Chapitre 36

Réunion de famille


Heureusement, Hirelda était arrivée à temps. Depuis son arrivée en ville, elle se demandait où se trouvaient Noria et ses amis. Grâce aux pouvoirs de Gavion, les villageois qui avaient tenté de les arrêter furent rapidement pris dans des racines et complètement paralysés. Ils découvrirent alors l'auberge et tous les survivants qui s'y cachaient. Hirelda avait retrouvé Siana et Allen. L'Alchimiste s'occupait de trouver un remède au mal des villageois, mais Noria ne se trouvait pas à ses côtés. Allen lui expliqua le plan de Noria, et quand elle apprit son départ pour la caserne, Hirelda aurait voulu la gifler. Seule ? Contre Artos ? Alors qu'elle ne pouvait pas utiliser ses pouvoirs ?

Désormais, Noria gisait près d'elle, à bout de force. Une nouvelle gerbe de sang sortit de sa bouche avant de se laisser tomber contre un pilier de pierre.

– Tu es venue, souffla-t-elle en esquissant un faible sourire.

Hirelda la toisa. Elle aurait bien aimé la gifler, mais elle le ferait une fois cette histoire terminée. Pour l'instant, elle ne supporterait pas une baffe de cette envergure.

– Reste là, dit-elle simplement. Je m'occupe de lui.

Hirelda détourna le regard de son amie si mal en point. Cela lui brisait le cœur de la voir dans cet état. Noria semblait vouloir dire quelque chose, mais une quinte de toux l'en empêcha. Sa malédiction était à un stade bien trop avancée, il fallait en finir avec ça une bonne fois pour toutes.

Artos revint sur le terrain de combat en se frottant la joue.

– Tu veux t'occuper de moi ? plaisanta-t-il. Ce n'est pas ce coup surprise qui va venir à bout du combattant que je suis. Et puis...

Il la désigna d'un mouvement de tête.

– Tu n'es pas de taille. Dois-je te rappeler ta défaite ?

Hirelda ne répondit pas. Après l'entrainement qu'elle venait de subir ces derniers jours, elle ne perdrait pas face à lui. Ses blessures aux bras l'empêcheraient peut-être de se donner à fond, mais les techniques de Gavion lui restaient suffisamment en tête pour calmer les ardeurs d'Artos.

Pour seule réponse, Hirelda prit position. Artos ricana et l'imita. Après quelques secondes à se jauger, Artos s'élança vers elle avec assurance. Il tenta quelques coups, mais Hirelda évitait tout sans difficulté. Puis finalement, alors qu'il essaya de lui asséner une puissante droite, Hirelda attrapa son poignet et se servit de la puissance de son attaque pour la retourner contre lui. Elle tournoya sur le côté, tout en accompagnant son bras vers l'avant. Surpris, Artos fut emporté par sa force alors qu'Hirelda lui frappa l'arrière du genou. Il chancela avant de faire volt face.

– Je vois, dit-il en s'écartant de la Titanomage. Tu as pris des cours de corps à corps ?

Hirelda ne répondait pas, une concentration centrée sur son adversaire. Consciente qu'elle n'était pas assez forte pour vaincre certaines personnes dans ce monde, elle devait garder la tête froide et s'améliorer.

Cette fois, la Titanomancienne chargea la première. Les deux adversaires échangèrent un tas de coups, essayant de trouver une ouverture pour terrasser leur adversaire. Artos tentait de la déstabiliser en visant ses jambes, mais Hirelda esquivait habilement chacune de ses tentatives.

Hirelda frappa le sol à côté du pied d'Artos. Celui-ci se para d'un large sourire face à cette erreur, mais ce qu'il ne savait pas, c'était la stratégie de la jeune femme. Une épaisse écorce recouvrit subitement sa jambe. Surpris, Artos abaissa son bras pour se protéger, mais le genou d'Hirelda le frappa avec brutalité. Il émit un hoquet de stupeur, alors qu'Hirelda sentit son coude se briser.

Artos recula de quelques pas pendant qu'Hirelda faisait disparaître son armure.

– Tu ne m'auras pas deux fois... grinça-t-il.

Le combattant s'élança de nouveau dans un cri de rage, mais Hirelda évita son attaque avec grâce. Elle tournait autour de lui, esquivant chacune de ses attaques. Les exercices de Gavion avaient payé et maintenant, elle arrivait à suivre ses mouvements sans problèmes. Il lui suffisait d'un peu d'entrainement pour devenir véritablement plus forte.

