Chapitre 41 :

Les hourras de joie résonnent autour de moi. Ils sont tous destinés à mon mari. Les italiens m'accepteront ils un jour ? Le poids de la couronne fait légèrement pression sur mon crâne, rien d'insupportable, mais je sentais qu'elle me pèserait de plus en plus au fil des ans. Supporterais je ce poids ?

5 ans plus tard.

—  Oh Julius, dis-je avec amour en le serrant dans mes bras. Comment vas tu aujourd'hui ? As-tu bien dormi ?

— Bonjour maman. Oui j'ai bien dormi et toi ?

— Moi aussi, merci de demander.

Il sourit de toutes ses dents l'air tout fier.

— Oh. D'ailleurs. Je me demandais. Maman pourquoi tu es reine d'Italie alors que tu es française et tata est reine de France alors qu'elle est italienne ?

Je jette un coup d'œil à mon mari à ma gauche qui nous observe également une lueur amusée au fond de ses yeux. Je me retourne de nouveau à ma droite, vers mon fils assis sur une chaise plus haute.

— Je suis reine d'Italie car j'ai épousé ton père. Pour ta tante il en est de même, elle était mariée au roi de France et donc reine de France.

— Mais il n'y a pas de roi en France, s'étonne t-il.

— C'est un peu compliqué, dis-je.

— Dans les grandes lignes, explique Enzo, ta tante et son mari ont été expulsés du trône français il y a quelques années. Celui-ci est mort. Ma sœur a décidé avec notre soutien de se battre contre celui qui avait pris leur place. Elle vainquit et retrouva le trône destituant un roi qui devenait injuste envers son peuple et qui n'était motivé que par le pouvoir.

— Je crois que j'ai compris ! s'exclame t-il avec un sourire laissant apparaître sa dent manquante tombée la veille.

— Tu es très intelligent, lui dis-je.

— Alors je peux aller jouer ?

Je ris.

— Fini ton petit-déjeuner et après tu devras voir avec ton père.

— Tu rejettes la responsabilité sur moi, me chuchote t-il sur le ton de l'offense.

— Tout à fait. Après tout c'est toi le roi.

— J'ai finis !

— Très bien, tu peux sortir de table, mais tu dois d'abord travailler tes langues étrangères avec ton professeur. Il doit être en train de t'attendre devant ta chambre.

Il soupire exagérément à la manière toute particulière que les enfants partagent.

— D'accord.

— Ne sois pas dépité, lui dis-je de ma langue natale. 

Il plisse les yeux, un air de grande concentration plissant son visage encore innocent et préservé de la rudesse de ce monde. 

— Tu as raison je dois bien travailler ! 

Je lui souris tandis qu'il vient m'embrasser avant d'en faire de même avec son père et de quitter la salle remplie de nobles.

Notre famille ne vivra jamais tranquillement, ne puis-je m'empêcher de penser.

Les évènements de la veille me reviennent en tête. Nous étions sortis en ville pour une apparition publique à l'occasion de l'ouverture d'un nouveau musée. Le discours d'Enzo fut salué d'applaudissements et de sifflements approbateurs et enthousiastes. Le temps que je prenne une inspiration pour déclarer à mon tour quelques mots, la foule était déjà en train de huer. Je pus dire un mot. Un seul mot. Un unique mot, avant qu'un crachas n'atteignent le sol devant moi. Le regard noir et furieux d'Enzo et la seule chose qui les a fait arrêter de huer. Je me suis sentie si incomprise et impuissante, mais également dangereuse. Dangereuse pour mon fils, dangereuse pour mon mari. Le problème des révolutions c'est qu'elles peuvent se propager comme un feu de forêt alors, même si la situation en France a été apaisée avec brio par Catherine, j'ai peur. J'ai peur que mon mari ne soit assassiné. Il est aimé du peuple certes, mais je représente le maillon faible de la famille et malgré mes efforts, les italiens ne me portent pas dans leur cœur. Je me suis fait une raison, jamais cela ne changera, mais jusqu'où mon échec aura des conséquences ? Jusqu'où je représente un danger pour mon mari et notre enfant ? Quand arrivera le jour où Enzo prendra de nouveau une balle qui m'était destinée ? Quand arrivera le jour où la balle sera fatale et me retirera celui que j'aime ? Quand arrivera le jour où Julius perdra son père parce qu'il est prêt à mourir pour sa femme ?

Cela fait quelques temps que de telles pensées me taraudent. Celui de la veille n'était pas le premier incident ; il ne serait pas le dernier non plus. Cela fait quelques jours que je n'arrive plus à regarder Enzo en face car je le vois sans cesse l'air mort sous mes yeux, comme il y a 5 ans, mais, cette fois-ci, la mort ne serait pas un avertissement mais une fin. Peut-être que je suis égoïste. Je ne sais pas. Je sais que l'on souffrira tous les deux de notre côté mais je ne supporterais pas qu'il meurt. Oui... c'est peut-être égoïste. Mais je ne me vois plus vivre ainsi, je n'ai plus la force d'être la reine d'un peuple qui préfèrerait ne pas en avoir. Je crois que cette fois-ci, il faut que j'agisse sans aucune perspective de retour en arrière. 

— Gian. 

— Oui, Votre Majesté.

— J'aimerais discuter de quelque chose d'important avec vous. 

— D'accord, dit-il l'air un peu perturbé mais me suivant quand même à l'intérieur du salon de la suite qu'il surveille pour nous depuis des années. 

— Asseyez vous.

Cherchant à démêler les fils de pensées qui naissent et s'accroissent dans mon cerveau, je mets un peu de temps avant de m'assoir à mon tour et de reprendre la parole.

« Je pense que je dois quitter le palais. 

— Vous devez... faire une course ? demande t-il prudemment.

— Non. Je dois sauver Enzo du malheur certain qui finira par lui arriver si je reste auprès de lui.

— Vous n'êtes pas obligés de...

— Si. Mais, si je vous en parle c'est pour une raison bien particulière. Vous devriez également quitter le palais... vous et Alda. 

— Mais, elle s'est mariée, elle...

— Serait ravie de recommencer une nouvelle vie et, cette fois-ci, à vos côtés. 

— Etes-vous sûre que... ?

— Nous passerons pour deux sœurs. Je trouverais un métier et vous formerez une famille. Nous partirons ce soir.

— Ce soir ?

—Ce soir. Prévenez votre future épouse. Demain, l'Italie perdra sa reine mais gagnera un souverain plus fort. »

Je soupire.

« Mon mari va me manquer... mon fils va me manquer, » je murmure à moi même.

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