Chapitre 21


Dejun sortit du cinéma, vidé de son énergie. À côté de lui Jungwoo ne parvenait plus à s'arrêter de rire tandis que les alphas les suivaient la tête basse. Ils étaient embêtés que Dejun, si doux et patient, en soit arrivé à les disputer pour leur attitude. Le comptable passa ses mains sur son visage fatigué et il tiqua quand elles entrèrent directement en contact avec ses yeux. Lui qui avait porté des lunettes pendant des années avait du mal à se défaire de ses habitudes, il devait cependant se rendre à l'évidence : les transformations successives auxquelles il s'adonnait depuis son arrivée à Chungju avaient largement soigné ses yeux. Il ne remettait ses lunettes que lorsqu'il était très fatigué et Johnny lui avait assuré qu'avec le temps, s'il continuait à faire appel à la force de sa part animale, il n'aurait même plus besoin de les mettre.

Jaemin posa sa tête sur l'épaule du plus vieux et frotta sa joue contre celle de Dejun en geignant. Il avait essayé de se faire pardonner dès la fin de la séance alors que Jeno lui tentait plutôt de se faire discret. L'aîné ne savait pas trop comment réagir face à eux.

— Dejun, chouina le rose. Je suis désolé, c'est plus fort que nous...

Jungwoo rit encore plus fort et Dejun adressa un petit sourire embarrassé au jeune alpha. Il se doutait bien que Jeno et lui n'avaient pas voulu attirer l'attention sur eux, mais il savait à présent qu'il était hors de question qu'il retourne voir un film d'action avec eux. Les deux plus jeunes n'avaient pas arrêté de grogner et de se mettre devant les omégas à la moindre scène d'explosion ou de conflit, comme pour leur servir de bouclier. Ils avaient un instinct de protection tel que Dejun n'en avait jamais vu et il n'était pas sûr que les sermonner pour ça soit une bonne idée. Oui, ils avaient exagéré et ils avaient manqué de se faire exclure de la salle, mais d'un autre côté l'oméga trouvait leur attitude adorable. S'il avait été réellement en danger alors il aurait été rassuré de les avoir à ses côtés. De plus, cela n'était qu'une preuve supplémentaire de l'affection que Jeno et Jaemin lui portaient.

— On oublie, le rassura doucement Dejun. Je vous invite pour manger, promettez-moi juste de bien vous tenir cette fois. Tous les deux, d'accord ? Et Jungwoo arrête de ricaner, je t'ai vu te cacher derrière Jeno à la fin.

Le frisé ronchonna pour la forme, mais la perspective d'un repas gratuit lui fit rapidement retrouver le sourire. Jeno s'excusa à son tour pour son attitude précédente et Dejun lui assura qu'il n'y avait pas de problème, il avait été plus surpris qu'en colère.

Le trio de jeunes adultes opta pour un fast-food à la lisière de la forêt, non loin de l'auberge où séjournait initialement le brunet. Ce dernier sentit à nouveau le poids d'un regard sur lui quand ils se rapprochèrent des bois et il frissonna. Il ne savait pas si cette présence qu'il percevait lui souhaitait du bien ou du mal, une chose était cependant certaine : il était le seul soit à la percevoir, soit le seul à s'en préoccuper.

— Dejun ? l'interpella Jeno. Tout va bien ?

L'oméga pinça la bouche, hésitant à parler de ses inquiétudes. L'alpha était un jeune adulte plus calme que ceux de son âge, sous forme humaine en tout cas, et il savait se montrer compréhensif. Dejun savait qu'il trouverait une oreille attentive et que Jeno allait prendre sa remarque au sérieux.

— J'ai l'impression d'être suivi depuis quelque temps...

Aussitôt l'autre redressa les épaules et le bleu de l'animal envahit le brun de l'iris humain. Il huma l'air et pencha la tête dans une typique posture de loup. Jaemin et Jungwoo qui marchaient un peu devant ne leur accordaient pas d'attention, ce qui allait parfaitement à Dejun, il ne voulait pas les inquiéter inutilement.

— Je ne sens rien, mais le vent n'est pas du bon côté. Est-ce que tu en as parlé au chef ?

Dejun secoua négativement la tête. Il y avait beaucoup de choses dont il n'avait pas encore pu parler à Johnny et il ne voulait pas être perçu comme une petite chose fragile. Il l'était, fragile et renfermé, mais il espérait le cacher autant que possible au chef de la meute, il avait trop peur de perdre son intérêt.

