Chapitre 10


***

Gabin se réveilla en sursaut. Il se releva vivement et respira de manière saccadée. De la sueur perlait sur son front.

- Encore ce rêve ? fit Mitsuki qui venait de se réveiller à cause de lui.

Elle dormait dans sa chambre car elle avait peur, seule la nuit.

Il hocha vigoureusement la tête.

- Oui... Toujours avec cette ange aux ailes noires...

- C'est vraiment très bizarre. fit-elle avec une voix fluette. Allez, rendors-toi.

Il déglutit, s'allongea et ferma les yeux.

***


Myosotis sentit le sol se dérober sous ses pieds. Le regard translucide de Blizzard la transperçait et ses aveux lui brulaient la peau. Elle ne pouvait pas croire ce qu'elle lui disait. Elle avait sûrement dû prononcer un prénom au hasard.

- Impossible. souffla-t-elle, l'air au loin, perdue.

Blizzard posa deux doigts sur un fil de fer qui formait le grillage. Elle avait l'air profondément peinée. Pendant un instant, elle sembla à Myosotis normale, puis son corps fut secoué de spasmes, passant de l'état brumeux à solide.

- Je sais comme ça fait mal, mais tu dois me croire. Je sais comment il fait. Moi aussi, je suis passée par là. Il te fait croire que tu es différente. Crois-moi, tu n'es qu'une fille de plus. Ce garçon n'éprouve pas de sentiments. Il te fait croire que tu es en sécurité avec lui, qu'il te protège. Pourtant c'est lui qui te met en danger. Il va te pousser à utiliser tes pouvoirs de plus en plus, prétextant que ça pourra aider les choses. Rien ne bouge Myosotis, ce n'est qu'un leurre. Il est conscient de son charme et en abuse. Il te manipule pour parvenir à ses fins. Il profite du fait que tu sois amoureuse pour te garder à ses côtés. Mais pour lui tu n'es pas une femme, tu es une arme.

Myosotis se pinça la cuisse pour essayer de penser à autre chose. Seulement la vérité était là, devant elle. Elle n'avait jamais révélé son nom à Blizzard et pourtant elle le connaissait. Quelque chose la poussait à croire cette fille, mais son coeur lui criait qu'elle mentait et qu'il fallait mieux courir loin d'ici. Fuir la vérité. Continuer de vivre dans ce paradis illusoire.

Elle était tellement sous le choc qu'elle n'entendait plus rien. Elle voyait les lèvres de Blizzard bouger, mais elle ne percevait pas les sons qui en sortaient. C'était comme si on lui avait mis des bouchons dans les oreilles.

Elles finirent par se déboucher et elle entendit la fin de la phrase :

- Ne finis pas comme moi. Pars tant qu'il est encore temps.

- Je ne peux pas. fit-elle d'une voix étranglée.

- Si tu peux. Vas chez les plumes d'argent, ils t'accueuilleront. Ne fais pas confiance à Caleb, ou comme moi, tu deviendras une Perdue. Je t'en supplie, écoute moi.

Soudain, cette scène lui parut insupportable. Les Perdus qui grognaient derrière le grillage lui offrirent une vision cauchemardesque, et les avertissement de Blizzard lui perçaient les tympans. Sans un mot, elle se retourna et partit en courant. Où aller maintenant ? A qui faire confiance ? Elle laissa ses jambes la guider. Son coeur battait à la chamade, et pourtant il était remplie de tristesse et de peur. Elle avait la gorge serrée. Des ronces lui écorchaient les jambes et des branchages se coinçaient dans ses cheveux, mais elle s'en moquait. Elle courut sans savoir où elle allait jusqu'à tomber de fatigue. Là, elle se mit en boule contre un arbre, et regarda ses jambes et ses mains remplis d'égratignures. Que faire maintenant ? Le soleil commençait à rejoindre l'horizon. Elle n'avait personne sur qui compter sur cette île.

- Je suis perdue. murmura-t-elle.

Et elle posa sa tête contre ses genoux et éclata en sanglots.


