3- Arrivée à Nice

Résumé des chapitres précédents :

Ira quitte le refuge de Loex et Martial le village de Val Saint Marcel pour aller étudier à Nice. Ils font partie de la meute de l'Est mais ne se connaissent pas car le père d'Ira s'est éloigné à l'écart avec le scientifique de la meute.

Concernant Ira, on sent que sa famille est inquiète, ils craignent que les choses se passent mal, sans qu'on sache bien pourquoi encore.

Martial lui quitte son village avec beaucoup de non-dits et de conflits avec son père l'alpha. Il est sans cesse en rivalité avec son frère ainé et il doute énormément de son père. Il ne pense qu'a une chose : à lui la liberté !

***

Ira

Le trajet en train a été long ! J'ai eu le temps de lire un bouquin sur les origines de notre espèce. J'étudie nos mythes, espérant y trouver des réponses sur qui je suis.

Les ulfarks vivent plus longtemps que les hommes, et curieusement, il y a toujours beaucoup moins de louves que de loups. La solution est donc de transformer des humaines, avec plus ou moins de succès.

Ma mère l'était, elle n'a pas supporté la transformation et en est morte. Mon père ne l'avait pas mordue, il avait renoncé à la magie des ulfarks, car il ne voulait pas risquer nos vies. Un inconnu s'en est chargé, qui est responsable de ce que je suis. Mon père l'a cherché sans succès.

Les bébé ulfarks naissent sous leur forme humaine et la première transformation en animal n'intervient que vers les deux ans, avec le développement de la motricité. Moi, je n'avais toujours pas changé à presque cinq ans, j'avais un sacré retard. Tous pensaient que j'étais anormal, sans se douter à quel point !

Papa est garde-forestier, il s'occupait de moi seul et m'emmenait souvent en forêt quand il faisait ses rondes. Lorsque j'ai changé pour la première fois, nous n'étions que tous les deux, ce qui m'a sauvé la vie. Si nous avions été avec la meute, l'abomination aurait été sue.

En prenant mon autre nature, je n'étais plus aux commandes, car mon loup et moi n'étions pas encore connectés. J'ai deviné, malgré mon jeune âge, qu'il y avait un problème quand je suis redevenu humain. Mon père était à genoux, il avait les larmes aux yeux. Il m'a serré dans ses bras, incapable de parler.

─ Tu es habillé ! s'est-il exclamé ébahi.

J'ai baissé la tête sur mes vêtements, alors que mes copains se retrouvent nus après le changement.

─ Je ne suis pas beau ?

J'étais inquiet de ce qu'il avait vu.

─ Tu es d'un superbe roux, presque rouge, tu es magnifique !

─ Alors pourquoi tu pleures ! Ce n'est pas bien la couleur ?

─ Si, si, mais mon bébé, tu es une louve.

─ Normaaa ... mon soulagement a été de courte durée, car même moi, je comprenais que changer de sexe, en mutant, posait pas mal de problèmes.

─ Comment va-t-on te traiter ? La voix de mon père montait dans les aigus, à mesure qu'il réalisait.

Les loups n'aiment pas ce qui est hors norme, en plus les louves, trop rares, ne sont pas super bien traitées, parce que les loups sont des gros machos pourris. Une louve appartient à un loup et si un alpha la veut, il en fera sa Luna. Je n'avais pas cinq ans et mon univers s'est écroulé.

Mon père, lui, réfléchissait déjà, à comment me protéger. Nous ne sommes même pas rentrés chez nous à Val Saint Marcel. Il est parti directement se réfugier chez un ancien camarade d'école, qu'il n'aimait pas tellement, mais qui avait deux atouts essentiels : Liam est médecin et surtout il vit solitaire.

L'alpha, soucieux de son bien-être, l'a installé dans les hauteurs, à l'observatoire du pic de Rochefort. Tout là-haut, il surveille les flux informatiques nous concernant et poursuit ses travaux scientifiques.