Artos se fatiguait tout seul. Bientôt, ce fut sa colère qui prit le dessus. Il n'aimait pas être malmené par quelqu'un qu'il pensait plus faible que lui. Hirelda attrapa de nouveau un de ses poings, et profita de la force d'Artos pour l'entrainer dans la direction qu'elle voulait. Emporté par sa vigueur, il ne parvint pas à se dégager. Hirelda remis l'écorce sur sa jambe et le frappa en plein torse, provoquant une forte douleur sur son adversaire, qui se plia en deux. Ensuite, elle pivota pour se retrouver dans son dos, souleva Artos et le jeta par-dessus son épaule.

Le guerrier se releva malgré la douleur. Son visage crispé par la rage.

– Bordel, depuis quand tu es devenue aussi forte ?

– Et toi ? Depuis quand tu es aussi faible ? railla Hirelda pour le pousser à bout.

Artos serra les poings.

– Je croyais que tu protégeais la famille Orwyn ? C'est ce que j'ai cru comprendre de votre conversation en arrivant. Mais finalement, tu n'es qu'un pantin qui ne sait même pas faire la différence entre le bien et le mal. Tu te sers des excuses pour tes actes répréhensibles. Un abruti, en somme...

Artos grinça des dents.

– Je ne te laisserai pas m'insulter de la sorte ! Tu ne sais rien !

Artos se jeta sur elle avec une haine sans pareille. Hirelda fit de même et le combat prit une dimension que Noria ne pensait pas voir un jour. Les deux adversaires se frappaient de leur poing à une vitesse folle. Plus question de chercher une ouverture, le premier qui craquerait serait le perdant.

– J'ai juré de protéger Nirven par tous les moyens ! Tel est mon serment ! hurla Artos.

– Et moi celui de protéger Noria ! répondit son adversaire.

Chaque adversaire était à égalité, mais Hirelda savait qu'elle ne pouvait pas gagner de cette façon. Ses bras étaient bien plus frêles que les siens et ses os ne tiendraient pas. Alors malgré la douleur, elle cria de rage pour couvrir ses bras d'une épaisse couche d'écorces. Cette fois, plus question de parer, les poings de chaque adversaire se rencontraient coups après coups.

– Tout ce qu'il fait, c'est pour sa femme et sa fille ! hurla Artos. Vous ne savez rien !

– Cesse de te chercher des excuses ! répondit Hirelda d'un ton ferme. Je ne laisserai personne faire du mal à ma pote !

Finalement, la puissance d'Hirelda augmenta lorsqu'elle puisa dans la magie du Titan d'origine, comme leur avait appris Gavion. Augmentant sa force, ses écorces devinrent plus résistantes et bientôt, les doigts d'Artos craquèrent. Un à un, ils se brisèrent sous la force d'Hirelda.

Artos n'en pouvait plus. Grimaçant de douleur, sa vitesse baissa. Hirelda en profita pour pousser les bras du combattant sur le côté, laissant son torse à découvert. La Titanomancienne le frappa d'une puissante droite en plein cœur. La cage thoracique se brisa sous la puissance de son coup. Artos fut éjecté au loin en crachant une gerbe de sang, jusqu'à rencontrer le mur d'enceinte qui se lézarda face à l'impacte. Il retomba au sol au bord de la mort, gisant tel un cadavre.

Hirelda le rejoignit et s'agenouilla devant lui.

– Tu n'aurais pas dû obéir à ton serment.

Il leva péniblement la tête vers elle.

– Protège... là. Comme j'aurais... dû... murmura-t-il en sortant le pétale rouge.

Une larme coula le long de sa joue avant qu'il ne rende son dernier soupire. Hirelda récupéra l'objet et retourna voir les deux femmes. Elle aida son amie à se relever et Arine lui vint en aide. Ensemble, elles retournèrent vers l'extérieur sans craindre l'intervention des villageois. Ils étaient tous empêtrés dans des racines et meuglaient sauvagement face à leur paralysie.

– Qu'est ce qui se passe ? demanda Noria d'une voix faible.

– C'est notre Sage, répondit Hirelda d'un ton froid.

La colère d'Hirelda ne pouvait pas se calmer. Voir Noria dans cet état la rendait folle de rage. Son envie de la gifler était toujours là, mais elle ne pouvait pas se permettre de la brutaliser après tout ce qu'elle venait de subir.

– Je suis désolée... lui dit Noria.

De simples mots. Avaient-ils un sens ? Elle n'arrêtait pas de le répéter, mais continuait à agir comme une imbécile.

– Tu as intérêt à t'en sortir, gronda Hirelda.

En sortant, les villageois étaient tous coincés dans des racines et des blocs de terre. Devant l'entrée de la caserne, le reste des habitants encore lucide attendaient les trois Titanomanciennes. Gavion leur faisait coucou avec le sourire, comme un gamin qui verrait sa mère. Ozia et Kain étaient de retour, non sans des bandages autour de leur blessure. Et évidemment, Siana faisait boire un antitode aux villageois assailli par la malédiction.

