Chapitre 18 - Le prince bâtard


Oscar

Oscar continuait de trembler. La scène se rejouait, inlassablement, dans son esprit. Le crâne fendu du faë. Tout ce sang sur le sol. Il n'avait pas voulu le tuer, il voulait seulement aider Fanélia. Après qu'elle eut quitté la chambre, il l'avait suivi, et il était resté figé de stupeur en voyant le faë l'agresser. Son seul réflexe avait été de saisir le chandelier, pour l'assommer. Il ne pensait pas le tuer, mais une fois qu'il avait commencé à frapper, tous les souvenirs des tortures subies lui étaient revenues une à une. Il avait besoin de faire sortir cette rage qui dormait en lui. Pendant des semaines, il s'était laissé faire, docile, soumis. Il ne réagissait pas, attendant que les faës décident de son sort, comme une souris prise au piège. Il ne voulait plus subir. Il ne supportait plus d'être victime d'un complot et d'une machination qu'il ne contrôlait pas. Il voulait rentrer chez lui.

Il ne supportait pas d'être enfermé dans ce terrier.

Et il n'avait pas supporté d'entendre les mots de ce faë. Le même type de mot que ceux que son propre bourreau avait prononcés.

Fanélia marchait devant lui d'un air déterminé. Comment parvenait-elle à rester si forte ? N'y tenant plus, il finit par prendre la parole, mettant fin à l'horrible silence qui s'était installé entre eux et qui le tourmentait.

— Tu es sûr que ça va ? osa-t-il demander. Je n'ai pas pris le temps de te demander dans les bains, mais après ce qu'il s'est passé, je ...

— Inutile de revenir dessus ! le coupa-t-elle, de cette façon qu'elle avait toujours de parler, comme pour expédier une conversation. Je ne veux pas de ta pitié.

Oscar rougit. Il n'avait pas pitié de Fanélia, il voulait juste s'assurer qu'elle allait bien. Ce faë l'avait agressée. C'était normal qu'elle soit perturbée ? Non. Le regard qu'elle lui lança acheva de le convaincre qu'il valait mieux garder ce secret pour lui. Fanélia n'hésiterait sans doute pas à le découper en morceau, s'il parlait de ce qu'il savait failli se passer dans les bains.

— Tu as bien fait de le tuer, reprit Fanélia, se rendant visiblement compte du ton dur qu'elle avait pris. Je suis soulagée qu'il soit mort. Fin de l'histoire.

Lui-même aurait voulu être aussi fort qu'elle. Or, le meurtre qu'il avait commis ne cessait de tourner dans son esprit. Ils remontèrent les marches qui menaient à un long couloir. Des torches brûlaient, accrochées au mur. Elles lui rappelaient les prisons du palais du Printemps, qu'il n'avait traversées qu'une fois. Au souvenir de ce château, il repensa à la chambre fleurie d'Isidore, le seul endroit où il s'était senti en sécurité, juste un instant. Depuis qu'il s'était enfui, l'attitude du faë ne cessait de le questionner. Il avait cherché à comprendre sa stratégie, à savoir s'il se jouait de lui. Pourtant, il ne trouvait rien chez Isidore, qui laisserait entendre qu'il voulait s'en prendre à lui.

— Est-ce qu'Isidore est sincère quand il dit vouloir m'aider ?

Fanélia, qui marchait devant lui pour rejoindre la chambre où Isidore dormait encore quand il était parti, soupira.

— Pourquoi ne le serait-il pas ? s'étonna-t-elle. Il t'a dit vouloir t'aider, tu as accepté de lui faire confiance, non ?

— Il n'agit pas normalement.

Fanélia éclata de rire.

— Isidore n'agit jamais normalement, expliqua-elle. Pas comme un faë, du moins. Mais c'est l'être le plus sincère qui existe. Il est incapable de malveillance, ni de stratégie. S'il te dit qu'il veut t'aider, c'est qu'il veut réellement le faire.

