Chapitre 54
Quelques jours plus tard.
Je suis chez mes parents, un peu obligée, ma soeur revient aujourd'hui de sa lune de miel. Je suis un peu saoulée d'être ici, j'ai pas du tout envie de voir Zoé rayonnante de bonheur, pas dans l'état dans lequel je me trouve. J'ai passé peu de temps avec mon neveu et ma nièce, surtout ma nièce, qui me rappelle la fausse couche de la semaine dernière, je ne suis pas prête à ça encore. Je l'aime ma petite Aby, elle n'y est pour rien dans mon malheur, mais je préfère la tenir à l'écart, elle me rappelle trop l'enfant que j'aurais du avoir dans quelques mois.
Je me retrouve donc dans ma chambre, à juste attendre son retour. Je dois avouée qu'hier, je suis sortie, mais comme je l'ai fait le reste de la semaine. C'était les seuls moments où j'étais bien, à profiter de soirée, à boire, à oublier. J'ai abusé, Julia m'a fait une remontrance jeudi, parce que j'avais loupé un rendez-vous important. Elle a heureusement pu prendre le relais, mais j'étais loin de gérer.
Du bruit arrive jusqu'à ma chambre, surtout des cris de joie. Mon neveu a visiblement retrouvé ses parents, je pensais qu'ils allaient rentrer plus tard, dans l'après-midi. Je regarde encore dehors un petit moment, respire profondément et je descends dans le salon, où mes parents sont avec Zoé et Sean, ils se retrouvent. Je les regarde un peu, puis je descends à mon tour, loin d'être la plus heureuse du monde. Je me retrouve à la hauteur de ma soeur, un sourire réussit à se dessiner sur mon visage alors que Zoé se tourne vers moi, pour le coup vraiment souriante.
-Charlie ! Enfin ! Tu m'as beaucoup trop manqué !
Ma soeur me prends dans ses bras, je cache un peu mon visage et passe mes bras autour d'elle à mon tour. Ce câlin n'est pas aussi réconfortant que ça, mais on va faire bonne figure, comme je fais depuis plus d'une semaine. Zoé finit par me lâcher, toujours avec son grand sourire.
-Alors, comment tu vas ma grande ?
-Bien écoute. Tout va bien.
-Vraiment ? T'as une petite mine.
-Oui. Juste un peu fatiguée, je suis sortie hier soir, j'ai pas encore totalement émergée de ma soirée.
-Tu vas en soirée alors que je rentre de voyage ?
-Bah oui. La vie a continué ici, tu le sais bien.
-Je sais. Je te taquine.
Sean nous rejoint avec Aby, il l'a confie à Zoé, qui s'empresse de lui faire un gros câlin. Et bim le petit coup au coeur.
-Salut Charlie.
-Salut Sean. Ça fait plaisir de te revoir.
-Étonnement, le plaisir est partagé.
Un petit rire sort de ma bouche, puis il me fait un rapide câlin. Mes parents nous invites à tous prendre place dans le canapé, ça me fait un peu chier, j'aurais voulu retourner dans ma chambre, j'ai pas envie d'écouter ma soeur parler de sa lune de miel. Pourtant je reste là, pour faire bonne figure, à faire sembler d'être intéressée par le voyage de Zoé et Sean. Surtout qu'ils ont eu un superbe séjour là où ils sont partis, la boule dans ma gorge se forme. J'essaie de la faire disparaitre en buvant, malheureusement de l'eau ou du jus de fruit, ça m'énerve.
Pendant ce long récit, Natalia nous prévient que le repas est prêt, mon père demande à le servir sur la terrasse, il fait beau et assez bon aujourd'hui. Nous partons donc tous nous installer, ma famille discute sur tout et n'importe quoi, je reste silencieuse. Je n'ai rien à raconter, si ce n'est mes journée répétitives et mes soirées au bar ou en boite pour oublier. Je ne sais pas si un jour j'oserais leurs dire pour ma fausse couche, même si maman en a déjà fait par le passé.
Je réussis quand même à m'échapper après le dessert, je retourne dans ma chambre, je plis des vêtements pour m'occuper l'esprit, mais ça ne marche pas des masses pour me changer les idées. Je finis par m'enfermer dans la salle de bains, je m'assois au sol, contre la baignoire et je laisse les larmes couler, encore.
Ma crise de larmes est quand même moins longue que les précédentes, je réussis à m'apaiser après avoir fermée les yeux un petit moment et en me berçant un peu, genou repliés vers ma poitrine. Je fixe un point dans le vide, restant plongée dans mes pensées, ça me calme.
