Chapitre 53
Trois jours plus tard, dimanche.
Je suis à la maison, au fond de mon canapé, au fond du trou. Je suis rentrée vendredi après-midi, je n'ai revu personne une fois chez moi, je veux juste rester seule maintenant. Julia est venue me chercher lors de ma sortie d'hôpital, mes parents ne savent pas que j'ai séjourné là-bas et j'espère qu'ils ne le sauront jamais. Je regarde une série sur la tablette, une série plutôt gore, j'ai besoin de ça. L'amour, non merci.
Je finis par me bouger du canapé, je vais dans ma cuisine et récupère une bouteille de jus de fruit avec un verre. Je commence à l'ouvrir, mes yeux s'arrêtent sur un placard, je tire sur la porte sans aucune hésitation et prends une bouteille. J'ai toujours des bouteilles d'alcool à la maison, je crois que je vais en abuser. Les anti-dépresseurs et anti-douleurs ne font tellement rien ...
Je regarde la bouteille que j'ai pris, je l'ouvre et verse l'alcool dans mon verre, je le mélange avec mon jus de fruit et avale la boisson d'une traite, mais ça ne me fait rien, alors je me fais un nouveau mélange, plus fort, et je retourne sur mon canapé avec mon verre et les bouteilles. Je m'assois, remets ma vidéo en route et je bois tranquillement, trois verres dans la journée.
En début de soirée, je décide de bouger, j'ai besoin d'évacuer tout ce que j'ai. Je file devant mon dressing après une bonne douche, je cherche quoi mettre pour ce soir. Je regarde mes robes, il y en a une que j'aime bien, assez courte, noire, parfaite pour une soirée à s'amuser. Je vais la prendre avec une lingerie simple sans être sexy, j'ai juste envie de danser sans me faire draguer. Je sors pour oublier. Je retourne dans ma salle de bains après avoir pris ma tenue et me prépare, quand mon téléphone sonne. Je le regarde, c'est Tracy, pour elle je peux répondre.
-Salut Tracy, dis-je après avoir répondu et mis sur haut parleur.
-Salut ma biche. Qu'est-ce que tu fais ce soir ?
-Je sors. Pourquoi ?
-Je voulais sortir aussi. On se retrouve à notre bar habituel ?
-T'es à New-York ? Je pensais que tu étais à l'autre bout de la planète.
-Non, je suis rentrée depuis hier !
-C'est cool ça. On se retrouve alors à notre bar habituel.
-Dans vingt minutes ?
-Plutôt trente.
-OK. À tout' ma poule.
-À tout à l'heure.
Je souris en raccrochant et je me prépare après avoir commandé un taxi. Le maquillage est assez léger, mes cheveux sont attachés en chignon et c'est tout. Je mets des chaussures plates, pas envie de me casser la tête.
Une fois prête, je récupère mon sac à main et file. Le taxi me conduit rapidement jusqu'au bar, je paie la course et file dans l'établissement. Je cherche Tracy, je la trouve dans un coin un peu isolée, elle n'a pas envie d'avoir les paparazzis vers elle. Je la rejoins, ça va me faire du bien une soirée sans personne pour me rappeler Nathan et je sais qu'elle ne va rien me demander sur pourquoi je suis mal. C'est ma meilleure amie, elle me connait par coeur.
Je m'installe à sa table, elle lève la tête de son portable et sourit en me voyant.
-Charlie, enfin !
-J'ai cinq minutes de retard, ça va !
-Non, ça ne va pas !
Je tire une grimace, ça fait rire ma meilleur amie.
-Alors, comment tu vas ?
-Ça va plutôt bien.
Mensonge ... Tracy n'est pas bête, elle le sens. Elle plisse les yeux, elle sait.
-Ne me regarde pas avec tes yeux inquisiteurs ! Je n'aime pas ça !
-Charlie, je sens que tu me mens, c'est normal que je te regarde avec mes yeux inquisiteurs comme tu dis. Qu'est-ce qu'il ce passe ?
-Rien !
-Ne me mens pas. Pas à moi.
-Tracy, ça va. Et parle-moi un peu de toi. Surtout que à New-York et pas dans un autre pays à donner un concert ou faire une interview.
-J'ai une petite semaine presse et shooting, rien de bien fou. Après j'ai enfin deux semaines pour moi, je suis crevée
-Tu vas rester à New-York ?
-Non, du tout. Je pars m'isoler au nord du Canada, ça va me faire du bien.
-J'imagine bien.
-Tu voudrais pas venir avec moi ? Au moins quelques jours ?
-Non, je préfère pas. J'ai beaucoup trop de boulot.
-C'est vrai que tu as pris en responsabilités. Mais si jamais, tu n'hésites pas.
-Merci.
