Chapitre 19:
Je reste longtemps dans un état de confusion la plus totale. Lorsque je cligne les yeux et reprend le fil du temps la Reine est partie depuis bien longtemps. Je cesse de fixer le couloir et emprunte une direction au hasard. De toute manière, je ne sais pas où je veux aller. Nulle part en faite. Ou bien si, je serais bien dans les jardins, ou seule dans ma chambre. Mais je ne peux pas m'y terrer. Pas aujourd'hui. Pas après avoir parler à la Reine. Je dois empêcher Enzo de faire la plus grosse erreur de sa vie: m'épouser. Je me doute qu'il ne voudra pas m'écouter mais je me dois d'essayer.
Oui. C'est la bonne chose à faire, n'est-ce pas? Si. Oui? Non.
Je pousse un grognement de rage je dois vraiment arrêter de me tourmenter l'esprit en considération diverses et variées. Je jette un œil à côté de moi, tant pis pour les gardes qui m'entourent, ils doivent de toute manière très bien savoir que je suis cinglée.
Je m'arrête abruptement, je me tourne vers le garde le plus proche.
- Sauriez-vous par hasard où se trouve son Altesse le prince Enzo?
- Il me semble, mademoiselle, qu'il est au petit salon du troisième étage.
- Aile est ou ouest?
- Je ne sais pas mademoiselle.
- Très bien. Merci.
Je lui fais un sourire pour la peine et me rends au troisième étage.
Je croise plusieurs groupes de nobles, mais je ne m'arrête pas pour leur demander quoi que se soit, se serait une très mauvaise idée. En haut de l'escalier je tourne mon visage à gauche et à droite. Habituellement, le prince est au deuxième étage dans l'aile est. Je suppose donc qu'il est également dans l'aile est à cet étage.
Devant la porte du salon, je distingue des voix confuses. Je toque. Personne ne répond. Je réitère. Toujours personne. Soudain une exclamation soudaine se fait entendre derrière la porte.
Mais que se passe t-il bon sang?
Oubliant mes bonnes manières je tourne la poignée et ouvre la fameuse porte. Derrière j'y trouve une servante en proie aux attouchements du Comte Denier.
Elle jette sur moi un regard de surprise, de terreur et soudain d'espoir. Lui me jette d'abord un regard rempli d'agacement puis de haine et finalement d'amusement. Il lâche la servante. Elle s'empresse de s'enfuir alors que moi je reste figer à le regarder se tourner lentement vers moi, un sourire en coin aux bouts des lèvres. La terreur m'envahit en même temps que les souvenirs. La douleur que j'ai ressenti mêlé au dégoût, à la peine, à l'écoeurement. L'échec. Tout me revient avec la force d'un raz de marais qui m'engloutit et qui me laisse vulnérable et seule.
Je dois partir, m'enfuir. Mais alors pourquoi je reste sans bouger?
- Tu ne t'enfuies pas?
Il continue de s'approcher jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres de moi, il effleure ma joue du bout des doigts et me souffle.
- Alors c'est que tu veux rester.
Il m'attrape et me colle à lui, une main sur mes fesses par dessus mes jupons.
- Je crois qu'on devrait fermer la porte, me dit-il
- Je... non...
- Non? dit-il d'un ton doucereux. Non? Quelle drôle d'idée ma belle.
Sans savoir comment j'arrive à sortir de ma léthargie et de l'amprise du traumatisme. J'éloigne mon torse du sien, me contorsionne et crie à travers la porte restée ouverte:
- Aidez-moi ! Aidez...
Il pose sa main sur ma bouche m'empêchant ainsi de continuer. Je me débat lorsque deux gardes arrivent en courant.
- Monsieur. Que se passe t-il ici?
- Espèce de trainée, chuchote t-il à mon oreille avec une rage non dissimulée avant de me pousser brusquement vers les gardes. L'un d'eux me rattrape par le bras quand l'autre attrape le Comte.
- Que faîtes vous? demande t-il hautainement.
- Nous vous emmenons au Roi.
- Inutile d'importuner le Roi pour cela, dit-il son assurance se craquelant légèrement.