Des pleurs finissent par me faire me lever, je comprends que c'est Aby, je n'entends personne venir dans les cinq minutes, Zoé a du oublié de mettre le volume du babyphone quand elle est venue la coucher, ou il a du planté.
J'essuie mon visage, applique rapidement du froid sous mes yeux gonflés et je vais voir ma nièce. Elle nous fait une grosse crise de larmes elle aussi, alors je refoule mon désir de la garder loin et la prends dans mes bras. Elle se calme assez vite, elle avait juste besoin d'un câlin, mais je pense qu'elle aurait préféré les bras de sa maman ou de son papa.
Je me balade tranquillement dans la chambre, jusqu'à ce que la porte soit ouverte. Un petit raclement de gorge me dit qui c'est, c'est Sean, je me tourne vers lui.
-Hé, qu'est-ce qu'Aby fait dans tes bras ?
-Je l'ai entendu pleurer depuis la salle de bains, personne ne venaient, alors je l'ai prise dans mes bras.
-Tu as bien fait. Je peux récupérer ma fille ?
-Oui, bien sûr.
Sean s'approche de moi et prends sa fille dans ses bras, il est ravi de l'avoir contre lui. Il finit par me regarder, il voit bien un truc.
-T'as pleuré toi aussi ? T'as les yeux tout rouge.
-Non, c'est rien. Tu sais que j'ai les yeux sensibles.
-Charlie, je sais reconnaitre les yeux qui ont pleurés, je les aient déjà vu chez ta soeur.
-Sean, c'est rien, vraiment. Tout va bien. Juste, entre la fatigue, le fait que je suis toujours sur un écran et la poussière que j'ai un peu remué, ça a rendu mes yeux sensibles.
-J'y crois moyen, mais j'ai pas envie de me disputer avec toi. N'oublie pas, tu peux nous parler.
-Je sais.
Mais j'en ai aucune envie.
-En tout cas, merci pour avoir calmé Aby, le babyphone a déconné.
-C'est bien ce qu'il me semblais. Et je n'allais pas la laisser pleurer dans son lit.
-Merci.
Sean regarde sa fille, je commence à partir, me sentant de trop.
-Charlie ?
Je me tourne vers lui, un peu surprise qu'il m'interpelle.
-Tu sais que tu ferrais une superbe maman ?
Un nouveau coup de couteau dans le coeur. J'ai une envie de meurtre, mais je la contient au fond de moi et me contente de sourire avant de partir en fermant bien la porte. Putain Sean, fallait que tu le dises ça ! Je suis déjà incapable de savoir que je suis enceinte, encore moins de garder un bébé dans mon utérus ! Alors être une bonne mère ...
Ma tristesse se transforme en colère, ça m'a vraiment tendu cette phrase. Je vais récupérer une tenue de sport, un sac, mon portable et je m'en vais, j'ai besoin d'évacuer. Je quitte l'immeuble, même s'il a une salle de sport au cinquième. Je prends le premier taxi qui me vient, je quitte carrément Manhattan.
Je me retrouve devant une salle de sport de Brooklyn, j'entre dans l'établissement, paie mon entrée et je vais me changer. J'ai besoin de me défouler, je trouve un tapis de course une fois habillée, je monte dessus, lance une bonne vitesse et je cours. J'accélère petit à petit, je m'en brûle les muscles des jambes et les poumons. Mais à force de courir ainsi, je me loupe sur un pas et je me casse la figure, me faisant mal un peu partout une fois au sol. Ce sont des douleurs physique, qui me font du bien, elles passent au dessus du reste.
-Wow ! Mademoiselle, ça va ?!
Le gérant de la salle me rejoint en courant, je me redresse tranquillement alors qu'il arrête la machine.
-Oui, ça va. Je me suis juste foirée.
-Vous courriez beaucoup trop vite là, ça ne m'étonne pas votre chute. J'espère que vous n'avez rien de cassé !
-Pourquoi ? Vous avez peur pour votre assurance si je me suis blessée ? Peur que je vous attaque en justice ?
-Non, du tout. Je m'inquiète pour mes clients.
L'homme vient m'aider à me lever, mes mollets et mes cuisses me font souffrir, mais c'est à cause de la course que je viens de faire. Il m'emmène jusqu'à un banc, où une autre personne nous rejoint et pose des poches froides sur mes muscles. On s'occupe parfaitement de moi, ce moment me permet vraiment d'oublier la sale réflexion de Sean.