— Mais pourquoi ?

Elle haussa les épaules, puis grimpa un escalier menant à une nouvelle galerie.

— Parce qu'il est comme ça. Altruiste, généreux, amoureux de l'humanité. Des qualités qui n'existent pas chez les faës, c'est la raison pour laquelle ses frères le haïssent.

— Alors, quand il dit qu'il veut vivre chez les humains, ou qu'il veut ramasser des fleurs, il n'y a aucune arrière-pensée ? Aucun sous-entendu ?

— Il t'a vraiment dit ça ?

Fanélia s'arrêta au milieu du couloir. Elle arqua un sourcil, puis lâcha un autre soupir face aux paroles d'Oscar. Celui-ci lui rapporta leur conversation dans la forêt. Il ne cessait de s'interroger depuis, incapable de savoir si Isidore était aussi atypique qu'il le prétendait, ou s'il se jouait de lui. Il voulait croire en sa sincérité, mais son comportement s'opposait en tout point à ce qu'il connaissait des faës, et ce qu'on lui avait dit dans son village.

« Méfie-toi des faës, ils sont cruels et stratèges ».

« Aucune de leur parole n'est jamais à prendre au premier degré ».

Sauf qu'Isidore semblait justement vivre, au premier degré.

— Il m'a dit qu'il voulait un monde dans lequel les hommes et les faës vivraient en harmonie, et qu'il voulait vivre chez nous.

Fanélia soupira encore, dépitée.

— Le pire, c'est que c'est sûrement vrai.

Elle poursuivit son chemin, jusqu'à atteindre la chambre. En poussant la porte, ils découvrirent Isidore, assis sur son lit, ses pinceaux alignés à côté de lui. Il releva la tête et leur sourit. Des cernes se dessinaient sous ses yeux dorés, il ne paraissait pas plus reposé que la veille, il paraissait même encore plus fatigué, et inquiet. Il les interrogea du regard, sans doute étonné de les trouver ensemble. Fanélia et Oscar s'observèrent, décidant d'un commun accord silencieux de ne rien révéler de ce qui s'était passé dans les bains. Ce n'était pas le moment de raconter cela. Leur temps ici était compté, les faës de l'Automne finiraient par se rendre compte de la disparition d'Orfeo et Isidore avait un portrait à réaliser.

— Où étiez-vous ? demanda Isidore en dévisageant Fanélia.

— Partis prendre un bain.

— Habillés ?

— Tu n'es pas le seul à avoir des lubies.

— Tu as une marque au cou. Elle n'était pas là hier.

— C'est venu durant la nuit, sûrement un effet de l'enfermement. Je déteste ce terrier.

Les vêtements de la faë gouttaient sur le sol. Son excuse ne tenait pas la route, les marques des mains d'Orfeo se voyaient, mais Isidore ne posa pas plus de question. Avait-il conscience qu'elle fuyait une conversation ? Leur relation était décidément très étrange.

Fanélia s'empressa d'aller se changer, pendant qu'Oscar venait s'asseoir à côté d'Isidore. Il observa ce qu'il faisait, tandis que le faë continuait de triturer ses pinceaux et ses carnets. Oscar ne comprenait toujours pas cette histoire de dessin et de portrait. Il avait envie de questionner Isidore à ce sujet, mais n'avait toujours pas osé le faire. Pourquoi tout le monde lui réclamait-il des œuvres d'art et pourquoi semblait-il si frileux à obtempérer ? Pourquoi avait-il détruit son croquis et pourquoi la Dame de l'Automne avait-elle parlé d'un portrait du roi du Printemps, pour se protéger et l'utiliser ? Quelle étrange magie courait dans les doigts du faë aux yeux dorés ?

— Tu vas peindre le portrait qu'elle a exigé ?

— Non, répondit Isidore.

— Dans ce cas, il va falloir trouver une façon rapide de nous esquiver, lança Fanélia, habillée et sèche.