Elle pleura tout ce qu'elle avait a pleurer, puis se ressaisit. Elle se releva vivement et essuya d'un revers de mains ses larmes. A l'heure qu'il était, on devait être en train de la chercher. Pas question qu'on la retrouve. On lui avait assez menti, assez manipulé, assez fait de peine. Elle s'en allait. Elle essaya de chasser sa tristesse avec des phrases telles que « Ce n'est pas toi qui l'a perdu, mais lui qui t'as perdue. » Il allait devoir trouver une autre fille à exploiter afin de remplir ses désirs égoïstes. Après la pluie passe l'orage. Après la tristesse passe la colère, et le tonnerre allait grondé à en faire trembler l'île entière ! Elle carburait à la haine. Elle partit d'une marche rapide, essayant de se repérer par rapport au sol. Il commençait à faire sombre, et seules les étoiles lui tenaient compagnie. De plus, elle n'arrivait plus à retrouver la barrière de fleurs rouges dans l'obscurité. Elle grommela, les yeux rivés sur le sol. Il fallait faire vite. Caleb avait dû envoyé de nombreuses âmes errantes pour l'aider à la retrouver. Caleb. Même si elle ne prononçait son nom qu'en pensée ça faisait mal. Elle plissa les yeux. Oui, c'était bien ça, devant elle se tenait la barrière de fleurs ! Elle courut jusque celle-ci. Une fois-là, elle hésita un moment puis fit un pas en avant. La voilà chez les plumes d'argent. Elle avança discrètement, sans faire de bruits. Elle vit la lumière du feu vaciller. Ils venaient de terminer de manger et étaient en train de débarrasser. Ils portaient pour les filles des tuniques beiges à franges colorés et les garçons des chemises blanches, plutôt amples pour qu'ils puissent faire leurs activité avec. Elle s'approcha d'eux, sentit l'angoisse la submerger petit à petit. Une tête se tourna. On la pointa du doigt, et une voix retentit :

- Une écorchée !

Tous les regards se tournèrent alors vers elle. Certains étaient effrayés, d'autres menaçants. Instinctivement, elle leva les mains en l'air.

- Je ne vous veux aucun mal. Je viens justement pour vous demander de m'intégrer au sein de votre groupe.

Ils éclatèrent de rire.

- C'est ça, écorchée, comme si on allait te croire. fit un garçon.

Il sortit un poignard de sa ceinture. Les autres le suivirent et commencèrent à se rapprocher d'elle comme des loups traquant leur proie. Surtout, ne pas laisser l'émotion l'envahir.

- Je veux parler à votre chef. déclara-t-elle d'un ton qu'elle voulu déterminé.

- Et pourquoi ça ? Tu prépares encore un coup bas, n'est-ce pas ?

Les plumes d'argent commençaient à l'encercler.

- Pas du tout ! Laissez-moi parler à votre chef !

- Et pourquoi voudrais-tu intégrer notre clan d'abords ? vociféra une fille.

Myosotis hésita avant de répondre :

- C'est trop dangereux là-bas.

Ils éclatèrent de nouveau de rire.

- On ne nous l'avait jamais faites celle là !

Elle aperçut des bras pousser et jouer des coudes pour se frayer un passage à travers la masse colorée. La tête de Gabin apparut.

- Stop ! Laissez-là, elle est avec moi. fit-il fermement.

Tous poussèrent des exclamations de surprise tandis qu'elle poussait un soupir de soulagement. Il se rapprocha d'elle et se posta à ses cotés. Il toisa avec sévérité les plumes d'argent qui rangèrent leur couteau.

- Je vous présente Myosotis.

Il esquissa un sourire.

- Et je vous ferez dire que ce n'est pas une manière d'accueillir nos invités ! s'exclama-t-il d'un ton moqueur.

Elle n'osait dire un mot. Elle était encore pâle de  l'effet du stress. Deux bras bronzés poussèrent la foule. Une fille aux yeux bridés fit son apparition. Elle avait de longs cheveux bruns et raides, et était toute menue. Elle avait un corps d'une fille de 14 ans, mais avait l'air dans avoir 8. Elle tenait dans sa main droite une poupée faite de feuilles et de pailles, et il y avait de petits noeuds dans sa chevelure de jais. Elle pointa son doigt sur Myosotis, et d'un ton enfantin qui la surprit déclara :

- C'est elle l'ange noire. 


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