Quelques jours plus tard.
Aujourd'hui c'est jeudi, je suis en télétravail exceptionnellement, j'ai aucun rendez-vous, alors je voulais travailler depuis la maison. J'ai pas arrêté en début de semaine, j'avais juste pas envie de me casser la tête à partir dans les locaux pour une journée sur mon ordinateur. J'aime vraiment bossé à la maison, ça me rappelle quand je n'étais qu'une simple shoppeuse. Je suis concentrée sur la sélection de plusieurs tenues pour plusieurs clientes, sans pression, surtout que les rendez-vous sont que fin de semaine prochaine. Et je n'en suis pas fière, mais travailler à la maison, ça me permets de boire. La boisson est toujours la seule chose que m'aide à surmonter le mal que je ressens.
La sonnette de la maison finit par me sortir de ma concentration, je ronchonne en posant mon verre et mon stylo puis je vais ouvrir. Ma soeur est derrière la porte, l'air grave, ça m'étonne venant de sa part.
-Il faut qu'on parle Charlie.
-D'accord. Entre.
Je laisse Zoé passer, elle entre dans mon appartement, je ferme la porte et la regarde.
-Qu'est-ce qu'il y a Zoé ? Pourquoi t'as l'air aussi remonté ?
-Parce que les parents m'ont dit que pendant mon absence, tu n'étais presque jamais avec Aby. Même Ryan l'a remarqué que tu étais distante.
-Tu viens me déconcentrer dans mon boulot pour ça ?
-Non. Il y a aussi le fait que ta boss est inquiète et les médias...
Elle sort des magazines de son sac, tous ont des couvertures sur moi, je n'avais jamais remarqué ça, je ne vais jamais aux kioskes à journaux et je me fiches des quand dira t'on au boulot.
-C'est quoi ce délire Charlie ?! Tu te bourres la gueule quasi tout les soirs maintenant ? Tu loupes le boulot ou tu arrives en gueule de bois ? Tu t'éloignes de ta propre famille ?
Je m'approche de Zoé et prends les magazines, ce sont effectivement des photos de moi en soirées, dans des clubs sélects, avec Tracy ou seule. Et les titres sont plutôt équivoque : la cadette des Gomez en plein dans sa phase alcoolique, limite droguée. Je vais jeter les magazines, je ne connaissais pas leurs existences et les parents m'en ont pas parlé. Zoé vient devant mon bureau et prends mon verre pour sentir ce que je bois, elle le repose rapidement.
-Du whisky ? Alors que c'est même pas dix heures ? J'ai besoin d'explication là.
-J'en ai aucune à te donner Zoé, dis-je en allant me pointer devant elle. J'ai vingt quatre ans je te rappelle, je te dois rien.
-T'es ma petite soeur, évidemment que tu me dois des choses. Merde Charlie, qu'est-ce qu'il t'arrive ?! Même Sean a remarqué qu'un truc n'allait pas !
-Je vais bien. J'ai juste...
Je cherche mes mots, j'ai pas du tout envie de dire ce qu'il ce passe : je suis en pleine dépression et je ne sais pas gérer.
-J'ai juste besoin d'évacuer, de profiter de ma vie. Paris m'a fait prendre conscience que je vis rien de ma vie.
-Tu vis rien ? T'as juste la meilleure vie ! Enfin, tu avais la meilleure vie, t'as pas besoin de tout ça, de toute cette décadence.
-C'est ce que tu crois.
Je vais chercher mon verre, j'avale l'alcool d'une traite et regarde de nouveau ma soeur.
-Je suis loin d'avoir une vie de dingue, bien un contraire. Même toi t'as une meilleure vie.
-Alors que j'ai vu l'homme de ma vie se faire assassiner ? Que j'ai tenu parce que j'avais en bébé en route ? Charlie, tu sais très bien que ma vie n'est pas la meilleure.
-Oh que si ! T'es mariée, t'as deux gosses et toi, au moins, tu sais que celui que tu aimes, en dehors de Sean, ne reviendra jamais. Zoé, si tu savais, mais si tu savais à quel point je t'envie.
-Qu'est-ce qu'il ce passe dans ta vie ma Charlie ?
-Rien. Que le néant.
Je récupère ma bouteille en tournant le dos à ma soeur et bois directement au goulot, je sens Zoé essayer de la récupérer, mais je réussis à lui échapper.
-Charlie ! Parle-moi ! Et arrête de boire.