Une fois à leur niveau, Allen poussa tout le monde pour observer Noria. Il se sentit honteux de ne pas y être aller à sa place. Il souhaitait lui dire, mais cela n'aurait aucun sens maintenant. Il la prit dans ses bras et, la mine affolée.

– Ça va aller, Noria ? demanda-t-i ld'une voix chevrotante.

Elle acquiesça, au bout de sa vie.

– Je vais survivre... murmura-t-elle difficilement.

– On en est où ? demanda Ozia. Vous avez les pétales ?

Hirelda lui montra l'objet en question.

– On peut donc se rendre au domaine, déclara Kain. On va affronter le père de Noria. Comment s'y prend-on ? On ne va pas se jeter sur lui sans stratégie ?

– J'ai une proposition ! leur dit Gavion d'un ton joyeux.

Hirelda secoua la tête dans un soupire. Cela l'aurait étonné d'entendre ça de sa part. Il semblait s'amuser alors que ses amis étaient tous blessés. Elle ne comprenait toujours pas cet homme mystérieux, même après avoir passé plusieurs jours avec lui.

– Je vais m'occuper des villageois tout seul, expliqua-t-il. Siana reste en retrait pour tenter de prélever le sang du père de Noria pendant que vous l'affrontez. Pas mal non ?

– Et pourquoi vous ne viendrez pas vous battre ? demanda Hirelda.

Gavion haussa les épaules.

– Je serais plus utile ici, non ?

Hirelda soupira face à ce mensonge évident.

– J'ai l'impression que vous nous laissez tout le travail, dénonça Kain en croisant les bras. À chaque fois, c'est nous qui nous nous battons.

Tout le monde acquiesça, laissant le Sage face à ses responsabilités. Il récupéra l'antidote dans les mains de Siana et s'éloigna en leur faisant un coucou de la main.

– Il vous faut grandir, les enfants. Je ne peux pas être partout.

Il disparut sur ces mots. Hirelda se gratta la tête, songeuse.

– Je ne comprends rien à ce type.

– Tu étais où, toi ? demanda Kain. On t'attendait !

– Je suis partie m'entrainer avec le Sage qui nous laisse tout le boulot.

– Et pourquoi ce retard ?

Hirelda soupira.

– Je n'ai pas envie de te répondre, dit-elle en scrutant le manoir au loin. On peut avancer ? Noria ne va pas tenir longtemps !

L'état de Noria alarma tous ses amis. Elle n'arrivait même plus à tenir debout. Siana se proposa de prendre la place d'Hirelda, comme elle ne pouvait pas se battre. Cette dernière accepta et accompagna Allen, Ozia et Kain. Ils allaient pouvoir attaquer le manoir des Orwyns, en espérant récupérer le sang de Nirven rapidement.

Le groupe rejoignit les grilles envahies par les plantes carnivores. Cette fois, les trois détenteurs des pétales les insérèrent dans leur emplacement approprié. Lorsqu'ils furent réunis, ils s'illuminèrent vivement et toutes les tiges, racines et fleurs carnivores, se décomposèrent en une fine pluie de cendre noire. Enfin libre, Hirelda prit la tête en ouvrant les grilles dans un grincement métalliquer.

Les Titanomanciens traversèrent le jardin de devant parfaitement entretenu. Ils arpentaient une belle allée pavée qui menait jusqu'aux grandes portes du manoir. Hirelda observait les environs, soucieuse de voir des mercenaires dissimuler derrière les quelques arbres épars. Mais il régnait un calme morbide en ces lieux. Elle ne pouvait pas nier qu'elle avait peur de ce combat, même s'ils étaient plusieurs.

Lorsqu'ils arrivèrent près des marches qui menaient aux portes, les battants s'ouvrirent. Sur le qui-vive, Allen dégaina sa claymore et se plaça en tête de file. Hirelda se mit à ses côtés, eux qui n'avaient pas encore subi les blessures d'un combat difficile. Ozia et Kain restaient juste derrière eux, prêts à en découdre eux aussi.

– Edmond Larucard, murmura Noria d'une voix chevrotante.

Un homme d'une cinquantaine d'années vêtu d'un magnifique costume trois-pièces sortit du manoir. Il passa la main dans ses cheveux parfaitement brossés en arrière, avec une petite mèche rebelle entre les yeux. Il posa ses yeux dépourvus d'émotion sur Noria, avant de gratter sa barbe de trois jours.

– Dame Noria, dit-il d'une voix douce. Bienvenue chez vous.

Il fit une légère révérence avant de se redresser. Il descendit chaque marche avec élégance, puis s'arrêta face à Allen et Hirelda.