Elle échangea un regard avec Oscar. Rapidement était un euphémisme. Il fallait qu'ils fuient le plus vite possible. Si quelqu'un s'apercevait qu'Orfeo avait disparu, les soupçons ne tarderaient pas à se diriger vers eux. Le jeune homme tremblait, rien qu'à cette idée. Les faës de l'Automne pourraient-ils le torturer, comme ceux du Printemps, l'enfermant dans des prisons au fond de leurs grottes où il ne reverrait jamais la lumière ?

— Oui, c'est ce que je me disais, approuva Isidore en hochant la tête. Mais d'abord, nous devons parler à Oscar.

— On est vraiment obligé ? railla-t-elle.

— Oui.

La faë se tourna vers le jeune homme, puis haussa les épaules et obtempéra. Celui-ci sentit son cœur accélérer et son estomac se nouer. Qu'allait-il lui révéler ?

— Je dois te dire pourquoi mes frères t'ont enlevé et ce qu'ils comptaient faire avec ma magie.

Et c'est ainsi qu'Isidore et Fanélia lui révélèrent tout. Le portrait pour le torturer, auquel il avait échappé. Le complot des faës du Printemps, alliés à l'Été, pour bafouer le traité de paix et récupérer les terres offertes aux humains mille ans plus tôt. Et surtout, l'identité de ce père qu'il n'avait cessé de questionner, durant des années. Combien de fois avait-il demandé son nom à sa mère ? Un nom qu'elle taisait, sans qu'il ne comprenne pourquoi. En l'entendant prononcé, Oscar comprit enfin. Il n'était pas seulement le fils d'un noble.

— Alors, je suis le fils du roi Bartheon.

Isidore hocha la tête, confirmant ses dires. Oscar aurait sûrement dû s'en réjouir. N'était-on pas censé sauter de joie, quand on apprenait qu'on était en partie prince ? Le fils d'un roi. La situation ne pouvait pas être plus ironique. Lui qui avait grandi dans une ferme, dans un village désolé, était en réalité le fils d'un homme qui aurait pu l'élever dans un palais. Un homme à cause duquel il avait été enlevé. Un homme pour qui sa mère avait tout risqué, une mère qu'il ne reverrait peut-être plus jamais et qui lui manquait tant qu'il sentait son cœur saigner à chaque fois qu'il pensait à elle. Il ne savait même pas si elle était en vie.

Les faës l'avaient torturé au nom de ce roi. Ils lui avaient coupé un doigt ! Ils voulaient utiliser son portrait pour le torturer encore, sous les yeux du roi d'Envarïs, en espérant qu'il l'échangerait contre ses terres. Le roi n'avait rien dit quand il avait reçu son doigt. Qu'aurait-il fait de son portrait ? Aurait-il été sensible à ses hurlements et sa souffrance, ou aurait-il tourné la tête, l'abandonnant encore à son sort ? Oscar baissa les yeux. Il ne voulait pas pleurer.

Pourtant, il pleurait déjà.

Il sentit une main se poser sur son épaule, puis une autre. Il se tourna de chaque côté. Fanélia et Isidore l'observaient, conscients de sa tristesse. Ils le laissèrent s'épancher, sans rien dire. Les doigts d'Isidore caressaient les siens. Il ne savait pas pourquoi, mais il appréciait le contact de ce faë si gentil avec lui depuis le début. Quand il était prés d'Isidore, il n'avait pas l'impression que plusieurs siècles les séparaient et ne se sentait pas diminuer parce qu'il n'était qu'un être humain. Au contraire, il avait l'impression d'être avec l'un de ses amis du village.

