Chapitre 18
Dejun obtint un sursis pour son interrogatoire en se réfugiant sous sa forme animale, au moins ainsi Jungwoo ne pourrait pas l'embêter ni poser des questions gênantes. Si le frisé fut déçu de ne pas pouvoir parler des derniers évènements immédiatement, il ne perdit pas pour autant son sourire et prit à son tour sa forme de loup. Les quatre canidés traversèrent le village en trottinant et Dejun sentit un regard se poser sur eux, mais il fut incapable de trouver d'où il venait. Il en était à se demander s'il n'avait pas des hallucinations, il avait l'impression d'être le seul à éprouver la sensation d'être épié et, ne voulant pas paraitre parano, il décida de garder cette pensée pour lui.
Jeno ouvrait la voie en bondissant joyeusement à travers la forêt, son comparse blanc sur les talons. Ils se coursaient régulièrement ou s'arrêtaient pour jouer dans les feuilles mortes sans se soucier du temps qu'ils mettaient en plus pour se rendre à leur destination. Dejun s'avoua vaincu quand Jungwoo rejoignit les deux autres pour courser un pauvre lapin qui avait eu le malheur de sortir le bout de son museau. Il se coucha tranquillement au pied d'un arbre en observant la traque et fut aux premières loges pour la collision entre l'oméga et Jaemin qui offrit une porte de sortie inespérée à l'animal aux grandes oreilles. Jeno leur couina dessus, déçu d'avoir perdu sa bouchée apéritive et vint se frotter contre la fourrure de Dejun pour chercher du soutien.
L'oméga se laissa mollement faire, il avait rapidement compris qu'il soit d'accord ou pas, que les plus jeunes avaient tendance à n'en faire qu'à leur tête. Ce n'était pas pour rien qu'il se retrouvait depuis plusieurs jours à se réveiller avec trois invités au pied de son lit. Le loup noir lui lécha la truffe avant de le mordiller pour l'inviter à jouer, mais Dejun se renfrogna. Il n'était pas assez à l'aise sous cette forme pour suivre ses cadets dans leurs bêtises, il préférait éviter. Jaemin vint essayer d'aider son comparse à convaincre Dejun de les rejoindre poursuivre les écureuils, sans plus de succès.
Le comptable finit par changer de forme, incapable de communiquer sous sa forme animale et Jungwoo l'imita, fraîchement revenu d'une chasse infructueuse. Dejun grimaça alors que ses muscles se remettaient tranquillement en place. Il arrivait plus facilement à passer d'une forme à l'autre, mais cela restait inconfortable et s'il abusait il subissait des courbatures dignes de ses cours de sport de collège.
— Dites donc vous trois, les gronda faussement le brunet, ce n'est pas vous qui m'avez supplié de vous accompagner en ville ? Si vous continuez à vous faire attaquer par des glands et à vous faire semer par des lapins on sera encore là que le couvre-feu sera tombé et, désolé de te le dire, Jaemin tu auras toujours ta couleur jaunasse sur la tête.
Le loup blanc éternua et secoua sa lourde tête, visiblement ronchon. À l'inverse le noir avait la langue pendue en un sourire typique des loups.
— La ville n'est plus très loin, on avait bien avancé. Si on marche encore un peu, on devrait y arriver d'ici une petite dizaine de minutes à peine, dit Jungwoo.
— Je vais continuer à pied, j'ai mal aux muscles...
— Chouette, on va pouvoir parler de tu-sais-quoi.
Le jeu de sourcils de Jungwoo n'échappa pas à son aîné qui soupira dramatiquement : ce qu'il redoutait était sur le point de se produire. Un alpha de chaque côté les encadrant, ils se remirent en marche, Dejun essayant de poser des questions sur la nature les entourant pour distraire son ami, sans succès. Ce que cette adorable frimousse pouvait être têtue !
— Oui oui, on s'en fout des pâquerettes, le coupa le frisé. Vous avez fait frotte-frotte dans le bureau avec le chef ?
— Jungwoo !
— C'est une question tout à fait innocente.
