Chapitre 16


La forme de loup n'était pas habituelle pour Dejun et, si depuis qu'il était arrivé dans la meute il avait appris à se transformer à volonté, cela n'en restait pas moins perturbant. Il mettait toujours un peu de temps à trouver une certaine stabilité sur ses quatre pattes et à s'habituer à l'afflux d'odeurs qui envahissait ses narines sensibles d'animal. Cependant, il n'avait pas réellement le choix s'il comptait trouver Johnny dans l'immensité de la forêt qui entourait le petit village, avec ses sens humains c'était peine perdue et il ne comptait pas déranger d'autres gens en leur posant des questions. Il n'était par ailleurs pas certain que Johnny apprécie qu'il implique d'autres personnes dans ses recherches. Il savait les alphas fiers et très attachés à la vision presque divine que les autres pouvaient avoir d'eux, Dejun se doutait que Johnny n'était pas très différent sur ce point-ci. S'il était bien blessé comme l'avait indiqué Sooyoung, même légèrement, il ne voudrait pas qu'on puisse le voir ainsi.

Dejun sortit de la maison de la maison de la meute en trottinant, un sac banane accroché autour du cou. Il l'avait emprunté à Jungwoo, son cadet plutôt fan de vintage en avait une collection et lui avait prêté avec plaisir, sans même chercher à savoir pour quelle raison il en avait besoin. Son attention était visiblement bien plus portée sur les portes closes de l'infirmerie que sur le reste et Dejun n'avait pas insisté, en réalité cela lui allait parfaitement si le plus jeune ne creusait pas à la recherche d'informations.

La démarche un peu maladroite, il se faufila dans les rues désertes du village. Personne n'était sorti depuis l'esclandre et tout le monde se faisait petit, même si l'Alpha n'était pas là pour déchainer sa colère sur un innocent de passage. Dejun baissa l'échine et un frisson le parcourut quand il passa devant la maison abandonnée. Ce n'était pas la première fois qu'il avait l'impression d'être observé et qu'il sentait le poids d'un regard sur lui. Il avait essayé de se renseigner, mais n'avait rien vu de ses propres yeux, pour le reste, les loups refusaient de lui en parler et trouvaient toujours un prétexte pour changer le sujet. Dejun n'insistait pas, conscient de son statut précaire d'invité. Cependant cela n'enlevait pas cette sensation d'être épié dès qu'il se promenait seul.

Le sac tapait contre son poitrail au rythme de ses petites foulées et il s'arrêta à la lisière de la forêt. Les yeux clos, la truffe collée au sol, il essaya de mettre en application les conseils de Sooyoung. Elle semblait persuadée qu'il pouvait retrouver Johnny et comme elle n'avait aucune raison de lui mentir, il avait décidé de lui faire confiance. Il connaissait le parfum de l'Alpha par cœur alors ce n'était pas bien compliqué de l'isoler des autres, même pour un loup aussi inexpérimenté que lui.

Dejun décida de se focaliser plus sur ce qu'il ressentait en humant ce parfum que sur l'odeur en elle-même. Elle était trop volubile, trop fugace, pour s'accrocher à son nez. En revanche, la sensation de réconfort, de sûreté et de tendresse qu'elle lui évoquait était ancrée en lui. Guidé par l'impression chaleureuse, il pénétra dans la forêt. Il se laissa porter sans prendre le temps de sentir ou d'observer ce qui l'entourait, il faisait juste confiance à son instinct, ce même sens qu'il réfutait depuis tout petit et auquel il s'abandonnait totalement pour retrouver Johnny.

La langue pendante et le souffle court, il arriva près d'une grotte ensevelie sous la nature. Il ne l'avait initialement pas vue, mais un grognement venant de l'intérieur attira son attention et il s'approcha. Dejun posa son derrière poilu sur un large galet et jappa pour annoncer sa présence. Un son clair et plein de confiance qu'il n'aurait jamais osé faire si son loup ne lui avait pas insufflé sa sérénité et son assurance. Pour l'animal une chose était claire depuis le début : Johnny ne serait jamais mécontent de les voir.

Dejun joua avec ses griffes dans la terre pour évacuer le stress alors que du bruit se faisait entendre de la petite caverne. Son loup était bien trop assuré pour lui, il y avait beaucoup de choses qui risquaient de mal tourner, mais l'animal guidé uniquement par l'instinct ne les prenait pas en compte. Dejun, lui, ne pouvait pas les ignorer même s'il faisait de son mieux pour museler ses inquiétudes.

