Chapitre 7

Chapitre 7.

On racontait que les hurlements de la Meute du Crépuscule annonçaient une mort certaine...

Maintenant que Trent avait l'espoir que Jayden n'avait rien à voir avec la guerre qui avait tué sa mère, il lui était plus facile de s'ouvrir à lui. Malgré qu'il conservât toujours une petite rancune pour l'homme, il était plus que curieux d'en apprendre davantage à son sujet et de découvrir quel genre de personnes pouvait bien être son âme sœur sous ses allures froides et austères.

Ainsi, le lendemain (après avoir dormi comme une brique jusqu'aux petites heures de l'après-midi, épuisé par sa journée de la veille), quand le même scénario que la veille se reproduisit, Jayden vint cogner à sa porte et lui demanda (ou plutôt ordonna) :

— Viens souper avec moi.

Il accepta. De plus, il avait remarqué que le ton de Jayden était un poil plus doux qu'à l'habitude, même si ça avait l'air de le tuer de se montrer un peu plus gentil avec lui. Mais rien que ça, ça rendit son loup plutôt heureux. Ce dernier avait envie de sautiller à la moindre gentillesse de son âme sœur.

Ils marchèrent en silence jusqu'à la salle à manger. Les naseaux de Trent captèrent une délicieuse odeur de nourriture qui flottait dans l'air en provenance des cuisines. Visiblement, quelqu'un s'était attelé à la tâche rien que pour eux, car il ne voyait personne d'autre à table !

— Tyler n'est pas là ? s'informa-t-il.

Jayden lui jeta un regard mauvais avant de secouer la tête. L'alpha ne savait même pas pourquoi il réagissait comme ça. Son loup n'aimait tout simplement pas voir son âme sœur accorder de l'importance à la présence d'un autre que lui !

— Non.

— Il viendra ?

— Non.

— C'est lui qui a cuisiné ?

— Non.

Trent grimaça. Son âme sœur était décidément un connard intraitable et grognon !

— Pourquoi m'invites-tu à souper si c'est pour ne pas me parler ?

— Je te parle, là.

L'alpha persistait même s'il voyait le rouge de la colère monter sur les joues de son Lié. Ouais, il était un connard et il le savait. Mais il n'avait jamais été doué pour draguer, pas plus qu'il n'avait déjà été charismatique. Il avait de quoi retenir de son ancêtre Lysander ! Après autant d'années à vivre seul dans cet immense palais et à éventrer tous les visiteurs impromptus, ses aptitudes sociales s'en étaient malheureusement vues dégradées...

Après un soupir, Trent parvint à se motiver. Il n'allait pas laisser Jayden massacrer son souper par son humeur plus froide qu'un iceberg !

— Alors, c'est toi qui as cuisiné ? Qu'est-ce que l'on va manger ?

— Du lapin, je suis allé en chasser ce matin.

Ou plutôt son loup avait encore pensé que c'était une bonne idée quand il était allé se dégourdit les pattes... et il s'était dit autant joindre l'utile à l'agréable. Il n'aimait pas gaspiller les cadavres d'animaux, cela aurait été comme leur manquer de respect, mais apprêtés comme il le fallait, le lapin était une viande tendre à savourer. Bien meilleure que crue !

Et... par la tête de Lysander ! Pourquoi avait-il des images du corps nu de Trent qui défilait dans son esprit quand il pensait à une douce chair tendre ?!

Ce lien d'âme sœur allait le rendre complètement barjo !

— Tu chasses souvent ?

— Oui.

Et beaucoup plus maintenant que tu es dans mes pattes...

— D'accord... et tu as d'autres passions ?

Jayden n'était décidément pas l'homme le plus loquace qu'il ait rencontré ! Il en venait presque à regretter Leonidas !

— J'aime la lecture et le jardinage.

Et en un seul coup, l'image de gros dur que renvoyait l'alpha vola en éclats. L'esprit de Lysander ne s'était peut-être pas trompé en choisissant Jayden pour lui, après tout. Un homme qui aimait lire et jardiner ne pouvait tout simplement pas être un monstre cruel !

— J'aime beaucoup lire aussi ! J'adore la littérature anglaise ! Oscar Wilde, Shakespeare... !

Il s'emballait, ayant la sensation d'avoir trouvé un point commun pour briser la glace.

Jayden regarda son âme sœur durant quelques secondes, surpris. Ce n'était pas souvent qu'il rencontrait quelqu'un aimant autant la lecture que lui. Ici, au château, il était même le seul. Il le vit comme une opportunité d'apprivoiser Trent.

