Chapitre 15 - Un chemin inattendu
Fanélia
Retrouver la trace d'Isidore ne fut pas difficile. Quand il se déplaçait en forêt, le prince semait des fleurs comme dans Le conte du Petit Faë que son père lui lisait enfant. L'histoire macabre d'un faë qui souhaitait retrouver son chemin, il atterrissait chez un ogre, qui finissait par le dévorer, après avoir semé des cailloux sur le trajet. Une nuée de marguerites fleurissaient sur les bords de la route, Fanélia n'eut qu'à les suivre pour retrouver la trace de son ami. Ses pas s'étiraient vers la frontière des trois Cours, celle-là même par laquelle la faë était arrivée, lorsqu'elle avait quitté la sienne, un siècle plus tôt.
Même en marchant vite, la garde du corps mit plusieurs heures à retrouver le lieu de rendez-vous. La nuit tombait quand elle parvint à l'orée de la clairière jouxtant les trois frontières. Des voix lui parvinrent de loin, elle s'apprêtait à annoncer sa présence, quand elle se rendit compte que seule l'une d'entre elle lui était familière. La protectrice aurait pu reconnaître les notes fluettes et douces de la voix d'Isidore entre mille, mais l'autre voix lui était inconnue.
Inconnu, oui, mais reconnaissable.
Un accent chantant et accentué qui sentait l'été à plein nez. La jeune faë s'arrêta et se glissa derrière un tronc aux racines noueuses, glissant sa tête de côté pour avoir une meilleure vue sur la clairière. La première chose qu'elle aperçut fut Isidore. Il était assis sur un tapis d'herbe, à côté de deux faës vêtues d'armures. Fanélia n'eut aucun mal à reconnaître la cigale brodée sur le poitrail de Aglaé, ni les cheveux auburn de Hyacinthe de Montsoleil. Elle les avait déjà croisés lors d'un bal, quelques mois ou années plus tôt. Le temps se confondait dans son esprit. Quand on possédait l'éternité, les jours ne s'écoulaient pas de la même manière. Fanélia plissa les yeux, sa main rejoignit son poignard, elle agrippa la garde. Que faisaient le neveu du Seigneur Hélios et sa protectrice si loin de Cigiane, la cité sur la mer ? Et pourquoi étaient-ils assis avec Isidore ?
— Nous sommes tous prêts à payer des bourses d'or pour posséder l'un de vos chefs-d'œuvre, disait Hyacinthe, les yeux rivés sur son meilleur ami. J'ai d'ailleurs ouï dire que vous réalisiez de merveilleux portraits.
Fanélia se figea, la main toujours serrée sur son couteau.
Hyacinthe était au courant pour l'art d'Isidore. Elle aurait dû s'en douter. Le secret de son don ne tarderait pas à s'ébruiter dans le royaume d'Ephysia. Adonis, l'ami d'Arzel, avait sûrement parlé aux autres nobles de l'Été. Dès que les faës sauraient à quelle machination ils pouvaient employer les portraits qu'Isidore avait réalisés, certains n'hésiteraient pas à s'en servir à mauvais escient. Peut-être l'avaient-ils déjà fait. Combien souffrait déjà du talent de son meilleur ami ?
Fanélia vit le regard d'Isidore changer. Il contracta ses poignets et se leva d'un bond, arguant qu'il devait ramasser des fleurs. Hyacinthe plissa les yeux et ricana, pour se moquer de lui. Isidore n'en tint pas compte, il se mit à tourner dans la clairière dans une attitude étrange qu'il prenait toujours lorsqu'il ne parvenait plus à se contrôler, ni à canaliser ses émotions. Des fleurs germèrent sur le sol, à ses pieds. Fanélia se pencha plus en avant. Elle gratta sa main sur le tronc, tentant d'attirer l'attention de son ami. Il ne réagit pas, trop occupé par ses fleurs et sa magie. Isidore s'agenouilla sur le sol, laissant sa main glissée au-dessus de l'herbe fraîche qui brillait dans la lueur de la nuit, éclairée par les lucioles.
Fanélia releva la tête. Hyacinthe, penché vers Aglaé, murmurait des mots inaudibles à sa protectrice. La faë sourit en retour, puis se tourna vers Oscar, arme à la main. Fanélia vit son poignard briller, se reflétant dans la lueur de la lune, pourtant étouffée par les hautes branches des arbres. Elle s'apprêtait à poignarder l'humain !
