Chapitre 24


Lorsque Dejun ouvrit les yeux le lendemain matin, il eut la désagréable surprise de découvrir qu'il était seul dans le lit et que la place près de lui était froide, signe que Johnny était parti depuis déjà un moment. Une inquiétude sourde gonfla dans sa poitrine et il prit sur lui pour inspirer profondément et se souvenir que l'Alpha était différent de celui qui l'avait tant blessé plus jeune. Si Johnny n'était pas là c'était qu'il devait avoir une bonne raison, il était chef de meute après tout et avait des affaires à gérer. Malgré ça, Dejun était déçu de se réveiller seul. Il était encore en chaleurs, même si elles étaient plutôt calmes pour le moment, il aurait aimé que son alpha reste à ses côtés au moins pour la journée.

Dejun remonta une main à sa nuque et un nouveau frisson lui dévala la colonne vertébrale. Il n'était pas marqué. Pourtant il se souvenait l'avoir demandé à Johnny pendant leurs ébats, il se souvenait également de la bouche du dominant contre son cou et sa nuque, il se rappelait même avoir senti l'effleurement des crocs acérés. Pourtant, rien. Les larmes aux yeux, Dejun se dépêtra des draps, récupéra son caleçon sur le sol et se précipita dans la salle de bain.

Le miroir lui renvoya le reflet de son visage dévasté, mais également les nombreuses ecchymoses qui marbraient son cou et le haut de son torse. En baissant les yeux sur son corps, il remarqua les mêmes traces sur ses cuisses et son aine. L'oméga rougit en se remémorant la nuit passée et se claqua les joues pour se reprendre. Il devait se calmer et avoir confiance. Johnny devait avoir ses raisons pour ne pas l'avoir revendiqué comme compagnon, ça ne pouvait pas être la même cruelle plaisanterie du destin. Pourtant, dans la tête de Dejun, restait la voix vicieuse de ce garçon qui lui rappelait que personne ne pourrait jamais vouloir de lui plus longtemps qu'une nuit et qu'il resterait seul à jamais.

Dejun hésita à se glisser sous la douche, il ne voulait pas perdre l'odeur de Johnny qui recouvrait sa peau, mais les différents fluides qui le maculaient eurent raison de lui. Il devait absolument se laver, cela lui permettrait de se recentrer un peu et d'aller trouver l'Alpha sans risquer de fondre en larmes dans la seconde qui allait suivre.

Propre et habillé, Dejun fouina un instant dans la chambre dans l'espoir d'y trouver un petit mot de Johnny, mais il se heurta à la triste réalité : il n'y en avait aucun. Blessé, le jeune homme ravala sa peine et sa peur pour se rendre dans la cuisine. Il y entendait du bruit et sentait l'odeur du café, comme le chef de meute lui avait assuré faire en sorte que personne ne vienne les déranger pendant les prochaines vingt-quatre heures, ça ne pouvait être que lui. Dejun passa une main dans ses cheveux et se figea sur le seuil de la porte. Son cœur loupa un battement et il fit instinctivement un pas en arrière.

Lucas se trouvait dans la cuisine et vidait le contenu d'un plateau dans la poubelle. L'oméga espéra se faire discret et ne pas attirer l'attention de l'alpha sur lui, mais ce dernier soupira lourdement et se tourna dans sa direction, l'air toujours aussi agacé de le voir là.

— T'es encore là toi ?

Dejun tressaillit et resserra les pans de la chemise autour de lui. Il n'était vraiment pas à l'aise seul face au plus jeune. Il serra les poings pour se donner du courage et plongea son regard dans celui du grand loup.

— Je ne devrais pas ?

Il tressaillit et maudit sa voix vacillante, personne ne le prendrait au sérieux s'il manifestait aussi visiblement sa faiblesse. Encore moins Lucas et cela se confirma quand son expression se mua en un sourire moqueur et qu'il croisa les bras sur sa poitrine.

— Faut être sacrément con pour rester avoir été utilisé, à moins que tu sois maso ? C'est peut-être ça ton truc, tu aimes te faire humilier ? T'es encore plus bizarre que je pensais.

Dejun recula d'un pas sans pouvoir se contrôla et il sentit un poids lui tomber sur l'estomac. Une sueur froide perla à son front et il se retint discrètement au mur pour ne pas défaillir. Les mots de Lucas coulaient comme du venin en lui, toutes ses angoisses se retrouvaient projetées au premier plan et il ne percevait plus qu'elles.

— Je ne comprends pas ce que tu veux dire, murmura Dejun. Personne ne m'a utilisé.

Il avait confiance en Johnny. Ça ne voulait rien dire qu'ils ne soient pas liés, ils avaient le temps. Lucas suréleva à peine un sourcil, mais l'oméga ressentit toute la condescendance qu'il éprouvait à son égard.

— C'est pourtant clair non ? Le chef t'a baisé et il est parti. Un peu comme on se débarrasse d'un mouchoir usagé.

— Ce n'est pas vrai !

Dejun essuya brusquement les larmes qui débordaient sur ses joues et se détesta de craquer aussi facilement. Il voulait croire en Johnny, alors pourquoi est-ce que les paroles de Lucas ressemblaient autant à la vérité, à ce qu'il craignait ?

— Ah non ? Pourtant t'es bien tout seul ici, lui il n'est pas là. Il est allé rendre visite à ses parents, très romantique comme réveil, ricana l'alpha. Laisse-moi deviner, tu n'es pas marqué et je parie qu'aucun petit mot ne se trouvait près de toi à ton réveil. Ce n'est même pas comme si un petit-déjeuner ou un bouquet t'attendait ici. Ah, peut-être qu'il t'a donné quelque chose pour tes courbatures ? T'as dû avoir du mal après autant de temps sans fréquenter personne.