— Je te montrerai la bibliothèque du palais, dans ce cas. Il y en a une immense que je m'efforce d'agrandir depuis près de quatre-cents ans.

Les yeux de l'oméga brillaient et le loup de Jayden se sentit tout heureux : il avait vraiment envie de faire plaisir à son âme sœur.

— J'adorerais, sourit-il.

Jayden alla chercher le repas et déposa deux assiettes sur la table. Ils s'attablèrent, prêts à manger.

— Et... pour le jardinage, c'est toi qui t'occupes des jolies roses à l'entrée du château ? demanda Trent pour faire la conversation.

— Effectivement.

— Elles ont une signification spéciale ?

L'oméga essayait d'être prudent, se souvenant que les roses paraissaient être un sujet sensible pour l'alpha.

— Elles ont été plantées à la mort de mes parents.

Et Arabella leur avait jeté un sort pour qu'elles continuent de pousser et de fleurir toute l'année, même sous la neige. Il tenait à ces fleurs comme à la prunelle de ses yeux.

— Oh ! Je suis désolé ! Toutes mes condoléances !

Ayant perdu sa mère, Trent comprenait parfaitement les sentiments de Jayden. Néanmoins, l'alpha chassa toute compassion d'un geste de la main.

— Ce n'est rien, ça fait des siècles.

Ils terminèrent de manger et Trent fut gentiment reconduit à ses appartements. Jayden hésita au moment de refermer la porte. Son loup lui criait d'entrer dans la chambre et de plaquer son âme sœur sur le lit, mais il parvint à lutter contre ses instincts et à se retenir. S'il faisait quoique ce soit maintenant, il avait peur que l'oméga ne lui pardonne jamais. Et ce malgré les grands yeux avec lesquels Trent le fixait également.

Trent était dans le même dilemme que Jayden. Son loup voulait décidément se blottir dans les bras de l'alpha, mais c'était beaucoup trop tôt ! L'oméga ne voulait pas que les choses aillent si vite ! Il ne voulait pas devenir un jouet entre les pattes de l'homme, c'était ce pour quoi il ne voulait pas se soumettre trop rapidement et conserver de son indépendance le plus longtemps possible.

Au final, la porte qui les séparait se referma et le loquet fut mis en place, énervant un peu le plus jeune qui en avait marre d'être enfermé !

***

Le lendemain matin, Trent se fit réveiller par Jayden qui frappait à la porte.

— Deux minutes, j'arrive, dit-il assez fort pour se faire entendre, groggy.

Il se frotta les yeux et ouvrit la porte de sa chambre qui venait d'être débarrée, alors qu'il était toujours torse nu avec uniquement un pantalon lâche sur ses hanches. La mâchoire de Jayden manqua de se décrocher, tandis que son regard se promenait sur les abdominaux ciselés du jeune homme.

Son loup s'emballa très rapidement et ses yeux dorés se dilatèrent en deux petites fentes affamées. Il essaya de cligner des paupières pour les faire revenir à la normale, mais il n'y avait rien à y faire.

— C'est dangereux pour toi de te balader dans cette tenue devant moi, gronda-t-il en sentant ses crocs s'allonger contre ses gencives.

Avant qu'il ne le réalise, il marchait vers Trent, le forçant à reculer jusqu'à être acculé contre le mur. Leurs deux cœurs battaient la chamade et leurs souffles rapides se mêlaient l'un à l'autre.

Le loup de Trent ne désirait qu'une seule chose : se soumettre. Le plus jeune pencha la tête, offrant sa gorge sans pouvoir résister aux phéromones puissantes de l'alpha. Il sentit les lèvres de Jayden effleurer sa peau et un gémissement s'échappa de sa bouche. Il suppliait presque pour que l'homme le morde.

Pendant un instant, il n'exista plus rien d'autre que leur corps pressé. Les mains de l'oméga se promenèrent sur les biceps de son vis-à-vis, caressant les muscles solides.

Le charme opérait. La malédiction faisait son œuvre, les attirant comme des aimants l'un vers l'autre. Il était impossible de ne pas succomber, tous finissaient par craquer.

Trent frissonna des pieds à la tête en sentant le bout des crocs de Jayden chatouiller le creux de son cou. Est-ce que ça allait vraiment arriver ? Maintenant ? Comme ça ?

