CHAPITRE 30
Le loup de Weiss, redoutable et imposant, se glissa silencieusement jusqu'à moi et s'agenouilla. Je sentis son souffle chaud sur ma jambe alors que je la passai par-dessus son dos puissant. Je pris le temps d'ajuster mes affaires, le sac chargé de provisions, mon carquois rempli de flèches et mon arc.
Alors que nous avancions lentement vers les bois, la meute se rassemblait autour de nous, observant notre départ. Au loin, Selena était posté sur le perron de sa hutte. Son regard triste croisa le mien et je lui fis un signe de tête pour lui montrer que tout irait bien, mais elle détourna les yeux et rentra chez elle. Mon cœur se serra et je me promis de régler cette situation une fois de retour.
Nous entrâmes dans la foret et Weiss tourna sa tête un instant vers moi. Il me fit un signe de son museau pour que je m'accroche bien, car il s'apprêtait à s'élancer à travers les bois. Je pouvais sentir l'adrénaline monter en lui alors que je m'accrochais fermement à son pelage.
Il bondit au-dessus d'une branche avec agilité, avant de s'élancer à toute vitesse à travers la forêt dense. Les arbres semblaient se pencher vers nous alors que nous filons vers l'est, laissant derrière nous un sillage de feuilles tourbillonnantes. Le vent sifflait à mes oreilles alors que nous avancions à une vitesse folle à travers les sentiers sinueux.
Au bout d'un certain temps, nous finîmes par atteindre un énorme précipice, surplombant une vallée. La vue était à couper le souffle, mais mon cœur se mit à battre la chamade en réalisant la hauteur à laquelle nous étions. Mes mains se crispèrent sur le pelage de Weiss, alors que je contemplais le vide abyssal qui s'étendait devant nous.
Nous nous arrêtâmes, et Weiss fixa intensément mon regard de ses yeux perçants, ressentant mes craintes, mais avant que je pusse dire quoi que ce soit, il s'élança dans le vide, m'entraînant avec lui.
La chute fut vertigineuse, le vide s'ouvrit sous nous. Mon cri déchira le silence, se répercutant en écho sur la vallée. L'adrénaline envahit mon corps, mêlant la peur à l'excitation. Je pouvais sentir le vent hurler dans mes oreilles alors que nous tombâmes en chute libre vers l'abîme en contrebas.
La sensation de liberté était indescriptible, le paysage défilant à toute vitesse sous nos pieds. Nous étions comme des oiseaux en plein vol, défiant la gravité. Le monde sembla figé et le temps suspendu.
Et puis soudain, le sol est arrivé à toute vitesse, nous accueillant dans un tumulte de poussière et de pierres, les pattes de Weiss atterrirent avec agilité sur la terre. Je laissai mes émotions s'échapper dans un rire incontrôlable qui résonnait dans la vallée après mon cri. Mes épaules étaient secouées par les spasmes et les larmes coulaient de mes yeux alors que je tentais désespérément de reprendre mon souffle.
Je relâchai enfin le pelage de Weiss et descendis de son dos avant de venir m'effondrai au sol. Je soupirai en me calmant doucement. Weiss se tint immobile à mes côtés et je vis une lueur d'amusement traverser son regard.
Il s'éloigna doucement, ses pas résonnant légèrement sur le sol craquant de la vallée. La brise légère transportait son parfum boisé jusqu'à mes narines tandis que je restais là, immobile, à attendre son retour. Quelques instants plus tard, je perçus le bruissement des feuilles et des branches qui se rapprochait de moi signe qu'il revenait sous sa forme humaine.
Je me redressai lentement, sentant mes muscles endoloris protestant contre le mouvement. M'asseyant avec précaution, j'appuyai mon dos contre un rocher rugueux et froid, qui semblait absorber la chaleur de mon corps fatigué. Je sortis ma gourde de mon sac et dévissai le bouchon avant de laisser le liquide frais glisser le long de ma gorge assoiffée.
Quand je sentis son regard posé sur moi, je tournai la tête pour croiser ses yeux. Sans un mot, je lui tendis la gourde qu'il prit délicatement, ses doigts effleurant les miens au passage.
— On va passer la nuit ici, déclara-t-il entre deux gorgées.
J'opinai silencieusement de la tête alors que le soleil disparaissait lentement à l'horizon.
— Est-ce que nous sommes encore loin ?
— Le territoire des Amarokić se trouve encore plus à l'est, nous devons traverser deux autres meutes avant d'y parvenir, répondit-il calmement.
— Et est-ce que nous entretenons de bonnes relations avec eux ? m'enquis-je, cherchant à en apprendre davantage.
— Je connais assez bien les alphas des Loups de l'Ombre et des Griffes. Nous avons de bonnes relations avec eux, les dernières meutes rivales étaient les nôtres, ajouta-t-il en évoquant la meute nocturne celle de mon père.
— Je n'ai jamais vraiment fait partie de cette meute, avouai-je à voix basse.
Nos regards se croisèrent et je baissai les yeux.
— Tu fais partie d'une meute maintenant.
Cette simple affirmation fit naître une douce chaleur en moi et mes joues s'embrasèrent légèrement. Nous restâmes silencieux un moment, laissant le vent murmurer entre nous tandis que les derniers rayons de soleil caressèrent notre peau. Une brise légère souleva mes cheveux, me donnant des frissons. Pour me réchauffer, je pliai mes jambes et ramenai mes bras autour d'elles.
Weiss sembla le remarquer, et d'un coup, il se transforma en loup. Ses yeux me fixaient alors qu'il s'approchait lentement de moi. Sans un mot, je le laissai faire, n'ayant pas l'envie de protester. Il se posa derrière moi, son corps chaud m'enveloppant dans une étreinte. Son pelage doux me chatouilla légèrement, faisant naître un frisson le long de ma colonne vertébrale. Je me laissai aller contre lui, m'abandonnant à sa chaleur apaisante qui imprégnait mon corps tout entier.
