Chapitre 10


Dejun grogna doucement contre l'oreiller en ouvrant les yeux ce matin-là. Il n'avait pas besoin que la lumière s'infiltre à travers les volets pour savoir qu'il n'était plus seul dans son lit. Le brunet se retourna difficilement sur le dos et essaya de se redresser pour identifier les intrus. Il soupira, c'étaient encore les trois mêmes depuis quatre jours. Le loup blanc était couché le long de ses jambes à droite, son double noir à gauche, et la truffe ainsi que les pattes avant d'un loup brun lui tenaient chaud aux pieds. Il fit de son mieux pour ne pas les réveiller, mais dès qu'il bougea six yeux encore embrumés par le sommeil se posèrent sur lui.

— Rendormez-vous, murmura Dejun.

Des couinements plaintifs lui répondirent et ses épaules retombèrent, il était abattu.

— Arrêtez de faire les enfants et laissez-le tranquille.

Dejun leva les yeux et vit alors que Johnny était appuyé dans l'encadrement de la porte, son regard sévère toisant les trois plus jeunes. Le comptable n'avait pas revu le chef de la meute depuis le repas qu'ils avaient partagé des jours plus tôt. L'Alpha s'était rendu en ville pour le travail et venait tout juste de rentrer apparemment. Dejun remonta pudiquement la couverture sur sa poitrine, même s'il portait un haut de pyjama déjà bien couvrant. Il ne pouvait s'empêcher de se sentir nu et vulnérable sous le regard de Johnny, une sensation aussi exaltante que terrifiante qu'il ne savait absolument pas comment gérer.

L'Alpha siffla une fois et les trois canidés sautèrent au bas du lit, la queue basse. Ils passèrent devant leur chef rapidement, non sans avoir jeté un dernier regard à l'oméga toujours sous les couettes. Laissé seul avec Johnny, ce dernier agita discrètement ses pieds sous les draps sans savoir quoi dire.

— Tu devrais être plus sec avec eux, ils vont te croquer sans même que tu t'en rendes compte.

Un petit sourire étira la commissure des lèvres de l'oméga, il était persuadé que malgré son ton rude Johnny n'était pas en colère contre lui. Une vérité ancrée en lui dont il ignorait la provenance.

— Ils ne sont pas méchants et ils ont l'air tristes... ça ne me dérange pas.

Dejun fut le premier surpris par ses mots. S'il comptait juste rassurer l'Alpha en lui donnant une phrase toute faite, il se rendit compte qu'elle résonna en lui. Il était sincère, il n'avait réellement pas été dérangé par les plus jeunes. Lui qui fuyait les contacts, encore plus ceux des dominants, n'avait ressenti aucune inquiétude avec Jeno et Jaemin couchés contre ses jambes. Johnny fronça les sourcils et l'oméga décida de changer de sujet.

— Tout s'est bien passé en ville ? se renseigna timidement le brunet.

— Hum, la routine. Je viens de rentrer, je vais me laver.

Johnny fit demi-tour, plongeant Dejun dans une profonde confusion. L'Alpha était-il venu le voir dès son retour sans même prendre le temps de se changer ? C'était comme si Johnny avait eu quelque chose à voir avec lui avant de finalement changer d'avis.

— Dejun ?

— Oui ?

— J'en ai pour cinq minutes, tu veux prendre le petit-déjeuner avec moi ?

Surpris, mais pas désagréablement par la proposition, le jeune homme accepta la proposition avec un grand sourire. Il avait ressenti une sorte de malaise quand l'Alpha était parti, passer un peu de temps en sa compagnie lui semblait très alléchant.

Dejun sortit donc de son lit en vitesse et se glissa dans la salle d'eau pas très loin de la chambre qui lui était prêtée. Il ronchonna en se rappelant que Jeno l'avait emmené dans la salle de bain privée de Johnny la première fois alors qu'il y en avait une pour les invités. Il comprenait mieux pourquoi l'Alpha était venu toquer à la porte, surpris de le trouver à l'intérieur, même s'il ne lui avait fait aucune remarque dessus. Il se savonna, se rinça et se sécha rapidement, déterminé à donner une bonne image de lui, mais son propre reflet le fit se figer.

