CHAPITRE 01

Du plus loin, que je me souvienne, mon existence a été synonyme d'ignorance et moquerie. J'ai grandi au sein d'une meute où le don de se transformer en loup est une marque indélébile de notre héritage ancestral. Mais moi, je suis différente. Je n'ai jamais possédé cette force animale, cette capacité à embrasser ma nature sauvage, à chasser dans les bois sous la lueur de la lune.

Je ne suis qu'une humaine vivant dans une meute. Les loups se moquaient de moi, me traitant de faible et de déshonneur pour notre lignée. Malgré tout, je restais silencieuse, gardant mes émotions enfouies au plus profond de mon être.

Mais la vie a fallu qu'elle soit encore plus dure avec moi, il a fallu que je sois l'aînée de l'Alpha Sven dirigeant la meute nocturne. Naturellement, j'étais une honte et un total échec pour ma famille. Mon père, l'Alpha Sven, ne pouvait pas cacher sa déception à mon égard. Il avait espéré une héritière puissante, une louve forte et intrépide. Mais à la place, il avait une fille humaine, sans aucun don de transformation. Pour préserver l'honneur de la meute, il avait pris la décision de me reléguer à l'écart, loin des regards et des jugements de tous.

Je vis donc recluse dans une petite tanière ou les hivers sont rudes et glaciaux et les étés beaucoup trop étouffants. Il m'arrivait de contempler la meute, de les regarder se métamorphoser, chasser, manger, jouer ensemble et j'avoue les envier. Je me surprends parfois à rêvasser d'une autre vie, d'une vie ou je rencontrerai ma louve ou je la laisserai imprégner mon corps et mon essence, mais la vérité est celle-ci, je suis humaine et mon âme solitaire condamné à le rester éternellement.

L'hiver n'allait pas tarder à s'installer et il fallait que je termine les derniers approvisionnements de ma réserve. J'enfilai mes bottes et mon gilet en laine abîmés tous deux par le temps et pris mon arc avant de refermer la porte. Je m'enfonçai dans le bois gelé, laissant mes traces de pas derrière moi dans la terre humide. Le vent hurlait à travers les branches, annonçant l'arrivée imminente de l'hiver. Le froid mordant pénétrait mes vêtements usés, me faisant frissonner, il fallait que je fasse vite.

J'avançai vers une clairière, où les animaux avaient l'habitude de se rassembler à cette période de l'année. Je scrutai attentivement les alentours, mes yeux cherchant toute trace de vie, prêts à repérer le moindre mouvement furtif.

Soudain, j'aperçus un mouvement rapide au-dessus de moi. Mon regard se porta vers un écureuil agile qui sautillait d'une branche dénudée à une autre. Cela aurait pu être une bonne prise, mais je savais que mon estomac avait besoin de quelque chose de plus nourrissant. Je laissai donc l'écureuil poursuivre sa danse aérienne, continuant ma chasse.

Au fur et à mesure que je progressais, les signes de vie animale se faisaient plus présents. Des empreintes fraîches dans la terre humide attiraient mon attention, me révélant les passages secrets des animaux des bois. Je me mis à suivre une piste, espérant qu'elle me mènerait à ma proie.

Alors que je me glissais silencieusement entre les arbres, mon cœur s'emballa soudainement. J'entendis un bruit provenant d'un buisson devant moi, un craquement léger mais distinct. La tension monta en moi, alimentant mon instinct de chasseuse.

Je bandai mon arc, préparant mon tir, lorsque soudainement un cerf majestueux émergea des fourrés. Ses bois imposants brillaient sous les maigres rayons de soleil traversant les nuages. Mon souffle se coupa et ma main trembla légèrement.

Je me concentrai, laissant mon instinct guider mes gestes. Mes doigts lâchèrent la corde de l'arc et la flèche siffla à travers l'air, atteignant sa cible avec précision. Le cerf fit entendre un bruit étouffé de douleur avant de s'affaisser lentement sur le sol terreux.

Je m'approchais de ma prise. Je savais qu'elle me fournirait assez de viande pour survivre à l'hiver rigoureux qui approchait à grands pas. Je remerciai l'animal silencieusement pour son sacrifice, consciente que ma survie dépendait de telles rencontres dans cet environnement hostile. Je sortis un couteau de ma ceinture et entrepris de préparer l'animal pour le transport. Tout en effectuant cette tâche, je laissai mon regard vagabonder dans la forêt qui s'étendait à perte de vue.

La viande que je devais transporter était bien trop encombrante et lourde pour que je puisse la transporter en une seule fois. J'avais conscience de ma taille frêle et de mes capacités physiques limitées. Je savais que je devais faire au moins deux trajets, afin de m'assurer que toute la viande soit transportée en sécurité.

J'entrepris de laisser la moitié près d'un chêne camouflée sous un amas de feuilles, cela me permettrait d'y revenir plus tard. Une fois, cette tache accomplit, je me penchai sur la deuxième moitié, pour pouvoir la transporter sans risque, je l'installai soigneusement au centre d'un tissu que j'avais pris soin de refermer avec diligence. Je m'assurai que le paquet était bien attaché à mon dos, pour ne pas risquer de le perdre en chemin.

