Chapitre 12
Dejun papillonna des yeux avec la sensation d'avoir passé une nuit reposante et il lui fallut quelques secondes pour s'apercevoir que non seulement il se trouvait toujours au bord de la rivière, mais qu'en plus il faisait encore jour. Il n'avait pas dû dormir bien longtemps, contrairement à son impression, pourtant il se sentait en pleine forme. Le jeune homme s'étira, son bras cognant contre une masse chaude et poilue. Il se redressa en sursaut, remarquant seulement à cet instant qu'il était appuyé depuis tout ce temps contre un gros loup gris dont la queue reposait sur son torse. Les paupières se soulevèrent sur des orbes dorés qui regardèrent Dejun avec douceur.
— Je suis désolé de t'avoir dormi dessus, s'excusa l'oméga.
Le loup secoua sa grosse tête et la plaqua contre Dejun qui recula légèrement sous l'impulsion. Un étrange bruit échappa à l'animal qui se frotta gentiment contre le comptable et celui-ci tenta quelques caresses. Le geste sembla plaire à l'Alpha qui en redemanda et le jeune homme se retrouva à câliner l'imposante masse poilue, le cœur léger. Il aurait dû être terrifié d'avoir ce puissant carnivore devant lui, mais sa part animale était formelle : il ne craignait absolument rien et il avait envie de lui faire confiance. Jusque-là Johnny n'avait jamais été menaçant envers lui et il voulait croire que cela ne changerait jamais.
Le loup finit par se reculer et se changea en homme avant de s'étirer longuement, comme un chat après une agréable sieste au soleil. Dejun loucha sur les abdominaux qui se dévoilèrent au lever de la chemise et il détourna les yeux, les joues rouges. Naturellement, sa main appuya sur son propre ventre, un peu trop mou, un peu trop proéminent. Un oméga devait être tonique, élancé, presque osseux pour être joli. Il n'était rien de tout ça, personne ne voulait d'un oméga qui ressemblait à un bêta. Si pendant des années il s'était convaincu que vivre comme un membre d'une classe qu'il n'était pas était bénéfique pour lui, il se heurtait à présent à un sévère syndrome de l'imposteur. Il n'était pas un bêta à ses propres yeux, mais il ne parvenait pas à être un oméga à ceux des autres. Il ne savait plus ce qu'il voulait.
— Comment tu te sens ?
— Est-ce que tu me vois comme un oméga ?
Leurs paroles se heurtèrent et Dejun regretta immédiatement. Il n'avait pas voulu prononcer ces mots, rendre audibles ses maux. Johnny se figea, interloqué, et son regard se teinta d'une nuance de tristesse que l'oméga ne sut interpréter. L'Alpha écarta les jambes pour attirer Dejun entre elles. Son menton se posa sur l'épaule du brunet qui cessa de respirer en sentant la joue chaude et légèrement piquante du blond contre la sienne. Les bras de Johnny autour de lui étaient comme un cocon de protection lui donnant envie de fondre en larmes.
— Je ne t'ai jamais vu autrement.
— Même avec les phéromones ?
Il sentit un sourire étirer le visage de l'Alpha et l'étreinte se resserra tendrement autour de son corps. Il se sentait tellement à sa place, c'était réconfortant, effrayant et nouveau.
— Je vais peut-être te paraitre prétentieux, mais je ne suis pas le genre de loup qui se laisse avoir par un vulgaire produit de synthèse. Mon loup t'a tout de suite reconnu.
— Alors ça ne servait à rien ?
— En ville ils ont dû être bernés et, comme tu as pu le voir, nos jeunes loups aussi. Seuls ceux avec de l'expérience ont dû s'en rendre compte, ce qui veut dire moi et Jaehyun principalement, peut-être que lui aussi s'en est rendu compte, mais... non, oublie. Pourquoi cette question ?
Dejun pinça les lèvres. Il avait honte de lui.
— Parce que je ne ressemble pas à un vrai oméga...
— À quoi ressemble un oméga selon toi ?
Perdu dans ses pensées, il ne prêta pas attention à la froideur qui s'était emparée de la voix de Johnny et manqua la tension qui incrusta la posture du dominant.
— Mignon, très mince, petit, avec des traits fins, chaleureux, discret... tout ce que je ne suis pas.
