Chapitre 7


La petite Winter collée contre sa hanche et habillée d'un fin gilet pour couvrir ses épaules, Dejun s'engagea à la suite de Johnny. Il devinait que la maison était immense et il ne comptait pas se ridiculiser en tentant d'ouvrir le passage. Avec sa chance il était capable de déboucher sur des toilettes ou une buanderie, il préférait encore dépendre de l'Alpha pour gagner la sortie. A peine dehors, ils s'arrêtèrent pour rassurer une jeune femme qui cherchait la petite fugueuse, follement inquiète. Loin d'être perturbée par toute cette agitation, Winter s'accrocha au cou de l'oméga et manifesta son envie d'y rester. Johnny assura donc qu'ils s'occupaient de la demoiselle et qu'ils la ramèneraient en temps voulu.

— Il y a beaucoup d'enfants, marmonna Dejun en mettant un pied dehors.

Il en avait presque la tête qui tournait. Une dizaine de jeunes entre deux et dix ans jouaient paisiblement devant la bâtisse. Ils étaient surveillés par quelques adultes qui discutaient sans les quitter du regard et qui posèrent un regard curieux sur lui. Dejun n'avait pas vraiment l'impression d'être le bienvenu et il resserra son étreinte autour de Winter pour se rassurer. Il n'avait que trop conscience d'être un étranger. Johnny posa sa grande main dans le bas de son dos. La chaleur de la paume de l'Alpha se diffusa dans son dos et le réconforta.

— L'école se trouve sur la place centrale. Une fois qu'ils ont terminé les cours, ils viennent prendre le goûter dans la maison de la meute, expliqua Johnny en désignant un bâtiment.

— La maison de la meute ? L'école ?

Déboussolé, l'oméga laissa son regard alterner sur les différentes constructions en bois. Il n'y avait aucun panneau, aucune indication permettant de les différencier les unes des autres. Dejun n'avait aucune idée de ce qu'était la « maison de la meute », mais il n'osa pas l'avouer. Son manque de culture le gênait profondément.

Johnny pressa légèrement son dos pour le faire avancer et ils s'éloignèrent des enfants qui jouaient. Les yeux de l'oméga s'attardèrent sur les louveteaux hyperactifs et son cœur se serra. Ils semblaient libres et heureux, tout ce qu'il n'avait pas été à leur âge.

— La maison de la meute est l'endroit où je vis. On l'appelle comme ça, car elle est toujours ouverte. N'importe quel membre peut venir me trouver ou y trouver refuge, peu importe l'heure.

— Donc, répéta Dejun, si quelqu'un a un problème à deux heures du matin il peut venir te réveiller sans problème ?

— Je suis l'Alpha, répondit Johnny comme si c'était une évidence.

Le jeune homme cligna des yeux lentement. Il ne comprenait pas vraiment ce que ça voulait dire, mais il avait perçu la majuscule du mot. Johnny le comprit rapidement et il lui sourit pour le rassurer.

— L'Alpha est le chef de la meute. Il est responsable du bien-être de ses membres, de leur sécurité, de leur bonheur d'une certaine manière. La meute est dévouée à l'Alpha, elle obéit à ses ordres sans poser de questions, d'un autre côté mon rôle est de tout faire pour que les miens se sentent bien. Peu importe les circonstances, peu importe l'heure ou la situation dans lesquelles je me trouve, mes loups sont ma priorité et je suis responsable d'eux.

— Comme une sorte de père ?

Dejun se mordit la langue et Johnny rit. Le timbre de la voix du dominant coula sur lui comme du miel et il se retint pour ne pas ronronner en retour, charmé par le son. Le regard écarquillé, il musela son loup et s'empêcha de bouger.

— C'est une bonne comparaison oui, tu peux le voir comme ça.

Soulagé que Johnny ne prenne pas mal la comparaison, l'oméga se détendit subtilement. Il en avait même oublié la main du dominant qui ne quittait pas le bas de son dos. Pour un peu, il aurait davantage eu peur de ses propres réactions que de celles de l'Alpha. Il ne se reconnaissait pas.

— Nous avons beaucoup de traditions, de manières d'être qui te sont inconnues, mais je ferai de mon mieux pour te renseigner. Tu peux également demander aux autres si tu es plus à l'aise. Jungwoo est un moulin à paroles impossible à arrêter une fois lancé, il se fera un plaisir de tout te dire.

— Merci... Il y a une école c'est ça ? Winter y va ?

Johnny coula un regard protecteur sur la petite fille qui venait de s'endormir dans les bras de Dejun. Elle refusait de descendre et l'oméga était heureux de sentir son poids contre lui. C'était étrangement instinctif.

