Chapitre 26

Les gorges d'Ilrim


Alors que les palmes faisaient avancer le bateau et que les moteurs vrombissaient, le groupe entamait son entrée dans les gorges d'Ilrim. Bien plus inquiétant qu'il n'y paraissait, une légère brume flottait au-dessus de l'eau. De part et autre, une forêt très dense s'étalait au loin, alors que de hautes montagnes apparaissaient à l'horizon de la rivière. Petit à petit, Noria n'entendait plus les oiseaux chanter, et le vent s'arrêtait, comme si la mort régnait en maitre en ces lieux.

Plus personne ne parlait sur le bateau. À mesure qu'ils avançaient, Noria ne voyait toujours pas de trace d'une quelconque colonie humaine. Ce calme la mettait mal à l'aise, malgré Allen qui se tenait à ses côtés, déjà sur le qui-vive. Comme son père ne lui parlait jamais des endroits qu'il visitait, Noria ne connaissait pas cette partie de la région.

– Tu sais où on doit se rendre ? demanda Kain en brisant le silence.

– Il y a un ponton pas loin, expliqua Siana. Nous devrons nous y arrêter car la rivière devient trop dangereuse par la suite. Entre les courants et les rochers, c'est un coup à chavirer.

Le groupe resta concentré sur les bordures de la rivière, à la recherche du moindre ennemi. Mais il n'y avait toujours aucune vie dans ces gorges. Noria sentit un frisson lui parcourir l'échine, alors qu'ils s'enfonçaient toujours plus loin. Impossible de savoir ce qui les attendait malgré les mises en garde de Siana sur la dangerosité de des gorges. Elle se demandait ce que son père pouvait bien y faire, hormis s'approprier le puits d'essence de vie.

Comme elle l'avait annoncé, un ponton les attendait à quelques mètres. Siana leur expliqua que les Alchimistes l'avaient construit pour se rendre au puits, mais que depuis quelque temps, plus personne n'osait s'aventurer ici après la disparition de plusieurs Alchimistes.

Ils s'arrimèrent au ponton et s'engouffrèrent dans la forêt lugubre. Les arbres, très hauts et feuillus, voyaient leurs branches tomber vers la terre comme s'ils pleuraient. Leurs épaisses racines sortaient du sol et menaçaient de faire chuter n'importe quel explorateur s'il ne prenait pas garde où il mettait les pieds.

Le soleil parvenait à peine à percer la cime des arbres, offrant quelques halos de lumière pour les guider à travers ces bois. Siana leur fit signe de la suivre, alors qu'elle empruntait un chemin spécialement conçu pour se rendre au puits.

– On est loin ? demanda Hirelda.

– Il y a au moins une demi-journée de marche.

L'annonce ne manqua pas de faire râler Hirelda. Elle qui n'aimait pas marcher pendant des heures, elle se retrouvait à arpenter une forêt.

– Si Gavion était là, on aurait pu emmener la caravane ! grogna Hirelda.

– Elle ne passe pas sur ce chemin, expliqua Kain. Tu vois bien que c'est trop étroit !

Hirelda haussa les épaules.

– Ouais bah, on aurait pu prendre ses Karabas invoqués et aller plus vite alors !

Kain voulait émettre une objection, mais elle avait vu juste. De cette manière, ils auraient pu filer bien plus rapidement jusqu'au puits. Alors que Noria allait se moquer de son ami, Siana fut brutalement emportée dans les airs par un filet. Elle hurla alors que le piège se refermait sur elle et l'emportait dans les hauteurs. Elle se débattait comme une forcenée, implorant qu'on vienne la secourir.

Ozia fit apparaître sa faux, prête à l'aider. Néanmoins, dissimulés derrière les troncs et les épais buissons, des soldats bondirent de leur cachette pour attaquer le groupe dans des cris de rage. Tous vêtus d'armure de cuir qui les laissait libres de leur mouvement, ils brandirent leurs lances et leurs épées face au groupe. Ozia n'attendait pas pour tuer les premiers qui se présentaient face à elle. Ses éclairs grondaient à travers la forêt, jusqu'à atteindre ses cibles qui hurlaient de douleur.