— Et Jungwoo ?
— Jungwoo ? Qu'est-ce qu'il a ?
— Est-ce que tu penses que ce n'est pas un vrai oméga ? Il est grand, fauteur de trouble, bruyant et musclé, est-ce que ça veut dire que ce n'est pas un vrai oméga ?
Dejun écarquilla les yeux et se retourna dans les bras de l'alpha. Il mit ses mains sur ses hanches et se redressa pour prendre un peu de hauteur, la mâchoire serrée. Il n'acceptait pas qu'on dise ça de son ami.
— Ce n'est pas vrai ! Jungwoo est parfait !
— Pourtant il n'est pas comme la description que tu as faite de l'oméga parfait, pas vrai ? Si lui est si bien, pourquoi ça ne serait pas pareil pour toi ?
Le brunet bafouilla pris au dépourvu et il perdit complètement le fil de son propre raisonnement quand Johnny s'empara de sa main pour y déposer un baiser léger. L'Alpha avait parfaitement vu au travers de lui.
— Tu ne me croiras pas, je le sais, mais je vais te dire une chose dont j'aimerais que tu te souviennes Dejun, murmura doucement Johnny. Tous les omégas ne sont pas des poupées de publicité, tous les bêtas ne sont pas lambdas, tous les alphas ne sont pas des loups bourrés à la testostérone, avides de domination. Tu n'es pas un stéréotype et ce n'est pas grave, tu es parfait à ta manière.
Une larme silencieuse roula sur la joue du brunet, il avait la gorge nouée par l'émotion et sa poitrine se gonfla d'un sentiment de joie. Même s'il n'y croyait pas, il était touché par les mots de Johnny et il voulait croire en son loup qui lui hurlait que l'alpha pensait chacune de ses paroles, qu'il était sincère et ne disait pas juste ça par gentillesse.
— Personne ne m'a jamais dit ça.
— Alors je te le répèterai jusqu'à ce que tout ce que tu as entendu jusqu'à maintenant disparaisse de ton esprit.
Johnny l'attira encore plus contre lui et le serra dans ses bras, son menton allant se poser sur le haut du crâne de l'oméga qui se laissa aller à l'étreinte. Dejun en avait assez de résister, d'avoir peur, de se méfier de tout. Il voulait croire son loup, cette part de lui qui s'éveillait d'un long sommeil et l'abreuvait d'amour et de confiance. Ses bras se glissèrent dans le dos de l'Alpha et il laissa sa joue venir appuyer contre la poitrine ferme. L'odeur de cèdre de Johnny imprégnait ses vêtements, sa peau et son nez, mais c'était une sensation rassurante. Dans l'étreinte de l'alpha, il était en sécurité, personne ne pouvait le blesser, lui faire de remarques ou le rabaisser. Il était un joyau protégé par un solide écrin.
Johnny pencha la tête pour venir frotter son nez dans le cou de Dejun et ce dernier se décala pour lui laisser la place, les yeux clos. C'était une sensation agréable, il ne sentait pas du tout en danger et il avait cette certitude ancrée en lui que Johnny ne ferait rien sans son accord. Alors Dejun resta là, à profiter de la présence du blond pour se ressourcer et à écouter les légendes et mythes de la forêt.
Johnny rit en captant le regard émerveillé de l'oméga, il ne pensait pas que les histoires qu'il contait habituellement aux louveteaux passionneraient autant le comptable. La vie sauvage était tellement différente de ce que Dejun connaissait qu'il avait l'impression de découvrir un nouveau monde, d'être dans une réalité alternative et qu'il allait devoir se réveiller un jour ou l'autre.
— Je me demandais, enfin je ne sais pas si je peux demander...
— Tu peux me demander tout ce que tu veux.
Dejun leva les yeux vers l'alpha et il sourit doucement, comment était il possible de décrire les loups de la forêt comme des sanguinaires sans aucune tenue alors qu'il était ainsi dans les bras d'un chef de meute et qu'il ne s'était jamais senti aussi à l'aise de sa vie ?
— Comment est-ce que tu es devenu Alpha ? À l'école j'ai appris qu'il y avait des combats à mort pour prendre la place du chef de meute, mais... c'est faux, pas vrai ?
Johnny l'embrassa rapidement sur le front et le serra plus fort, comme pour le retenir près de lui.