— Winter est un cas un peu à part, elle ne va que partiellement à l'école du fait de sa maladie, mais tous les autres enfants y vont sinon. L'école accueille tous les enfants des hameaux alentour, nos terres s'étendent sur plusieurs hectares de faune sauvage, donc il fallait une structure adaptée. Nous leur enseignons à respecter leur part animale, à la maitriser et à vivre avec. Ils apprennent aussi l'histoire, notre histoire, et les matières fondamentales.

— Il n'y a pas de collège ou d'université ?

Il se sentit ridicule sous le regard de Johnny, mais l'Alpha ne se moqua pas. Il entreprit plutôt de lui expliquer avec patience le fonctionnement du monde sauvage.

— Il y a des collèges et lycées à la ville proche, c'est là que nos ados vont. S'il y en a qui veulent faire de plus hautes études-

— On va à la capitale ou dans une grande ville aux frais du grand chef !

Dejun tourna vivement la tête, surpris, et il papillonna des yeux. La jeune femme qui avait parlé était si belle qu'elle en devenait intimidante. Aussi grande que lui, une allure de mannequin, de longs cheveux noirs lisses et une peau à peine dorée. Elle était la représentation même de la beauté et pourtant elle n'hésita pas un instant à venir lui embrasser la joue avec douceur alors qu'il ressemblait à un sans-abri. Elle marqua un temps d'arrêt et il l'entendit renifler discrètement.

— Sooyoung, grogna Johnny. Combien de fois je vais devoir vous expliquer que ce n'est pas poli de sentir les gens comme ça ? Entre loups, oui, pas sous cette forme.

La bêta, il l'avait identifiée comme telle, fit voler ses cheveux derrière son épaule et gonfla les joues. Dejun retint son souffle.

— Merci je sais, je vis à la ville quand même. J'étais juste surprise de sentir l'odeur du grand chef sur quelqu'un.

Elle haussa rapidement les sourcils avec un petit sourire en coin que Dejun manqua, occupé à remettre correctement une mèche de Winter comme il le fallait. Johnny soupira et gronda doucement.

— Tu n'as pas une thèse ou une dissertation à faire toi ?

— J'y vais, j'y vais, gloussa Sooyoung. On se voit plus tard !

La bêta s'éclipsa à la demande son chef de meute pour rejoindre un petit groupe qui discutait plus loin. Dejun entendit Johnny soupirer et il s'abstint de demander la suite des informations. Heureusement l'Alpha le fit de lui-même et rompit le silence embarrassant.

— Comme l'a dit Sooyoung, ceux qui veulent faire des études déménagent dans de plus grandes villes et rentrent les week-ends ou pendant les vacances selon leur emploi du temps. Certains font même des semestres à l'étranger. C'est vraiment comme ils le désirent.

— Elle a dit que c'était à tes frais ?

— Leur avenir est une de mes responsabilités, c'est mon devoir de veiller à ce qu'ils puissent poursuivre leurs rêves. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la meute a des revenus, j'ai des revenus, qui nous permettent de vivre plus que convenablement. Nous ne sommes pas aussi sauvages que certains le prétendent.

Dejun cilla au grondement qui ponctua les paroles du blond et il hésita à poser des questions. Il baissa les yeux, un peu honteux de faire partie de ces gens. Il ne pouvait pas nier qu'il avait des a priori sur le mode de vie des loups sauvages. Le jeune homme se racla la gorge, il avait senti qu'il s'agissait d'un terrain glissant. Il s'abstint de poser des questions et restreignit sa curiosité.

— En ce moment, ils sont quatre à faire des études hors de la meute, mais deux d'entre eux sont en échange international donc tu ne les verras pas. Tu as déjà rencontré Sooyoung, quant à Renjun... j'imagine que tout dépendra de son avancée dans ses révisions, mais cela fait un moment qu'il n'est pas rentré. Son absence commence à se faire ressentir.

La main de Johnny pressa son dos pour le faire à nouveau avancer. Dejun regarda autour de lui avec attention. Il avait remarqué une construction bien en évidence, bien que plus petite que la maison principale, et l'Alpha lui expliqua qu'il s'agissait de l'antre du soigneur de la meute. Cette dernière n'avait que rarement besoin de soins. Ils avaient l'habitude de changer de forme pour faciliter la guérison, mais dans certains cas, rares, mais sur lesquels Johnny resta très évasif, une intervention extérieure était nécessaire. Le blond proposa de lui présenter la personne en charge, mais Dejun refusa, il n'était pas dans son élément et ne souhaitait pas s'imposer.