Kain jouait des dagues et de ses illusions. Ces pirouettes entre chaque agresseur les déstabilisaient, tandis qu'il les tuait sans la moindre hésitation. Très vite, le sol fut recouvert de sang, alors que les corps s'amoncelaient.

Le corps d'Hirelda traversa le champ de bataille et frôla Noria. Elle fit volt face, lorsque son ami s'écrasa contre un arbre. Surprise, elle se tourna vers le combat pour voir qui avait pu lui faire ça. Au centre, un homme d'une cinquantaine d'années s'avançait vers eux d'un regard sombre. Ses longs cheveux gris attachés en queue de cheval, le visage à moitié dissimlé par une épaisse barbe, il s'élança vers Allen prit d'une soudaine agressivité.

– Qui êtes-vous ? demanda Allen.

Mais l'homme ne semblait pas enclin à lui répondre. Allen l'attaqua de son arme allégée par la magie, mais son adversaire était d'une puissance remarquable. Il évita les coups avec habilité malgré sa carrure imposante, puis lui fit un croche-patte. Une fois au sol, il lui mit un coup de pied dans le bras pour éloigner son épée, et le frappa en pleine tête. Assommée, Allen ne bougeait plus, hors combat.

Tremblante, Noria ne savait pas comment réagir. Ozia et Kain se faisaient submerger par le nombre de soldats. Voyant qu'ils allaient perdre, Ozia envoya un éclair sur un arbre qui découpa le tronc. Il tomba dans un fracas, leur permettant de fuir à travers les bois. Noria se retrouvait seule face à toute une troupe.

– Noria, je ne pensais pas te revoir ici, lui dit l'homme d'une voix rauque.

Les yeux écarquillés, elle resta de marbre, les mains crispées sur son épée.

– Vous avez fait beaucoup de progrès, mais votre chemin s'arrête ici.

– Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

L'homme semblait triste d'entendre cete question. Il fit une brève révérence.

– Je me nomme Artos Jya, garde du corps de votre pè...

Hirelda fondit sur lui en hurlant, le coupant dans sa présentation. Formant un poing d'écorce absolument énorme, elle le frappa de toutes ses forces. Mais Artos évita d'un mouvement ample, lui attrapa le bras, et retourna sa force contre elle pour la plaquer au sol. Il s'enroula autour d'elle et l'étrangla.

Désespérée fa ce au danger qu'il représentait pour son amie, Noria fonça sur Artos. Voyant cette attaque, il assomma Hirelda en cognant sa tête contre la racine la plus proche, puis désarma Noria avec des mouvements incroyablement habiles. Noria n'arrivait même pas à le suivre. La paume de sa main recontra son estomac, et la douleur, si forte, lui fit tourner la tête.

– Pardonnez-moi, murmura-t-il alors que Noria sombrait dans l'inconscience.

***

Impuissants, Kain et Ozia regardaient leurs amis se faire enlever. Hirelda, Noria et Allen étaient hors combat et ils descendirent Siana du filet, puis l'attachèrent les mains dans le dos pour éviter toute fuite. Leur chef, Artos Jya, leur fit signe de rentrer, tout en donnant l'ordre à un groupe de se mettre à la recherche des fugitifs.

Kain pesta. Il fit signe à Ozia de partir et elle opina du chef. Ensemble, ils se mirent à courir le plus vite possible pour mettre de la distance avec les soldats d'Artos. Ceux-ci ne semblaient pas les avoir repérés, mais Kain ne voulait pas s'arrêter. Il continuait vers le nord, espérant suivre les traces d'Artos pour libérer leurs amis.

Lorsqu'ils franchirent un buisson, Kain et Ozia s'arrêtèrent net devant les ruines d'une ancienne tour. Surpris par la découverte, ils observèrent le monument envahis par la nature qui reprenait ses droits sur la structure, tandis que des lézardes s'étiraient sur les parois de pierres.

– Qu'est-ce que c'est ? demanda Kain.