— Oui et non. Certaines meutes restent très attachées aux traditions et l'Alpha peut être défié pour son titre. S'il perd alors il cède sa place, mais les bons chefs de meute n'ont pas ce problème.
— Et toi ? Comment es-tu devenu Alpha ?
— Mon père est l'ancien Alpha, quand il a estimé qu'il devenait trop âgé et qu'il voulait se dédier à sa femme, il m'a confié le rôle. Le Conseil des Anciens, nos vieux loups sages, a accepté à l'unanimité alors j'ai pris la succession.
— Alors tes parents sont encore vivants ?
Johnny fit une moue ennuyée et Dejun grimaça, le bout des oreilles rouges. Il se rendait compte que sa question était aussi déplacée qu'insultante et s'en voulut de l'avoir posée.
— Bien sûr, ils vivent dans l'un des villages un peu éloignés du centre de la meute. Mon père passe ses journées à cueillir des champignons et à courir après les écureuils, enfin quand ma mère se repose. Elle a une santé assez fragile donc elle sort assez peu, mais ils sont tous les deux vivants et ils viennent une fois par mois environ pour un repas avec la meute.
L'oméga retint difficilement un rire en imaginant une version de Johnny bien plus âgée, la truffe au-dessus d'un champignon et avec un air béat ou alors au pied d'un arbre avec un écureuil qui lui lançait des glands sur le museau. Il se demandait si l'Alpha ressemblait à ses parents, lui était l'opposé des siens. Même si certains s'évertuaient à lui trouver des ressemblances avec sa mère, lui n'en voyait aucune.
— Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tu te moques ? murmura Johnny à son oreille.
Un coup de chaud monta aux joues de Dejun qui couina doucement. Il ne se comprenait plus vraiment, mais ce qu'il savait c'était que Johnny déclenchait en lui des réactions inédites et que ce n'était pas pour lui déplaire. Il était perturbé, sur la défensive, mais il ne parvenait pas à trouver l'envie de résister à l'Alpha. Johnny lui faisait perdre la tête, il détruisait les murs qu'il s'était évertué à construire pendant des années.
— Je me demandais juste si tu ressemblais à tes parents, marmonna le brunet.
— Ah ça, je suis la version homme et alpha de ma mère. On dirait des clones, même moi ça me fait peur.
— Vraiment ?
— Oui, ah et on a bien trente centimètres de différence, mais c'est à peu près tout, je ne peux pas la renier et elle ne peut pas dire que je ne suis pas son fils non plus.
Inconsciemment, Dejun s'appuya contre le torse du chef de meute alors qu'il imaginait à quoi pouvait ressembler la louve. Si elle était à l'image de son fils, elle devait être superbe. Il geignit en se rendant compte de ses pensées et vira une nouvelle fois au rouge, attirant l'attention de Johnny.
— Je suis curieux de connaitre tes pensées.
— Ce n'est rien d'important...
— Je veux savoir, insista le dominant à la manière d'un enfant.
Pris de court par cette attitude, Dejun éclata de rire sans pouvoir se retenir, ses préoccupations initiales reléguées dans un coin de son esprit. Ce devait être un super pouvoir que Johnny avait, celui de le faire se sentir mieux rien qu'à l'entente du son de sa voix. L'oméga déglutit doucement et tritura un brin d'herbe près de lui.
— Je me disais juste que si ta mère te ressemblait alors elle devait être très belle.
Son murmure, emporté par la brise, n'échappa pas à Johnny qui sourit franchement et le serra contre lui. Le blond était heureux de le sentir s'ouvrir à lui, même si ce n'était qu'un peu.
— Tu ne peux pas imaginer à quel point je suis heureux de savoir que tu apprécies ce que tu vois, et si tu veux tout savoir...
Il se pencha au plus près de l'oreille de l'oméga, même s'ils n'étaient que tous les deux et que personne d'autre ne pouvait entendre ce qu'il s'apprêtait à lui confier.
— Jamais un oméga n'a autant attiré mon attention que toi, Dejun.
Nda :
J'aime trop écrire cette histoire, j'espère vraiment que vous passez un bon moment à la lire ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, ça me fait toujours super plaisir d'avoir vos retours !
Dalion~ Kiss :3
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