Cette fois, même en les essuyant, Dejun ne parvint pas à contenir les larmes qui ravageaient son visage et il se laissa tomber à même le sol, le cœur complètement détruit. Lucas avait raison, il n'y avait rien pour lui. Pas une attention, pas une parole. Juste un lit froid et les souvenirs d'une nuit qu'il avait cru parfaite. L'alpha s'approcha de lui et se baissa pour pouvoir lui chuchoter à l'oreille.

— Tu crois vraiment qu'il aura envie de te trouver là à son retour ? Les mouchoirs usagés vont à la poubelle, on ne les garde pas chez soi.

Lucas se releva et haussa les épaules.

— Je dis ça pour toi tu sais. Jungwoo t'apprécie, je sais qu'il ne voudrait pas que tu te couvres encore plus de honte que ça.

Dejun resta sur le sol et l'autre l'enjamba pour pouvoir sortir de la maison, le laissant seul et complètement perdu. Tout son monde s'effondrait une nouvelle fois. Il ne parvenait pas à garder espoir, tout ressemblait bien trop à ses cauchemars. L'oméga sanglota un moment, blotti contre le mur à prier silencieusement pour que Johnny rentre et le rassure, mais il n'eut aucune nouvelle du chef de meute pendant les deux heures qui s'ensuivaient. Ce silence désolant finit de le convaincre qu'il avait été utilisé une fois de plus, que Lucas disait la vérité. Johnny avait dû avoir pitié de lui à cause de ses chaleurs, il avait fait dans la charité et Dejun ne lui en voulait même pas. S'il avait été à sa place, il n'aurait pas eu envie de lui non plus, il avait déjà été bien gentil d'accepter de le toucher.

Humilié, Dejun courut presque dans la chambre qu'il occupait. Il fourra toutes ses affaires dans sa valise et ne s'arrêta que quand sa tête tourna tellement qu'il ne parvint plus à rester debout. Il ne se souvenait pas de s'être déjà senti aussi mal, même la première fois qu'il avait eu le cœur brisé, il n'avait pas eu cette sensation de mourir de l'intérieur.

Il avait cru que Johnny était son âme sœur après l'histoire de Jungwoo, il s'était juste inventé un conte de fées. Mais même les contes ont parfois des fins cruelles et il était là pour le prouver. Tous les gens qu'il avait connus avaient raison, personne ne voudrait jamais de lui et il avait été stupide d'imaginer le contraire. Jungwoo et les jumeaux s'étaient trompés, Johnny ne voulait pas de lui. Johnny avait refusé de le faire sien et l'avait laissé seul dans cette maison.

Dejun se moucha bruyamment et grimaça en jetant le mouchoir. Il se sentait comme ce pathétique morceau de tissu : déchiré et utilisé. Le jeune homme referma sa valise brusquement et jeta la chemise qu'il portait sur le lit. Il ne pouvait pas rester une minute de plus dans cette meute, il étouffait. Sa valise sous le bras, il sortit par l'arrière de la maison et s'enfonça dans la forêt. Il devait partir et s'en aller, ne jamais revenir au risque de s'effondrer encore plus. Il avait encore un petit espoir de sauver son cœur, il devait le suivre.

Le comptable se dirigea immédiatement vers la gare de Chungju et fit un arrêt aux toilettes pour s'asperger le visage d'eau fraîche et avaler un inhibiteur. Il faisait peur et peine à voir. La guichetière le soulagea d'un poids en lui annonçant que le prochain transport pour Séoul était dans une quinzaine de minutes et qu'il restait encore des places. Dejun acheta immédiatement son billet et se rendit à la place indiquée. Il ne réfléchissait plus, il agissait seulement à l'instinct pour se protéger. Sa part animale, qui avait pris l'habitude de se manifester davantage, tenta de le réconforte et le pousser à retourner dans les bras de Johnny, mais Dejun refusa. Il la relégua dans un coin de sa conscience, comme il le faisait si bien avant, et se concentra sur son trajet. S'il laissait son esprit divaguer, il ne pourrait s'empêcher de repenser à la meute et il voudrait retourner vers eux.

Dejun ne s'était jamais senti autant à sa place que là-bas, mais Lucas avait raison. Johnny s'était servi de lui, il n'avait plus besoin de sa présence et il allait à nouveau être une gêne. Le brun hoqueta et cacha son visage entre ses bras. Il faisait une grosse erreur, son loup en était persuadé, mais Dejun lui ne sentait plus que son cœur brisé et la douleur qui en résultait.

Alors qu'il avançait rapidement vers Séoul, Dejun se fit une promesse. Plus jamais il ne baisserait ses défenses devant quelqu'un, plus jamais il ne laisserait un alpha l'approcher et lui faire miroiter un futur idéal. Il ne voulait plus souffrir et il ne voulait plus être heureux. Car si être heureux s'accompagnait forcément d'une souffrance équivalente alors il préférait se contenter de survivre. C'était ce qu'il avait toujours fait et ce qu'il allait continuer à faire.

Dejun ferma les yeux et une goutte glissa le long de sa joue. Johnny lui manquait. Son Alpha lui manquait déjà terriblement, mais ce qui était le plus terrible restait que Johnny n'était pas à lui, il ne l'avait jamais été et maintenant il avait la preuve qu'il ne le serait jamais. Le rôle de Dejun se bornerait à celui de distraction, le rôle de compagnon ne serait jamais fait pour lui-même s'il le désirait du plus profond de son cœur abimé. 






Nda :

Bonjour, au revoir et prenez bien soin de vous :)

Dalion~ Kiss :3


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