L'imposant Alpha pointa la truffe hors de sa cachette et trottina jusqu'à Dejun pour lui mordiller le bout de la truffe. Le comptable éternua et trépigna en jappant joyeusement. Il était heureux de voir que l'autre n'avait que des égratignures comme l'avait annoncé Sooyoung. Peu à l'aise pour communiquer sous sa forme animale, Dejun se concentra pour changer de forme. Il grimaça quand le sac pesa sur sa nuque et il le retira rapidement. Johnny changea également, même si bien plus rapidement et il glissa sa main jusqu'au cou de Dejun qu'il massa doucement. Ce dernier soupira de bien-être et ferma les yeux.

— Je ne m'attendais pas à te trouver ici, murmura le blond à son oreille.

— Je te cherchais.

Il rouvrit les yeux pour plonger directement dans ceux de l'Alpha. Les orbes de Johnny étaient de la couleur de l'or liquide, ce qui lui permettait de savoir qu'il était sous l'influence sauvage de sa moitié animale. Intimidé, Dejun pointa du doigt le chargement qu'il avait posé sur le sol terreux.

— Je voulais être sûr que tu allais bien... Je ne suis pas médecin, je n'ai jamais fait ça de ma vie et tu vas peut-être mal le prendre, mais...

Johnny fit rouler ses épaules et se débarrassa de sa chemise à carreaux. Il tourna ensuite le dos à Dejun après lui avoir accordé un petit sourire. Le brunet déglutit et loucha sur la musculature impressionnante de l'alpha.

— Tu peux inspecter tout ce que tu veux, Dejun.

L'oméga rougit furieusement, il avait l'impression d'être un pervers. Il était venu pour s'assurer que Johnny allait bien et pour l'aider à se soigner si besoin, mais il avait suffi qu'il aperçoive un bout de peau pour complètement perdre de vue son objectif. Il attrapa d'une main tremblante le sac sur le sol et en tira des compresses ainsi que du désinfectant. Il resta quelques secondes à les observer sans savoir quoi en faire.

— Tu n'as pas besoin de tout ça pas vrai ? Ça ne sert à rien ce que j'essaye de faire...

— Est-ce que ça te rassure ?

Dejun cligna des yeux, interloqué par la question. Il prit un petit moment pour y réfléchir et hocha la tête même si l'autre ne pouvait pas le voir dans cette position.

— Je crois que oui...

— Alors ce n'est pas inutile, trancha Johnny. Ce sont des petites coupures alors oui ce n'est pas indispensable de les nettoyer, mon organisme peut le faire lui-même, mais ça ne veut pas dire que ça ne sert à rien. Le désinfectant facilitera la guérison et m'épargnera une dépense d'énergie alors si tu veux le faire, vas-y.

Un sourire attendri s'étendit naturellement sur les lèvres de l'oméga. Il voyait bien à la manière dont les muscles dorsaux étaient contractés que Johnny n'était pas à l'aise dans cette position vulnérable, pourtant il s'inquiétait d'abord de son bien-être à lui. Sa main se posa doucement sur une épaule tendue et le muscle tressauta nerveusement.

— Tu es sûr que ça te va ?

— Certain, juste... je ne veux pas te presser, mais mon loup n'aime pas trop que tu puisses voir nos « blessures de guerre ». Il l'a déjà mauvaise d'avoir été surpris par un chiot, il ne veut pas se ridiculiser devant toi.

L'air gêné de Johnny fit rire le comptable qui le trouva parfaitement adorable. Envolée la peur de se retrouver devant un alpha sanguinaire prêt à le manger au petit-déjeuner, ça lui était même sorti de la tête. Dejun tamponna doucement une compresse imbibée de désinfectant contre la peau fendillée tout en chantonnant un air quelconque sans y prêter attention. Johnny n'avait presque rien, à peine des éraflures rougies qui seraient résorbées dans quelques heures, mais Dejun était content d'y mettre du sien.