– Je suis navré de vous voir de retour en si mauvaise condition...

Hirelda n'arrivait pas à deviner ses intentions. Il portait bien une rapière à son ceinturon, mais il n'avait pas l'air de vouloir la dégainer, lui qui restait bien droit, contemplant l'ensemble des Titanomanciens face à lui.

– Vous n'avez pas changé... articula Noria avec difficulté.

Cette fois, Hirelda entendit son soupire, et sa mine basse trahissait sa tristesse.

– Ce qui est loin d'être votre cas, dame Noria.

Un silence suivit sa phrase. Tout le monde était à cran, les mains crispées sur leurs armes. La première personne à faire un mouvement de travers signait un véritable massacre.

– Comptez-vous nous barrer la route ? demanda Noria de sa faible voix.

Une quinte de toux lui brula la gorge. Hirelda pivota vers elle, nerveuse, les poings serrés. Elle n'aimait pas perdre du temps ici alors que son espérance de vie continuait de diminuer de minute en minute. Edmond fit un pas vers elle, mais rapidement, Allen brandit son arme vers lui. Il s'arrêta et le toisa du regard.

– J'ai ordre de votre père d'empêcher quiconque d'entrer.

Hirelda était déjà prête à se battre. Qu'importe la personne en face d'elle. Elle avait déjà un plan pour faire diversion et laisser les autres passer pour permettre à Noria de dénicher son père le plus rapidement possible.

– Mais je ne compte obéir à celui-ci, avoua Edmond.

Sa phrase laissa tout le monde perplexe.

– Voyez-vous, j'ai fait le serment de vous protéger lorsque vous êtes nées. Telle fut la demande de votre mère. Or, je ne peux me résoudre à braver cette promesse. C'est pourquoi je vous dirais que votre père vous attend dans son bureau, mademoiselle.

Il s'écarta et les invita à entrer en se baissant légèrement. Tout le monde s'observait, hésitant à suivre sa proposition. Mais Edmond ne semblait animé par aucune envie meurtrière.

– Merci, Edmond, murmura Noria.

Le groupe monta les escaliers un à un, jusqu'à se retrouver dans la demeure des Orwyn. C'était la première fois qu'Hirelda mettait les pieds dans un bâtiment aussi luxueux. Un gigantesque tapis aux armoiries de la famille recouvrait le carrelage rutilant. Des tapisseries et des tableaux ornaient les murs, tandis qu'un magnifique lustre accueillait les visiteurs en déversant sa belle lumière blanche. Le mobilier sentait le bois de qualité à tous les étages.

– Où se trouve le bureau ? demanda Allen en observant chaque recoin du hall.

– Là-bas, leur dit Arine en montrant un escalier d'un geste de la tête. On monte et ce sera dans le couloir sur votre droite, puis la double porte sur la gauche.

Hirelda s'élança jusqu'à l'escalier. Ses bottes salissaient le tapis rouge qui recouvrait chaque marche, mais elle n'en avait cure. Sa furieuse envie de détruire tout ce qu'elle voyait pour blesser son père envahissait tout son être. Mais plus elle suivait les indications de l'ancienne servante, et plus elle se rapprochait du dernier affrontement de cette mission. Elle allait enfin sauver son amie du terrible sort qui l'attendait.

Devant les doubles portes en question, Hirelda prit une profonde inspiration. Allen à ses côtés, il posa la main sur la poignée puis observa son amie.

– Prête ? demanda Allen.

Hirelda hocha la tête.

– Allons-y.

Les deux amis ouvrirent les portes en même temps, dévoilant un splendide bureau. Une cheminée dont le feu crépitait sur le côté et répandait une douce chaleur dans la pièce. Des étagères de livres s'étendaient sur les murs, tandis qu'un long bureau de marbre occupait une partie de la pièce, jonché de parchemins en tout genre. Et derrière, debout face à l'immense baie vitrée qui occupait tout le mur du fond, un homme se tourna vers ses invités.

Le regard mauvais. Un visage anguleux et colérique, orné de longs cheveux noir de jais aux pointes grises. Il posa un verre de cristal rempli de vin sur le meuble et remis en ordre le haut col de sa veste bordeaux asymétrique. Courte sur le devant, elle laissait apparaître son pantalon noir et la ceinture qu'il portait à la taille. Il croisa les mains derrière son dos, comme s'il voulait montrer aucune animosité envers les Titanomanciens.

– Papa... murmura Noria.

L'homme la toisa du regard. Il n'appréciait même pas de revoir sa fille. Hirelda avait une furieuse envie de lui coller son poing dans la figure. Nirven Orwyn ne répondait pas, il restait muré dans le silence. Ainsi, voilà l'homme qui faisait de la vie de Noria un enfer.


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