— OSCAR ! FERME LES YEUX !
La voix d'Isidore résonna dans la clairière. Fanélia n'eut pas le temps de réagir.
La forêt s'éteignit sous ses yeux. La faë cligna des paupières et recula. La poussière blanche soufflée par Isidore recouvrit tout l'espace, faisant disparaître d'un seul coup le décor autour d'eux. Les grillons, les fleurs, les insectes, les arbres, l'herbe, même les faës, ne furent plus qu'un voile de poudre blanche. Fanélia éternua, toussa, aspirant des relents de cette poudre aux accents floraux. Qu'est-ce qu'Isidore venait de faire ?
— Il faut partir, entendit-elle.
Fanélia tituba. Ses pieds manquaient de stabilité, elle ne parvenait plus à se repérer. Ses mains en avant, elle tâtait l'air et cherchait à se repérer en suivant la voix de son ami. Elle entendit alors les cris de Hyacinthe, les hurlements de sa garde du corps et leur colère à l'idée de ne plus voir. Dissimulée derrière le tronc, elle avait échappé au plus gros du pollen soufflé par Isidore à partir des fleurs ramassées. Elle demeurait aveugle, un peu étourdie, mais elle pouvait avancer, là où les deux autres faës paraissaient figés.
Fanélia avança, un pas après l'autre, pour rejoindre Isidore et Oscar.
— Isis ! appela-t-elle.
Une main manqua de la saisir. Elle s'écarta d'un bond en apercevant le scintillement d'une dague. La poudre freinait ses mouvements et repères, elle n'y voyait pas à un mètre devant elle. En voulant avancer, son pied heurta une main. Un cri lui répondit. Une autre lui saisit la cheville cette fois-ci. Réagissant à l'instinct, Fanélia lança son poing vers l'avant. Il heurta une armure, lui arrachant une grimace, mais elle repoussa son assaillant.
— Ici ! entendit-elle.
Au milieu d'un nuage de fumée blanc apparaissait un chemin, un s'enfonçait dans la forêt, vers des arbres aux feuilles jaune orangé. Isidore s'y tenait, avec Oscar.
— Tu nous as retrouvé ! s'écria-t-il.
— Nous devons aller au Nord, lança-t-elle, sans tenir compte du soulagement de son ami. La passe d'Elbourz passe par la Cour de l'Hiver.
— Les fleurs nous indiquent l'Ouest, répondit la voix d'Isidore.
— Le Nord, Isidore.
— Nous devons leur faire confiance.
La garde du corps resserra ses poings. La confiance aveugle d'Isidore envers les plantes allait les mener sur la mauvaise route, elle le savait. Mais que pouvait-elle faire d'autre pour le moment ? Autour d'elle, la poudre commençait à se dissiper. Hyacinthe appelait sa protectrice, Fanélia sentait la rage des deux faës et leurs mouvements battre dans l'air. Ils cherchaient à les retrouver et les atteindre. Heureusement pour eux, Hyacinthe n'était que le neveu d'Hélios, il ne possédait pas la magie de ses cousins, sinon ils auraient tous les trois étaient pris par les flammes de ses incendies. Au lieu de cela, il avançait à tâtons, englué et aveuglé par la fumée des fleurs.
Fanélia distingua mieux le chemin à mesure qu'elle avançait dans la clairière. Elle parvint à accélérer pour rejoindre son meilleur ami. Isidore l'attendait, son sac serré contre lui. Ses yeux dorés brillaient de cette étrange lueur qu'ils prenaient toujours quand il usait de son don. Elle se saisit de sa main tendue, tandis que l'autre main d'Isidore attrapait celle d'Oscar.
Tous les trois, ils disparurent dans le chemin, étouffés par la poussière blanche des fleurs de lune. Aspirés par la nuit.
*
Quelques secondes semblèrent s'être écoulées quand ils ouvrirent les yeux. Pourtant, l'aube se levait et la forêt ne se trouvait plus autour d'eux. Au lieu des hautes branches des arbres et des couleurs printanières dont ils avaient l'habitude, les deux faës découvrirent une longue plaine balayée par les vents, à flanc de montagne, s'ouvrant sur une falaise constituée de roches percées. Fanélia relâcha la main d'Isidore, toujours agrippée à la sienne. Le soleil, à cause de gros nuages, jouait à cache-cache dans le ciel. La nuit avait cédé sa place au jour. La forêt à la plaine du Mont Ventoux. Une plaine qu'elle connaissait par cœur, pour l'avoir mille fois arpentée quand elle était enfant.
