Chapitre 2


Le son tonitruant d'une corne d'abondance retentit. Désirée la poussa à l'extérieur, suivie de Caleb. Dehors grouillaient de nombreux petits points noirs : les écorchés. Ceux-ci se regroupèrent et formèrent un cercle, dont Myosotis devint le centre. Désirée disparut pour se fondre dans la foule obscure et Caleb se posta devant elle.

- Bienvenue à notre nouvelle amie, Myosotis.

- Bienvenue Myosotis. répéta mécaniquement la foule.

Caleb appuya sur ses épaules pour qu'elle s'agenouille. Un groupe d'âmes errantes jouaient de la flûte de pan. Une jeune fille s'approcha de lui et lui tendit un bol de bois rempli d'un liquide bleu/violet. Caleb trempa deux doigts dedans et traça deux lignes sur les joues de Myosotis.

- Ce sont des fleurs de bourraches que nous avons écrasées. Elles représentent le courage. expliqua Caleb.

Deux filles arrivèrent par derrière elle et posèrent une couronne de fleurs sur le sommet de sa tête. Elle était composée de fleurs roses et blanches.

- Des échinacées et des amaryllis pour la force et la fierté.

Il sortit une paire de ciseaux de sa poche et le rythme des flûtes s'accéléra. Un énorme sourire fendit son visage.

- Maintenant, pour faire partie des nôtres, il faut que tu nous donnes une partie de toi.

Elle entendit le bruit des tambours.

Il se pencha vers elle et dirigea les ciseaux près de son visage. Elle se sentit rougir. Des mèches brunes tombèrent une à une. Il la regarda avec un air rassurant puis s'écarta d'elle. Elle tâta sa chevelure. Désormais, ses cheveux étaient coupés en un carré court.

- Voilà Myosotis, maintenant, tu es une écorchée. Tu dois nous faire honneur. Jamais tu ne trahiras ton voisin, et tu feras toujours preuve de courage. Les faibles ne font pas partie des écorchées. Telle est la règle !

- Telle est la règle ! scanda la foule.

Il posa une main rassurante sur son épaule et lui murmura avec douceur.

- Relève-toi.

Elle ne se fit pas prier.

- Demain, je te ferais une visite guidée et tu recevras ton uniforme. Ne t'inquiète pas, ça peut paraître sévère vu comme ça, mais tu t'y habitueras vite et je suis sûr que tu te plairas ici.

Elle hocha timidement la tête. Elle avait été étonnée par la solonnélité de son entrée, mais il suffisait que Caleb plonge les yeux dans les siens pour que son anxiété et les questions qui tourbillonnaient dans son esprit s'évaporent. Un grand banquet de fruits, de légumes et de jus aux goûts exotiques fut préparé. Il y eut des danses et de la musique. Myosotis profitait de la fête sans se soucier du lendemain, quand soudain un bruit retentit. C'était un garçon qui venait de renverser la plupart des carafes posées sur la table de banquet. Il semblait... enragé. Il hurlait des choses incompréhensibles et cassait tout ce qui lui tombait sous la main. Ses yeux étaient devenus entièrement noirs et il n'arrêtait pas de grogner. Un groupe d'écorché se rua vers lui pour tenter de la calmer. Ils durent se mettre à 8 pour pouvoir l'attraper et ligoter ses mains derrière son dos. Le garçon se débattait comme un diable.

- Amenez-le avec les autres Perdus. ordonna Caleb.

Le groupe s'éloigna et s'enfonça dans la forêt.

- La fête est terminée. déclara-t-il.

La foule poussa des exclamations de déception. Tandis que tous se dirigeait vers leur chambres, Myosotis demanda à Désirée :

- Qui sont les Perdus ?

- Des gens qui pètent les plombs, comme lui.

- Mais qu'est-ce qui lui est arrivé ? Il était complètement hors de lui.

- Tu sais, il y en a qui ont du mal à supporter de vivre sur une île. répondit-elle avec une pointe d'exaspération dans la voix.

- Ce genre de choses arrivent souvent ?

- Ca arrive de plus en plus fréquemment en ce moment.

- Où est-ce qu'on les emmène ?

Désirée leva les yeux au ciel et soupira.

- Là où ils ne pourront plus faire de mal à personne. répondit-elle agacée.

- Mais...

- Ecoute-moi bien chérie, je répondrais bien à tes questions, mais franchement, qu'est-ce que tu me saoules ! la coupa-t-elle.

Elle posa sa main sur sa hanche et haussa un sourcil.

- Arrêtes de te poser tant de questions. Fais ce qu'on te demande, c'est tout. Maintenant, si tu permets, je vais rentrer dans ma chambre. La tienne est à côté.

Sur-ce, elle escalada à toute vitesse l'échelle clouée à l'arbre et rentra dans sa chambre, en prenant soin de claquer la porte.

« Quelle diva. » songea Myosotis. Elle se tourna vers son échelle à elle et poussa un long soupir. Ca semblait si haut... Elle s'approcha doucement, posa la main sur le premier barreau mais n'alla pas plus loin. Nouveau soupir. « Bon aller. Soit tu montes, soit ce sont les loups ! » essaya-t-elle de se motiver. Sans grands effets. Tout ce qu'elle fit fut poser la seconde main sur l'échelon d'au-dessus.

- Tu ne montes pas ? fit un ton moqueur derrière elle.

Elle reconnut tout de suite la voix cassée de Caleb. Elle se retourna avec un sourire pitoyable aux lèvres.

- Si si. C'est ce que je m'apprêtais à faire.

Elle continua de sourire, et il continua de la fixer avec insistance. Il avait ce genre de regard qui vous clouait sur place. Comprenant qu'il ne partirait pas tant qu'elle n'était pas montée, elle prit son courage à deux mains et posa un pieds sur un échelon. Elle se força à ne pas regarder en bas et grimpa à vitesse grand V pour ne pas avoir le temps d'avoir peur.

- Bonne nuit ! cria-t-il.

- Bonne nuit ! répondit-elle sans se retourner, de peur de rencontrer le vide.

Elle songea que Caleb était une très bonne motivation pour réussir à monter. Elle poussa la porte de bois et entra dans une chambre éclairée par le clair de lune. Il y avait un pot de fleurs dans un coin, un petit bureau et un hamac. Elle enleva ses habits crasseux et remplis de sable, et décida de dormir en sous-vêtements. Puis elle songea que n'importe quel inconnu pouvait s'introduire dans sa chambre et elle se ravisa. Elle s'allongea dans la hamac, les bras sous sa tête. Elle repensa à ce Perdu, elle trouvait ça étrange, et vu la manière dont Désirée avait réagi, il y avait des questions à se poser. Elle aurait voulu y réfléchir maintenant qu'elle était seule et au calme, mais le sommeil gagna sur elle. Elle sombra dans les bras de Morphée avec le chant mélancolique des sirènes dans ses oreilles.

Et ce fut le visage du garçon aux yeux bleus qui se grava sous ses paupières.

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