Je lance un petit sourire, un serveur arrive avec deux verres, deux beaux cocktails, je suis à peine surprise. Le serveur donne aussi deux cartes, le bar fait aussi restaurant, c'est agréable. Nous discutons tranquillement, enfin, j'écoute plus Tracy raconter sa vie depuis la dernière fois qu'on s'est vu, c'est à dire le quatorze juillet dernier. Elle a continué sa tournée, elle va la reprendre dans un bon mois, elle restera sur le continent américain, ça l'arrange.
À la fin de notre soirée, nous décidons d'aller profiter d'une boite, même si ça va être dur demain matin. Heureusement que je n'ai pas de rendez-vous et Tracy sait gérer les lendemains de cuite comme une reine ! Nous passons directement par la porte arrière, merci à nos noms de nous éviter une queue interminable à l'avant. On file directement sur la plateforme VIP, pas envie d'être avec les autres. Je m'occupe de commander une bonne bouteille puis je me pose avec Tracy à une table qui a vue sur la piste. On passe une partie de la nuit à danser, chanter et boire, moi j'abuse un peu.
Je finis par descendre sur la piste, j'évacue en dansant et criant avec les autres, j'oublie juste tout ; Nathan, la fausse couche, ma dépression, tout disparaît. Je savoure cette nuit, jusqu'à ce que Tracy vienne me chercher.
-Allez ma poule, c'est l'heure de rentrer.
-Mais non ! Je suis bien là !
-Charlie, c'est trois heures et demi, tu bosses demain. Je t'ai déjà donné du rab.
-J'ai pas envie de rentrer chez moi.
-Il le faut pourtant. Allez, on bouge.
-Mais j'ai envie de rester !
Tracy vient me prendre dans ses bras et me pousse un peu, je résiste un peu.
-Tracy, j'ai encore envie de danser.
-Et ça commence à trop durer. Je te rappelle, encore une fois, que tu bosses demain !
-J'en ai rien à foutre de mon job.
Ma meilleure amie recule, je réussis à me libérer et je me dirige vers le bar. Je commande une nouvelle boisson, Tracy me rejoint.
-Hé, Charlie, qu'est-ce qu'il ce passe ?
-Rien. Je veux juste danser, m'amuser...
Le barman me donne mon verre, je le bois d'une traite et me retourne vers Tracy après avoir commandé un autre verre.
-Je t'aurais bien dis baiser aussi, mais je viens de faire une fausse couche, on va éviter.
Le sourire de Tracy disparait, ça me fait rire.
-Roh, ça va ! Tire pas cette tête ! Comme tu peux le voir, je suis en forme !
-Non, ça va pas. Charlie, on sort.
Le barman revient, Tracy prends le verre avant moi et le balance derrière le comptoir. Elle me tire vers la sortie, je ronchonne jusqu'à ce que l'air frais me saisisse la peau.
-Tracy, je caille.
-Si ça peut te réveiller, c'est pas plus mal. Merde Charlie, t'as fait une fausse couche ! Quand ?!
-J'ai pas envie d'en parler. Je veux juste retourner à l'intérieur.
-T'y retourneras pas. Parle-moi, je suis ta meilleure amie quand même.
-Alors si je ne peux pas retourner dans la boite, je rentre chez moi, dis-je en marchant vers la route.
-Charlie, stop ! Je veux bien que tu sois alcoolisée, mais tu dois me parler !
-Mais j'ai pas envie de parler. J'ai pas envie de tout ça.
Pas envie de me souvenir. J'étais bien, mais la claque viens d'arriver.
-Je rentre.
Tracy me laisse partir, je hèle un taxi, la tristesse me reprends une fois mon adresse donnée. Je rentre chez moi, le coeur encore douloureux, ça me fait vraiment chier.
Une fois à la maison, je me fais un rapide démaquillage, me change, récupère une nouvelle bouteille et je vais dans ma chambre. J'avale quelques gorgées de ma boisson et prends mon portable. J'envoie un message à Tracy, qu'elle ne dise rien, puis je m'allonge. Je sens de nouveau les larmes, alors je ferme les yeux et essaie de m'endormir.
Le lendemain matin.
Je suis réveillée depuis une bonne heure et demi, j'ai un mal de crâne atroce et j'ai rendu tout l'alcool ingurgité dans la soirée d'hier. Je suis quand même quasiment prête pour le boulot, j'ai avalé un litre d'eau avec un médicament, ça aide à me sentir un peu mieux. Je termine d'appliquer mon mascara, le maquillage m'aide grandement à avoir une meilleure tête.
Mon maquillage finit, je vais mettre ma veste, mes chaussures, qui sont plates. Même ma tenue est simple : jean et chemise, rien de moulant, une tenue confortable et c'est tout ! Je récupère mon sac et file, malgré mon mal de crâne. Mon chauffeur m'emmène au boulot, je salue quelques collègues et vais directement dans mon bureau. Je sais que la porte sera ouverte, je la ferme quand même. Je m'installe à mon bureau et allume mon ordinateur, mais je mets juste mille ans à me lancer.