Ses pensées s'égarèrent vers Orion, un garçon avec lequel il avait grandi. Fils de fermier, il passait souvent les aider, avec sa mère, pour cultiver le potager ou s'occuper des bêtes. Oscar lui rendait la pareille. Quand les travaux étaient terminés, ils s'enfuyaient tous les deux pour aller se baigner dans la rivière, puis s'allongeaient pour contempler les étoiles. Orion était plein d'optimisme et de joie de vivre, comme Isidore. Qu'était-il devenu ? Qu'étaient devenus tous ses amis, au village ? Maggy la boulangère, Solana la menuisière, Églantine la fleuriste, Piotr que sa mère aimait inviter pour boire du jus de sureau. Oscar ne se souvenait que de l'attaque, avant d'être assommé. Y avait-il seulement des survivants ?

Il essuya les larmes qui roulaient sur sa joue. Isidore l'observait d'un air inquiet, une multitude d'émotions passant sur son visage. Comment pouvait-on avoir des traits aussi parfaits et paraître aussi triste ? Fanélia, quant à elle, ne bougeait pas. Elle restait droite, à ses côtés, ne sachant visiblement pas quoi dire. Son attitude insensible ne l'étonnait pas, les faës étaient ainsi. Du moins, c'était ce qu'il avait toujours vu d'eux. Ils torturaient, ils tuaient.

Pourtant, c'était lui qui avait tué aujourd'hui. Les doigts d'Isidore continuaient de caresser les siens, il faisait des petits ronds sur sa paume ouverte. Une pivoine, d'une couleur parme, comme les mèches qui couraient dans les cheveux du faë, s'épanouit entre ses mains. Elle mit du baume au cœur d'Oscar. Il avait assassiné quelqu'un ce matin. Fanélia avait beau dire que c'était de bonne guerre – et il le méritait sans doute -, il s'en voulait cruellement d'avoir agi ainsi. Que penserait Isidore s'il savait ? S'il avait vu toute cette colère en lui ? Lui qui avait affirmé devant la Dame de l'Automne que la vengeance ne menait à rien ?

Oscar ne souhaitait pas spécialement se venger. Il voulait juste retrouver sa vie et les siens. Mais, à mesure que les jours passaient aux côtés des deux faës, il se rendait aussi compte qu'il voulait surtout savoir qui il était. Pourquoi son père l'avait abandonné. S'il y avait l'infime espoir qu'il l'ait un jour aimé.

— Vous croyez que mon père m'aime un peu ? osa-t-il demandé.

Sa question paraissait naïve, enfantine. Isidore resserra ses doigts autour des siens, laissant la pivoine tomber sur ses genoux.

— J'en suis sûr, assura-t-il, il ne t'aurait pas caché si longtemps, s'il ne tenait pas à toi.

— Ne t'emballes pas, Isis, le calma Fanélia. Inutile de lui donner de faux espoirs. Ton père aussi t'a « préservé » en t'enfermant dans ta chambre, je te rappelle.

— Et si le roi Bartheon payait la taxe qu'il doit aux faës ? proposa Oscar. Peut-être qu'ils changeraient d'avis ?

Isidore haussa les épaules. À l'inverse, Fanélia rit d'une façon exagérée.

— Le roi se fiche de cette taxe. Ce n'est qu'une excuse.

— Mais n'as-tu pas dit que le roi Bartheon avait offensé le roi des faës ? S'il s'excuse...

Fanélia rit de plus belle, jusqu'à qu'Isidore lui fasse signe. Visiblement, il ne partageait pas son amusement.

— Si cela se trouve, Bartheon a simplement oublié une formule de politesse dans une missive, et le roi Andonéïs en a pris ombrage. Dans tous les cas, les humains ne peuvent rien faire, ni s'excuser, ni payer. Les faës veulent juste dominer, c'est dans leur nature !

— Les hommes ne nous veulent pas de mal ! rétorqua Isidore.

— Peu importe Isidore, nous sommes plus forts qu'eux ! Et ne les prends pas pour des êtres innocents, ils ont aussi cherché à nous attaquer à plusieurs reprises.

— Pour se défendre !

— Pas toujours.

— Elle a raison, chuchota Oscar.

