Chapitre 23 :
La colère a éclaté, la paix a volé en éclat, l'équilibre était encore plus précaire que je ne le croyais.
Notre départ ne s'est pas passée comme prévue... pas du tout en réalité.
Mes souvenirs sont flous mais les choses se sont a peu près passé ainsi pour moi :
Enzo est venu me chercher dans mes appartements à Versailles. Nous avons traversé les larges couloirs pour rejoindre dans le hall les autres familles royales pour les adieux d'usages et les cadeaux de remerciements.
La cérémonie a été ennuyeuse mais je m'y attendais.
Une fois celle-ci terminée, chaque famille royale a rejoint ses voitures garées dans la cour du palais.
Installée dans une voiture privée avec mon fiancé, ses parents installés dans une autre nous sommes partis par le grand portail en fer forgé du château royal français.
La surprise est arrivée dans la ville même de Versailles, débarquant de tout côté le peuple avait bloqué l'artère principal. Ils étaient plusieurs milliers, toutes sortes d'armes en mains, du bâton au pistolet, à nous regarder de travers et à hurler leur haine contre les monarques. À crier au mensonge, à l'arnaque, au mépris et à l'arrogance de leur roi.
Un instant est passé sans qu'il n'avance vers nous mais rapidement il se sont rués vers nous. J'étais sous le choc de cette foule se ruant vers nous. Je crois que je serais restée stoïque si Enzo ne m'avait pas attrapé par la taille et fait sortir de la voiture.
Les gardes se plaçaient pour retenir la population pendant que l'on courait pour emprunter une rue perpendiculaire.
Là aussi il y avait plein de monde, et nos tenues ne nous aidez pas à nous fondre dans la masse. Personne ne nous à attaqué, mais nous étions bousculés et hués.
Je me suis demandée où nous pourrions nous réfugier, mais je me suis rapidement rendue compte que nous étions seuls et perdus, nous n'avons nul part où aller. Malgré tout nous avons continué d'avancer dans ses rues inconnues et bordées de bâtiments immenses qui me donnaient le tournis.
Il s'était tourné et m'avait dit, malgré son inquiétude apparente sur son visage, que tout irait bien.
Et moi j'étais paumée et désorientée par le bruit de la foule qui nous entourée. J'étais tout sauf rassurée.
Je me demande désormais comment ils ont su que l'on partait aujourd'hui. Peut-être ne le savais t-il pas. Peut-être qu'ils allaient au palais comme en octobre 1789.
L'histoire se répète toujours et nous serre dans son étau.
Plus nous avancions moins il y avait de monde et moins ils faisaient attention à nous. Je me suis dit que nous devions être en sécurité mais quand même loin de l'Italie. Enzo allait me dire quelque chose lorsqu'une femme se pointa devant nous et m'attrapa par le bras. Elle m'entraîna en disant :
- Vous, vous venez avec moi.
Elle n'était pas bien intimidante et semblait plutôt inoffensive, mais Enzo pris tout de même mon autre main dans la sienne.
- Vous devez être perdus Vos Jesaispasquoietjemenfoudevostitres. Vous en faîtes pas je suis gentille.
Elle avait un drôle d'accent. Elle accentuait certaines lettres plus que d'autres ce qui donnez une dynamique étrange aux mots.
- Où nous emmenez vous ? a demandé mon fiancé avec méfiance.
- Chez moi. Vous attirez trop l'attention ici, a t-elle simplement répondu.
J'ai trébuché si souvent pendant le trajet que cela a commencé à exaspérer notre guide.
- Tu le fais exprès ou quoi ?
- Non...
- Aliénor ?
Enzo s'est placé derrière moi et m'a attrapé par la taille pour me soutenir.
J'ai vu des papillons danser devant mes yeux durant plusieurs secondes, le sol, quant à lui, tanguait sous mes pieds. Après quelques instant, je retrouvrais toutes mes facultées.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Rien. Emmenez-nous.
Elle ne dit plus rien.
Depuis longtemps nous avions quitter le centre, les bâtiments étaient de plus en plus bas. Je voyais le paysage changer autour de moi, des arbres étaient plantées pour rafraîchir l'athmosphère.
L'inconnue nous a fait entrer dans un des bâtiments par une porte sombre placée à côté d'une vitrine.
- J'habite à l'étage, dit-elle, et en bas c'est ma boutique.
La porte donnait directement sur un escalier pentu et étroit. J'ai lâché la main chaude de l'homme à mes côtés pour gravir les marches éclairées.
Nous découvrons les lieux, assez petit, et les raisons de la propriétaire.
Elle nous explique la montée en puissance du sentiment d'injustice contre le monarque. Le peuple s'est rallié derrière un homme, pour se battre contre un pouvoir injustifié.
Je ne crois pas avoir un quelconque rôle là-dedans.