— Tu devrais y penser, lui conseilla Jeno. Ce n'est pas étonnant que tu sentes des regards en ville quand tu es avec nous, j'ai conscience qu'on se fait pas mal remarquer, mais si ça dure depuis un moment c'est que c'était quand tu étais dans la meute et ça, c'est plus bizarre. Aucun étranger n'est accepté dans la meute et même les autres ne peuvent pas s'approcher aussi près sans que les patrouilles les repèrent.

— Les patrouilles comme celle qui nous a trouvés avec Jungwoo après l'orage ?

— C'était plus une équipe d'urgence montée à l'arrache, mais oui, du même style. Les patrouilles montent la garde près du village de la meute et ceux présents sur tout le territoire pour assurer la sécurité. Si un étranger était venu pour te surveiller, il n'aurait pas pu leur échapper, c'est pour ça que je pense que ça doit être un membre de la meute.

Dejun porta ses doigts à sa bouche et se mordilla le bout du pouce, l'esprit en ébullition. Il était un peu rassuré de savoir qu'aucune présence indésirable ne se plaisait à observer le moindre de ses mouvements, mais il ne voyait pas vraiment qui dans la meute pouvait avoir ce genre de passe-temps. Enfin, il ne voyait qu'une option, mais les sensations qu'il éprouvait n'étaient pas les mêmes. Lorsque Lucas posait ses yeux sur lui, il ressentait sa colère et sa méfiance jusque dans la moindre de ses cellules, ce n'était pas l'impression qu'il avait avec cet individu mystère.

Jungwoo revint brusquement vers eux, les traits du visage tendus, et il attrapa le bras de Dejun pour lui faire faire demi-tour. Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres du fast-food, mais le plus jeune semblait avoir soudainement changé d'avis.

— Jungwoo, qu'est-ce qu'il te prend ? demanda Jaemin qui revenait aussi.

— Dejun, tu te souviens des abrutis bourrés de la dernière fois ?

L'appelé hocha rapidement la tête, il était impensable qu'il puisse oublier les événements de sa première nuit et sa rencontre avec son cadet. Il avait bien cru que sa dernière heure était arrivée à cet instant.

— Ben ils sont encore là et ils ne sont pas seuls. Ils sont en pleine discussion avec des chasseurs, autant qu'on rentre.

— Les chasseurs ? Mais ils ne sortent pas avant le couvre-feu normalement, fit remarquer Jeno.

Le rappel de leur limite de temps fit hoqueter Dejun qui s'empressa de sortir le téléphone de sa poche pour regarder l'heure. Le sang quitta son visage quand il remarqua qu'ils avaient dépassé la limite de plus de trente minutes et qu'il avait un appel manqué de Johnny. Entre le cinéma, le café et les différentes boutiques qu'ils avaient arpentés, ils en avaient perdu la notion du temps. Si Dejun était très inquiet de la réaction du chef de meute, les trois autres semblaient plus prêter attention à une tout autre information.

— On va être obligés de passer devant eux, sinon on sera obligés de faire tout le tour pour regagner le village et si j'en crois la tête de Dejun, on est déjà méga en retard.

Le brunet acquiesça, penaud, à la remarque de l'alpha brun. Il se sentait soudainement mal et l'idée même d'avoir déçu Johnny lui donnait envie d'aller se cacher dans un trou de souris. L'Alpha ne lui avait demandé qu'une seule chose et il avait échoué. Il était incapable d'effectuer la moindre tâche, même la plus simple.

La main de Jungwoo se glissa dans la sienne et attira son attention. Il se rendit alors compte de la gravité qui serrait les traits de chacun de ses cadets et un long frisson dévala sa colonne vertébrale.

— Je suis désolé, j'aurais dû faire attention à l'heure...

— Ce n'est pas ça le problème, le rassura Jeno. On rentre régulièrement après le couvre-feu, on a l'habitude de recevoir une soufflante de la part du chef. Le problème ce sont les chasseurs, il y a de fortes chances pour qu'ils essayent de chercher les ennuis et ça, le chef ne le laissera pas passer.

— Mais c'est qui ces chasseurs ?

— Je crois que ça fait partie des choses dont le chef doit te parler lui-même, grimaça Jungwoo. Si on le fait à sa place il se servira de nos fourrures comme descentes de lit.

— Trop tard, murmura Jeno. Ils nous ont repérés, ils nous regardent. On file en vitesse et on prie pour éviter les ennuis.