L'immortalité des faës leur conférait un certain statut, une sagesse d'âme, disait-on même. Ils avaient toujours justifié le fait de posséder les meilleurs territoires et de soumettre les humains se risquant sur leurs terres ainsi. Quant à son peuple, qu'Isidore considérait comme meilleur que le sien, parce qu'ils étaient prétendument moins cruels que les faës, cela était-il vrai ? Oscar avait vu des hommes commettre des crimes. Des hommes comme Orfeo, comme Valère. Il avait vu des villages dresser des armées, avec l'objectif de se rendre à Ephysia, pour s'en prendre aux faës, et tenter de récupérer des terres qu'ils estimaient leur revenir. Oscar n'avait jamais su quoi en penser, mais s'il avait bien retenu une chose de tout cela, c'est que mortel ou immortel, ils se valaient tous, au fond. Aucun peuple n'était meilleur qu'un autre quand il s'agissait de faire le mal.

— Peu importe, répliqua Isidore. Le roi Bartheon doit être prévenu de l'attaque qui pèse sur lui. Si mon père veut bafouer le traité, nous devons l'en informer.

— Je pense qu'il est déjà au courant. Tes frères lui ont envoyé un doigt de son bâtard.

Fanélia pointa son index dans sa direction. Oscar eut l'impression que la faë lui enfonçait un poignard dans le cœur. Dans sa bouche, le mot « bâtard » sonnait comme une insulte. Son membre fantôme se mit à le picoter, il détourna son regard pour ne pas le laisser s'attarder sur sa main.

— Ne l'appelle pas ainsi ! le défendit Isidore. Et je ne veux pas seulement le prévenir, je veux l'aider.

— Et comment ? En lui apportant un bouquet de fleurs et en criant « Paix et amour » ?

— Pourquoi pas !

— Par la Déesse Mère, Isis ! Sérieusement ? Je ne savais pas que tu avais des appétences politiques.

— Mon père veut utiliser mon art et ma magie pour torturer des humains ! Il veut lancer notre peuple dans une guerre qui va conduire à la mort de milliers de personnes, pour rien. Je ne vais pas rester les bras croisés !

— Je suis d'accord, c'est stupide. Mais de là à nous rendre à Castelroche, il ne faut pas exagérer. On ferait mieux de ramener Oscar chez lui, puis de nous enfuir par-delà les mers.

— Je n'abandonnerai pas les humains à leur sort. J'irai là-bas, que tu le veuilles ou non.

Les bras sur les hanches, les yeux rivés dans ceux de Fanélia, Isidore tentait de lui tenir tête. Oscar sourit, face à cette démonstration d'autorité un peu bancale. Quel âge avait Isidore ? Probablement plusieurs centaines d'années. Pourtant, il lui semblait avoir son âge, agissant avec la même fougue qu'un adolescent. Fanélia poussa un profond soupir et leva les bras au ciel.

— Oscar ! Aide-moi ! quémanda-t-elle.

Surpris, le jeune sursauta. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle fasse appel à lui. Jusqu'à présent, son avis n'avait pas semblé peser dans la balance, et il n'était pas sûr d'avoir une très grande connaissance en la matière. Apprendre qu'il était fils caché d'un roi ne faisait pas de lui un stratège politique. Du reste, il vivait très bien le fait de n'être qu'un fermier. Bien sûr, il ne souhaitait pas que les faës envahissent Envarïs, ni être soumis en esclavage, mais il ne se voyait pas trancher une dispute entre deux faës vieux de plusieurs siècles. À côté d'eux, il se sentait vraiment stupide, avec ses dix-huit années d'existence. Il ne savait même pas lire. Aussi se contenta-t-il de secouer la tête de gauche à droite. Fanélia poussa un autre soupir à fendre l'âme.

— Bien ! Comme tu voudras. C'est dangereux et stupide, mais je ne peux pas t'en empêcher. Nous irons donc voir le roi. Mais je persiste à dire que c'est une mauvaise idée.