Le visage rubicond, Dejun tenta d'accélérer le pas pour échapper à son ami dont le rire lui chauffait les oreilles. Ces fichus loups de la forêt n'avaient aucune pudeur et lui en avait certainement de trop.
— Alors ?
— Non, céda le brunet, on n'a pas fait « frotte-frotte ». Content ?
— Mais pourquoi ?
— Pourquoi quoi ?
— Pourquoi vous n'avez pas couché ensemble ?
Dejun s'étouffa avec de l'air et foudroya son cadet du regard. Des couinements venant des dominants lui firent espérer pendant un instant qu'ils compatissaient à sa gêne, mais il se rendit rapidement compte qu'ils riaient juste de son malheur. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre. Dejun posa ses mains à plat contre ses joues dans l'espoir de les rafraîchir, mais il ne se faisait aucune idée, il devait être aussi rouge qu'une tomate. Personne ne posait ce genre de question en ville et surtout pas aussi abruptement, mais ici cela ne semblait choquer que lui.
— En quoi c'est important ? geignit Dejun.
— Tu n'en as pas envie ?
Il n'allait jamais laisser tomber. Les deux omégas se toisèrent un court instant, le regard désespéré de Dejun croisant celui purement curieux de son ami. Pire que tout, Jeno et Jaemin qui jusque-là les encadraient sans réellement se soucier de leur conversation attendaient sagement une réponse, leurs yeux de loup rivés sur Dejun. Déjà qu'il avait l'impression d'être espionné depuis leur sortie du village, maintenant il se sentait comme une biche sous les phares d'une voiture.
— Si, si j'en ai envie, avoua-t-il du bout des lèvres, mais c'est... compliqué.
— Alors, pour avoir suivi quelques cours de bio et expérimenté moi-même le processus je peux t'assurer que non. Tu mets la partie A dans la partie B et tu suis le courant.
— C'est la pire explication sur les relations sexuelles que j'ai jamais entendue de ma vie...
— C'est juste une image, ronchonna Jungwoo en roulant des yeux. Si tu en as envie, et que lui aussi, il est où le problème ?
— Qu'est-ce qui te dit qu'il en a envie aussi... ?
Son ami le regarda comme si une seconde tête venait de lui pousser, tandis que le loup noir secouait sa grosse tête et que le blanc grognait doucement. Dejun recroquevilla ses mains dans les manches de la grande chemise à carreaux qu'il avait pris l'habitude d'emprunter à Johnny. Il se sentait ridicule de douter de ce qui paraissait être une évidence aux yeux des autres, mais il était comme ça, il n'avait jamais eu confiance en lui et pour le peu qu'il se soit ouvert aux autres il avait été trahi. Il ne voulait plus prendre ce risque s'il n'avait pas de certitude. Il perdait la tête quand il était aux côtés de Johnny, il ne parvenait que difficilement à refréner ses envies, mais dès qu'il s'en éloignait son cerveau se mettait en marche et lui exposait toutes les possibilités négatives qui l'attendaient.
— Peut-être la couche de phéromones dont il t'a recouvert ? Un alpha ne fourre ses odeurs sur quelque chose que s'il considère que c'est à lui alors si tu es couvert de ses phéromones... pas besoin de te faire un dessin. Tu plais au chef, tout le monde le sait, il faudrait être débile pour ne pas voir que c'est réciproque en plus. C'est pour ça que je ne comprends pas, vous êtes deux adultes, vous avez envie l'un de l'autre et tu vas avoir tes chaleurs alors pourquoi se retenir ? Vous ne faites de mal à personne.
Dejun pinça les lèvres tout en passant une main dans ses cheveux. Il finit par soupirer longuement.
— La dernière expérience... sentimentale que j'ai eue ne s'est pas très bien passée et je n'ai pas envie de reproduire l'expérience.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Le jeune homme voyait bien que Jungwoo ne pensait absolument pas à mal, bien au contraire il se montrait concerné par sa situation, mais cela n'empêcha pas une boule douloureuse de se former dans sa gorge. Il détestait parler et se souvenir de ça.