Le brunet cessa de s'agiter, son pull léger toujours à la main. Le miroir lui renvoyait l'image d'un jeune homme avec un meilleur teint qu'à son arrivée, mais ce n'était toujours pas fameux. Les cernes sous ses yeux creusaient encore sa peau, celle-ci pelait à certains endroits à cause de la déshydratation et du stress, les petites peaux arrachées sur ses lèvres n'étaient pas attirantes, comme celles autour de ses ongles. Il n'était pas beau, pas comme on l'attendait d'un oméga et son humeur déjà encrassée s'effondra totalement en baissant les yeux : il avait pris du poids. En l'espace de quelques jours, il avait réussi à prendre du poids.

Figé devant le miroir, les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'il était incapable de détacher son regard de ce reflet qui le détruisait. Il se vouta, les mains serrées autour de son pull. Il se détestait. Un sanglot s'arracha à sa gorge et il se laissa tomber au sol, il pensait pourtant être passé au-dessus comme il n'y avait pas pensé ces derniers jours, mais le retour à la réalité avait été brutal.

La porte s'ouvrit sans qu'il ne l'entende et il ne comprit qu'il n'était plus seul que lorsqu'une paire de bras puissants s'enroula autour de lui et que son nez se cala contre une épaule sentant délicieusement bon le cèdre. Dejun sanglota plus franchement, ses bras entourant la taille du nouveau venu. Johnny posa son menton sur le haut du crâne de l'oméga tout en lui murmurant des paroles apaisantes, mais Dejun était dans un tel état qu'il ne les comprenait pas, il entendait à peine qu'on lui parlait. L'alpha le serrait contre lui, fermement, mais pas assez pour qu'il ait l'impression d'être prisonnier, c'était même tout l'inverse. Le brunet avait trouvé une bouée au milieu de la tempête qui l'agitait.

Il n'eut aucune idée du temps qu'ils restèrent ainsi, assis sur le sol de la salle de bain, lui blotti dans l'étreinte du grand blond qui le rassurait avec toute la patience du monde. Les flots qui dévalaient sur les joues de Dejun finirent par se tarir et il resta hébété, vide, dans les bras de Johnny qui continua à lui caresser le dos et à murmurer des mots doux à son oreille. Le cœur du jeune homme reprit un rythme plus apaisé et il se laissa glisser, sa joue allant appuyer contre la poitrine du Johnny qui le laissa faire. Dejun ferma les yeux, sa crise l'avait vidé de son énergie.

L'alpha passa ses longs doigts dans les ondulations brunes avec douceur, sans effectuer le moindre geste brusque et quelques minutes plus tard Dejun put totalement se reconnecter au moment présent. Il battit des cils, d'abord un peu perdu puis elle arriva avec la force d'un tsunami : la honte. Insidieuse, vénéneuse, elle coula en lui comme du poison. Ses mains accrochèrent la chemise de l'alpha et il serra fort, mortifié.

— Dejun ?

Incapable d'émettre le moindre son, le comptable se recroquevilla sur lui-même.

— Dejun.

Le souffle tendre s'imprégna d'une touche d'ordre que seule la voix d'un alpha pouvait émettre. Le brunet releva à peine les yeux vers Johnny, il ne pouvait pas le regarder directement. Il ne voulait pas voir le dégoût et le mépris dans son regard. Sa part animale se manifesta dans un coin de son esprit pour le rassurer, lui dire que jamais l'alpha ne ferait ça envers lui, mais il ne pouvait pas y croire. Son expérience valait mieux que l'avis d'un loup ayant dormi pendant les vingt précédentes années.

— Dejun, s'il te plait, regarde-moi.

Les mains du blond glissèrent sur son visage pour venir le prendre en coupe et le remonter. Dejun ferma les yeux une seconde avant de les ouvrir. Les prunelles de Johnny ne contenaient aucune trace de jugement, simplement une inquiétude sincère et une tendresse qui lui firent monter les larmes aux yeux. L'alpha essuya l'une d'elles qui s'échappa sur sa joue, son regard ne quittant pas un instant celui de Dejun.

— Est-ce que tu veux m'en parler ?

Le jeune homme secoua rapidement la tête pour refuser, il ne voulait surtout pas étaler ses problèmes et ennuyer les gens avec. Johnny lui sourit doucement et l'embrassa sur le dessus du crâne.

— D'accord, si jamais tu changes d'avis je serai là. Tu peux venir me trouver quand tu veux, même au milieu de la nuit OK ?