Ils continuèrent de traverser le village rustique, la visite guidée par la voix de Johnny s'avéra riche en informations. L'oméga était captivé par ce mode de vie qu'il ne connaissait pas. Ses préjugés étaient déconstruits les uns après les autres et il manqua de s'évanouir de honte quand Johnny lui confirma avec un sourire que oui, la meute possédait l'eau courante. Elle possédait même toutes les commodités principales comme l'électricité, l'eau ou même le gaz, le tout apporté par des générateurs extérieurs protégés par une haute clôture. L'Alpha passa plusieurs minutes à le rassurer et finit par changer de sujet en comprenant qu'il n'arriverait pas à faire disparaitre la gêne du brunet.

— Et cette maison, qu'est-ce que c'est ? demanda l'oméga en pointant une structure du doigt. Elle est tout abîmée...

Elle se démarquait sans aucun doute des autres, avec son toit partiellement effondré et les bacs à fleurs échoués sur le sol. Toutes les autres habitations étaient brutes, mais soignées, tout était bien entretenu. Celle-ci semblait à l'abandon. Même son emplacement, un peu à l'écart du village était différent sauf si l'on exceptait celle qui se trouvait à son opposé, un peu isolée également, mais en très bon état.

— Il y a eu un très gros orage l'année dernière et il a fait beaucoup de dégâts. Il faut reconnaitre que si nous les aimons et nous sentons à l'aise, nos maisons en bois sont plus fragiles que vos buildings de la ville.

— C'est vous qui allez la réparer ? s'enquit l'oméga.

— On ne la réparera pas.

Le ton sec déstabilisa Dejun qui s'arrêta brusquement, paralysé de la tête aux pieds. Johnny avait retiré la main de son dos et il ressentit aussitôt un grand froid qui l'ébranla au plus profond de lui-même. Son étreinte se resserra instinctivement autour de Winter et il puisa de la force dans la chaleur de la petite fille contre lui.

— Excuse-moi, je ne voulais pas t'effrayer.

L'Alpha lui présenta ses excuses d'un ton doux et lui offrit un sourire rassurant avant de l'inviter à reprendre leur marche, mais quelque chose avait changé. Dejun sentit sa part animale s'agiter et lui faire part de son mal à l'aise. Il s'efforça de reprendre contenance, sans succès. Il ressentait un froid polaire pile là où la main de Johnny n'était pas revenue se poser.

— Habituellement, nous réparons nous-mêmes en effet, reprit Johnny comme si de rien était Tout le monde ici sait bricoler et travailler le bois un minimum. C'est juste que cette maison en particulier ne sera jamais comme elle était avant, personne n'y touchera. Dejun, si tu acceptes de rester ici le temps de ton séjour j'aimerais que tu me promettes quelque chose.

— Je n'aime pas les promesses, marmonna l'oméga en baissant les yeux.

Ces derniers commençaient d'ailleurs à le piquer douloureusement, il n'avait pas l'habitude de ne pas porter ses lunettes pendant de si longues heures d'affilée.

— Cette maison, n'y va pas et surtout ne va pas derrière elle. C'est un endroit qui est interdit à tout le monde, pas uniquement aux invités alors ne te sens pas exclu.

Dejun se mordit la lèvre. Il n'aimait pas les mystères, mais il était trop peureux pour poser des questions ou s'opposer à une demande aussi directe.

Heureusement, Jungwoo déboula sans prévenir, des gants pleins de mousse remontés jusqu'aux coudes, et le sauva de ce silence gênant. L'oméga souriait de toutes ses dents, visiblement heureux de retrouver son camarade de cavale dans un meilleur état. S'il remarqua l'atmosphère étrange, il n'en parla pas.

— J'ai fini ma punition ! clama fièrement le châtain. Je peux parler avec Dejun maintenant ?

Johnny soupira, vaincu par l'enthousiasme débordant du jeune loup. Il coula un regard rapide à Dejun et remarqua sans difficulté que ce dernier était perturbé. Il ne tenait pas à le brusquer.

— Je vais ramener Winter auprès de ses gardiens. Tu peux rester dans la chambre où tu t'es réveillé tout à l'heure si vous voulez un peu d'intimité pour parler, sinon vous pouvez vous balader autant que vous le souhaitez.

Le jeune homme rechigna un peu à laisser la fillette dans les bras de l'Alpha, mais il se fit une raison. Cet attachement soudain n'était pas normal et Winter était à sa place dans l'étreinte du chef de meute. C'était lui qui n'avait aucun droit sur elle. Il frissonna quand le blond le frôla et un étrange sentiment de sécurité s'empara de lui, le glaçant plus qu'il ne lui apporta du réconfort.

— Ne force pas trop, tu es encore fatigué, murmura Johnny à son oreille.

Dejun hocha la tête, son cœur palpitant comme un fou dans sa poitrine. Il ne comprenait rien à sa vie depuis quarante-huit heures et il craignait plus que tout que cela ne continue à dévier dans ce sens. 






Nda :
Bon week-end à tous et j'espère que vous avez passé une agréable lecture !
Dalion~ Kiss :3

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