Chapitre 5:
Ce soir là de retour dans ma chambre je ne dis rien à Émilie et ne remplit pas mon carnet. Cette nuit là je dors particulièrement mal. J'ai mal, mal mentalement, je me sens bête, salie et faible. Je m'endors dans un sommeil agité des larmes séchés sur mes joues.
☆
Retrouve moi à 11h.
À 10h45 je suis dans ma chambre. Émilie est parti améliorer mon masque et l'une de mes robes pour ce soir.
- J'insiste, avait-elle dit, je tiens à ce que tu sois encore plus parfaite que d'habitude.
Je ne suis pas parfaite m'étais-je dis.
Je vérifie inutilement une dernière fois que je suis bien seule avant d'appuyer sur une partie du mur. Activant le mécanisme un passage secret se révèle à moi. J'entre et le referme. Une lumière à la main je suis le chemin familier.
Le sol est dalé, les murs en bon état, ce passage secret est bien loin d'être un chemin humide et froid.
Après avoir marché, monté des escaliers et tourné à de nombreux embranchements j'arrive face à un mur vierge. Je toque. Le passage en face de moi s'ouvre après quelques secondes.
J'entre dans la vaste pièce, la suite dans laquelle Louis vit depuis toujours.
- Bonjour Aliénor.
- Bonjour Louis...
Je souris légèrement.
- Viens t'assoir.
Je m'installe sur l'un des fauteuils et lui sur un fauteuil à côté de moi.
Je le regarde dans les yeux.
- Que se passe t-il?
Il soupire en s'avachissant dans son fauteuil et en passant une main dans ses cheveux signe de sa nervosité.
- Le peuple est plutôt... mécontent, en ce moment.
- Sais-tu pourquoi?
Je reste calme, il en a besoin, je dois être apaisée et détendue, maître de mes émotions et de la situation même si je ressens une profonde angoisse nichée au fond de mon être.
- Il désire plus de pouvoir, mais nous sommes déjà une monarchie constitutionnelle... je ne sais pas quoi faire pour éviter des émeutes.
- Je... je ne sais pas non plus... j'y réfléchirais...
- Merci, souffle t-il dans un soupir
Il se rapproche de moi en me regardant dans les yeux. Sa main se pose un instant sur ma joue. J'oublie de respirer jusqu'à ce qu'il ôte sa main.
Il se recoiffe en me disant précipitamment:
- Désolé, je ne sais juste pas ce que je ferais sans toi.
Je me lève et me place face à lui. Il relève les yeux vers moi lorsque je pose mes mains sur les siennes.
- Je ne sais pas qui je serais aujourd'hui sans toi. Tout le monde à besoin d'une épaule sur laquelle se reposer, et toi aussi.
Je lui souris.
- Arrêtez par pitié de dire que je suis trop merveilleuse pour vous.
- À condition que tu ne me vouvoies plus jamais lorsque nous ne sommes que tous les deux, plaisante t-il avec un sourire taquin sur le visage.
Je tire légèrement sa main pour qu'il se lève. Il me domine d'au moins une tête. Mon cœur s'emballe soudainement, mes joues s'échauffent.
Quelques secondes se passent durant lesquels nous nous regardons tout simplement dans les yeux sans parler et en osant à peine respirer.
- Aliénor, tu pourrais me pardonner?
- Bien sûr...
- Ferme les yeux...
Privé de la vue je sens ses mains passer derrière ma nuque avant que ses lèvres viennent s'écraser sur les miennes.
Mon souffle se coupe et mon cœur explose. Prise d'une subite impulsion je passe mes mains derrière sa nuque et m'accroche à lui comme à une bouée.
Il s'éloigne un peu de moi, je rouvre les yeux et vois que les siens brillent. Ses mains s'accrochent aux miennes.
Aucun de nous n'ose parler. Le souvenir de la veille vient se mélanger à ce baiser, j'ai l'impression de m'échouer sur la plage, je devrais peut-être y rester et me laisser mourir. Mes sentiments tourbillonent et se mélange dans ma tête, perdue je finis par reculer lentement avant de faire demi-tour et d'ouvrir le passage secret.
Je me retourne lorsque Louis m'attrape la main. Je lui fait un léger sourire voulant paraître rassurante avant de disparaître dans le tunnel.