Ozia secoua la tête.

– Aucune idée. La maison d'un ancien Alchimiste peut-être, imagina-t-elle.

– Tu penses ?

– Ce serait bien leur genre, avoua Ozia. Avec un puits d'essence de vie pas loin et une forêt, c'est l'endroit rêvé pour faire des expériences avec des ingrédients à portée.

En s'approchant de la porte, ils entendirent les cris des soldats qui se rapprochaient leur position. Kain poussa Ozia à entrer à l'intérieur. Elle ouvrit le battant dans un grincement, puis ils se glissèrent dans la tour avant de refermer derrière eux. Kain posa l'oreille sur le bois craquelé et entendit un de leur poursuivant crier des ordres, dont celui de fouiller la tour.

Kain claqua de la langue et se tourna vers l'intérieur pour y dénicher une cachette. Grâce aux quelques fenêtres, la lumière de l'extérieur s'engouffrait dans la tour. Quelques meubles poussiéreux tenaient encore debout contre les murs, avec quelques bibelots brisés et des livres moisis sur les étagères, mais rien qui pourrait les aider à se dissimuler aux yeux des soldats. Un escalier vétuste menait aux étages, mais Kain ne voulait pas s'y essayer. Leur état supposait qu'ils allaient s'effondrer au moindre poids, et une fois en haut, ils n'auraient plus aucune échappatoire. Il choisit de suivre Ozia qui s'aventurait dans une pièce jouxtée à celle-ci.

Au vu des restes de nourritures pourries et une forte odeur nauséabonde, il devait s'agir d'une cuisine. Kain ne saurait dire depuis combien de temps cet endroit était abandonné, mais la porte du fond l'intrigua et il s'empressa de traverser la pièce. Arrivé en son centre, il sentit une pierre se dérober sous ses pieds. Il pesta, alors que le sol s'ouvrait sous leur botte. Les lézardes se creusèrent et un trou béant s'ouvrit sous les Titanomanciens. Ils tombèrent dans les ténèbres en criant, alors que les soldats pénétraient dans la tour.

Kain sentit son corps tomber lourdement sur de la pierre, puis Ozia juste à côté de lui. Une douleur lancinante dans le dos, il se cambra en grognant. Plus haut, les soldats ricanaient et leur souhaitaient de rester enfouis vivants.

– Je crois qu'ils ont eu leur compte ! se moqua l'un d'eux.

– Je n'aimerais pas être à leur place, déclara un autre. Ils n'en sortiront pas.

Ils pouffèrent avant de s'éloigner, ce qui n'augurait rien de bon. Kain se redressa et aida Ozia à en faire de même. Elle épousseta sa tunique indigo brodée d'éclairs et remit sa chevelure violette en place.

– Ça va ? demanda Kain.

Elle se frotta le bras gauche.

– Heureusement que ces vêtements sont renforcés, sinon j'aurais le bras cassé. Mais j'ai mal...

Kain acquiesça.

– Gavion a eu raison de nous les donner.

Ozia soupira.

– On est où là ?

– Aucune idée, avoua Kain. Dans les sous-sols de la tour ?

– Merci, ça nous aide vachement, railla Ozia.

Impossible de voir les environs avec des ténèbers qui les englobaient. Le trou béant au plafond était bien trop haut pour remonter. Une brume indigo émana du corps d'Ozia. Elle fit apparaître sa belle faux en Titanite, puis des éclaires crépitèrent autour de la lame et leur lumière éclaira la salle où ils se trouvaient.

Des caisses en bois, des outils en tout genre, des sacs de toile bien fermés, le débarras où ils avaient atterri était petit et n'offrait qu'une sortie. Sans autre choix, Kain et Ozia ouvrirent la porte dont le battant râcla bruyamment le sol.

Ils pénétrèrent dans une cuisine, abandonnée depuis des années. Quelques ustensiles rouillées et moisies encore présents sur un plan de travail, une table en bois, et de la mousse poussaient sur les parois de pierres. Une fois passée une arche, ils se retrouvèrent dans une autre salle étrange. Cette fois, elle présentait bon nombre de bureaux et d'anciennes fioles aux contenus douteux. Une odeur nauséabonde s'élevait de cet endroit, obligeant Kain à mettre la main sur son nez.

