Interlude I
Le vieil homme avançait lentement sur la grève. Un ciel gris et bas s'étendait sur l'océan. Le paysage de rochers de cette ile perdue semblait dénué de la moindre trace de vie. Le vent du large glaçait les os du voyageur.
Il s'arrêta un instant, refermant son épaisse veste de cuir jusqu'au col, rajustant l'écharpe qui cachait le bas de son visage. Il leva la tête vers le sommet de la montagne de roches nues qui s'élevait en pente depuis le bord de la plage.
Il regarda derrière lui la voile rouge de son navire se détacher sur la grisaille de l'océan. Il était venu par la mer, on ne peut pas atteindre cet endroit par le ciel. Des jours de navigation, seul parmi les vagues. Pas de tempêtes, pas de houle agitant le navire dans tout les sens. Juste une étendue d'eau aux ondulations monochromes. Il s'était sentit en paix. Un peu comme si le monde qui l'entourait entrait en résonance avec son esprit. Calme, apaisé. Le vent, allié de sa traversée était comme ses pensées. Il ne savait pas vraiment où il allait. Il soupçonnait que ce voyage serait son dernier. Il avait longtemps cru que ce serait celui des réponses, mais maintenant il savait que les réponses importaient peu. On accorde trop d'importance à la vérité. On est persuade que connaître les réponses va changer notre vie mais il n'en est rien. Une réponse amène toujours d'autres questions et il n'existe pas de réponse ultime. Il lui avait fallu du temps pour comprendre ça et cette compréhension, elle, avait changé sa vie. Il s'était découvert plus serein, plus apaisé. Avec le temps, un certain recule sur les choses était venu. Non, il ne venait plus trouver des réponses, il venait juste boucler une boucle.
Le vieil homme repris sa route, s'aidant de sa canne sur la plage caillouteuse. Il avançait lentement, il n'était pas pressé, confiant dans ce qu'il allait découvrir. Il gravit une pente rocheuse qui fermait la baie avec précaution pour ne pas risquer la chute. Son pas n'était plus aussi sûr que jadis et sa jambe le faisait un peu souffrir après autant de jours de mer.
Arrivé au sommet, essoufflé, il fit halte et regarda la montagne devant lui. La base était une muraille de pierre de 60 pieds au moins avec au-dessus une série de pics rocheux qui montaient droit presque jusqu'aux nuages. Le voyageur resta un long moment à admirer cette œuvre naturelle. Cette ile perdue cachait un des paysages les plus grandioses qui lui ait été donné de voir. Cette forêt de pieux calcifiés qu'un géant aurait plantés ici pour une raison inconnu.
Le soleil descendait lentement. Le vieil homme le savait sans le voir. Le ciel blanc et gris laissait parfois passer un rayon de soleil à l'horizon qui venait éclairer un coin d'océan. Comme dans les contes anciens où un dieu montrait la route à son élu. Pas de dieu ici, encore moins d'élu, juste une trainée lumineuse tombant sur les vagues. Le spectacle n'en restait pas moins magnifique et fascinant.
Cet endroit avait quelque chose de familier. Le vieil homme n'y était jamais venu, il le savait, mais ce lieu communiait avec lui. Il savait qu'il pourrait rester sur cette ile désolée. L'absence apparente d'eau douce, de nourriture et même de bois pour le feu aurait dû le préoccuper, mais il savait avec une confiance absolu que s'il décidait de rester, l'ile s'occuperait bien de lui.
Les nuages commençaient à rosir dans le lointain, preuve que la fin du jour approchait. Le vieil homme chercha une entrée dans la falaise. Il repéra ce qui semblait être une petite ouverture dans la roche et se dirigea vers elle. En se rapprochant il vit que l'ouverture était en fait le haut d'un passage qui descendait sous la montagne en pente douce. Il pénétra dans un long couloir de pierre. Il paraissait naturel, creusé par une ancienne rivière qui aurait coulée ici en d'autres temps. Le sol était des mêmes galets qui garnissaient la plage et les parois formait une voute irrégulière qui s'éloignait ou se rapprochait. Il crut qu'il allait devoir progresser dans le noir complet mais dès que l'entrée ne fut plus qu'un petit cercle lumineux derrière lui, il aperçût la lueur d'une ouverture devant lui.
Il progressa ainsi de longues minutes dans un silence total, perdu dans des pensées d'un autre temps. Curieusement, il n'appréhendait pas la suite des événements, le fait que ce qu'il allait faire pouvait être dangereux voir fatal ne le préoccupait pas. Tout avait concouru à l'amener ici, presque une vie entière de rencontres, de miracle, de coïncidences, de messages cachés. Cela ne pouvait pas être juste pour le conduire à la mort, il en était convaincu. Il avait conscience d'être au bout du chemin, de celui de sa vie mais aussi de celui d'une quête dont il avait ignoré l'existence alors qu'il y participait déjà depuis des années. Ici, tout s'achevait et il était prêt à connaitre cette fin.
Il arriva au bout du passage, gravit un tas de cailloux déposés par un courant disparu et franchit l'ouverture. Il déboucha dans une grotte immense. Le plafond percés de plusieurs dizaines de trous de tailles différentes, laissait entré la clarté de fin de journée. Malgré cela, il ne voyait pas le fond de la caverne qui se perdait dans le noir au loin. Le centre de la grotte était occupé par un lac dont les eaux reflétaient la lumière du soir en une multitude d'étincelles blanches.
Le vieil homme s'approcha du lac. Il vit une grosse pierre au bord de l'eau, sans doute tombée de la voute. Lentement il vint s'y assoir et attendit. Il avait le temps, plus rien ne pressait désormais.
C'est le bouillonnement de l'eau qui le sorti de sa torpeur. Il n'avait aucune idée du temps passé à attendre. Il regarda vers le centre du lac, des vagues se formaient et rejoignaient la berge en cercles concentriques. Puis il vit sa tête sortir de l'eau. Lentement elle se dressa hors des flots, ses yeux se tournèrent vers le vieil homme qui s'était levé et avait rejoint le bord du lac. Il leva la tête vers elle. Il ne ressenti aucune crainte, juste le plaisir de la voir devant lui.
« Nous nous rencontrons enfin ». Dit-il simplement.
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