Dejun fit mine de ne pas prêter attention aux mots de Johnny, mais dans sa tête c'était un véritable feu d'artifice. Il plaisait, lui, à quelqu'un. Il n'arrivait pas à y croire, ça ne pouvait pas être réel, l'alpha devait lui faire une mauvaise blague et allait éclater de rire, mais non, rien. Johnny restait mortellement sérieux dans son dos. Aucun éclat de rire, aucun sourire moqueur ou ricanement désagréable. Juste une douce pression sur sa joue et une étreinte chaleureuse qui le protégeait de tout.

— On devrait y aller non ? murmura l'oméga pour cacher son trouble. J'ai promis à Jungwoo de passer un peu de temps avec lui et Winter va m'attendre pour le goûter.

Johnny l'aida à se relever et, même une fois debout, il garda la main du comptable dans la sienne. Dejun ne manifesta pas l'envie de la retirer et il se rapprocha discrètement du grand blond pour pouvoir sentir son odeur de cèdre. Il n'avait pas l'habitude de se servir de son nez, mais il était naturellement attiré par le parfum de Johnny, comme une abeille par le miel.

— Je ne te dérange pas trop ? Tu dois avoir beaucoup de choses à faire avec la meute, mais tu as passé plusieurs heures avec moi aujourd'hui...

— J'en avais envie et ça m'a fait plaisir, ne t'inquiète pas de ça Dejun. Je n'ai rien d'urgent à faire, je peux parfaitement m'accorder un peu de repos et j'apprécie passer du temps avec mes loups, je peux mieux les comprendre ainsi. C'est pareil pour toi, tu n'es pas officiellement l'un de mes loups, mais tant que tu seras sur le territoire de la meute ça sera tout comme. Je veux prendre soin de toi au même titre qu'eux, mais pour ça j'ai aussi besoin d'apprendre à te connaitre, pour savoir ce que tu aimes, les limites que je ne dois pas franchir et celles que tu es prêt à effacer.

— Mais personne ne va être mécontent que tu passes ce temps avec moi plutôt qu'avec quelqu'un d'autre ?

Dejun se mordilla la lèvre. Il avait été si chaleureusement accueilli, tout le monde avait été adorable avec lui et l'avait fait se sentir comme chez lui. Il ne pensait volontairement pas à Lucas, c'était un cas parfaitement à part dont il allait devoir parler avec l'Alpha. Il ne voulait pas que des sentiments négatifs viennent ternir cette bonne ambiance qu'il y avait dans la meute, surtout pas à cause de lui.

Johnny lui caressa le dos de la main à l'aide de son pouce, un léger sourire rassurant sur le visage.

— Au contraire, j'ai plutôt l'impression qu'ils sont absolument ravis de me savoir passer du temps avec toi. En plus, les plus jeunes le savourent d'autant plus qu'ils ont du temps libre et que je ne suis pas sur leur dos pour savoir ce qu'ils fabriquent. Imagine, ils ont eu plusieurs heures pour faire des bêtises sans personne pour leur dire non.

Le brunet gloussa, l'image du trio infernal s'imposant immédiatement dans son esprit. Même s'ils n'étaient pas au top de leur forme ces derniers jours, Jeno, Jaemin et Jungwoo ne manqueraient certainement pas une occasion pour se faire remarquer. Johnny avait peut-être raison, ils n'avaient rien fait de mal en passant un moment tous les deux. Le loup de Dejun s'agita, affirmant qu'il avait apprécié ce petit aparté qu'il comptait bien remettre dès que possible.

— Dejun, comment tu te sens ici ?

Mieux. Il ne pouvait pas dire qu'il se sentait parfaitement bien, ce n'était jamais le cas, mais il ressentait la différence depuis son arrivée. Il se sentait accepté, apprécié et, parfois, à sa place. C'était comme une seconde naissance, une où il était désiré et où il était aimé pour ce qu'il était. Dejun n'avait pas besoin de se cacher, de se faire passer pour une personne qu'il n'était pas et c'était libérateur. Sans compter la présence de l'Alpha qui à elle seule pansait des plaies qu'il avait toujours pensé impossibles à guérir.

— Mieux et c'est grâce à tout le monde, murmura le jeune homme.

— Je suis heureux de l'entendre. Tu sais, tu as aussi une influence très positive sur la meute. Tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais ta présence parmi nous est un vrai bonheur et j'aimerais que tu ne repartes jamais. C'est un souhait égoïste de ma part, ne te sens surtout pas forcé à quoi que ce soit.

Dejun sourit, les pommettes chaudes de joie. Il était de plus en plus difficile de nier les intentions que Johnny nourrissait à son égard, mais loin de l'effrayer, il était plutôt impatient de voir si elles allaient se concrétiser. Ses hormones s'agitèrent doucement, sensibles à l'approche de ses chaleurs, et ne l'aidèrent absolument pas à faire disparaitre le rouge de son visage. Johnny prit soudainement une brusque inspiration avant d'expirer longuement, soulevant la curiosité de l'oméga.