— Où sommes-nous ? demanda Oscar.
— À Feuillomble, répondit Isidore. La capitale de l'Automne.
Le jeune homme observait autour de lui d'un air perdu. Isidore, à l'inverse, réagissait comme si rien ne le perturbait. Comme s'ils ne venaient pas de franchir une longue distance en l'espace de quelques heures, sans avoir ressenti le passage du temps.
— Je ne vois aucune cité, ajoute le jeune homme.
— Ils sont enterrés, rétorqua Fanélia, le regard noir.
Elle foudroya son ami, et l'humain, du regard, puis s'éloigna. Le vent balayait l'espace de bourrasque, la faisant frissonner. Au loin, la falaise, aux roches sédimentaires, derrière lesquels se trouvaient la demeure de la Dame de l'Automne et de la toute la Cour de l'Automne, l'écrasait de sa masse calcaire. La faë connaissait par cœur ces cavernes, creusées et sculptées dans la roche. Mais s'il y avait bien un endroit où elle avait espéré ne jamais remettre les pieds, c'était celui-ci. Enfant, elle avait passé des heures à arpenter les galeries, trainant dans les pieds des gardes qui la chassaient en maugréant. Elle volait les armes de son père, observait le balai des soldats et de l'Ordre du Terrier, rêvant de faire partie de leur caste. Quand son père avait découvert qu'elle s'entraînait en secret dans l'armurerie, il l'avait rudement sermonné, avant de faire d'elle son assistante. Les souvenirs affluaient un à un, des souvenirs d'une vie heureuse, dont Fanélia ne voulait plus, parce qu'elle n'existait plus.
— Qu'y-a-t-il ? chuchota Isidore.
— Je t'avais dit que je ne voulais pas revenir ici. Je n'ai pas le droit d'être sur ces terres. C'était la condition ! Tu le sais, Isis, tu le sais.
— Mais, je ...
Elle recula encore, s'éloignant un peu plus de son ami avant de dire quelque chose qu'elle regretterait. Cent années s'étaient écoulées depuis la dernière fois qu'elle s'était trouvée là, aux pieds des murailles. Cent années à réapprendre à vivre, dans une autre Cour. Un vent frais souleva la plaine. Des feuilles volèrent autour d'eux. Oscar ne cessait de se retourner sur lui-même, regardant encore et encore le paysage, étourdi.
— Comment sommes-nous arrivés ici ? demanda-t-il.
— C'est à cause des fleurs de lune, expliqua Isidore d'un air nébuleux, je leur ai demandé de nous conduire en lieu sûr. Elles ont ouvert un passage temporel.
— Quel passage ?
— Un pont, si tu préfères. Ce sont des failles qui naissent des vœux que l'on formule, ils permettent de franchir de longues distances.
— C'est ce que tu appelles un lieu sûr ? railla Fanélia.
Cette fois, la rage teinta ses mots. La faë parvenait difficilement à se contenir, les yeux rivés sur la falaise qui l'écrasait de sa hauteur. Isidore l'observa d'un air désolé, ne trouvant visiblement pas de mots pour répondre à son attaque. Il n'avait pas l'habitude qu'elle réagisse ainsi. Ils ne se disputaient presque jamais, la colère de Fanélia n'étant pas dirigée contre lui d'habitude. Mais là, elle écumait. Son ami savait qu'elle ne voulait pas revenir ici. Ils auraient pu atterrir dans n'importe quelle autre Cour faë, mais pas là !
— La Cour de l'Automne est imprévisible, cracha-t-elle. Ils sont rusés et nous prendront en tenaille s'ils nous repèrent. Nous aurions mieux fait de partir au Nord, chez la gardienne de l'Hiver. Je te l'avais dit !
— Ce n'est pas moi qui décide, rétorqua Isidore. Ce sont les fleurs.
— Eh bien tu aurais dû leur parler, à tes fleurs ! cracha-t-elle.