— On m'a toujours expliqué que pour un oméga j'étais banal à en mourir et que personne ne voudrait jamais de moi, murmura Dejun. Que ce soit ma famille ou même des gens que je ne connaissais pas, ils pensaient tous la même chose et ils n'avaient pas tort puisque personne ne m'approchait. Pendant ma dernière année de lycée, il y a eu un nouveau, un alpha, et je ne savais pas vraiment pourquoi, mais il a commencé à vouloir être mon ami. J'étais tellement désespéré, je ne voulais tellement plus être seul que je ne me suis pas méfié une seule seconde. Avec le recul je me sens ridicule, c'était évident que c'était une arnaque.
Un coup contre sa cuisse lui fit baisser les yeux et il gratta Jeno entre les oreilles, le loup noir tentant maladroitement de le réconforter.
— Bref, je suis tombé amoureux de cet abruti fini et j'ai couché avec lui. Le lendemain il m'a largué en annonçant à tout le monde qu'il voulait juste faire l'expérience de se taper un moche. Je pense que c'était la pire humiliation de ma vie et depuis je suis incapable de faire confiance à quelqu'un, de me laisser aller. Je sais que Johnny n'est pas lui, mais... je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur. Je ne supporterai pas une nouvelle humiliation, je ne veux pas être abandonné à nouveau.
Une fluctuation d'énergie à sa gauche fut le seul marqueur indiquant le changement de forme de Jeno avant que l'alpha ne le prenne soudainement dans ses bras. Jungwoo s'ajouta bientôt par-dessus et quelques secondes plus tard, Jaemin se joignait à l'étreinte maladroite. Noyé sous ses cadets, Dejun retint difficilement ses larmes et se laissa réconforter. Personne n'avait jamais tenté de le rassurer comme les plus jeunes le faisaient.
— C'était qu'un abruti, gronda Jeno.
— Personne ne te fera jamais ça ici, ajouta Jaemin. On te protégera, personne ne pourra te faire du mal, c'est promis.
Pour une fois Jungwoo fut celui qui resta silencieux et Dejun l'entoura de ses bras dans l'espoir d'effacer l'air coupable sur le visage de son cadet. Il ne voulait pas que les trois loups se sentent mal à cause de sa confession, ce n'était pas son objectif. Jungwoo baissa la tête et ses frisettes châtaines tombèrent sur son front.
— Je suis désolé, je ne savais pas et j'ai été super lourd...
— Ce n'est rien Jungwoo, en plus je crois que ça m'a fait du bien d'en parler à quelqu'un. Je ne l'avais jamais dit à personne, je me sens un peu soulagé d'un poids maintenant.
— Tu devrais peut-être en parler à Johnny, tu sais ? proposa Jeno. Il est vraiment bien comme Alpha et je suis sûr qu'il saura te rassurer encore mieux que nous. En plus, on le connait depuis qu'on est nés avec Nana et Woo, et on peut te jurer qu'il n'a jamais été comme ça avec personne avant toi. Il est presque mielleux.
Jaemin fit mine de vomir, et Dejun ne sut si c'était le geste ou la couleur improbablement jaune, mais il rit. Cette meute était réellement comme une famille, aimante, protectrice et terriblement chaleureuse. Il passa affectueusement sa main dans les cheveux de chacun de ses cadets et ils lui sourirent, satisfaits de ne plus le voir aussi triste.
— Je vais y réfléchir, pour l'instant gardez ça pour vous d'accord ?
— Promis, jurèrent-ils à l'unisson.
— Bien, allons en ville maintenant, on devrait être arrivés depuis un moment déjà.
Les deux alphas restèrent sous forme humaine pour la fin du trajet et changèrent de sujet pour alléger l'ambiance pour le plus grand bonheur de Dejun. Le trio infernal était comme une brochette de petits frères turbulents, mais impossibles à détester. Il décida donc de reléguer dans un coin de sa tête ses interrogations pour se concentrer sur leur sortie. Il n'avait pas eu l'occasion de profiter de la ville puisqu'il avait été rapidement rapatrié à la meute et il comptait bien se rattraper maintenant qu'il était là.
Nda :
Hello ! Je les aime bien mes trois andouilles là et puis même s'ils sont taquins, ils sont adorables !
Dalion~ Kiss :3
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