— Tout va bien ?

— Oui, ne t'inquiète pas, se força à sourire le blond.

— Dis Johnny, tu penses vraiment que je sers à quelque chose ? Je n'ai pas l'impression d'avoir été utile depuis que je suis là, je ne fais que prendre du temps à tout le monde.

— Ta présence à elle seule est une aide. Tu as pu le voir, il y a étonnamment pas mal d'alphas dans notre meute et nous n'avons que très peu d'omégas. Seulement deux, mais avec Renjun qui est à l'université Jungwoo se retrouve tout seul. Je sais que ça lui fait du bien d'avoir quelqu'un de la même classe que lui pour parler et ça le soulage aussi. Les alphas vont naturellement chercher la présence d'un oméga, tu as pu le voir avec Jaemin et Jeno et, même s'il se cache à moitié en ce moment, Lucas n'est jamais bien loin.

Dejun fronça les sourcils, il n'avait pas l'impression de voir Lucas ces derniers jours et il n'était pas très rassuré à l'idée de le savoir dans son périmètre alors qu'il l'ignorait. Lucas ne lui ferait certainement pas de mal à la vue de tous, mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir mal à l'aise.

— Toi aussi tu cherches la présence des omégas, c'est pour ça que tu es avec moi ?

Johnny fit une grimace offusquée et le brunet baissa la tête, embarrassé.

— J'ai dépassé l'adolescence depuis longtemps Dejun, je n'ai pas besoin de la présence d'un oméga pour m'apaiser ou me contrôler. Je suis avec toi parce que j'apprécie ces moments indépendamment de ta classe, j'apprécie ta personne.

— Désolé, je ne voulais pas...

— Je sais, je ne suis pas en train de te disputer et je peux comprendre ton chemin de pensée. Je te l'ai déjà dit, mais tu peux me poser toutes les questions que tu veux, j'y répondrai au mieux. C'est normal d'avoir des doutes, tu viens de pénétrer dans un monde dont tu ne connaissais rien et tu as besoin de le comprendre, ne te sens pas coupable de ça.

— Merci pour ça, pour être aussi patient avec moi.

Johnny continua de lui caresser le dos de la main, un sourire apaisé détendant les traits de son visage.

— Je suis patient avec Jungwoo et ses fugues insouciantes, avec Lucas et son caractère de cochon, avec les enfants qui testent les limites des adultes ou encore Jaemin et Jeno qui veulent faire des vlogs sans se soucier de la vie privée du reste de la meute. Ce n'est pas de la patience avec toi, c'est étonnamment reposant pour être honnête et ça n'a rien d'une corvée que de te présenter nos règles.

Le feu grignota le visage de Dejun qui entrelaça timidement ses doigts avec ceux du grand blond. Il guetta du coin de l'œil le moindre signe de rejet, la moindre indication lui montrant qu'il avait dépassé les limites, mais Johnny l'attira seulement un peu plus près de lui. L'oméga prit une profonde inspiration, l'odeur de cèdre chaleureuse se glissa jusqu'à lui tandis qu'une délicieuse chaleur se nichait dans le creux de son ventre. Une chaleur brûlante, familière et porteuse d'une information qui lui fit l'effet d'un choc électrique.

Sa main tressauta nerveusement dans celle de Johnny et il vit l'Alpha tressaillir subtilement, les pupilles légèrement dilatées. Dejun se tendit, mais rien, Johnny ne fit aucune remarque ni ne changea d'attitude à son égard. Si le brunet n'avait pas été autant sur la défensive, s'il n'avait pas eu lui-même conscience que quelques phéromones lui avaient échappé, il n'aurait pas vu les changements minimes dans la posture de l'Alpha.

— J'espère que tu n'as pas mal pris ce que je t'ai dit sur la présence des omégas dans la meute, dit soudainement Johnny d'une voix un peu maladroite. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise ou t'imposer un rôle quelconque. Personne ne compte te forcer la main pour quoi que ce soit alors sens-toi libre d'être toi-même, de faire ce que tu as envie.

Dejun se força à se concentrer sur les paroles du chef de meute, moins détendu qu'auparavant. La chaleur apaisée lui permettait de se reprendre, mais il ressentait quelques angoisses qu'il n'allait pas pouvoir faire taire indéfiniment. Il avait un problème qui allait nécessiter urgemment son attention. Le jeune homme était également heureux de constater que Johnny faisait de son mieux pour faire comme si de rien était et qu'il tentait toujours de le rassurer, de faire en sorte qu'il se sente comme chez lui dans la meute.

— Je vais essayer, mais si jamais je peux être utile j'aimerais le savoir... je ne suis ici qu'en tant qu'étranger, je suis logé, nourri et vous prenez tous le temps de vous occuper de moi. Je voudrais aussi rendre cette gentillesse.

