Chapitre 4
Contrairement à son nouvel ami, Dejun avait été incapable de fermer l'œil de la nuit ni même de calmer les battements anarchiques résonnant dans sa cage thoracique. Il avait peur et le fait de ne pas savoir quand la sentence allait tomber n'arrangeait en rien son anxiété. Le froid l'anesthésiait désagréablement, même avec la veste de Jungwoo sur les épaules, et lorsqu'il éternua pour la dixième fois consécutive il se fit une raison : il était en train de tomber malade.
Parfois, la grosse tête de l'oméga sur ses genoux bougeait et il se figeait, craignant de l'avoir réveillé en gesticulant, mais Jungwoo se contentait de grogner un petit coup, voire de japper, sans jamais ouvrir un œil. Il dormait comme une souche. De son côté, lui guettait nerveusement l'entrée de la grotte avec la crainte de voir débarquer une armada de loups inconnus et assoiffés de sang. Peu importe ce que son camarade d'infortune lui promettait, il n'avait pas confiance dans sa meute. Après tout, il n'était qu'un étranger, qui plus est présent dans une zone lui étant interdite. Ils avaient toutes les raisons de lui faire du mal.
Dejun glissa ses doigts dans la fourrure épaisse du canidé brun en quête d'un peu de chaleur et il regretta d'être incapable de changer de forme avec autant de facilité que le frisé. À force de vivre en ville, les loups comme lui en étouffaient leur part animale, tant et si bien qu'ils en perdaient leur capacité à changer de forme. Ils le pouvaient encore, mais cela demandait bien plus d'efforts et il y avait des conséquences derrière. Dejun savait parfaitement qu'il allait avoir des crampes et des courbatures pour avoir imposé un changement aussi brutal à son corps et se connaissait, il ne pouvait pas tenter une nouvelle transformation. Il n'en avait pas l'énergie ni même la forme physique. De plus, il avait plus de chance de réussir à expliquer sa situation sous sa forme humaine, en espérant que ça suffise à le protéger de la meute.
Incapable de fermer l'œil, il soupira et se laissa aller à toutes sortes de pensées parasites. Dejun se posait beaucoup de questions, sur la meute de Jungwoo, sur l'oméga lui-même, le groupe de jeunes de l'auberge, sur ses choix de vie et la situation actuelle... Il n'avait pas envie de retourner à l'auberge. Dejun avait peur de leur faire face et qu'ils se souviennent de lui avant qu'il n'ait eu le temps de retourner à sa chambre et s'asperger d'une bonne dose de phéromones bêtas. Il y avait peu de chance qu'ils se souviennent de son visage avec la quantité d'alcool qu'ils avaient ingéré, mais c'était différent pour les odeurs. Elles s'incrustaient en eux, un moyen primaire de se reconnaitre même lorsque l'esprit animal prenait le dessus sur le reste.
Un hurlement déchira la nuit, bientôt repris par plusieurs autres, et les oreilles de Jungwoo se dressèrent sur son crâne. L'oméga se redressa et jappa puissamment en retour. Il se mit debout, la queue oscillant joyeusement et il couina d'impatience. De son côté, le bêta déguisé essaya de se sentir discrètement pour déterminer si son identité était encore cachée ou s'il y avait un risque pour que sa nature oméga soit connue. Il ne sentit que la forêt et la terre sur ses vêtements, ce qui le fit éternuer, mais il n'avait pas le nez fin des loups d'ici.
La lumière blanche de la lune projeta soudainement une ombre sur le sol de la grotte. Dejun cria de surprise et de peur alors qu'un énorme loup noir bondissait dans leur cachette. L'imposant canidé se positionna devant Jungwoo qu'il fit reculer et se redressa de toute sa hauteur devant Dejun avant de grogner. Ainsi positionné, sa tête arrivait à la moitié du torse du jeune homme. C'était un alpha, il n'y avait aucun doute là-dessus et le parfum de la peur qui émana soudainement du comptable sembla le mettre en appétit puisqu'il fit claquer ses crocs non loin de lui.
— J'ai très mauvais goût, tu vas être malade, couina Dejun en reculant.
Deux autres loups entrèrent et encadrèrent Jungwoo qui soupira et s'ébroua avant de mordre la patte arrière du canidé charbon. Celui-ci lui gronda dessus et se retourna, créant une échappatoire à Dejun qui laissa l'adrénaline envahir son corps. Il mit de côté ses inquiétudes et les risques, il changea encore plus vite que la fois précédente et se glissa sous le gros loup. Ses pattes arrière ripèrent sur la roche et il s'arracha une griffe, mais loin d'être sa priorité, il ne le sentit même pas. Malgré la douleur de sa patte arrière, il galopa aussi vite que ses pattes le lui permettaient. Il fila ventre à terre, guidé par l'angoisse et le besoin de se mettre en sécurité. Il devait quitter la forêt par tous les moyens. A cet instant, le groupe de jeunes lui paraissait être un problème mineur parfaitement gérable.
Il erra pendant plusieurs heures dans la forêt, passant et repassant par les mêmes endroits sans être capable de se repérer jusqu'à ce que l'aube ne pointe le bout de ses couleurs chaleureuses dans le ciel. La peur d'être attrapé par les camarades de Jungwoo lui nouait l'estomac et l'empêchait de se concentrer pour retrouver son chemin, si bien qu'il avançait à l'instinct sans aucune méthode. Dejun réussit enfin à retrouver son chemin et se faufila dans la cour arrière de l'auberge après avoir vérifié qu'il n'y avait personne. Là, il réunit ses dernières forces pour un ultime changement et il resta sans bouger, à quatre pattes dans les graviers, à attendre que la douleur diminue un peu. Il était en sueur, dans des vêtements en lambeaux, et une envie de pleurer puissante entrava sa gorge. A cet instant, il haïssait le monde entier.