- Je crois que si monsieur, répond le garde qui me tient toujours.
Le garde pousse hors de la pièce le Comte et l'emmène le tenant par les deux bras. Je reste immobile alors que le second tire légèrement sur mon bras pour me faire réagir.
Je cesse de fixer le vide et vrille mes yeux dans ceux verts du garde.
- Vous aussi mademoiselle.
- Quoi dont? je fronce les sourcils, fatiguée et perdue.
- Le Roi doit entendre votre témoignage.
- Non, je secoue la tête, non... je ne veux pas, je ne peux pas, j'affirme en détournant le regard.
- Je comprends que ce soit dure mademoiselle mais c'est mon rôle.
Je soupire mais le laisse tout de même me conduire, je ne veux pas qu'il ait des problèmes à cause de moi. Ainsi, nous ne nous arrêtons que lorsque nous arrivons devant la porte entrebaillée de la salle de réunion. À l'intérieur je distingue la voix fâchée du ministre des finances.
- Garde comment pouvez-vous estimer qu'une simple affaire de nobles puisse être un motif pour interrompre une réunion du conseil?
- Duc de Brandès laissez-le s'exprimer et nous saurions déjà de quoi il en retourne, le réprimande Louis.
Le garde pose un dernier regard sur moi, je prends une profonde inspiration alors qu'il ouvre la porte et que les regards des ministres et de Louis se posent d'un même geste sur moi.
- Votre Majesté, Messieurs, Dames les ministres, nous avons surpris le Comte en train d'agresser la Duchesse, dit le garde aux yeux verts.
Si j'avais été plus attentive je me serais interroger sur le fait que le garde connaisse nos titres, cependant toute mon attention était accaparée par le regard de chien battu que m'avait lancé Louis avant qu'il ne devienne plus dure que la pierre.
- Agresser verbalement ? demande l'un des ministres
- Sexuellement, répond simplement le garde.
Le regard froid de Louis s'embrase d'un seul coup, il frappe son poing sur la table son regard aussi noir que l'abîme planté sur le Comte. Il se lève lentement du fauteuil luxueux sur lequel il reposait, une aura terrifiante et imposante autour de lui.
- Expliquez-vous, si vous voulez ma clémence il faudra vous montrez très convainquant Comte.
- Votre Majesté c'est une erreur.
- Une erreur ? Pourquoi devrais-je vous croire plus que mes gardes?
- Plus que votre putain surtout.
Il ricane.
- Tout peut lui être pardonné n'est-ce pas? Alors pour s'envoyer en l'air avec le Roi pas de soucis mais avec un autre c'est un viol, c'est ça ? me crache t-il au nez.
Je recule surprise par son agressivité, je heurte le torse du garde qui se tenait derrière moi. Je me tourne vers lui. Je m'apprêtais à m'excuser puis je me rappelle mon rang, le sien, le lieu où je suis et avec qui, se serait une marque de faiblesse de s'excuser auprès d'un garde. Aussi je me contente de me retourner de nouveau face au Roi quittant les yeux anormalement bienveillant du garde.
- Duchesse, qu'en est-il ?
Je prends une profonde inspiration et commence à lui raconter:
- Je cherchais le Prince Enzo, dans un couloir du second étage j'ai demandé à des gardes s'il savait où je pourrais le trouver. On m'a alors informé qu'il était à l'un des petits salons du troisième étage mais sans savoir s'il s'agissait de celui de l'aile est ou de l'aile ouest. Habituellement le Prince est au salon du deuxième étage de l'aile est, j'ai donc choisi d'aller de ce côté-ci. J'entendis des voix à travers la porte, je supposai donc qu'il s'agissait de Son Altesse italienne. Personne ne vaint m'ouvrir lorsque je frappai à la porte. Lorsque j'entendis une exclamation provenant de l'intérieur j'ouvris la porte, inquiète de ceux qui pouvait se passer, j'y découvris le Comte en train d'essayer d'abuser d'une domestique. Lorsqu'ils me virent, elle profita de sa surprise pour fuir. Et là, c'est moi qu'il essaya d'agresser. J'appelai au secours alors qu'il me retenait et les gardes arrivèrent.