Toute cette attention, cette affection, sous laquelle il était noyé depuis son arrivée, emplissait sa poitrine de chaleur. Il avait l'impression d'avoir trouvé un foyer, une famille, et rien que de penser au fait qu'il ne lui restait plus que deux semaines de vacances, il en avait des sueurs froides. Il adorait Taeyong, mais retrouver son travail, son manager et tout le reste lui donnait envie de vomir. Il savait qu'il ne pourrait plus faire comme avant, mentir sur sa nature et ce qu'il ressentait. Johnny dut sentir que son esprit s'éloignait puisqu'il tira légèrement sur sa main pour le faire avancer.

— Je retiens et je n'hésiterai pas à t'en parler si besoin, d'accord ? Maintenant, dépêchons-nous de rentrer, les enfants vont bientôt aller prendre le goûter et miss Winter risque de faire une crise de colère si elle ne te voit pas.

— Surtout que je lui ai fait une promesse, pouffa l'oméga.

— Tu ne peux donc absolument pas être en retard, enfin, soupira Johnny, on dirait que tu as des superpouvoirs avec elle, elle serait capable de dire que c'est de ma faute et de m'en faire voir de toutes les couleurs pour se venger. Je ne sais pas ce que tu lui as fait pour qu'elle t'aime autant, mais merci Dejun.

Le brunet leva les yeux vers le chef de meute et vit une lueur de mélancolie briller dans les orbes bruns. Il resserra naturellement ses doigts autour de ceux de Johnny.

— Je n'ai rien fait d'extraordinaire pourtant, c'est une petite fille géniale et je suis content qu'elle m'apprécie. Moi aussi, je l'aime beaucoup.

— Dejun...

Johnny expira doucement, une expression aussi sombre que triste, passant sur son visage. Le comptable se retint de lever sa main libre pour caresser la mine torturée. Il avait envie d'effacer toutes traces d'affliction des traits du blond.

— Il faut que tu saches quelque chose sur Winter, pour comprendre et je n'ai pas très envie que tu l'apprennes par quelqu'un d'autre.

— Tu me fais un peu peur...

— Désolé, ce n'est pas ce que je veux, mais il faut que tu l'entendes. Winter est orpheline, ses parents sont décédés quand elle était petite, sous ses yeux. Je suis arrivé trop tard, je n'ai rien pu faire à part la prendre avec moi et la ramener chez nous.

— Qu'est-ce que... qu'est-ce qui leur est arrivé ? murmura Dejun, atterré.

Il ne s'attendait pas à un tel aveu et son cœur se serra en pensant à la frêle petite fille qu'il croisait tous les jours. Elle ne méritait pas d'avoir un passé aussi tragique, surtout pas à un aussi jeune âge.

— Nous en parlerons plus tard si tu le veux bien. Tu dois juste savoir que je ne laisserai jamais rien t'arriver, tu n'as rien à craindre, et que Winter est une petite louve très fragile. Sa maladie est responsable de sa faible constitution et de son retard de développement, mais elle porte aussi un lourd traumatisme. Je voulais simplement te demander de ne pas lui poser de questions sur ses parents s'il te plait.

— Je ne comptais pas... je suis désolé, j'ai été maladroit ? Je lui ai fait du mal ?

Johnny s'arrêta brusquement et se positionna face au brun. Il posa son front sur celui de l'oméga qui loucha à cause de leur soudaine proximité. L'Alpha lui prit les deux mains et les serra fort, pas assez pour lui faire mal, mais suffisamment pour qu'il ne concentre son attention que sur lui et sur rien d'autre.

— Non, tu n'es qu'une source de bonheur pour Winter et je voulais simplement anticiper un éventuel incident. Pour la protéger elle, mais aussi pour te protéger toi. Je ne veux pas que tu éprouves de culpabilité simplement pour un accident. Je sais que tu ne lui feras jamais de mal Dejun, je le sais au plus profond de moi que tu es une bénédiction pour cette meute et que tu ne lui feras que du bien.

Dejun ferma les yeux, soulagé et envahi par une vague de chaleur douce qui le laissa ému jusqu'aux larmes. Il comprenait le rôle de l'Alpha, il était le gardien, le protecteur de la meute. Il veillait sur les siens, sur Winter, et sur lui. Lui qui n'était là que pour peu, mais qui se sentait comme un loup à part entière parmi eux.

Dejun rouvrit les yeux et plongea dans l'océan parsemé d'or des prunelles de Johnny. Il frissonna, son corps se hérissant d'une chair de poule exaltante et sa bouche s'asséchant. Il était fichu, il ne voulait pas repartir. Il voulait cet homme, cet Alpha, pour lui.  

Nda :
Bonjour tout le monde !
Je vous souhaite de passer une journée chaleureuse et prenez soin de vous surtout.
Dalion~ Kiss :3