Environ trente minutes après mon arrivée, quelqu'un toque à la porte. Je me redresse, la personne ouvre la porte, c'est Julia.
-Hé, salut Charlie, ça va ?
-Oui, ça va, et toi ?
-J'ai l'air plus en forme que toi, donc ça va.
-Je vois ça. Tu as besoin de quelque chose ?
-Savoir comment tu te sens depuis jeudi. Tu as quand même finit à l'hôpital en saignant.
-C'était rien de grave, un problème de dérèglement hormonal. C'est ça qui m'a provoqué de grosses douleurs et des saignements.
-Vraiment ? Charlie, tu semblais vraiment mal jeudi, ce n'était pas un problème de dérèglement hormonal.
-Parce que j'avais vraiment mal, c'est tout.
-Si tu le dis. Mais je ne suis pas venue que pour ça !
-Ah oui ?
-J'ai une réunion tout à l'heure, je veux que tu sois présente.
-À quelle heure ?
-Deux heures. Et il est ici, salle 8.
-D'accord, j'y serais.
-Merci. Et je te laisse bosser.
Julia s'en va aussi vite qu'elle est arrivée, je note le rendez-vous sur mon agenda et je me remets au travail. J'ai beaucoup de choses à traiter, ça m'occupe bien l'esprit et mon mal de crâne disparait.
* * *
L'heure du rendez-vous arrive bientôt, j'ai cinq minutes pour aller à la salle de réunion, je viens tout juste de ranger mes affaires. Je prends un carnet, des stylos et je file, j'arrive rapidement à la salle. Julia n'est pas là, mais je suis surprise de voir Emma.
-Emma ? Qu'est-ce que tu fais ?
Celle-ci se tourne vers moi, souriant en me voyant.
-Salut Charlie. Cooper m'a envoyé ici, pour régler quelques affaires pour la saison estivale à venir.
-Oh, c'est Nathan qui t'a envoyé ? Pourquoi ? Je pensais qu'il gérait ça.
-J'ai été autant surprise que toi, surtout quand il me l'a demandé, mais en même temps, il n'est pas dans son assiette ces derniers temps.
-Comment ça ?
-Il est chiant comme jamais, on ne la jamais vu comme ça.
-Depuis que je suis partie il est comme ça ?
Elle hoche la tête, je vais m'asseoir à côté d'elle, le coeur battant.
-T'es sérieuse ?
-Bah oui. Après, Charlie, ça faisait des mois que vous couchiez ensembles, c'est quasi normal qu'il y ait un truc après. Même s'il se tape le tout Paris depuis bientôt deux mois.
-D'accord. C'est ... spécial de savoir ça.
-Comme tu le dis.
-Mademoiselle Guillaud ! Bonjour !
Julia nous sort de notre discussion, moi je baisse le regard figée sur mon carnet, complètement surprise de cette année de la part d'Emma. Nathan a donc changé de caractère à mon départ, je suis vraiment étonnée. Je ne pensais pas qu'il allait changer à cause de moi.
Ma cheffe vient prendre place et nous commençons le rendez-vous, je me concentre sur ça. Je prends les notes qu'il faut, on va avoir du boulot pour la saison estivale, on devrait avoir entre 20 et 30 pourcent de demande en plus, d'où le travail de répartition. Emma est assez incroyable dans ce job de responsable, je me demande pourquoi Nathan ne la fait pas progresser. Elle a des capacités assez incroyable.
Le rendez-vous ne s'éternise pas, il dure une bonne heure et demi, ce qu'il faut. Julia part, elle a d'autres choses à faire, moi je reste encore un peu avec Emma, à discuter. Tout ce passe quand même bien à Paris, les demandes continuent à fuser, c'est assez incroyable.
Mais Emma aussi doit partir, elle rentre dès ce soir, même pas le temps d'aller boire un verre ou de dîner ensembles. Je suis un peu triste, mais ce qu'elle a dit sur Nathan, ça m'a presque fait plaisir. Quand mon ancienne collègue part, je retourne dans mon bureau et me mets sur ma boite mail, j'ai vraiment envie d'envoyer ce message à Nathan, pour faire évoluer Emma et pour qu'elle puisse monter en grade. Je reste un moment sur cette page pour taper mon mail, mais c'est juste impossible. Je ne peux pas lui écrire... J'aimerais y faire pour mon amie, mais je n'ose pas. Mes doigts restent figées au dessus du clavier, puis je ferme la page.
Pardon Emma, j'aurais aimé mais, même avec ce que tu m'as dit, c'est impossible de parler avec lui, même via des mails ...
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