébastian prépare des bottes de foin afin d'être à l'aise et nous nous y allongeons tous les deux. Les mains croisées sur mon ventre et en regardant le plafond, la question qui me brûle aux lèvres depuis quelques jours s'échappent.

— Pourquoi ne pouviez pas me dire que vos promesses étaient non avenues ?

Il soupire.

— Je voulais également y croire, me confesse-t-il, je vous aime, Jennyfer.

— Et vos sentiments sont partagés. Ils l'ont toujours été.

— Je n'avais pas le droit de vous regarder ou même vous toucher. J'ai enfreint presque toutes les lois de ma famille. Est-ce pour le bien ? Je l'ignore. Mais désobéir me faisait un bien fou. Chaque moment passé avec vous était, ce sont des moments privilégiés. Mère était furieuse que j'entache la mémoire de mon père.

— Toutes ? Quelles règles n'avez-vous pas encore désobéies ?

— Celle de vous déflorer. Il est interdit pour un chasseur de consommer le fruit défendu d'une promisse de chasse.

— Pourquoi ?

— Parce qu'elle devient souillée. Nous ignorons ce qui peut se passer.

— Cela est déjà arrivé dans le passé ?

— À quelques reprises d'après les journaux familiaux que j'ai pu consulter. Mère refuse que j'emprunte la même voix que lui. Cela est déjà trop tard.

— Pourquoi craint-elle ?

— Mes parents ne viennent pas de ce monde, Jennyfer. Ils ont réussi à fuir à un portail laissé ouvert, il y a une cinquante d'années.

— Vous voulez dire que...

— Nous venons du même monde, Jennyfer.

— Et qu'ils ont traversé par le même portail que père. Gerard...

— Non, il n'est pas mon père. Un homme épris de ma mère. Il l'a caché aux yeux de tous... Mon père est mort quelque temps avant ma naissance.

— Je suis désolée.

Oui, je suis vraiment désolée. Toutefois, je ne comprends pas toujours pourquoi madame Hunt parait plus jeune que mon père s'ils viennent du même monde. Sebastian aurait dû être plus vieux que moi, plus âgé que mes frères. Peut-être ne connait-il pas la réponse lui non plus. Cependant, j'ai envie de le torturer un peu avant de trouver le sommeil.

— Vous savez, je me suis souvent touchée le soir en pensant à vous.

Rapidement, il se met sur le côté en me dévisageant et je souris. Je sens le rouge monter en moi, mais j'essaie de ne pas le faire paraitre. Je peux toujours lui confesser. Est-ce si mal ? Après cette nuit, je ne le verrais plus.

— V-vo-vous êtes, bégaie-t-il, Jennyfer...

— Ne vous montrez pas si gêner, Sebastian, c'est une chose tout à fait normale.

— Oh, mais cela est pêché.

— Cela est ce que l'on nous a enseigné en effet, mais croyez-moi, c'est libérateur.

— Je sais, souffle-t-il, que trop.

À mon tour de le regarder en fronçant les sourcils. Il ne me regarde pas, puis je devine à quoi ce dernier fait allusion. Cette fois-ci, je ne peux pas cacher le rouge qui me monte au visage. Lui, comme moi, faisait cet acte pour calmer ses pulsions.

— Vous vous êtes également touché, je ricane, en pensant à moi ?



******************************

Voilà deux petits chapitres. Je suis désolée, je ne pouvais pas poster avant. 

Sebastian et Jennyfer semble être plus proche que jamais.

Il arrive bientôt. 

Qu'arrivera-t-il ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top