À première vue, il s'agissait d'un laboratoire d'Alchimiste. Des grimoires pourris ornaient des étagères bancales, pour la plupart écroulées, et d'autres soutenaient des bocaux aux contenues peu ragoutants. Kain s'approcha d'une fiole et la saisie pour voir de plus près. Il découvrit des yeux humains baignés dans un liquide sale. Il fit la grimace et la reposa.

– Vous êtes tous comme ça ? demanda-t-il à l'intention d'Ozia.

Elle tenait toujours sa faux pour faire de la lumière. Sans prendre la peine de répondre à sa remarque désobligeante, la Titanomage restait sur ses gardes et explorait les moindres recoins. Kain haussa les épaules, puis lui emboita le pas quand elle ouvrit de nouveau une porte qui menait dans un couloir à l'odeur de pourriture bien plus forte.

Ozia eut un mouvement de recul, une soudaine envie de vomir. Kain ouvrit la marche, alors qu'il découvrait une multitude de prisons tout autour de lui. Des corps gisaient à l'intérieur. Les rats avaient, depuis bien longtemps, fini de dévorer leur cadavre pour n'y laisser qu'un simple tas d'os. Une mort bien triste, loin de leur famille. Qui aurait pu les entendre, enterrer si profondément sous terre ? Mais le plus inquiétant, c'était de voir les barreaux déchiquetés dans l'une des cages.

– Ça ne me dit rien qui vaille, murmura Ozia en examinant du sang séché. On ferait mieux de rapidement quitter cet endroit.

Kain eut un hoquet de surprise.

– Ah oui ? Je me sens bien ici, j'y passerais bien mes vacances.

Ozia soupira.

– T'en as d'autres, des bêtises à dire ? railla-t-elle.

– Oui, pas mal, en vérité. Tu n'as aucune idée de ce qu'il s'est passé ici ?

Ozia haussa les épaules et dévisagea Kain à la lumière de sa faux.

– Bah... Un Alchimiste a fait des expériences sur des gens, comme Vermen.

– Et ça ne te pose pas de problème ? s'étonna Kain.

Ozia s'occupait déjà de forcer la prochaine ouverture pour quitter cet endroit maudit. Elle tira sur la poignée comme une dératée, sous le regard perplexe de Kain. Il se demandait si Ozia serait prête à faire ce genre d'expérience. Il ne la connaissait quasiment pas, et elle restait très fermée quand il s'agissait de parler de son passé. Kain avait pourtant essayé d'en apprendre davantage pendant leur voyage, mais elle restait sur ses histoires d'Alchimistes en étude à Unvalia. Mais son regard la trahissait. Comme si quelque chose de plus sombre la tourmentait. Après tout, lui aussi devait racheter ses fautes, et c'était pour cette raison qu'il continuait d'aider Noria.

– Tu peux m'aider ? demanda-t-elle le fusillant du regard.

– Et toi, tu ne peux pas me répondre ? contra-t-il en la rejoignant.

À eux deux, ils parvinrent à faire pivoter le battant pour se rendre dans le prochain couloir.

– Tu crois que j'ai que ça à faire que de m'amuser sur ces pauvres gens ? Les Alchimistes qui osent faire ça ne mérite pas leur titre.

Kain fut légèrement soulagé de l'entendre dire ça avec tant de sincérité. Elle lui faisait moins peur, même si elle cachait encore quelque chose.

– Pourquoi tu continues de nous accompagner ? demanda Kain au détour d'un couloir.

– J'ai déjà répondu à cette question, répondit-elle d'un ton ferme.

Et voilà, comme d'habitude, elle se fermait pour toute réponse. Impossible de briser sa carapace. Kain lui agrippa le bras et l'obligea à lui faire face.

– Je sais que tu caches quelque chose, lança-t-il d'un ton désapprobateur. Je ne sais pas encore quoi, mais j'aimerais que cela n'entache pas notre mission. Moi, je tiens vraiment à soigner Noria.