─ Transforme-toi, il va faire froid sur la route Ira. Je n'ai pas pris d'affaires chaudes !

Nous avons découvert encore une anomalie me concernant : Je me suis changé instantanément, normalement la mutation nécessite du temps, au moins une vingtaine de minutes.

Mon père est arrivé chez Liam, avec moi dans ses bras, en petite louve.

Ils m'ont raconté l'histoire de nombreuses fois, toujours en échangeant des regards complices.

Liam a essayé de le virer et lui a demandé pourquoi il venait le voir... avec sa fille !

Mon père, en ricanant, m'a enjoint de changer et le petit garçon est apparu.

Le scientifique solitaire a appelé l'alpha et prétexté qu'il avait besoin de Frédéric comme assistant.

Liam ne peut plus se transformer en loup, je ne l'ai su que plus tard, il est asocial à la suite d'une grave agression. Avec la présence de mon père et moi, puis les aigles voisins, tout doucement, il s'est habitué à ne plus vivre seul.

Les années sont passées et nous sommes devenus une famille.

J'ai peur, de ne pas réussir et c'est la première fois que je quitte la montagne sans eux. Mon père ou Rafaelo m'emmènent souvent dans les villages des environs faire des courses, mais là, je vais être confronté à mes semblables. Je vais devoir me présenter aux ulfarks de ma meute et camoufler le fait que je suis une louve, d'où le prétendu asthme qui m'empêcherait de me transformer.

Liam est inquiet aussi : que je plaise ! Il dit que je risque d'attirer l'attention.

─ Il a la beauté de la jeunesse, a rétorqué mon père. Je ne vais pas le balafrer quand même !

Après une longue journée de voyage et d'attente, j'arrive enfin à la fac pour procéder à mon inscription, j'ai récupéré ma carte d'étudiant et mes premiers polycopiés. Maintenant le plus dur reste à faire, me présenter aux jeunes de ma meute, ne pas me faire repérer comme louve et être exclu du dortoir par eux ! La seule solution pour que je puisse rester ici tranquille.

La vie des loups est si codifiée, si je ne vais pas les voir, ils m'agresseront. Il n'y a qu'une solution, je dois passer par la case rencontre.

Je me dirige vers l'arrêt de bus qui devrait m'emmener à la résidence, mon sac à dos pèse une tonne. Je suis crevé, car je suis debout depuis trois heures du matin. Je mets ma main en visière, en plus de mes lunettes de soleil pour me faire de l'ombre, quand je sens une présence et une voiture, s'arrête à ma hauteur. Je découvre une fille qui faisait la queue avec moi à la fac.

─ Tu vas où ? Je peux te déposer ?

Je lui désigne avec une mimique d'excuse, les collines de la ville.

─ Je vais assez haut, vers la vallée de la Roya.

─ C'est mon chemin, je t'emmène ?

Quand je lui indique l'adresse, m'attendant à ce qu'elle se dégonfle, je réalise agréablement surpris qu'elle compte vraiment m'aider.

Je suis soulagé, car je commençais à être vraiment fatigué et le stress n'arrange rien.

─ Je m'appelle Laura, se présente-t 'elle.

Elle est enrobée, vêtue d'un jean et d'un tee-shirt avec des fleurs, des cheveux courts châtain foncé et les traits de son visage sont étranges, comme étirés.

J'ai une autre capacité étrange, une perception qui me permet de voir les choses, ainsi je n'ai pas besoin de mon odorat pour percevoir qu'elle est humaine, le halo qui l'entoure, pâle, m'a déjà renseigné.

Elle parle beaucoup, fort et rentre en première année de médecine comme moi. Je ne dis pas grand-chose, profitant du trajet, concentré sur l'étape suivante.

─ En fait, je t'avais repéré dans la queue pour les inscriptions, glisse-t-elle, donc je sais que nous serons camarade de promotion.

