Elle regarda le bateau qui lui avait volé sa liberté s'éloigner d'elle. Au loin, on apercevait un bout de terre, là où elle habitait avant. Elle regarda ses maudits poignets, où aucun tatouages n'étaient apparus. Elle vivait dans un monde qui était séparé en deux : le monde céleste et le monde démoniaque. Dans ces deux mondes, les enfants naissaient avec un tatouage, généralement sur le poignet, qui indiquait quel allait être leur rôle dans la société. Seulement, des enfants naissaient avec la peau complètement vierge : les âmes errantes. Ceux-ci étaient considérés comme néfastes pour le système, et étaient donc envoyés sur une île. Ceux qui échappait aux griffes des C.A.P à la maternité étaient condamné à une vie de cachettes et de déménagements incessants. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient différents.

- Tiens, une nouvelle. C'est quoi ton nom ? fit une voix derrière elle.

Elle sursauta et se trouva face à face avec une des plus belles filles qu'elle n'avait jamais vu. Elle avait de longs cheveux verts pomme coiffés en une tresse et des yeux de la même couleur. Elle portait un débardeur noir court ainsi qu'un short sombre qui mettait parfaitement ses formes en valeur. La pauvre fille perdue, recouverte de sable, semblait fade à côté d'elle. Des yeux gris, avec de longs cheveux bruns et ondulés.

- Myosotis. répondit-elle d'une petite voix.

L'éthimologie de Myosotis signifie « Ne m'oublie pas ». Quelle douce ironie, lorsque l'on a quitté sa mère à peine âgée de 5 mois.

- Drôle de nom. Moi, c'est Désirée.

Elle pointa sa poitrine avec son pouce et sourit. Elle agita sa main, signe qu'elle devait la suivre.

- T'as de la chance que je t'ai trouvée, ç'aurait pu être un garde. déclara-t-elle.

- Un garde ?

Elle éclata de rire.

- Tu crois franchement qu'ils vont nous laisser seuls ici ?! Il y a des gardes partout pour nous empêcher de sortir.

Myosotis lâcha un long soupir. Désirée pointa du doigt une immense tour de béton gris, qui contrastait avec le décor sauvage de l'île.

- Ca, c'est la tour de contrôle. Ils nous observent de là-bas. Ils voient tout. Tout. Je te dis ça, parce que si tu tentes de te sauver, tu seras gravement sanctionnée. On n'a jamais revu ceux que les gardes ont emmené.

- C'est fun tout ça... marmonna-t-elle.

Désirée sembla ignorer sa remarque, et tourna son doigt vers l'étendue d'eau qui les encerclait.

- De toute façon, il n'y a aucun moyen de sortir. Ils ont mis des sirènes dans l'eau. Ne te baignes jamais, elles prendront un malin plaisir à te couler.

Elles s'engouffrèrent dans la forêt tropical de l'île. On entendait le chant des oiseaux. Ce chant sembla sinistre aux oreilles de Myosotis. Plus elles s'enfonçaient dans la forêt, plus elle entendait des éclats de voix de part et d'autre. A sa droite, elle pu voir des âmes errantes arroser des champs de légumes. De l'eau sortait de leur main, comme par magie. Elle ouvrit de grands yeux ébahis. Encore une fois, Désirée éclata de rire.

- Ha, j'adore voir la surprise dans les yeux des nouveaux.

Elle s'arrêta net et planta son regard dans le sien.

- Nous avons des pouvoirs, peut-être plus puissants que ceux des anges et des démons. Caleb dit que c'est pour ça qu'ils nous enferment ici ; parce qu'ils ont peur. Des pouvoirs vont sûrement se réveiller d'ici 2 ou 3 jours.

Elle fronça les sourcils. Tout allait trop vite. Quelques heures auparavant, elle se trouvait dans une petite auberge si calme, et voilà que maintenant elle se retrouvait sur une île presque entièrement sauvage !

- Qui est Caleb ?

- Le chef de notre clan.

Comme elle ne semblait ne pas comprendre, Désirée prit un air exaspéré et ajouta :

- Il y a deux camps sur cette îles, les plumes d'argent, et les écorchés, en l'occurence nous. Tu as de la chance d'être tombée sur nous, les plumes d'argent sont vraiment pitoyables.

Un garçon qui se trouvait dans les champs cria :

- Fab !

- J'arrive ! lui hurla Désirée.

- Pourquoi Fab ?

- Parce que je suis fabuleuse.