Aliénor Gauthier
Duchesse du Haut-Rhin
Lundi 25 mai 2322
Quelque part dans la ville de Versailles
☆
- Et qu'est-ce que vous attendez de nous ? se méfit l'italien.
- Rien. Mais s'attaquer aux autres monarchies est une mauvaise idée.
- Vous voulez éviter une guerre, dis-je en observant une boule lumineuse.
- Euh... ouais. Ouais.
Je pose mon carnet sur la commode.
- Vous auriez un stylo ?
- Qui utilise encore ça ? s'étonne t-elle sincèrement.
Je me retourne et la dévisage. Enzo soupire.
- Tenez Aliénor, dit-il en me tendant ce que j'ai demandé.
- Merci.
Tandis que j'écris, les deux autres restent sans parler, le prince regarde par une fenêtre, les bras croisés, pendant que la femme tapote ses genoux de ses mains.
Ce bruit est assez agaçant et, sans que je ne m'en rende compte je me retrouve le bras tendu vers elle. Mon stylo est sur ses cuisses, une légère marque barre sa joue.
- Tes coups de colère sont excessifs Aliénor.
Je me tourne subitement vers lui.
- Je... oui... mais non... c'est pas moi.
- Ah bah si, confirme notre hôtesse, d'ailleurs je préférerais que ça ne se reproduise pas.
- Et bien excusez-moi... d'ailleurs, comment vous nommez-vous ?
- Darly, elle me regarde avec suspicion en me redonnant le stylo.
- Merci, dis-je gênée
Je reprends l'écriture, chaque mots qui apparaît sur le papier me donne l'impression d'un peu plus m'encrer dans la réalité.
Je me retourne vers Darly.
- Et du coup, vous êtes contre le mouvement révolutionnaire ?
- Non. Je suis d'accord, le roi n'est pas légitime.
Enzo se joint à la conversation.
- Légitime ? Alors vous n'êtes pas contre le système monarchique mais contre le roi ?
- Oui. Cette dynastie n'a aucune raison d'être au pouvoir. Henry Guojènne descend de Louis XVI lui, pas d'un anarchiste qui a fait un coup d'Etat.
- Je ne suis pas certaine que le terme d'anarchiste soit adapté... mais... attendez. Vous dîtes qu'il existe un descendant des Bourbons ?
- Oui.
- C'est mauvais ça, dis-je à Enzo.
- La situation politique internationale va devenir instable dès lors que celle de la France sera menacée.
- Elle l'est déjà. Je pense que la vie du roi ne tient qu'à un fil.
- Ça a presque l'air de te faire plaisir, remarque mon fiancé.
- Le sort de Louis met désormais égal, comme lui pour le mien. Il n'a plus qu'à régler seul ses problèmes.
Enzo semble pensif, il se retourne vers la fenêtre un air maussade au visage.
Soudain je réalise qu'elle tête est en danger avec celle du Roi de France. Je m'approche de lui et pose ma main sur son épaule.
- Tout ira bien pour Catherine, elle pourra toujours trouver asile en Italie.
- Sauf si elle meurt avant.
Il plante sur moi des yeux noirs aux émotions indéchiffrables, avant de se tourner avec détermination vers Darly.
- Nous ne pouvons pas rester, pourriez-vous nous conduire à l'aéroport ?
- Pas aujourd'hui, répond la fille aux cheveux rouges et violets, dans une semaine minimum. Paris descend jusqu'à Versailles, c'est trop dangereux de s'y rendre en sens inverse... surtout avec vos vêtements.
- Une semaine c'est trop long Enzo.
- Je trouve aussi, mais nous n'avons pas le choix. Pourriez-vous nous prêter des vêtements plus, disons, communs ?
- C'était prévu, par contre cessez de me vouvoyer je suis pas une princesse en verre moi.
- Pourquoi en verre ?
Elle souffle.
- Laissez tomber. Je vais chercher des vêtements.
Le style de Darly n'avait rien de conventionnel. Je la regardai partir avec son haut moulant à motifs en transparence, son collant résille et son pantalon large qui s'arrêtai en dessous du genou. On imaginerait jamais s'habiller ainsi à la cour. J'avoue j'étais un peu nerveuse de savoir à quoi j'allais ressembler, c'était plus simple de s'inquiéter pour ça que pour notre situation, que pour les autres membres des monarchies européennes, que pour la France, que pour Louis...
- Enzo, que ferons-nous une fois en Italie ?
- C'est-à-dire ?
- Si la France est menacé, si le Roi et la Reine sont menacés, que ferons-nous ? La guerre ?
- Je ne sais pas, je n'en ai aucune idée.
- Quelles traces laisserons-nous dans l'histoire ? je murmure mais seul l'univers peut le savoir et il ne me répond pas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top