Quelques semaines se sont écoulées depuis l'incident. Weiss, bien qu'il se soit physiquement rétabli, son esprit semble encore tourmenté. Il s'est replié encore plus sur lui-même, me saluant à peine lors de nos rares rencontres, chaque échange est empreint d'une distance froide qui contraste avec les moments que j'avais passé à le soigner. La meute, quant à elle, a retrouvé une certaine quiétude en surface, mais les cicatrices émotionnelles de ces événements troublants demeurent vives. Les attaques contre les loups restent un sujet tabou, chacun évitant soigneusement d'en parler, comme si le simple fait d'évoquer ces souvenirs douloureux pouvait raviver les blessures encore ouvertes.

Le mystère entourant le fugitif persiste, jetant une ombre d'incertitude sur l'avenir. Les rumeurs et les spéculations circulent, mais personne ne détient la vérité sur ce qui s'est réellement passé entre lui et Weiss. La question de son sort, s'il est encore en vie ou s'il a succombé lors de leur affrontement, demeure sans réponse, laissant planer un voile d'inquiétude. Les regards furtifs échangés en silence en disent long sur les préoccupations et les doutes qui habitent chacun d'entre nous, créant une atmosphère chargée d'appréhension et de questionnements sur ce que l'avenir nous réserve.

Alors que le printemps pointe timidement le bout de son nez, la meute se prépare avec fébrilité pour la fête de révélation des nouveaux louveteaux. Plusieurs enfants ont vues leur don de métamorphe apparaître. Chaque nouveau petit métamorphe rejoignant la meute est accueilli avec chaleur et célébré comme un espoir pour l'avenir de notre communauté. Les jeunes louveteaux, quant à eux, prêtent allégeance à l'Alpha et à sa famille, scellant ainsi un pacte ancestral d'obéissance et de loyauté envers leur leader. Une profonde angoisse m'étreint, car je me sais déficiente, incapable de participer pleinement à ces cérémonies qui définissent l'essence même de notre existence.

A la fin de la cérémonie, l'alpha doit se métamorphoser accompagné de son épouse. Or, j'en suis incapable. Je suis consciente des interrogations silencieuses qui planent autour de ma nature métamorphe. Mais ces questionnements demeurent enfouis, étouffés par le respect et la loyauté qui entourent ma position au sein de la meute. Cependant, je sens le piège se refermer inexorablement sur moi, sans apercevoir la moindre issue.

Il n'y avait plus d'autres choix que de leur annoncer ma déficience et de m'en aller. Je ne voulais pas les déshonorer. Il y a quelques mois mes propos aurait été différent, mais en y repensant, l'idée que je me faisais de la meute n'était pas la bonne. Ils m'ont accueilli et traité comme l'une des leurs, bien sûr l'alpha déroger à cette règle. Néanmoins, il ne m'a pas brutaliser comme les, miens ont pu le faire. Pour cela, je me devais d'être honnête avec eux. Ma décision était prise, j'annoncerai à l'alpha ma déficience avant le début des festivités.

Assise sur le seuil de la hutte, je prends le temps d'observer la meute s'activer frénétiquement pour les préparatifs des festivités à venir. Mon regard se pose inévitablement sur Weiss, dont la stature domine l'agitation environnante. Je ne peux m'empêcher de penser que peut-être dans une autre vie, j'aurai pu percer la carapace de ce métamorphe et atteindre l'homme derrière celle-ci.

Soudain, l'appel de Selena me tira de mes pensées.

— Layla, viens nous donner un coup de main ! s'exclama-t-elle avec entrain.

Je m'approchai d'elle, tentant en vain de dissimuler mes émotions. Malgré mes efforts, mon sourire demeura figé, trahissant mon trouble intérieur. Selena releva les yeux vers moi, perceptive.

— Tout va bien ? Tu sembles préoccupée, me demanda-t-elle inquiète.

— Oui, oui, ne t'en fais pas, répondis-je en forçant un sourire crispé.

Elle soupira légèrement avant de déposer les guirlandes qu'elle tenait sur un carton, puis me pris par la main pour m'entraîner vers le porche de sa hutte. Elle s'y installa confortablement avant de tapoter l'endroit à côté d'elle, m'invitant à la rejoindre.

— Je sais que ces derniers temps ont été éprouvants pour toi. Comprendre Weiss n'est pas une tâche aisée. Ce qui s'est passé récemment a dû raviver en lui des souvenirs douloureux, des démons du passé, partage-t-elle avec empathie.

Une dualité intérieure me déchirait, oscillant entre la volonté de partager mes préoccupations avec Selena et le désir profond de dissimuler mes émotions, comme je l'avais toujours fait. Ce soir, tout changera, je comptais révéler la vérité à Weiss et ensuite partir. Il reviendrait à lui de choisir s'il souhaitait partager cette vérité avec les autres membres de la meute, la décision lui appartenait désormais.

Malgré la tension qui nouait ma gorge, j'acquiesçai d'un léger mouvement de tête tout en tentant de lui offrir un sourire. Puis, submergée par l'émotion, je l'enlaçai. Un instant de silence s'installa, laissant planer une certaine surprise dans l'air alors que Selena mettait du temps à répondre à mon étreinte, témoignant de la profondeur de nos émotions partagées.

