Chapitre 15:

Je regarde longtemps après qu'il soit parti dans la direction qu'a emprunté Louis.

Je chuchote dans le vent:

- Je vais reprendre ma vie en main.

Tu n'es pas assez forte.

Silence, laisse-moi tranquille.

Je me détourne et manque renverser Marie Ange. Je m'empresse de m'excuser, elle me réponds d'un sourire rassurant mais je sens le regard du prince italien me jauger.

Sois le maître de ta vie.

Je repousse la petite voix qui me répète que je n'en suis pas capable et m'adresse à l'italien d'une voix posée.

- Je n'apprécie guère la façon dont vous me jugez du regard votre Alt...

- Je ne vous juge pas. Mais vous me posez problème.

- Problème ?

- Oui. Je sais qui vous êtes.

- Je vous demande pardon ?

- Mes parents ne vous apprécient guère.

- Votre discours n'a ni queue ni tête.

- J'aimerais passer plus de temps avec vous mais je ne crains que je ne le puisse pas.

- Cela tombe bien je n'ai quand à moi nullement l'intention de vous tenir compagnie.

- N'avez-vous rien deviné?

Deviné? Mais de quoi bon sang me parle t-il?

- Je ne sais pas de quoi vous parlez.

- Alors bonne soirée à vous très chère, dit-il en s'inclinant un peu face à moi avant de proposer son bras à l'autre demoiselle qui, passive à côté de nous, s'est rapidement fait oublié.

Je les regarde partir légèrement désarçonnée, pourquoi rien ne se passe jamais comme je le voudrais?

Le reste de la journée je la passe à broder dans ma chambre et à réfléchir.

Je me répète qui je suis. Que je suis forte. Que j'ai des certitudes. Que je maîtrise ma vie. Et ce prince italien qui revient sans cesse dans ma tête, mais qu'essayait-il de me dire?

Je jette la broderie contre un mur, je n'ai plus aucun vase à briser, je frappe durectement le mur de mon poing.

- Pourquoi je ne maîtrise plus rien?! Pourquoi je ne comprends rien ?! je tourne mon visage vers le ciel, qu'est-ce que j'ai fait de mal?!

Je me mets à trembler des pieds à la tête, j'amène ma main à mon visage pour essuyer les larmes qui en coulent, vainement. Un flot continue de larmes coulent de mes yeux sans que je ne puisse l'arrêter.

La dernière chose dont j'ai conscience c'est le noircissement progressif de ma vision.

Je ne sens plus le sol sous mes pieds, tout est sombre, froid et noir. Des images se succèdent dans mon esprit. Mais je ne distingue rien à part les émotions qu'elles me procurent, peur succède à la peine, un soupçon de colère et de résignation et soudain une douleur immense. L'impression de ne plus pouvoir respirer et de brûler. Mon sang semble bouilloner dans mes veines, me brûlant de l'intérieur alors que ma peau se retrouve à vif, léchée par les flammes. Je ne meurs pas car tout ça n'est qu'une illusion alors que la douleur est bien réelle.

Impossible cependant de me réveiller.

Je brûle éternellement, je souffre le martyr éternellement et je m'asphyxie éternellement.

Soudain quelque chose m'atteint, je le sens à peine, juste une petite fraîcheur sur mon bras. J'hésite entre me raccrocher à cette fraîcheur et me laisser me perdre dans les flammes. Finalement, sans savoir pourquoi, je m'accroche, la fraîcheur se diffuse en moi et soudain je cesse de brûler.
Je sens le sol sous mon corps et une main sur mon bras. J'ouvre difficilement les yeux.
Je croasse:

- Emilie?

- Madame comment vous sentez-vous ?

Je ne réponds pas, incapable de dire un mot de plus. J'essaie de m'appuyer sur mes coudes pour me relever.

- Lentement madame, faîtes attention.

Je grogne mais malgré ma tête qui pèse lourd dans mon crâne, je me mets en position assise.

- Faîtes attention, répète t-elle

Je hoche la tête renforçant alors mon malaise mais je tends quand même ma main pour qu'elle m'aide à me lever.

- Vous êtes sûre?

Je lui adresse un regard sévère, elle déglutit et m'attrape la main et la taille pour m'aider à me lever.

- Merci Émilie.

- De rien madame...

Mon regard se porte vers la fenêtre et je fronce les sourcils.

- Émilie... quelle heure est-il?

- Presque 19h.

Mes yeux s'arrondissent sous le choc.

- J'ai passé toute la journée dans le coma?

- Presque madame. Je ne vous est trouvé qu'il y a environ une demi-heure et je n'arrivais pas à vous réveiller.

Je suis toujours sous le choc mais j'essaie de le dissimuler à ma femme de chambre pour pas qu'elle s'inquiète encore plus.

- Préparez-moi pour le bal.

- Vous êtes sûre madame? Vous venez de vous réveiller ce n'est pas très prudent.

- Je ne vous demande pas votre avis... préparez-moi.

Face à mon ordre, elle s'empresse de chercher mon costume. Étant donné l'heure à laquelle elle termine de me maquiller, me coiffer et m'habiller j'ai vraiment du l'effrayer. Je m'en veux un peu de l'avoir traité comme cela, mais désormais, de toute manière, elle doit déjà se douter que j'ai un problème. C'est un miracle qu'elle ne met pas fait interner.

Je me pose sur la banquette faisant face à une fenêtre et lui dit sans la regarder:

- Laisse moi... s'il te plaît.

Comme si elle me donne un top départ, lorsque j'entends la porte de mes appartements se fermer des larmes commence à couler le long de mes joues lavées du sang que j'avais étalé dessus avant de m'évanouir. Je les laisse faire, sans rien faire j'attends l'heure du bal arriver.