Il savait qu'il avait fait mouche, car pour la première fois, Ozia détourna son regard sombre. Elle se libéra de son emprise en grimaçant et le toisa de sa hauteur.

– Et pourquoi tu tiens tant à l'aider ? Tu n'as pas une femme qui t'attend chez toi ?

Kain opina.

– Bien sûr, et je compte bien la rejoindre après ça. Sauf si l'un d'entre nous prépare un sale coup qui nous coute la vie.

Ozia fronça les sourcils. Elle posa le doigt sur son torse d'un air menaçant.

– Je ne lui ferais jamais de mal ! J'aime beaucoup Noria et je tiens à l'aider aussi. Je te rappelle qu'elle m'a sauvé la vie !

– Il n'y a vraiment rien ?

– Rien ne m'oblige à répondre à tes questions.

Kain croisa les bras.

– Pourtant, on ne sait toujours pas pourquoi tu es pourchassé par l'escadron des ailes noires d'Elekya. Ce serait sympa de nous l'expliquer !

– Ça ne te regarde pas ! s'emporta-t-elle en lui tournant le dos.

Kain ne se laissa pas faire. Il la rattrapa et lui agrippa les bras. Plaquée contre le mur par surprise, elle pesta et fit crépiter ses éclairs. Mais Kain avait déjà une dague sous sa gorge.

– J'en ai marre de ton attitude, déclara-t-il. On a tous affronté cet enfoiré quand tu étais recherché ! Noria a perdu des années de vie pour toi ! Alors si, ça me regarde !

Ozia, acculée et les yeux embrumés, laissa ses éclairs s'éteindre, hormis ceux de sa faux qui les éclairaient. Les lèvres tremblantes, elle jeta un œil aux alentours, nerveuse.

– J-Je... J'ai tué quelqu'un.

Kain, même s'il accusait le coup avec surprise, décida de la lâcher. Ozia épousseta sa veste sans manche.

– Qui ça ?

– Je n'ai pas vraiment envie d'en parler, tu sais. Tout ce que je peux te dire, c'est qu'il le méritait !

Kain la scruta quelques instants. Elle semblait sincère, mais la culpabilité la rattrapait. Elle essuya ses larmes d'un revers de main et reprit une respiration normale. Kain hocha la tête et recula d'un pas.

– C'est pour ça que tu n'aimes pas les Titanomanciens ?

Ozia leva les yeux aux plafonds.

– C'est plus compliqué que ça. Les Titanomanciens...

Elle soupira.

– ... Ne sont pas tous bons comme vous, bien au contraire. Et...

Un mugissement les interrompit dans leur conversation. On aurait dit qu'un être humain souffrait. Ozia tendit sa faux en avant dans l'espoir d'y voir quelque chose. La lumière chassa les ténèbres du couloir et dévoila une nouvelle entrée un peu plus loin. Au fond, ils virent un corps se mouvoir vers eux en titubant. Un élan de dégout envahit les Titanomages quand ils virent un homme à la peau pourrie, aux morceaux de chairs qui se détachaient, avec une blessure grande ouverte au ventre et les boyaux qui tombaient jusqu'aux genoux.

– Bordel, c'est quoi cette horreur ! s'exclama Kain.

– J'en sais rien ! Mais...

Deux autres monstres apparurent. Ils s'avançaient en meuglant, les bras tendus en avant comme pour attraper leur proie. Leurs yeux vides fixaient les deux Titanomanciens. Leur blessure ne les empêchait pas de se déplacer toujours plus près, et les deux amis firent quelques pas en arrière.

Ozia usa de sa magie pour lancer un éclair sur le plus proche. Foudroyé, il s'écroula sur le dos sans hurler, comme s'il ne ressentait aucune douleur. Mais le plus incroyable, c'était de le voir se relever lentement comme si de rien n'était. L'odeur de la pourriture se rapprochait.

– j'y vais ! lui dit Kain, prêt à se battre.