Dejun ferma les yeux très fort un court instant et il se remémora le moment où Johnny avait qualifié les plus jeunes de nids à problèmes. Évidemment ils n'y étaient pour rien cette fois-ci, mais ils allaient quand même au-devant des ennuis. Le jeune homme souleva les paupières et il se cacha à moitié derrière Jeno pendant que Jaemin se mettait partiellement devant Jungwoo. Les alphas carrèrent les épaules et Dejun vit le bleu poindre dans le regard de son protecteur, signe que l'animal était proche de la surface. Il ne comprenait pas aussi bien la situation que les autres, mais il sentait le danger. Il pria silencieusement pour que tout se passe bien, qu'ils puissent passer et regagner la forêt sans encombre.

La nuque de Dejun le picota alors que le poids du regard sur lui se faisait plus intense, comme si la source était plus proche, mais il ne ressentait toujours aucune hostilité de sa part. La pression invisible disparut brusquement alors que le groupe d'amis était interpellé par les jeunes aussi éméchés qu'au premier jour.

— Hé le dodu, tu ne te souviens pas de nous ?

Ils ricanèrent et Jeno gronda en sentant Dejun se rapetisser dans son dos. L'oméga se sentait honteux et il tira sur le bas de sa chemise pour se couvrir au maximum. Son attitude blessée fit grogner Jaemin et même la gorge de Jungwoo laissa échapper un son grave. Aucun des plus jeunes n'appréciait la remarque.

Dejun ferma les yeux et mit ses mains sur ses oreilles. Il entendait les mots, mais il ne voulait pas les comprendre. Ces insultes, ces remarques sur son corps, sur ce qu'il était ou n'était pas, il les avait déjà entendus trop de fois, il ne le supportait plus. Les cris se faisaient de plus en plus forts et il sentait qu'il y avait du mouvement, mais il était incapable d'ouvrir les yeux pour suivre ce qui était en train de se passer. Il voulait juste disparaitre pour toujours. Oublier qu'il était lui et comment les gens le percevaient. Il avait cru pendant un instant pouvoir être quelqu'un parce que la meute l'avait accepté, mais le retour à sa réalité était bien plus cruel qu'il ne l'avait cru. Il n'était rien, comme cela avait toujours été le cas.

— Dejun !

Une étreinte forte s'enroula autour de lui avant de le secouer comme un prunier et il reconnut le parfum naturellement sucré de Jungwoo. Ses yeux embués se portèrent sur le monde et il hoqueta d'horreur. Il vit le sang avant de le sentir, mais une fois que le parfum lui parvint, la nausée s'empara de lui.

Jaemin était les fesses sur le sol, une imposante trace rouge s'étendant sur le côté de son visage que Dejun pouvait voir. À quelques mètres de là, Jeno était agenouillé et grondait, le regard entièrement bleu. Le groupe de jeunes qui les avait insultés était recroquevillé plus loin, et au milieu de tous, un loup dominait un homme, les crocs à quelques millimètres de la gorge dénudée.

Un loup haut sur pattes, noir et rachitique, avec des cicatrices sur la truffe qui tranchaient avec son poil aussi sombre que la nuit. Son grondement était bien plus grave que celui de Jeno ou Jaemin, bien qu'ils soient tous les trois de la même classe. Dejun le sentait instinctivement, ce loup-là était un alpha et il était en plus persuadé qu'il était à l'origine de ce regard qu'il sentait sur lui depuis son arrivée à la meute.

— Et si on s'arrêtait là pour ce soir ?

Dejun releva la tête et vit un homme s'avancer. Confiant, il portait une arme à la ceinture qui scintillait doucement. Sans trop savoir pourquoi, le comptable sentit un malaise s'emparer de lui et le loup noir gronda avant de changer de forme. Une capuche lui recouvrait le crâne, ce qui empêcha le brunet de le dévisager, mais sa voix éraillée, elle, lui écorcha les oreilles.

— Les jumeaux, relevez-vous. On y va.

Les deux alphas s'exécutèrent et ils rejoignirent Dejun et Jungwoo, la tête basse. Un silence pesant régnait malgré le nombre de personnes et quand le loup balafré inconnu indiqua la lisière de la forêt d'un mouvement de menton, le reste de la petite troupe obéit sans protester.







Nda :
Hello, j'espère que ça vous plaît toujours, hésitez pas à laisser un petit commentaire pour donner votre avis ! Je vous mets un autre chapitre dans quelques minutes !  Bonne journée !
Dalion~ Kiss :3

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