Je hoche la tête, moi aussi je l'avais repéré.

Nous arrivons devant son village : Saint Jeannet. Il me reste quelques kilomètres de montée pour parvenir chez les loups.

─ J'habite là. Elle me désigné une des dernières maisons du village. Mon père est médecin ici.

─ Ah OK, merci de m'avoir avancé. Tu peux me déposer, je ferai le reste à pied.

─ Ça ne me dérange pas du tout de te monter, voyons ! Et nous sommes camarades de classe, autant nous entraider, profite de la voiture !

Quelques minutes plus tard, elle se gare devant le portail du domaine. Un panneau en laiton doré sur le côté indique propriété privée, Résidence de la Société de l'Est. Je suis bien chez moi. Un autre panneau précise : chiens méchants, danger !

Ils ont de l'humour !

Je souris, malgré moi, à l'ironie de l'écriteau.

Laura s'exclame sur les lieux en admirant l'entrée. Le jardin est si grand qu'on n'aperçoit même pas la maison.

─ Tu es sûr que c'est là ? On dirait une propriété de milliardaire.

Je fixe les écriteaux, sombre. Et oui ! C'est bien là, de toute façon, je sens les effluves des autres loups.

─ Ma famille fait partie d'une sorte de confrérie. Je ne serai pas seul là-dedans.

Elle me regarde avec des yeux ronds. Elle doit imaginer une secte, ce n'est pas si loin de la vérité.

Nous échangeons nos numéros de portables, pour nous retrouver le lendemain, puis je sors mon sac à dos de sa voiture. Pendant qu'elle manœuvre pour faire demi-tour, je lui adresse un geste d'adieu, content de l'avoir rencontré. Il va être temps d'y aller, et je rentre dans le manoir plus confiant que je ne l'étais ce matin, en me dépêchant de prendre mon inhalateur.

Devant le bâtiment de pierre blanche, des loups discutent. Je les interromps avec l'impression de me jeter à l'eau. Visiblement, l'odeur doit les incommoder, ils se tournent tous vers moi, grondants et soufflants. Dire qu'ils ont été mes copains d'enfance, malheureusement, je ne me rappelle plus d'eux.

Je n'en vois qu'un, il est beau garçon, imposant au point d'éclipser tous les autres, brun comme moi et contrairement à mes yeux gris, lui a un regard noir. Les mains dans les poches, le menton relevé.

J'ai une seule image qui me reste en tête, de cette époque où nous vivions à Val Saint Marcel : celle d'un petit loup noir qui me lèche. Comme j'étais triste tout seul, là-haut, mon père m'a acheté un doudou, j'ai choisi une peluche d'un chien-loup noir, le plus semblable possible à ce souvenir. Je l'ai emmené dans mon sac à dos.

Oui ! oui ! très mature, j'ai emmené mon doudou !

Un garçon blond se précipite à ma rencontre et m'explique qu'il s'appelle Milo et qu'il est le responsable du dortoir. Il fait les présentations rapidement, ce qui me permet de découvrir que celui qui m'a donné un coup au cœur s'appelle Martial, il s'agit de notre futur alpha.

La mauvaise nouvelle c'est qu'ils veulent me garder avec eux, c'est le pire scénario et par contre ils vont m'installer à l'écart dans un grenier.

Qu'est-ce que les loups sont possessifs ! J'aurais préféré être expulsé ! Bon, au moins, j'ai une entrée indépendante et je serais seul.

La forêt est à côté, tentante pour ma louve, mais les loups iront aussi et il me faudra ruser, pour ne pas les rencontrer. Je n'ai pas fini les épreuves encore, ils ne sont que la première étape. Il y aura des magiques à la fac, sans doute des loups des meutes voisines, les Corses, les Italiens et même peut être des loups de la meute des forêts noires allemandes. Ils seront tous dangereux pour moi, s'ils découvrent ce que je suis.

Je me sens perdu et bien seul, ce soir !

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