Johnny se retourna quand l'oméga le lui demanda et retint son rire du mieux qu'il put lorsque le visage de Dejun s'embrasa. Le brunet ronchonna en essayant de se dédouaner, cependant la vérité était qu'il n'avait pas vu un homme torse nu depuis très longtemps et Johnny était un spécimen particulièrement agréable à l'œil. C'était normal qu'il perde ses moyens devant une telle vision. À côté, il faisait pâle figure, personne n'avait envie de le regarder de cette façon.

— Dejun, l'appela doucement le dominant. Je te sens partir, à quoi est-ce que tu penses ?

Il pinça les lèvres. Il n'avait pas envie de se plaindre une nouvelle fois. Johnny connaissait ses peurs, tout du moins une partie d'entre elles, et il ne voulait pas paraitre encore plus pitoyable qu'il ne l'était déjà.

Les doigts de l'Alpha glissèrent contre sa joue jusqu'à sa nuque. Attiré en avant, son front se colla à celui de l'autre. Il sentait le souffle de Johnny contre sa peau, son nez qui frôlait le sien avec douceur et légèreté.

— Je sais que tu ne me diras pas ce qui ne va pas maintenant, souffla doucement Johnny, mais j'ai très envie de te changer les esprits. Est-ce que j'ai ton autorisation ?

Dejun ferma les yeux. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'il était impossible que l'autre loup ne l'entende pas. Pour un prédateur, il devait être ce petit lapin après une course effrénée. L'autre main de Johnny se posa sur sa joue et il se laissa légèrement partir en avant.

— Tu l'as...

C'était insensé. Il se protégeait depuis des années, il n'avait laissé personne l'approcher, encore moins un alpha, afin de ne plus être blessé comme il l'avait déjà été. Certaines blessures étaient encore à vif, pourtant, le voilà qui se laissait tomber dans les bras d'un homme qu'il ne connaissait que depuis très peu de temps. Il était devenu fou et il était terrorisé, mais la bouche de Johnny tout contre la sienne avait la saveur de l'Eden.

C'était un baiser comme il n'en avait jamais connu et qui semblait sortir tout droit d'un conte de fées. Dejun avait l'impression d'être dans un de ces livres d'amour qu'il lisait en toute discrétion, adolescent. Toutes les émotions fantasmées qui y étaient décrites, il les ressentait par lui-même. Ces papillons dans le ventre qui le chatouillaient tendrement. Ces grandes mains qui encadraient son visage avec précaution, comme un écrin de bijoutier. Cette odeur de cèdre, si chaleureuse et réconfortante.

Timidement, il fit remonter ses doigts sur les épaules de l'Alpha. Il pouvait s'y accrocher, comme un rocher sur lequel il pouvait compter pour ne pas se noyer. Les yeux fermement clos, le jeune homme grommela quand leurs lèvres se séparèrent et il laissa sa tête retomber contre la clavicule du chef de meute.

— Est-ce que ça t'aide à penser à autre chose ? murmura Johnny.

Dejun hocha simplement la tête, les joues rouges. Il se sentait déjà mieux, même si le problème n'était pas résolu. Le chef de meute avait un effet parfaitement anormal sur lui, c'en était effrayant.

— Je devrais le refaire alors ?

L'oméga acquiesça une fois de plus et Johnny l'embrassa chastement sur le bout du nez.

— Jusqu'à quand veux-tu que je te fasse penser à autre chose ? l'embêta gentiment l'Alpha.

— Jusqu'à ce que je n'y pense plus du tout ? questionna timidement Dejun.

Sa requête fut acceptée sans hésitation et la bouche de Johnny vint couvrir une nouvelle fois la sienne avec tendresse. Il ne se sentait pas envahi, pas sous contrainte. Il savait qu'au moindre signe de sa part Johnny se reculerait, ce qu'il ne savait pas en revanche étaient les conséquences derrière. Est-ce que Johnny se vexerait ? Est-ce qu'il lui en voudrait ? Dejun ferma plus fort les yeux et s'abandonna aux tendres baisers. Ces questions n'avaient pas lieu d'être, il n'avait aucune envie de s'éloigner de cet homme et ce n'était pas l'aube de ses chaleurs qui allait le convaincre de mettre de la distance entre leurs deux corps. 







Nda :
Ils sont si choupichous ToT je me suis attachée à eux je crois bien. J'espère que vous avez apprécié votre lecture et je vous dis à très très bientôt !
Dalion~ Kiss :3

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