Chapitre 17
Cet ange si majestueux déploie ses ailes noires qui se détachent du ciel blanc. Gabin ressent cette envie irrésistible de l'approcher. Il avance, tend la main. Elle ne le voie pas. Son visage de poupée est impassible et ses yeux verts fixent l'horizon.
- Myosotis... souffle-t-il.
Elle tourne la tête vers lui et ses yeux s'ouvrent d'horreur. Une bourrasque secoua violemment ses cheveux ainsi que ceux de Myosotis. Elle ouvre la bouche mais rien ne sort, et des balles transpercent sons corps. Ses cheveux, ses ailes, sa robe blanche sont tachés de sang. Gabin tombe à genoux, le corps inerte de la jeune fille dans ses bras.
« Tu aurais dû la sauver » fait une voix caverneuse qui semble sortie de nulle part.
Gabin se réveilla en sursaut. Il porta la main à son coeur qui battait à la chamade et tenta de retrouve une respiration normale. Que signifiaient ces rêves ? Quand arrêteraient-ils de le hanter ? Les pieds du garçon touchèrent le bois glacé. Sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Mitsuki, il sortit de la chambre. Il s'appuya sur la rambarde et observa la chambre de Myosotis au loin.
- Qui es-tu ? Que me veux-tu ? chuchota-t-il.
Il se laissa glisser jusqu'au sol et enfoui sa têt entre ses mains. Depuis qu'elle était arrivée, plus rien n'allait. Il avait enfin réussit à s'habituer à cette vie, et voilà qu'elle chamboulait tout. Il s'était construit un équilibre et elle venait de le détruire en parlant d'évasion. Ses idées se déchiraient douloureusement entre elles. Il était partagé par l'envie de quitter cette île, et la peur de ne pas y arriver. Il ne voudrait pas que Myosotis subisse ce qu'il avait eu lorsqu'il avait tenté de s'échapper loin de ce cauchemar. Tous deux avaient déjà tant souffert, ils méritaient la paix. Néanmoins, son plan paraissait plutôt bien. Non, il ne devait pas se faire d'espoir. Il fallait qu'elle arrête de renverser sa tête comme elle le voulait. Il se releva en un soupir. Il rentra à pas de loups dans la chambre et s'installa dans son hamac. Mais impossible de trouver le sommeil. Les bras croisés derrière sa tête, Gabin fixait le plafond.
Soudain, il entendit trois coups à sa porte. Étonné, il se leva pour ouvrir.
- Myosotis ? murmura-t-il surpris.
Comment était-elle arrivée ici avec son bras cassé ? Elle paraissait vraiment étrange. Elle portait robe à bretelle blanche et fluide et son teint était encore plus pâle que d'habitude à la lumière de la lune. Ses cheveux bruns qui avaient désormais poussé tombaient d'une manière désordonnée sur ses épaules. Elle avait les yeux fermés, et lorsqu'il prononça son nom, un mince sourire se dessina sur ses lèvres. Sans répondre, elle fit un pas en avant. Ils étaient vraiment proches touts les deux, il sentait le souffle de la fille sur son visage. Son regard tomba sur le collier de pierre de lune qui scintillait dans le noir.
- Myosotis, tu dors ? demanda-t-il.
Il jeta un coup d'oeil inquiet vers Mitsuki qui dormait paisiblement sur le hamac à côté du sien. Il ne voulait pas la réveiller. Comme si on coupait le fil principal qui soutenait une marionnette, Mitsuki tomba mollement dans ses bras posa la tête contre son épaule. Surpris, il sentit son coeur s'accélérer. Que faire ? On lui avait toujours dit qu'il ne fallait pas réveiller les somnambules. Visiblement, son collier n'avait servi à rien. Il la serra maladroitement contre lui, ne sachant quoi faire. Ses cheveux chatouillait son cou.
- Myosotis... répéta-t-il comme si ça pouvait changer quelque chose.
Il avait les joues brulantes. Brusquement, elle se redressa et s'écarta de lui. Elle fit demi-tour, passa la porte qui était ouverte et sortit. Il l'attrapa juste avant qu'elle ne tombe en continuant tout droit.
- Il faut toujours garder un oeil sur elle. marmonna-t-il.
Le corps de la fille était à moitié dans le vide et il la soutenait avec un seul bras. Avec un léger effort, il la souleva pour la ramener à lui.
« Qu'est-ce que je vais faire d'elle ? » songea-t-il. Il était vraiment embêté. Avant qu'elle ne lui cause plus de problème, elle se retira de son étreinte et sauta dans le vide. Il allait crier quand elle déploya ses ailes.
Elles paraissaient noires dans l'obscurité de la nuit.