Le jeune homme se releva péniblement et claudiqua jusqu'à l'entrée en priant pour que personne ne le surprenne dans cet état, son mental ne pourrait pas le supporter. Il remonta à sa chambre qu'il n'avait pas fermée à clé, n'ayant pas prévu de s'enfuir et de passer la nuit dehors, et la verrouilla aussitôt. Dejun se réfugia dans la salle de bain où il abandonna ses loques dans un coin avant de se jeter dans la baignoire dont il ouvrit les robinets au maximum. Tremblotant de froid, il entoura ses genoux de ses bras pendant que l'eau montait.
Il craqua.
Les larmes qu'il retenait glissèrent sur son visage et il se mordit l'intérieur des joues pour ne pas geindre. Il ne voulait pas que quiconque puisse l'entendre, quand bien même il était seul dans cette chambre.
— Allez, je peux ne pas craquer. Je peux le faire, s'encouragea le brunet à voix basse.
Il se concentra sur le bruit de l'écoulement du liquide pour se calmer, trouvant le son étrangement apaisant, et au bout de plusieurs minutes, il parvint à se détendre un petit peu. Il quitta sa position fœtale pour allonger ses jambes et frotta doucement sa peau avec une douce éponge de bain. Il était couvert de crasse, de boue et de feuillage. De multiples éraflures cisaillaient sa peau et il poussa des petits couinements douloureux quand il passa dessus avec le gel douche. Enfin il se sentit un peu mieux, propre, de retour dans sa peau.
Dejun barbota jusqu'à ce qu'il ne supporte plus d'avoir froid et il vida la baignoire dont l'eau était d'un marron trouble. Il se rinça une nouvelle fois pour être sûr d'avoir éliminé toute la crasse et sortit en faisant attention à sa cheville douloureuse. Sa chute dans les bois lui valait une bonne entorse bien gonflée et son ongle arraché, s'il ne saignait plus grâce au changement de forme, lui faisait un mal de chien. Le jeune homme claudiqua jusqu'à la chambre où il récupéra un boxer propre avant de se laisser tomber sur le lit. Jamais un matelas n'avait eu un tel goût de paradis.
Son corps était aussi lourd que son esprit. Il n'avait qu'une seule envie : dormir et découvrir à son réveil que tout n'était qu'un rêve. Il regrettait d'avoir écouté Taeyong et d'avoir cru à la vision paradisiaque qu'il lui avait exposée. S'il se sentait bien dans cette chambre et que les hôtes de l'auberge s'avéraient être des personnes formidables, le reste des rencontres n'avait pas eu la même saveur. Il craignait de retomber sur le groupe de jeunes qui logeait au même endroit que lui, il était terrifié par les trois loups qui avaient bondi devant Jungwoo et lui avaient grogné dessus.
— J'aurais jamais dû m'en mêler, geignit le jeune homme.
Dejun pinça les lèvres et se roula en boule en repensant au jeune oméga. Il l'avait abandonné, sans même savoir s'il connaissait les trois autres loups et il avait fui sans même regarder en arrière. Il était un lâche et il s'en voulait terriblement. À quoi bon intervenir pour aider quelqu'un si c'était pour abandonner cette même personne à peine quelques heures plus tard ? Il était pathétique.
Il n'était même pas sûr que ces loups soient ceux de la meute de Jungwoo, après tout il n'y connaissait rien. Peut-être qu'il y avait plusieurs meutes dans cette forêt et que ceux-là n'étaient pas des amis de l'oméga. Après tout, Dejun était presque certain d'avoir vu Jungwoo mordre la patte du loup noir, et ce n'était pas quelque chose que l'on faisait à un allié. À moins que ça n'ait été pour lui permettre de partir sans qu'on lui pose de questions ? Dejun se prit la tête entre les mains et gémit. Il était perdu et il avait mal au crâne en plus du reste. Il y avait tellement de questions et si peu de réponses.
Le comptable se releva pour aller farfouiller dans ses affaires. Il en sortit un pyjama de rechange qu'il avait pensé à prendre et qu'il enfila aussitôt malgré la douleur que chaque mouvement lui provoquait. Il s'assit sur le rebord de son lit pour faire passer le léger vertige qui l'avait pris et une fois qu'il se sentit un peu mieux, il partit en quête de sa trousse à pharmacie. Il en sortit un antidouleur et une boite de somnifères donc il retira un cachet. Pendant un court instant, il envisagea de les gober comme ça avant d'avorter l'idée. Même s'il devait refaire quelques pas, il avait besoin d'un verre d'eau pour faire passer les comprimés dans sa gorge.
Une fois cela fait, Dejun se glissa sous les draps, les doigts fermement accrochés à la couverture. Il savait que les médicaments allaient faire effet en quelques minutes, avant même que l'antidouleur ne commence à le soulager, mais il ne pouvait s'empêcher de trouver le temps long. Il ne se sentit pas s'endormir, peu de temps après, les cachets prenant le dessus sur ses appréhensions et les pensées qui fusaient dans son esprit. Ils anesthésièrent tellement sa conscience qu'il ne s'aperçut pas que la porte de sa chambre s'ouvrait sur une personne inconnue.
Nda :
Un autre repost ! Désolée, je mets un peu de temps à corriger cette histoire x)
Dalion~ Kiss :3
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