Dejun ne répondit pas et Johnny fronça les sourcils avant de répéter.

— Dejun, j'ai compris que tu n'aimais pas les promesses, mais j'ai besoin de ta parole cette fois. Si tu as besoin ou juste envie de parler, viens me trouver, peu importe l'heure ou le lieu. Même si je suis occupé, viens.

— Je ne comprends pas pourquoi tu ferais ça pour moi, je ne fais même pas partie de ta meute...

— Parce que je suis un loup qui suit son instinct et celui-ci me hurle de prendre soin de toi.

— Ton instinct te parle ?

Ce fut au tour du brunet de froncer les sourcils et de poser un regard perplexe sur l'alpha qui lui adressa un petit sourire suffisant. Ce dernier se releva puis se pencha pour murmurer quelques mots à l'oreille de l'oméga.

— Il me dit énormément de choses, mais tu n'es pas encore prêt à toutes les entendre, on verra ça plus tard. Je te laisse finir de te préparer.

Dejun rougit jusqu'aux orteils. Il n'était pas certain qu'il y avait une allusion quelconque, mais son cœur s'était immédiatement emballé. Il se frappa les joues avec le plat de la main dès que Johnny fut parti et il essaya de reprendre ses esprits. Il n'y avait aucun moyen pour qu'il y ait un sous-entendu, pas après avoir été vu dans un tel état déplorable. Déjà qu'en temps normal personne ne voulait de lui, dans des conditions pareilles il y avait encore moins de chance. Il devait arrêter de rêver éveillé.

Étrangement les quelques mots de Johnny avaient réussi à dissiper l'angoisse et le mal-être qui l'étreignaient encore. Il savait que ce n'était que temporaire, qu'une crise de ce genre pouvait ressurgir à tout moment, mais pour l'instant il se sentait un peu mieux. Le jeune homme termina d'enfiler son pull en évitant soigneusement de croiser son reflet dans le miroir, il ne tenait pas à provoquer un nouvel évènement.

Dejun hésita un instant à rejoindre la salle à manger, il n'avait plus faim du tout, mais il se sentait mal de laisser Johnny seul après avoir accepté son invitation. Il prit finalement sur lui pour essayer de camoufler le fait qu'il n'était pas très en forme et descendit prendre un petit-déjeuner. Il eut la surprise de trouver Jungwoo attablé et l'oméga lui sauta au cou pour frotter sa joue contre la sienne. Une habitude dont les plus jeunes ne s'étaient pas encore débarrassés et qu'ils utilisaient pour saluer les personnes qu'ils appréciaient. Dejun avait fini pas s'y habituer et il devait même reconnaitre apprécier cette proximité dont il s'était longtemps tenu éloigné.

— Il n'y a que vous deux ? s'étonna le jeune homme.

— Nono et Nana n'avaient pas très faim...

— Les cours ont commencé il y a peu donc les enfants et la plupart des adultes sont déjà partis, Jaehyun est allé en ville avec sa compagne ils reviendront dans la soirée. Pour Jeno et Jaemin, c'est ?

Jungwoo hocha la tête pour répondre à son alpha, du riz plein la bouche. Dejun ne comprenait pas grand-chose et il n'y prêtait pas réellement attention, les yeux rivés sur la nourriture. Tout était très appétissant, mais il ne ressentait qu'une envie de vomir et il tira sur son pull pour l'agrandir. Johnny qui le regardait du coin de l'œil allait se servir un bol dans le frigo qu'il fit réchauffer avant de l'apporter à Dejun.

— Ne te force pas à manger si tu ne t'en sens pas capable, mais avale au moins ça. C'est sain, léger et ça t'apportera un minimum d'énergie pour la journée. Tu vas en avoir besoin.

— Je vais en avoir besoin ?

Johnny lui sourit, le menton dans la paume de sa main tout en surveillant qu'il buvait bien le bouillon.

— Aujourd'hui je te kidnappe, termine de boire et rejoins moi dehors quand tu auras fini.

Dejun écarquilla les yeux, un petit sourire se dessinant doucement sur son visage. Il ne savait pas trop à quoi s'attendre, mais la suite de la journée promettait d'être intéressante. 





Nda :
Hello ! Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère que vous l'avez aimé et n'hésitez pas à me donner vos ressentis !
Dalion~ Kiss :3

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