Je m'arrête une fois le mur refermé derrière moi, je me sens perdue. Ma vie est entrain de tourner au cauchemar. Être la meilleure amie du roi a fait naître une rancœur envers moi. Mais là. Là. Là Louis m'a embrassé. Le roi de France. Louis XIX.
Je deviens ce que j'ai toujours nié être.
Et, aujourd'hui, je crois que je suis effrayée. J'ai peur, je suis terrorisée parce qui pourrait m'arriver après ce qu'il s'est passé avec le Comte Denier. J'ai peur que d'autres s'en prennent à moi. J'ai peur des regards haineux que je subis déjà. J'ai même peur qu'au fond Louis se serve de moi. Je marche alors, lentement, dans les couloirs, la peur et l'angoisse m'ensserre les entrailles. Mon cœur se tord. Je me sens vasciller.
Je me met soudainement à courrir comme pour y échapper, j'ai envie d'hurler, de pleurer et de taper les murs. Arrivée dans ma chambre je m'effondre contre le mur.
Je ne pleure pas. Je regarde sans comprendre mes mains qui tremblent inconsciemment. Je suis prise de haut le cœur. J'ai l'impression de respirer du verre pillé.
Quand soudain tout s'arrête.
Je rouvre les yeux sans me rappeler les avoir fermer, je suis assise contre un mur de ma chambre. Je respire normalement, mes membres ne tremblent plus comme ayant une vie propre. Comme si rien n'était arrivé.
Je reste un instant sonné. Je finis par me relever et me dirige devant la glace. Mon traître de miroir reflète la même personne que d'habitude pourtant je me sens étrangement... vidée.
Je me contemple sans vraiment comprendre ce que je vois. Des cheveux bruns, une taille plutôt marquée, une peau claire et des yeux bruns, je semble vivante et pourtant je ne ressens plus rien, j'ai l'étrange impression d'être tombée dans un trou noir, je ne sais pas exactement ce que j'y ai perdu mais ça me manque déjà.
Je me rappelle tout à coup que c'est presque l'heure du déjeuner. Je me ressaisie, fixe un sourire décontractée sur mon visage et part pour me rendre dans la Salle à Manger.
Lorsque j'arrive toutes les têtes se tournent vers moi et tous se taisent. Alors que je ne comprends pas ce qui se passent tout semble basculer. Les discussions vont bon train et personne ne me regarde. Je cligne des yeux perplexe, mais m'avance tout de même jusqu'à la table fait une révérence puis m'assied.
- Aliénor?
Une voix grave me fait ressortir de l'ombre.
- Elle devrait avoir honte de ne pas écouter un prince, chuchote Priscillia à Marie Ange qui hoche la tête en toute réponse.
Je peux sentir mes joues s'empourprer, qu'a bien pu me dire le Prince italien?
- Il faut croire mesdemoiselles qu'un simple prince ne mérite pas l'attention d'une fleur comme mademoiselle Gautier ! s'exclame t-il en attrapant son verre avec enthousiasme.
En réponse les autres prétendantes gloussent, l'italien vide son verre d'une traite sans me quitter des yeux une lueur fâchée dans les siens.
Je me sens perdue, je ne m'étais rendue compte de rien, comme si tout avait disparue autour de moi, comme si j'avais quitté un instant la réalité.
- Je... je suis confuse, je crois que je ne vais pas très bien aujourd'hui, pourriez-vous répéter?
- Comment faites vous pour être aussi agaçante? me demande t-il avec un grand sérieux.
- C'est votre présence qui me rend agaçante, répondis-je du tac au tac en plissant mon nez
Ses yeux déjà noirs semblent s'assombrir, sa machoire se contracte sous l'effet de la colère. Tant mieux, il l'aura bien cherché.
Soudain, une petite voix vient me rappeler ma peur, elle s'insinue en moi et fige ma colère ne laissant à la place qu'une crainte. Après tout qu'est-ce qui me prouve qu'il ne me fera pas de mal?
Je jette des coup d'œils autour de moi. Peut-être qu'ils me veulent tous du mal? Qui sait ce qui se passe dans leur tête ? Ils sont peut-être tous comme le Comte Denier.
Je me rends de nouveau compte que je n'étais plus là, Enzo et les demoiselles rient de bon cœur. Je ne sais plus ce qui se passe des millions de peurs viennent s'accumuler en moi. Et ça me donne encore plus peur.
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