— Je prends note de ton désaccord.

Oscar les observait se chamailler, ne sachant quoi dire.

Les intentions d'Isidore étaient nobles. Toutefois, même en prévenant le roi, le jeune homme voyait difficilement comment son peuple pourrait lutter contre les faës s'ils attaquaient. Ils possédaient une plus grande armée et ils avaient pour eux la magie. La foi d'Isidore et sa gentillesse ne permettrait pas d'empêcher une guerre. Peut-être aurait-il mieux fait de fuir le plus loin possible. Par-delà les mers, comme le proposait Fanélia.

Quant à lui, que devait-il faire ? Retourner vivre dans son village ou les accompagner jusqu'à Castelroche ? Et après ? Devait-il rencontrer son père ? Lui révéler qui il était ? Bousculer l'existence de ce roi et se révéler à la cour ? Toutes ces questions lui faisaient mal à la tête.

Il allait reprendre son questionnement sur son père quand un bruit retentit dans le couloir. Isidore et Oscar sursautèrent. Fanélia se redressa. On frappa à la porte. Fanélia alla récupérer une épée courte, son poignard ayant coulé dans les bains. Elle fit de son mieux pour ne pas penser que cette arme - à laquelle elle tenait - avait sombré au fond du bassin. Au fond, ce n'était qu'un objet. Un objet qui la rattachait à Orfeo et qui disparaissait avec lui.

Elle se plaça devant eux, puis tendit la lame devant elle.

— Qui est là ? demanda-t-elle.

— Inès de Montfeuille. Puis-je entrer ?

La faë se concerta du regard avec Isidore. Il hocha la tête. Elle baissa son arme au moment où la cadette de la Cour de l'Automne entra, accompagnée par Fox, son garde du corps. Oscar remarqua aussitôt les yeux violets de la faë. Il les avait tout de suite remarqués lors de l'audition, à leur arrivée. Deux iris qui miroitaient, dans son visage à la peau brune, et qui attirait le jeune homme comme des aimants. Chaque fois qu'il rencontrait un faë, Oscar était choqué de toutes les nuances que pouvaient prendre leurs yeux, comme leurs peaux. Tous semblaient lumineux, attirants, charmants. La Déesse Mère avait-elle conçu les Immortels pour les rendre attirant ?

Oscar détourna le regard. À ses côtés, Isidore fronçait les sourcils, les yeux rivés sur Inès. Il semblait étonné de la trouver ici.

— Que voulez-vous ? demanda Isidore.

La cadette de la Dame paraissait essoufflée. Au lieu de sa robe seigneuriale dans laquelle elle les avait accueillis, avec sa mère et sa sœur aînée, elle portait un pantalon de toile resserrée à la taille par une ceinture, et une simple chemise rentrée à l'intérieur, qui accentuait sa poitrine et ses hanches larges.

— Vous devez partir au plus vite.

— Pourquoi cela ? s'étonna Fanélia. Nous venons seulement d'arriver.

La faë croisa le regard d'Oscar, le sang du jeune homme se glaça. Avaient-ils déjà découvert Orfeo ? Venaient-ils l'arrêter ? Son cœur s'accéléra.

— Ma sœur vous a dénoncé, expliqua Inès. Les abeilles arrivent.

— Dénoncer ? Mais à qui ? s'écria Isidore, soudain paniqué.

— À Arzel.

L'évocation du frère de son bourreau fit frissonner Oscar. Son cœur s'accéléra davantage, prêt à exploser dans sa poitrine. C'était finalement pire que ce qu'il craignait. Son bourreau allait remettre la main sur lui. Tout serait bientôt terminé. Leur escapade s'arrêtait alors qu'elle venait seulement de commencer. Oscar n'aurait jamais dû y croire.

— Que suggérez-vous ? demanda Isidore.

— Il faut partir. Maintenant, ordonna Inès. 

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