Ainsi équipée, je me mis en route, avançant avec précaution dans les bois environnants. Après un certain temps, je parvins enfin à destination. J'ouvris la vielle porte de ma tanière et pénétrai à l'intérieur de celle-ci. Je détachai doucement le tissu et déposai la viande sur la table et la recouvris. Je m'occuperai de la préparer pour la conserver cet hiver plus tard.

Je m'enfonçai à nouveau dans les bois et j'arrivai très vite à la clairière, l'air était frais et embaumait l'odeur de la terre humide. Marchant rapidement, je me dirigeai vers le chêne la ou reposé l'autre partie.

Arrivé près de celui-ci, je scrutai les alentours avec une certaine appréhension. L'amas de feuilles avait disparu et la viande également.

    — C'est ça que tu cherches ? S'exclama une voix masculine suivie d'un gloussement féminin.

Je tournai mon regard, derrière moi se dressaient fièrement Kiara, Isaac et Aksel sous sa forme animale. Kiara était une jeune femme d'une beauté éblouissante. Sa chevelure flamboyante tombait en cascade sur ses épaules, encadré un visage fin et harmonieux. Sur sa droite, se trouvait Isaac, il n'avait pas changé, il était un homme grand, à la carrure imposante. Ses cheveux châtains, coupés courts, encadraient un visage empreint d'une fermeté et d'une détermination évidente. Ses yeux d'un bleu intense semblaient constamment scrutateurs et perçants. Quant à Aksel, il se tenait près de Kiara, à sa gauche. Son pelage était d'un roux éclatant et il tenait entre ses crocs de la viande, vraisemblablement celle que j'avais chassé.

Leurs yeux brillaient d'une lueur malveillante pleine de malice. Je soupirai et me contentai de les ignoraient. Cela ne servait à rien de les défier, ni d'envenimer ma situation dans tous les cas cela ne ramènera pas ma viande à nouveau. Aksel en avait fait son déjeuner.

Je leur tournai le dos et m'enfonçai à travers le chemin boisé pour regagner ma tanière. Aksel bondit à cet instant et me barra le passage. Il jeta à mes pieds un bout de viande mâché, je reculai instinctivement, méfiante.

    — Regarde-toi, tu es vraiment pathétique, gloussa Kiara. Personne ne se soucie de toi, tu n'as aucun ami, aucun don...Tu es juste un échec total.

    — Tu fais honte à notre lignée, tu es en vie, car tu es la progéniture de notre Alpha. Au cas contraire, il y aurait bien longtemps que ta petite vie insignifiante aurait pris fin. Cracha Isaac.

J'avais l'habitude de ces confrontations, mais cela ne m'avait pas appris à endormir mon cœur. La douleur face à la cruauté de leurs mots était réelle et bien présente à cet instant. Ils semblaient prendre un malin plaisir à me tourmenter, à me rappeler que je n'étais qu'un étranger parmi eux. Mon regard chercha un échappatoire, un moyen de contourner cet obstacle intimidant. Mais les arbres du chemin boisé semblaient se refermer sur moi, me menaçant de leur sombre obscurité. Je me sentais comme une proie piégée, incapable de me défendre contre les prédateurs qui m'entouraient. Prédateur censé être ma famille.

    — Tu vas la faire pleurer, ce n'est pas gentil Kiara, se moqua Aksel qui reprenait sa forme humaine.

    — Détrompe-toi Aksel, je peux me montrer très gentil. D'ailleurs, tu me fait de la peine, alors je vais t'annoncer une bonne nouvelle. Ta sœur se marie dans quelques jours. Tu ne seras sûrement pas convié, nous ne voulons surtout pas que tu nous humilies face à la meute sanglante. Mais tu peux quand même te réjouir pour ta sœur. N'est-ce pas ?

Ils éclatèrent de rire ensemble, comme si cela était hilarant avant de me laisser finalement seule.

Je fronçai les sourcils tandis que j'essayais d'assimiler les paroles de Kiara. Ma sœur était censée se marier dans quelques jours, et son époux appartenait à la meute sanglante. Je ne pouvais simplement pas comprendre. Les meutes nocturne et sanglante étaient rivales depuis des siècles. Alors pourquoi soudainement notre père acceptait-il une union entre les deux clans ?

Le visage crispai, je plissai les yeux. Une pièce du puzzle semblait manquer, une tension persistante régnait entre les deux meutes depuis des générations. Les différences profondes dans notre façon de vivre nous empêchaient d'envisager une coexistence pacifique. La meute sanglante était connue pour sa sauvagerie. Alors, pourquoi mon père, un chef respecté de la meute nocturne, acceptait-il une union entre les deux clans ?

Nos ancêtres nous avaient pourtant mis en garde, nous rappelant les conséquences dévastatrices des interactions avec les membres de la meute sanglante. Les rares fois où nos chemins s'étaient croisés, la violence avait toujours prévalu.

Ce mariage allait totalement à l'encontre des valeurs sacrées de la meute nocturne.

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