Il y avait eu mille autres scénarios plus romantiques en tête. Pourtant, il ne parvenait plus à penser qu'à rien d'autre que le parfum de Jayden qui lui embrumait les idées. Il avait tout autant envie de mordre l'alpha que ce dernier avait envie de le mordre, et Trent aussi sentait la pointe de ses canines percer ses gencives.

Juste au moment où Jayden allait planter ses dents dans son cou, leurs yeux se croisèrent et ils eurent un vif retour à la réalité. Brutalement, ils s'éloignèrent l'un de l'autre en un bon et l'alpha essuya sa bouche du revers de sa main.

— Merde ! jura-t-il en serrant le poing.

Il détestait vraiment cette malédiction qui lui faisait faire n'importe quoi ! Auparavant, ça ne lui était jamais arrivé de perdre autant le contrôle !

Trent s'empressa d'enfiler un haut en évitant le regard de l'alpha. Il était tout aussi dépité que ce dernier. Il avait pour habitude de se sentir libre et indépendant, alors devoir se soumettre contre son gré à cause de cette foutue malédiction ne lui plaisait pas du tout ! Pourtant, il avait eu tellement envie d'offrir sa nuque à l'homme, puis de le plaquer à son tour contre le mur pour le mordre. Il avait beau être un oméga, son loup avait envie de marquer son alpha pour qu'il ne puisse être qu'à lui !

Ils ne firent aucun commentaire sur ce qui venait de se passer et sortirent de la chambre. Trent se demandait vraiment où pouvait bien le conduire Jayden.

Ils finirent par s'arrêter devant deux très grandes portes que l'alpha poussa. Aussitôt, l'oméga retint son souffle.

— C'est incroyable...

Il était devant une magnifique bibliothèque qui n'avait rien à envier à celle d'Alexandrie. Du sol au plafond, des ouvrages anciens peuplaient les rayons. Il fallait prendre une échelle pour accéder aux plus hautes étagères. Les couvertures des livres étaient soigneusement travaillées avec des ornements d'or et des détails en relief. Obnubilé, Trent passa sous le nez de Jayden et se mit à tournoyer dans la bibliothèque, regardant des livres au hasard sans oser y toucher.

— Tu peux venir ici dès que tu en auras envie. Il n'y a personne d'autre que moi qui utilise cette bibliothèque.

— As-tu lu tout ce qui s'y trouve ?

— La plupart. J'ai eu presque cinq-cents ans pour le faire.

— Mais... il y a des livres en latin, en grec, en anglais, en espagnol et même en allemand !

— Je sais.

Trent attrapa un exemplaire qui paraissait être une version originale de Roméo et Juliette et le pressa contre son cœur. En savourant l'odeur du papier, c'est alors qu'il réalisa pleinement ce que Jayden avait dit.

— Cinq-cents ans ? Ce qui veut dire que...

Ses yeux s'écarquillèrent et sa mâchoire manqua de décrocher.

— Il ne me reste plus beaucoup de temps, compléta Jayden à sa place en haussant les épaules.

Et les phéromones qu'il dégageait en étaient d'autant plus fortes.

Trent était surpris que l'alpha le prenne aussi bien. Normalement, il aurait dû devenir fou en sa présence et le marquer sans plus attendre. Malgré ce qui s'était passé plus tôt entre eux, il avait réussi à s'arrêter avant de commettre l'irréparable qui les enchaînerait l'un à l'autre pour l'éternité. Et lui qui pensait avoir un peu de temps devant lui pour apprendre à connaître l'alpha avant de succomber à son sort... les jours étaient pourtant comptés.

— Pourquoi ne pas me l'avoir dit ?

— Cela aurait changé quelque chose ? Je n'ai pas besoin que l'on me prenne en pitié. Je n'ai jamais voulu d'âme sœur et je me suis toujours débrouillé sans. Ce n'est pas demain la veille que ça changera !

Trent couina sans s'en rendre compte. Les paroles de Jayden avaient été comme un coup de poignard en plein cœur pour son loup qui le percevait comme un rejet de la part de la personne qui lui était pourtant destinée.

Aussitôt, l'alpha se sentit également mal. Le couinement de Trent fut comme si on lui arrachait le cœur.

Cette malédiction allait les rendre fous !

— Je suis désolé, murmura-t-il dans sa barbe un peu contre son gré, histoire de rassurer son loup et celui de Trent.

— Ce n'est pas grave. Je ne comprends pas ce qui m'arrive, je ne réagis pas de cette façon habituellement, surtout pour quelque chose d'aussi ridicule...

— Je crois qu'aucun de nous n'est vraiment lui-même en ce moment. 

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