Une fois l'étreinte brisée, je me reculai légèrement pour plonger mon regard dans celui de Selena, cherchant à transmettre toute la gratitude et la reconnaissance que je ressentais à son égard.

— Merci pour tout, Selena, murmurai-je avec sincérité.

Un léger sourire éclaira son visage.

— Tu sais que je serai toujours là pour toi, quoi qu'il arrive, répondit-elle doucement.

Après avoir acquiescé d'un léger mouvement de tête, je me détournai pour me préparer mentalement à ce qui allait se dérouler. Pénétrant dans la hutte, je refermai la porte derrière moi, laissant le silence de la pièce envelopper mes pensées. Rassemblant mes maigres affaires dans un petit sac, je pris le temps de soigneusement disposer mes possessions à l'intérieur. Chaque objet avait sa place, chaque détail comptait. Mon carquois, fidèle compagnon de mes aventures, trouva naturellement sa position parmi mes maigres biens.

Une fois mes affaires prêtes, je les posai délicatement de côté, comme un symbole de ma préparation intérieure à affronter l'inconnu qui m'attendait. Sentant le besoin de souffler un instant, je m'installai dans un coin de la hutte, laissant mon regard errer. Lorsque je fermai les yeux, les images du passé surgirent avec une intensité déconcertante, me ramenant des années auparavant.

Le souvenir du jour où mon père m'a traînée loin du camp de la meute dans la neige glaciale reste gravé dans ma mémoire comme une cicatrice douloureuse. Le froid mordant pénétrait mes vêtements usés, glaçant mes membres et figeant mes larmes sur mes joues rougies par le vent cinglant.

Alors que la neige crissait sous mes pas chancelants, les paroles cruelles de mon père résonnaient dans l'air glacial, comme des lames acérées transperçant mon cœur déjà meurtri. Ses mots emplis de mépris et de rejet résonnaient encore à mes oreilles, me rappelant que je n'avais pas ma place parmi les loups de la meute, que ma différence était une honte à dissimuler.

Les regards accusateurs des membres de la meute, témoins silencieux de ma disgrâce, semblaient peser sur mes épaules déjà courbées sous le poids de l'humiliation. Chaque pas dans la neige gelée était une épreuve physique autant que morale, chaque mot cruel proféré par mon père était un coup porté à mon estime déjà fragile.

Décidée à ne pas me laisser submerger par les souvenirs douloureux qui me hantaient, j'ouvris les yeux et me levai. Chassant les larmes menaçantes, je savais ce que je devais faire.

En sortant de la hutte, mon regard balaya le camp illuminé et décoré pour la fête des révélations. Les lumières dansantes et les décorations festives semblaient contraster avec la noirceur de mes pensées, mais je refusai de me laisser distraire. Mon objectif était clair : retrouver Weiss, affronter la vérité, je ne pouvais plus me cacher.

M'enfonçant dans la forêt sombre, là où Weiss était censé se trouver, je n'eus pas de mal à le trouver. Mon instinct me guidait, me menant droit vers lui. Je le découvris adossé à un arbre, son regard perdu dans les ombres de la nuit, sa silhouette imposante se confondant avec l'obscurité environnante.

Je m'approchai lentement, mon cœur battant à tout rompre.

— Weiss, l'appelai-je d'une voix tremblante.

Il tourna lentement la tête vers moi, un sourire en coin étirant ses lèvres.

— Ah, Layla, ma chère épouse que me vaut l'honneur de ta visite ? répliqua-t-il d'un ton sarcastique.

Je sentis une bouffée de courage m'envahir.

— C'est sérieux, Weiss. Il faut que je te parle, insistai-je, mes yeux cherchant les siens dans l'obscurité.

Intrigué par mon ton, Weiss s'approcha de moi, son expression se faisant plus sérieuse.

— Très bien, parle alors. Que veux-tu me dire ?, demanda-t-il, son regard scrutant le mien.

— Je ne comprends toujours pas pourquoi tu as décidé que ce soit moi au lieu de ma sœur, cela aurait était beaucoup plus facile autrement, commençai-je, ma voix légèrement tremblante. Ce mariage ne rime à rien pour nous deux, mais malgré tout, je dois te faire part d'une chose avant le début de la soirée.

Un silence pesant s'installa entre nous, je triturai nerveusement mes doigts, sentant l'adrénaline monter en moi. Alors que je cherchais désespérément mes mots, un craquement sinistre se fit entendre derrière moi, faisant frissonner ma peau. Avant même que je puisse réagir, Weiss se plaça instinctivement devant moi. Ma main se plaça instinctivement vers mon carquois, prête à brandir mon arc.

Quatre loups surgirent de l'obscurité, leur pelage sombre brillant à la lueur de la lune, créant une aura mystérieuse autour d'eux. Un silence pesant s'installa alors que les loups se métamorphosèrent, révélant leur véritable forme. Leurs yeux ambrés luisaient d'une lueur étrange, me fixant avec une intensité déconcertante qui fit frissonner mon être.

Je sentis une vague de désarroi traverser Weiss, son expression trahissant une certaine confusion. Il inclina légèrement la tête en signe de respect envers les loups, un geste empreint de reconnaissance et de prudence. Cette réaction inattendue de la part de Weiss m'inquiéta, ajoutant une couche de tension supplémentaire à mon être.