Quand il vit Myosotis à la table du déjeuner, il baissa les yeux, gêné. Elle avait l'air de ne pas se souvenir des évènements de la veille. En même temps, elle dormait. Il attrapa une pomme, croqua dedans et s'éloigna des autres plumes d'argent. Dans un coin, seule, Mitsuki jouait à la poupée. Il la regarda de loi, sans bouger. Dans une semaine, Mitsuki allait avoir 15 ans. Finalement, ils n'avaient tous les deux que 2 ans d'écart. Mon dieu, ce que cette île pouvait détruire les gens. Ca ne s'arrêtait pas à un manque, ou des blessures occasionnées à cause des dangers de la forêt. C'était bien plus que ça. Il suffisait de regarder Mitsuki pour le comprendre. L'île laissait des traces indélébiles. Lorsque Mitsuki était arrivée, elle était alors âgée de 8 ans. Lors d'un pique-nique avec ses parents, elle avait été arrachée de leur bras et emmenée par les C.A.E. C'était Gabin qui avait trouvée sur cette plage, seule, en train de pleurnicher. Il l'avait amené avec lui au camp. Elle avait vu comme elle avait peur. Elle murmurait sans cesse « Maman... ». Mais maman n'était plus là, et papa non plus. Maintenant c'était Gabin. Mitsuki a décidé que c'était trop difficile de grandir dans un tel lieu, dans de telles conditions. Alors elle a choisi de ne pas grandir plus tôt, puisque c'était plus simple. Elle est restée coincée à l'âge où elle est arrivée sur cette île de malheur. Peut-être qu'un jour, elle se réveillera, et petit à petit, elle se remettra à évoluer. Mais même si elle arrivait à atteindre une mentalité d'adulte, elle en garderait des séquelles. La peur agissait comme une barrière dans son cerveau, l'empêchant d'avancer.
Gabin la contemplait, se disant que c'était beau cette innocence. Mais l'île lui avait volé sa maturité. Il estimait que malgré tout, elle aurait mérité une autre vie. Qui sais, si elle n'était pas arrivée sur cette île, peut-être serait-elle devenue une grande scientifique qui aurait découvert des vaccins contre des maladies incurables. Mais ça, personne ne peut le savoir.
L'île leur avait dérobé leur destin.
Myosotis appliquait sa crème verdâtre sur son bras blessé. Elle entendit autour d'elle des plumes d'argent discuter.
- Ho non ! A ton tour d'aller la nourrir, j'y suis déjà allée ! s'exclama une fille.
- Non, je n'irais pas. Je me suis déjà fait attaquer par l'agressivité de cette fille, je n'y retournerait pas.
Ils parlaient de Désirée. Une troisième âme errante allait parler quand Myosotis l'interrompu.
- Moi je veux bien y aller.
Ils la regardèrent avec étonnement. Impassible, elle attrapa l'assiette que l'un tenait et se dirigea vers la chambre où était enfermée Désirée. Elle monta l'échelle avec une seule main, en tenant l'assiette entre son bras invalide et son torse. Elle regarda la chambre, qui faisait office de prison. Emprisonner les gens était un acte digne de Caleb. Pas question de le faire perdurer. Elle entra dans la chambre. Désirée était assise sur le lit, ses cheveux étaient poisseux tout comme ses habits. Une longue chaine qui était attachée à sa cheville la reliait à un pieds du lit. La chaine était assez longue pour qu'elle se déplace librement, mais trop courte pour qu'elle s'enfuit. La belle lui lança un regard rempli de haine.
- Tiens, voici ma tendre Myosotis. Grâce à toi, j'ai le droit à un super séjour à l'hôtel.
- Je ne t'ai jamais demandé de me jeter du haut d'une cabane. répliqua-t-elle, indifférente.
Désirée sourit et inspecta ses ongles.
- Excès de colère.
Myosotis déposa l'assiette à côté d'elle. Bien sûr, Désirée ne la remercia pas. Elle sortit une clef de sa poche. Elle l'avait discrètement volé à l'âme errante qui devait normalement apporter l'assiette. Désirée regarda l'objet de sa liberté avec dédain.
- Et voilà ! Madame joue encore les super héroïne gentilles ! s'écria-t-elle d'un ton agacé.
Myosotis fronça les sourcils, prête à renoncer à son acte.
- Qu'y a t-t-il princesse ? On a peur de renoncer ? Peur de se faire gronder ? Sale trouillarde.
Sur-ce elle lui arracha la clef des mains et se détacha elle-même.
- Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu te comportes de la sorte ? Qu'est-ce qui te fait croire que tu as le droit de traiter les gens comme ça ? Comment tu peux faire pour avoir un égo aussi surdimensionné ? Tu n'as toujours pas compris que c'était pour ça que tu n'avais aucun amis, que c'était ça qui te gâchait la vie ? Mais redescends sur Terre bon sang ! s'énerva Myosotis.
Désirée fit quelques pas, ouvrit la porte puis se retourna vers Myosotis, un triste sourire aux lèvres.
- C'est toi qui ne comprends pas Myo. Je m'aime tant parce que j'ai l'impression que personne d'autre n'en ai capable.
Et elle sortit et ferma la porte.
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