On joue à ce jeu quelques minutes, Zoé essaie vraiment de m'arracher la bouteille des mains, je finis par m'enfermer aux toilettes.
-Tu m'inquiètes là. Ouvre la porte Charlie.
La tristesse que je ressens revient d'une manière encore plus brutal que d'habitude, je m'assois sur la cuvette des toilettes et regarde la bouteille. Je reste ici un moment, à juste avoir les yeux sur ma boisson, à la déguster, enfin, si on peut appeler ça déguster. Zoé toque à la porte régulièrement, ça finit par m'agacer, alors je me lève, je tangue un peu, j'ai pris la quasi totalité d'une bouteille pleine, et je sors de la pièce.
Zoé me laisse passer, je vais dans ma cuisine et sors une autre boisson de mon placard, toujours suivit par ma soeur. Elle me barre la route, je ne lutte pas.
-Charlie, s'il te plaît, parle à ta grande soeur. Je m'inquiète vraiment pour toi, dit-elle d'une voix très douce, celle qu'elle prends avec ses enfants.
-Tu veux vraiment savoir ?
Je lui murmure presque la question en la regardant, mes yeux se remplissent de larmes.
-Oui, je veux savoir. Je veux juste t'aider.
Elle me laisse passer quand je fais un pas, je retourne au salon, ouvrant la bouteille et la vidant de moitié, ça me brûle la gorge. Un rire fou, incontrôlable me prends, je laisse échapper ma boisson au sol alors que je rie à gorge déployée, elle explose en mille morceaux. Mon rire se calme, je regarde les bouts, puis ma soeur.
-Alors, puisque tu insistes, voilà. Je suis tombée amoureuse comme une conne du seul type que je n'aurais jamais dans ma vie, parce que monsieur veut être libre comme l'air ! Et tu sais, je suis même tombée enceinte de lui, on baisait sans capote, mais j'ai fait une fausse couche ! Le destin ne veut pas me laisser heureuse, il en a que pour toi ! T'as vu ton mec se faire buter, mais putain, t'as réussis à trouver un autre mec, à une soirée que JE t'ai organisé. Je trouvais ça drôle, mais là, si tu savais, je suis juste épuisée ! J'en peux plus de la dépression, j'en peux plus de souffrir, alors je bois, je sors, je danse. Et je sais que je n'aurais jamais le droit au bonheur ! Tout est pour toi, la petite chouchoute des parents et de l'univers !
-Charlie...
-Chut...
Je plaque mon doigt contre sa bouche, elle est complètement sous le choc, je le vois dans ses yeux et ça me fait pouffer.
-Toi, t'auras toujours le droit à tout : le mec, les gosses, le boulot, l'appart, l'amour des parents. Moi, je suis un déchet. Un échec.
-Mais non, dit-elle en retirant mon doigt de sa bouche.
-Si. Tu sais quoi ? Je te laisse mon appart ! Je me casse.
Je me dirige vers la sortie, je récupère mon sac, mes clés et les envoie à ma soeur, enfin, j'essaie.
-Allez, tchao !
J'ouvre la porte et vais vers les ascenseurs, Zoé arrive quand j'entre dans une cabine.
-Charlie ! Attends !
Les portes se ferment, je lui fais un salut de la main puis me tourne vers le miroir de la cabine. Ma tête fait presque peur. Je tire sur mes paupières inférieur, mes yeux sont rouges, l'alcool fait déjà bien son travail. Je réussis à fouiller dans mon sac avec le peu de lucidité qu'il me reste, le peu de dignité, je réussis à trouver un bout de papier qui contient une adresse.
L'ascenseur s'arrête enfin au hubb d'entrée, je sors en titubant de l'immeuble et hèle un taxi, un gentil monsieur s'arrête à ma hauteur. J'entre dans la voiture et donne l'adresse alors que ma soeur m'appelle depuis l'entrée, le chauffeur ne pose pas plus de question et me conduit dans le Queens. Je réussis à payer la course une fois arrivée, je frotte mes yeux et j'entre dans l'immeuble qui me fait fasse. Je finis par trouver la personne, elle se lève en me voyant, un peu surprise.
-Charlie ? Qu'est-ce que tu fais là ?
-Tu te souviens de notre discussion l'autre soir ?
-Oui, je m'en souviens.
-Est-ce que tu peux me donner quelque chose ?
-Ouais. Suis-moi.
La personne m'emmène ailleurs, dans un coin plus tranquille, à l'abri des regards.
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