Je sentais son souffle chaud contre ma nuque alors que je contemplai le ciel, maintenant parsemés de petit point blanc. Je fermai doucement les paupières, me laissant bercer par le rythme de sa respiration.
֎
Cela faisait presque deux jours que nous avions quitté les terres de la meute sanglante. Nous avions parcouru de longues distances, nous arrêtant uniquement pour manger et dormir. Les journées se succédaient, monotones et silencieuses, notre échange limité à des mots rares et essentiels. Mais la nuit, tout changeait. Son souffle régulier et apaisant m'enveloppait, tandis que le doux contact de son pelage contre ma peau me réconfortait. Dans l'obscurité, notre lien semblait se renforcer, malgré nous.
La fatigue s'installait de plus en plus et les douleurs lancinantes dans mes fesses me rappelaient que je n'étais pas habitué à passer autant de temps sur Weiss. Je n'avais jamais était vers l'est et les paysages étaient tous magnifiques. Nous avions traversés les territoires des meutes voisines sans rencontrer de véritable problème, en évitant soigneusement leurs camps. Un loup s'était approché de nous pour vérifier notre identité et nos intentions. Cependant, dès qu'il avait croisé le regard de Weiss, il sembla le reconnaître et baissa rapidement la tête en signe de respect avant de nous saluer et s'en aller.
Pourtant, à mesure que nous approchions de notre destination, la peur s'insinuait lentement en moi. Nous étions en route vers un endroit reculé en montagne. La lumière du soleil déclinait progressivement, laissant place à une obscurité grandissante et menaçante. Le vent glacial qui soufflait faisait frissonner mes membres, et le brouillard rendait la visibilité très réduite.
Weiss avança sans ciller, mais l'atmosphère oppressante me mettait de plus en plus mal à l'aise. Ma main se crispa sur son dos et mon cœur palpitait de plus en plus fort dans ma poitrine. Weiss s'arrêta brusquement, ses yeux se posèrent sur les miens avec intensité. Il se pencha légèrement et je compris qu'il attendait que je descende. Délicatement, je passai ma jambe engourdie au-dessus de son corps et j'atterris sur le sol dans un petit saut qui n'avait rien de gracieux.
Une fois que mes pieds furent fermement plantés sur le sol, je m'étirai lentement pour chasser la tension de mon corps. Weiss reprit alors sa forme humaine, son visage impénétrable, comme si le fait d'approcher du territoire des Amarokić ne le dérangeait pas. Son regard perçant scruta l'horizon avant de venir se poser sur moi.
— Derrière ce brouillard épais se trouvent les terres des Amarokić, m'apprend-il d'un ton grave. Je ne peux plus te porter sur mon dos à présent, Layla, poursuit-il, ses traits impassibles.
— Je comprends, dis-je gênée.
— Tous nos faits et gestes vont être surveillés, m'informe-t-il.
— Ma déficience ne nous causera pas problème, je sais que nous ne ressortirons pas vivants s'ils s'en rendent compte, ajoutai-je, la peur sourde au fond de moi.
Il hocha la tête avec une expression déterminée avant de regarder derrière lui. Les deux montagnes laissaient un passage étroit, caché par le brouillard dense qui en masquait toute visibilité. Malgré cela, il se tourna et décida d'avancer.
J'en fis de même, chaque pas que je faisais semblait peser une tonne, comme si mes jambes refusaient d'avancer. Le brouillard devenait de plus en plus dense, obligeant mes paupières à se fermer pour me protéger. Instinctivement, mon bras se leva pour protéger mon visage des éléments déchaînés.
Le vent froid me cinglait, faisant virevolter mes longs cheveux en tous sens, tandis que mon cœur tambourinait violemment dans ma poitrine. Malgré la peur qui m'envahissait, je m'obligeai à avancer, ne laissant aucune place à la peur qui me submergeais.
Une main chaude s'enroula autour de la mienne et m'entraîna vers elle. Je fus enveloppée par le corps de Weiss. Nous pénétrâmes l'obscurité d'une grotte, le brouillard se dissipa et je commençai à distinguer les contours. Sentant son bras musclé me soutenir, je plongeai mon regard dans le sien, captivé par son intensité.
Soudain, je remarquai un énorme trou béant à quelques pas de mes pieds. Un frisson me parcourut l'échine en réalisant que j'aurais pu tomber dedans à tout moment, si Weiss ne m'avait pas attraper. Les parois de la grotte semblaient se refermer sur nous, aucun passage ne semblait évident pour en sortir. Alors que la panique me saisissait, je comprenais doucement que le seul moyen d'en sortir était ce trou géant.
Avant même que je puisse exprimer mes doutes, Weiss me serra contre lui, puis avec un mouvement rapide et déterminé, nous précipita dans le vide abyssal. Le sentiment de chute libre m'envahit, mais cette fois-ci, c'était bien plus extrême que de simplement tomber dans un précipice.
Le vent sifflait à mes oreilles, mes sens étaient en éveil, chaque fibre de mon être vibrait de cette adrénaline brute. La noirceur de l'abîme s'étendait devant moi, une obscurité indescriptible qui semblait engloutir toute notion de réalité. Je me cramponnais à Weiss, mon cœur battant à tout rompre, redoutant l'impact imminent contre le sol invisible qui se rapprochait à une vitesse ahurissante.
Alors que nous tombions à toute allure, le regard intense de Weiss fixé dans le mien. Je me demandais si nous allions survivre ou si notre destin funeste nous attendait dans l'obscurité qui nous entourait.
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