- Très jolie histoire Duchesse, mais tu oublies tout ce qui est intéressant... Et si nous commençions par le fait que tu aurais pu t'enfuir lorsque tu nous as surpris?
- Je...
- Alors?
- Aliénor. Réponds, m'ordonne le Roi.
- J'étais pétrifiée par la peur.
Avec désarroi, je me rends compte que c'est encore le cas. Rien que de savoir qu'il est dans la même pièce que moi m'angoisse.
- Ridicule, proteste le Comte, tu en avais envie, je suis sûre que je te manquais depuis la dernière fois...
Le sous-entendu derrière ses mots est à peine dissimulé. Quelque chose se brisa dans le regard de Louis, quelque chose qui réduit à néant ce qui aurait pu rester de notre amitié.
Je tente de prendre la parole:
- Le...
- Silence ! assène t-il avec une colère évidente, j'en ai suffisamment entendue. Vous pouvez partir.
Sans le punir?
Ma surprise n'es pas seule, les ministres se lancent des regards perplexes tandis que le Comte semble jubiler.
Une voix masculine s'élève derrière moi:
- Votre Majesté, vous ne pouvez pas laisser un tel comportement impuni.
- Garde, essayez-vous de me dire ce que je dois faire? gronde la voix du Roi
- Non, Votre Majesté.
- Très bien, je préfère cela... vous pouvez disposer.
Je reste figée sous le choc mon regard posé sur mon ancien ami qui me regarde avec une pointe de dégoût et de dédain. Je sursaute lorsque le garde pose sa main sur mon épaule.
- Mademoiselle, il fait un geste vers la porte, nous devons y aller.
L'autre membre de la garde s'en est déjà allé avec le Comte. Sans un dernier regard pour le Roi j'emprunte la porte et débouche dans le luxueux couloir, je m'arrête lorsque le garde ferme la porte derrière moi.
Je regarde passer des courtisans qui discute gaiement entre eux, ai-je encore ma place parmis eux?
- Mademoiselle? son ton est si doux qu'il me donne envie de pleurer.
Je me tourne vers lui l'expression fermée.
- Qui a t-il ?
- Voulez-vous que je vous raccompagne jusqu'à vos appartements ?
- Oh. C'est gentil. Non, c'est vrai, j'oubliais, c'est votre devoir. Je ne veux pas retourner dans mes appartements.
- Alors, où voulez-vous aller?
Je réfléchis quelques instant à peine.
- Dehors.
Il grimace.
- Je ne crois pas que ça va être possible.
- Que s'est t-il donc passé hier?
- Vous n'étiez pas au bal? s'étonne t-il.
- J'en ai passé une grande partie à l'extérieur.
- Je vois. Des comportements irrespectueux y ont eu lieu. Ils ont été attribué au non noble.
- Attribué? Comment cela attribué? Ce bal était masqué comment peuvent-ils savoir qui a agit? Et quels comportements irrespectueux?
- Cela fait beaucoup de questions, remarque t-il. Des paroles, des gestes, beaucoup de nobles s'en sont plaint. Et non, il n'y a pas de preuves et, entre nous, je surveillais le bal, je n'ai absolument rien remarqué, je ne suis même pas certain qu'il y avait des membres du peuple.
- Le Roi a ordonné cette interdiction de sortir?
- Oui mademoiselle.
Je soupire, si il continue à faire les mauvais choix le peuple va se soulever et l'histoire s'est très bien comment cela se termine à chaque fois.
- Le Roi court à sa perte.
- Je ne peux pas dire de telles choses.
- Mais moi si.
J'envisageais de partir sans prévenir qui que se soit mais dorénavant comment pourrais-je abandonner mon pays alors qu'il est au bord de l'implosion?
- Mademoiselle?
Je fixe mes yeux sur ceux du garde, je lui souris.
- Merci.
Je renonce à lui demander de me faire sortir en douce. J'aime la France. Je ferais tout pour elle. Je ne suis pas Reine mais je dois assumer les responsabilités de ma conscience de la situation.
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