Elle se mit à faire les cent pas. Ses mains ne cessaient de faire des allers retours vers la garde de son poignard, qu'elles serraient et desserraient par intermittence. Les faës de l'Automne ne tarderaient pas à se rendre compte de leur présence. Le chant des feuilles les en avait sûrement déjà informé. Nul ne pouvait pénétrer sur le territoire de la Dame sans que ses renards ne soient mis au courant, de la même façon que les abeilles du printemps savaient toujours quand des faës arrivaient à Apidae.
— La Dame de l'Automne t'apprécie, rappela Isidore. Elle ne s'en prendra pas à toi.
— Je ne parle pas de la Dame ! s'énerva-t-elle. Il y a ici quelqu'un que je ne veux pas revoir, je te l'ai déjà expliqué et ...
— Regardez !
Oscar interrompit leur dispute, le doigt tendu devant lui. Isidore et Fanélia tournèrent la tête d'un même mouvement, levant leurs regards vers la falaise. Des archères, percées dans la roche, venaient d'apparaître. Même de loin, on distinguait la pointe des flèches tendues dans leur direction. La cité souterraine se mit à trembler, le vent souffla plus fort. D'instinct, Fanélia se plaça devant Isidore, le prince serra son sac contre lui, comme s'il contenait des objets précieux. Le vent souffla un air chargé des embruns de la mer, dont on entendait le bruit des vagues, à quelques encablures.
Soudain, les murs de pierre s'écartèrent, ouvrant un chemin vers la cité empierrée, surmontée d'un écrin de feuilles et de branches. Le cœur de Fanélia se serra dans sa poitrine. Malgré son envie de faire demi-tour, une part d'elle-même brûlait de désir à l'idée de retourner dans la cité.
« Je suis de retour chez moi », pensa-t-elle.
Un siècle. Cent ans. Un élan de tendresse la saisit à la vue des rues sinueuses qui serpentaient en direction du palais de pierre et de feuille où vivait la Dame. Un élan aussitôt éclipsé par le sourire carnassier des deux faës aux cheveux roux qui franchirent les portes ouvertes dans les remparts. Fanélia reconnut le renard brodé sur leur tunique, dans un ton orangé. Ses yeux cherchèrent celui qu'elle ne voulait pas voir parmi eux. Ils avancèrent dans leur direction, leurs cheveux roux battant dans leur dos à cause du vent.
— Il n'est pas là, chuchota Isidore, les yeux tournés vers les faës.
Fanélia lui décocha un regard noir. Elle s'en était aperçue, mais cela ne voulait rien dire. Il n'était peut-être pas sorti de son trou pour les accueillir, mais Orfeo vivait ici. Elle avait presque l'impression de sentir son regard, à travers les archères. Maintenant qu'ils étaient repérés, ils leur fallaient une stratégie.
Fanélia poussa un soupir, puis se tourna vers Isidore. Elle allait devoir lui transmettre le plus d'information possible, et le plus rapidement.
— Isidore, il faudra que tu dises à la Dame que nous sommes là pour trouver l'asile.
— L'asile ? répéta celui-ci, étonné. Mais pourquoi ?
— Ton père veut se venger du royaume d'Envarïs, à cause d'une taxe, et d'une histoire d'offense que lui aurait fait le roi Bartheon.
— Quoi ? s'alarma Isidore. Mais de quelle taxe s'agit-il ? Il ne me semble pas que ...
— Peu importe ! le coupa-t-elle ! Ce n'est qu'une excuse, mais c'est pour cela qu'ils ont enlevé Oscar et maintenant que tu t'es enfui avec lui, ils vont vouloir vous retrouver. Valère et Arzel entraînent les troupes pour la guerre. La Cour de l'Été leur a prêté allégeance, l'Automne a refusé de s'allier, nous avons peut-être une chance s'ils ne jouent pas leur jeu.
— Mais...
Fanélia avait conscience de distribuer beaucoup trop d'informations à Isidore, sans lui laisser le temps de les absorber, mais elle n'avait pas le temps de s'étendre. Isidore devait comprendre vite, afin de pouvoir répondre devant la Dame de l'Automne, lorsqu'ils seraient conduits devant elle. Il était un prince du Printemps, rien ne l'empêchait de se trouver là. Mais il était aussi un prince en fuite. Hyacinthe de Montsoleil et Aglaé ne tarderaient pas à atteindre Apidae, ils préviendraient Arzel de sa fuite et Valère enverrait ses Abeilles à sa recherche. Personne ne devait savoir qu'ils se trouvaient ici. Heureusement que le lien qu'elle entretenait avec l'ordre s'estompait avec la distance, sinon, ils auraient déjà été retrouvés.
