Chapitre 37 :
Je dois avoir l'air royal. Si je veux que l'on m'écoute, que l'on me respecte, je dois avoir l'air royal. L'ai royal et l'air sûre de moi. Je ne peux avoir aucun doute, aucune crainte, aucune hésitation. On ne me prendra au sérieux que si je suis parfaite. Je ne le suis pas. Je n'ai plus qu'à en avoir l'air. La perfection n'est pas un but, c'est une façade que l'on se construit pour être pris au sérieux.
Alors je construits ma façade. Ma tumeur peut excuser de nombreuses choses du passé, mais pas mon attitude présente. Maintenant, je n'ai plus le droit à l'erreur. Dans la salle de bain, je me déshabille entièrement. J'enfile un autre corset que je serre à m'en faire mal. Je dois me débarrasser de cette peur qui semble me poursuivre partout. Cette impression que je ne serais plus jamais celle que j'étais me suis partout. Une robe propre sur le dos, j'ose enfin me regarder dans le miroir. Il me renvoie l'image de mon crâne nu et rasé. Il me renvoie l'image de cicatrices que je n'avais pas avant. Je me couvre la tête d'un châle, de honte.
Je me détourne rapidement de ce reflet, ne supportant pas m'y voir. J'enclenche la poignée dorée de la porte et retrouve Enzo. Il a désormais une chemise et une veste propre. Ne plus voir de sang sur ces vêtements ôte un poids de ma poitrine alors que je n'avais même pas conscience de son existence. Un sourire franc apparaît sur son visage en me voyant.
— Tu es prête. Et magnifique.
— Toi aussi. Ne nous reste plus qu'à affronter ton père.
— Il était décidé à rentrer en guerre la dernière fois que je l'ai vu, nous ne pouvons qu'espérer que nous le convaincrons.
— Nous devons nous battre pour le convaincre.
Il hoche la tête, son attachant sourire toujours aux lèvres et me tend le bras, m'invitant à le saisir.
Je ne peux m'empêcher de remettre en question nos capacités à changer le destin. Mon cœur vibre au rythme de l'adrénaline qui traverse mes veines. Plus nous nous rapprochons du bureau du Roi, plus je peux la sentir me remplir d'excitation. Sombre et douce excitation qui me fait avancer vers mon angoisse. Remplaçant le courage, elle nous pousse à avancer, le problème de l'adrénaline c'est qu'elle part rapidement laissant sa place à l'angoisse, encore plus forte. Lorsqu'un garde nous ouvre la lourde porte et que je vois le Roi, son visage sévère et semblant inflexible avant même que l'on n'ai commencé à parler, mon adrénaline s'évapore et l'angoisse m'engloutit sous sa vague, me coupant le souffle. Si mon bras n'était pas accroché à celui du brun, je ne sais pas si je me serais avancer à l'intérieur.
Les épais sourcils du Roi se froncent en nous voyant.
— Enzo, que fais-tu ici ? Pourquoi viens tu me voir ?
— Je vais aller droit au but, père. Je suis venue pour vous convaincre de ne pas déclarer la guerre à la France.
Il hausse un sourcil, l'air à la fois curieux et interrogateur.
— Alors, pourquoi ne devrais je pas le faire ? Pour les yeux de ta française ?
— Pour ton peuple.
Les yeux du Roi s'assombrissent. Un instant, j'ai l'impression d'y déceler du regret, mais cette expression sur son visage s'efface en un instant.
— Ils ne peuvent pas comprendre les enjeux... je le regrette.
— Vraiment, tu le regrettes ? Et bien figurez vous que moi aussi je ne le comprends pas.
— Faux. Tu fais semblant de ne pas comprendre car la réalité ne te conviens pas. Penses tu que cette décision me fasse plaisir ? Que je fais cela pour ma satisfaction personnelle ?
— Alors pour qui le fais tu ?
— Pour moi, dit une voix au timbre familier.
D'un même mouvement, Enzo et moi nous tournons vers la nouvelle arrivante. Entrée par une porte avoisinant le bureau, la sœur de mon époux venait de rentrer. La fille du roi d'Italie. L'épouse de Louis. L'ancienne reine de France. Catherine. Enzo la regarde bouche bée, moi, par réflexe, je m'incline.
— Inutile, Aliénor, je ne suis plus reine.