Mes larmes ont séché sur mes joues lorsque cette heure arrive. Comme un automate je sors de ma chambre, traverse les couloirs, descends les escaliers et puis, pénètre par la grande porte ouverte sur la Salle de Réception.

J'ai à peine fait quelques pas qu'un homme déguisé élégamment et portant un chapeau de cowboy apparait devant moi un grand sourire aux lèvres.
Il s'incline en me tendant quelque chose.

- Madame.

J'attrape le fruit en pâte d'amende et croque dedans sans hésiter une seconde. Le sucre ravive mes papilles et ravie mon cerveau. Il n'y a rapidement plus rien, je finis la sucrerie en quelques bouchées.

- Et bien Monsieur merci pour cette douceur.

- Mon bonheur passe par la vision de votre regard qui s'est mit à pétiller en la voyant.

- Ne pouvez vous pas croire qu'autre chose puisse les faire pétiller?

- Jamais je n'oserais me bercer de telles illusions, cela risquerait de me briser.

- Sauf si ce ne sont pas des illusions, dis-je les yeux rivés dans les siens.

Des étincelles illuminent son regard.

- Accepteriez-vous cette danse? demande t-il l'air peu sûr de lui.

- Oui, dis-je dans un souffle

Un doux sourire s'affiche sur ses traits, il me tends une main. Je pose dessus la mienne, gantée à cause de mes blessures. Il m'entraîne avec une certaine délicatesse, nous nous mettons en place au milieu des danseurs et pourtant seuls au monde attendant le début de la prochaine musique. Lorsque les notes emplissent l'air, délicates et mélancoliques, il me prend par la taille de son autre main et nous nous balançons simplement. Tournant légèrement à chaque pas, nous dansons comme si rien ne comptait d'autre. Nous restons silencieux et aucun de nous deux ne veut briser ce silence, un silence qui nous englobe, nous entoure, nous protège presque, un silence agréable car tous ce qu'il veut me dire se lit dans ses yeux.

Nous sommes tellement absorbés par l'autre qu'aucun de nous deux ne remarque que la musique s'est terminé avant que la prochaine commence brisant toute la douceur. Cette musique sauvage m'effrait et je sursaute, posant immédiatement ma main sur ma poitrine, mon cœur battant follement à l'intérieur.

Je soupire.

- Je ne m'attendais pas à un tel changement de style.

Un léger rire sort de ses lèvres.

- Moi aussi j'ai été surpris, affirme t-il un air amusé sur le visage

Je feins exagérément d'être offusquée.

- Vous vous moquez de moi.

- Jamais. Jamais je ne me moquerais de vous. Jamais je ne laisserais quelqu'un se moquer de vous.

Mon âme est attiré vers la sienne. Son attitude sérieuse me touche autant que sa promesse, je vois dans ses yeux qu'il le pense vraiment. Je plaisantais en affirmant qu'il se moquait de moi et lui m'a parlé avec une telle certitude. Je ressens un pincement au milieu de la poitrine et une douleur sourde dans tout mon être, il est la plus belle chose que je n'ai jamais connu, le rocher stable au milieu de l'océan déchaîné, il est mon pilier. C'est de lui dont j'ai besoin pour retrouver l'équilibre alors que tout mon corps se bat contre mon esprit, c'est de lui dont mon cœur a besoin.

Je ne peux pas le perdre après ce bal.

- Et si... on sortait un peu?

- Bien sûr... dit-il de la tendresse dans la voix

Nous sortons de la salle mon bras posé sur le sien, nos pas à l'unisson.

Passés les portes, je remarque que la nuit est entrain de s'installer.

- C'est si beau, je murmure comme si parler à haute voix risquerait de briser la magie du moment

- Oui, répond-il simplement

Nous continuons d'avancer, seul le bruit de nos pas trouble le calme ambiant. Nous finissons par nous arrêter à l'une des terrasses, près de la balustrade, je regarde le ciel n'osant pas le regarder.

Je distingue le bruit de sa respiration et ses doigts sont l'égèrement cripés autour de la balustrade. Je n'ose plus rien dire. Je n'en ai pas le courage, heureusement, il semble lire en moi et se tourne dans ma direction pour me dire après un raclement de gêne:

- Voulez-vous bien que nous retirions ces masques? Sinon, ce n'est pas grave mon cœur vous appartiendra pour l'éternité et vous resterez l'ange aue j'ai eu l'honneur de rencontrer, rajoute t-il précipitamment par peur de me vexer

Mais là je n'en ai clairement rien à faire du protocole.

Ayant détourné mon regard des étoiles, je lui dis taquine:

- Je retirerai mon masque si vous retirez le vôtre.

Un sourire étire ses lèvres, il lâche mon bras et se tient en face de moi.

- Fermez les yeux, murmure t-il de sa voix grave

Je les ferme.

- Est-ce que vous trichez?

- Bien sûr que non! je proteste

- Alors... je vous montre combien de doigts ?

Il tend quatre doigts mais ça je ne le sais pas.

- Quatre!

Il ne répond rien.

- Et moi? je lui demande en levant mon index

- Deux doigts, répond-il, car nous serons tous les deux heureux

Sa poésie me fait rougir et me trouble, comment peut-il affirmer une telle chose? Qui est-il en réalité?

Sa voix coupe court à mes interrogations.

- À trois, nous enlèverons nos masques...

Je hoche la tête en signe d'acquiescement oubliant qu'il ne me voit pas.

- Un, je chuchote

- Deux, répond-il en écho

- Trois, nous murmurons en cœur

J'ôte ma perruque et enlève le masque avant d'ouvrir les yeux et de le voir à visage découvert.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top