Fanélia n'avait aucune envie de demander de l'aide à la Cour de l'Automne, mais Isidore n'avait pas de plan, Oscar était trop apeuré et perdu pour réfléchir et ils étaient coincés là. Autant utiliser la neutralité de la Dame pour se protéger. Elle allait être forcée de devenir le cerveau des opérations, au sein d'une Cour qu'elle connaissait comme sa poche, mais peuplée de faës plus rusés les uns que les autres, toujours prêts à faire des coups dans le dos.
Fanélia jeta un regard vers Oscar, elle s'inquiétait de ce que les membres de la Cour de l'Automne pourraient dire. Ils ne pratiquaient pas l'esclavage, dans cette région. Non par sentimentalisme, mais parce qu'ils ne faisaient pas confiance aux êtres humains. Ils préféraient s'épargner leurs présences et ne comptaient que sur eux. Isidore s'était placé près d'Oscar, comme pour le protéger. Fanélia étouffa le soupir qu'elle sentait poindre face au comportement de son ami.
Enfin, les deux faës de l'Ordre des Renards furent devant eux. Celui qui marchait en tête fut le premier à s'adresser à la faë, sans même adresser un regard à Isidore, usant d'une impolitesse rare pour un protecteur. Cela n'étonna pas Fanélia.
— Il y a bien longtemps que vous n'étiez pas venue ici, Fanélia, railla-t-il en la lorgnant de haut en bas. Les Abeilles vous ont adopté à ce que je vois.
— Ni moi que je ne vous avais vu, Aubin. Les Renards vous ont gardé finalement, vous n'avez pas fini enterrer dans un trou.
Les yeux bruns du faë la toisèrent, lorgnant sur l'abeille brodée sur son poitrail. Dans son dos, Fanélia sentait le regard d'Isidore allait d'Aubin à elle. Le renard aux oreilles pointues, épinglé sur le devant du faë, l'observait de ses grands yeux noirs, d'un air rusé. Elle connaissait très bien Aubin d'Orme, un fanfaron agaçant. Le protecteur se trouvait aussi être un très bon ami de son cousin, et également le garde du corps de la Dame de l'Automne. Celui qui l'accompagnait lui était inconnu. Peut-être s'agissait-il de son remplaçant ? À l'époque, elle concourrait pour devenir la protectrice d'Inès de Montfeuille, la seconde fille de la Dame, la première étant protégée par Orfeo.
Aubin se décala sur le côté. Il n'accorda aucun regard à Oscar, mais sourit d'un air énigmatique à Isidore. Les cheveux blonds et emmêlés de son ami flottaient dans l'air froid, de petites feuilles mortes s'y étaient glissées.
— Cette nuit, les vents ont chanté votre prénom, prince Isidore, susurra-t-il. L'histoire d'un faë en fuite. La Dame de l'Automne et son héritière seraient ravies d'entendre ce récit de votre bouche.
— Ce sera avec plaisir, répondit Isidore, mentant effrontément.
Appliquant les consignes de sa garde du corps, Isidore vint se placer à ses côtés, le menton droit, dans une attitude princière et polie.
— Mais ce ne sera pas sans contrepartie, poursuivit-il, appliquant les consignes de Fanélia. Nous sommes venus ici pour réclamer l'asile de la Dame de l'Automne.
— Bien entendu, approuva Aubin. La Dame est toujours prête à accorder sa protection. Fox, mon camarade renard, et moi-même, allons vous escorter.
— Soyez le bienvenu à Feuillomble, prince Isidore, ajouta le dénommé Fox.
Les deux faës s'inclinèrent devant le prince du Printemps, qui leur rendit leur salut. Oscar gardait toujours les yeux rivés sur ses pieds. Avait-il conscience d'être entré dans une Cour peuplée de faës rusés ? Probablement. Car tout, dans l'allure d'Aubin d'Orme, ressemblait au prédateur qu'il était. Il partit devant, suivi par Fox. Fanélia entendit Isidore prendre une grande inspiration, puis chuchoter quelques mots à Oscar. Elle emboîta le pas du faë, bien consciente de retourner dans le terrier qu'elle avait quitté.
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