Elle partit vers le garçon, et se retourna pour sourire à Myosotis. Celle-ci se retrouva seule, au milieu des arbres et de toutes ses plantes. Elle regarda le paysage. Des fleurs colorées poussaient de partout, et le soleil brillait au-dessus d'elle. Dans d'autres circonstances, le décor aurait été paradisiaque. Elle était dans ses pensées quand soudain deux main la saisirent aux épaules et la plaquèrent contre un arbre sans qu'elle ait le temps de réagir. C'était un garçon aux yeux châtains et aux grands yeux bleus. Il avait l'air inquiet.

- Il ne faut pas que tu ailles avec eux. Surtout pas.

Elle tenta de se dégager mais il appuyait vraiment fort. Il sentait son souffle contre son visage.

- Tu vas perdre ton âme. Ne va pas avec eux.

- Pourquoi je te croirais ? répliqua-t-elle sèchement.

- Parce qu'il le faut. Pour ton âme.

Elle lui donna un coup de pied dans le tibia et la poussa loin d'elle avant de partir en courant vers Désirée. Comme si elle allait croire ce malade !

Désirée et Myosotis marchaient sous l'ombre des grands arbres dans un lourd silence.

- Comment tu es arrivée ici ? demanda Désirée au bout d'un moment.

- Je crois que les C.A.E me traquaient depuis longtemps. Je déménageais de plus en plus souvent. Un beau matin, ils sont arrivés dans l'auberge où je me cachais. J'ai essayé de fuir mais ils étaient beaucoup trop nombreux. Voilà comment je suis arrivée dans cet Enfer.

- Ne t'inquiète pas, tu finiras par t'y habituer.

- Hum.

Elle regarda ses pieds. Décidant que le silence était trop pesant, elle reprit :

- Et toi ?

- C'est ma mère qui m'a livré.

- Ta mère ? répéta-t-elle, abasourdie.

Désirée eut un rire sec.

- Oui. Alors que certaines mères arrivent à garder leur enfant pendant 9 mois auprès d'elle, la mienne a lâchement livré le siens aux autorités.

- Je... je suis désolée.

- Il n'y a pas de quoi. Je n'ai besoin de personne, de toute façon. Et puis, comme j'ai toujours vécu ici, ma vie là-bas ne peux pas me manquer, contrairement à toi.

«  Ce n'était pas vraiment une vie. » songea-t-elle. C'était juste une lutte sans répit qu'elle menait pour échapper au C.A.E. Néanmoins, elle avait connu la liberté. Elle avait connus des amis ( bien qu'éphémères) et elle avait vu toutes sortes de paysages.

Le monde de Désirée se limitait à des arbres et l'océan. Elle avait toujours vécue encadrée par des gardes, même lorsqu'elle était bébé.

Celle-ci poussa un rideau de branches de saule pleureur et déclara :

- Voici la camps.

Elle déboucha sur une place circulaire, avec un grand feu au milieu. Elle y voyait une vingtaine d'âme errante qui s'activaient. Des maisons de bois étaient perchés dans les arbres. Elle qui avait toujours eut le vertige, elle était servie.

- Les maisons sont en hauteur car la nuit, des loups sortent et trainent dans les parages, et il vaut mieux pas jouer avec eux, si tu vois que ce que je veux dire.

Elle ne répondit rien, trop occupée à observer le décor qui s'offrait à elle.

- T'es pas très bavarde, la nouvelle.

Elle lui attrapa le bras.

- Il faut que je te présentes à Caleb pour ta cérémonie d'acceptation.

- Ca consiste en quoi ?

- Tu versa. Hey ! Tu sais où est Caleb ? demanda-t-elle à une fille aux cheveux violets.

- Dans sa chambre, je crois. répondit-elle.

Désirée leva son pouce en guise de remerciment et entraina Myosotis à sa suite. Heureusement, la chambre de ce fameux Caleb était la seule qui se situait au sol. Désirée toqua à la porte puis entra. Le coeur de Myositis rata un battement quand elle vit le garçon qui se tenait à l'intérieur. Elle fut frappée par son charisme et la force qu'il émanait. Il avait de beaux cheveux bruns, la peau bronzée, des yeux marrons avec de longs cils. Il avait une cicatrice près de la bouche. Il leva les yeux vers elle et elle rougit.

- Nouvelle recrue. lâcha Désirée.

Il la jaugea de haut en bas et sourit.

- Qui es-tu ? demanda-t-il avec une voix douce.

- Myosotis.

Son sourire s'agrandit.

- Bienvenu Myosotis. Commençons le rite d'entrée. déclara-t-il en sortant une paire ce ciseaux.

Il se tourna vers Désirée et lui dit avec le même ton ensorcelant :

- Préviens les autres que la fête va commencer.