Mon mari se décide finalement à s'avancer. Il prend maladroitement sa sœur dans ses bras, comme si il n'en avait pas l'habitude... ou plutôt qu'il n'en a plus l'habitude.
— Comment as-tu réussi à quitter la France ?
— Grace à Louis. Lorsque j'ai appris l'arrivée d'un garde de chez nous en France, je l'ai immédiatement prévenu. Il a refusé de m'accompagner. Il tenait à ce que je vive, et que je rejoigne ma terre natale... mais il a explicitement refusé de fuir. Il s'est arrangé pour détourner l'attention de son usurpateur pendant que je quittais le palais. Les gardes frontières m'ont aisément laissé passé. Je ne sais pas de quel côté ils sont, mais me voir rentrer en Italie ne leur semblait pas être un danger.
— Et tu veux la guerre ? s'étonne son frère.
— Je ne la veux pas, piccolo re, j'en ai besoin. J'ai un devoir envers la France, j'ai un devoir envers mon mari. Je ne peux pas les laisser mourir, et nous ne pouvons pas détruire le régime d'Henry Guojène autrement.
— Si. Il suffirait de prouver ses mauvaises intentions. Remettre en question son ascension au pouvoir. Ses capacités.
— Je ne pense pas que nous parviendrons à nos fins par la paix, me corrige doucement mais fermement mon ancienne reine.
— Je ne le crois pas non plus, rajoute son père.
— Cependant, si je n'avais pas pris de balle, je serais roi. Je pense que cette décision m'appartient.
— Mais tu as pris cette balle fils, et de toute manière ma décision est prise.
— Je m'y oppose père.
— Le roi de France est au bord de la mort, le mari de ma fille, je ne peux pas rester indifférent et le laisser s'effacer de l'histoire.
— Je serais roi.
— Je le sais, je ne m'oppose pas à cela, cette idée était la mienne.
— Je veux que le couronnement est lieu le plus tôt possible.
— Cela ne changera rien.
— Que tu le crois père, que tu le crois. Allons y Aliénor, leur parler ne changera rien.
— Ne parle pas comme ça Enzo, le réprimande faiblement son père.
— Je ne suis plus un enfant.
Le roi soupire mais Enzo s'est déjà détourné je le suis en dehors du bureau sans un mot de plus. Le voyant continuer son trajet, je continue également d'avancer. Je préfère ne rien dire, je vois bien qu'il a besoin de réfléchir. Alors j'en fait de même et lorsque finalement il s'affale dans le fauteuil d'un salon vide, je m'assieds à côté de lui une idée germée dans mon esprit.
— Henry Guojènne a accédé au pouvoir grâce aux réseaux sociaux. Nous devons faire comme lui. Nous devons...
— La seule solution c'est que je devienne Roi, que je fasse la paix avec le nouveau roi de France et qu'on le laisse sur le trône qu'il a volé.
— Nous ne pouvons pas faire cela...
— Bien sûr que si, et c'est ce que nous allons faire.
— Non, dis-je avec fermeté, c'est ce que tu vas faire. Pas moi.
La fureur bat dans mes veines. Je suis écœurée de voir qu'il abandonne aussi facilement. Alors que j'allais ouvrir la porte il m'interpelle.
— Je te déçois ?
Je reste un instant de dos, hésitant à dire ce que je pense. Finalement, je laisse mon cœur et mes émotions prendre le dessus sur ma raison, je le regarde par dessus mon épaule.
— Oui, dis-je durement avant de finalement sortir.
Il est peut-être à court d'idées mais pas moi. Les réseaux ont permis à Henry Guojènne de prendre le pouvoir ; ils me permettront de le reprendre à mon tour.
Installée dans un fauteuil de notre suite, je note sur mon carnet mes idées. Je les développe, les affute, les modifie. Je prépare mon plan, je ne dois pas sauter d'étapes si je veux parvenir à mes fins. Une fois tout cela mis au clair. J'attrape mon téléphone et commence à m'enregistrer. Je fais plusieurs vidéos avant d'être enfin prête. L'adrénaline me donne le courage de la publier mais une fois cela fait, je ne peux m'empêcher de stresser et de trembler légèrement. Je repose mon téléphone et enlève le son, je n'ai pas le courage de regarder les réactions. Je n'ai plus qu'à espérer que tout se déroule comme prévu.
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