– Non, attends ! Je le sens pas. Partons vite d'ici plutôt !

Kain emboita le pas d'Ozia qui faisait demi-tour. Ils prirent l'autre côté du couloir jusqu'à une nouvelle porte. Kain la frappa de plusieurs coups de pied, alors que les zombies se rapprochaient toujours. Le verrou céda enfin et tomba dans un cliquetis métallique. Le battant vola en éclat. Ils entrèrent dans la nouvelle pièce en vitesse, et découvrirent avec horreur encore plus de créatures huùanoïdes.

Debout sans aucun but dans leur vie que de manger, ils attendaient patiemment que des proies viennent jusqu'à eux. Et voilà Kain et Ozia. Quand les zombies se tournèrent lentement vers les deux Titanomages, le sang de Kain se glaça dans ses vienes. Son cerveau chercha une solution rapidement, auquel cas ils finiraient par être dévorés par ces monstres. Impossible de faire marche arrière, les trois autres avaient déjà passé l'intersection et le corridor n'offrait aucune place pour se battre. La respiration saccadée, il visualisa la pièce où il venait d'atterrir.

Quelques étagères branlantes remplies de parchemins et de livres, un petit coin salon qui permettait à l'Alchimiste de se reposer, et surtout, un grand escalier taillé dans la pierre. Kain leva les yeux pour apercevoir une porte, sûrement la sortie. Il la montra du doigt à Ozia.

– Il faut qu'on l'atteigne.

Un rictus sortit de la bouche d'Ozia.

– Ah ouais, bien sûr. Je ne sais pas si tu as vu, mais on va bientôt se faire bouffer !

Kain pesta. Pas le choix, ils devaient atteindre cette porte par tous les moyens. Kain usa de magie, faisant apparaître un halo bleu autour de lui et forma des doubles de lui avec l'eau. Il les déplaça sur les côtés, et comme prévu, ces monstres étaient dénués d'intelligence. Ils suivirent bêtement ses clones, mais cela n'allait pas les occuper bien longtemps. Une fois croquées dans l'eau, les illusions disparaîtraient.

– Maintenant ! cria-t-il.

Il attrapa le bras d'Ozia et la tira vers l'escalier. Quelques zombies les coursaient toujours, comme s'il avait compris le subterfuge du Titanomancien d'eau. Mais qu'importe, ils grimpaient les marches deux par deux, et une fois en haut, Kain agrippa la poignée et tira. Mais rien. Il poussa, mais toujours rien. Il entendit juste le verrou qui refusait de les laisser sortir de cet enfer.

– Magne-toi ! s'exclama Ozia. Ils montent !

– Je fais ce que je peux ! cria-t-il.

Kain cogna le battant de toutes se forces. Derrière lui, il entendit le tonnerre gronder. À chaque éclair lancé, un flash de lumière illuminait les escaliers bondés de créatures dévoreuses de chairs.

– Bordel, Kain, dépêche-toi ! Je préfère te raconter ma vie que de me faire dévorer par ces choses !

Il n'avait pas envie de mourir dans cet endroit non plus. Julia l'attendait patiemment à Oktarim et il ne pouvait pas se permettre de l'abandonner. De plus, jamais elle ne pourrait le retrouver ici, enfermé dans une cave et dévoré par des zombies. La force du désespoir s'empara de lui, alors qu'Ozia reculait. Ils se retrouvèrent dos à dos. Kain, les larmes aux yeux, hurla et donna un dernier coup d'épaule au battant avant que le verrou ne cède. Il s'ouvrit à la volée, laissant une gerbe de lumière agresser ses yeux. Un grand sourire égaya son visage. Mais tout n'était pas terminé.

Deux soldats les attendaient.

– Alors ? C'était comment là-dedans ? ricana-t-il. Je crois que je vais vous faire redescendre !

Armé d'une épée à deux mains, il s'élança sur les Titanomanciens. Kain pesta. Il agrippa Ozia par le col et la sortie de la cave en la jetant sur le côté. Kain esquiva le coup du mercenaire, puis d'un habile jeu de jambes, il lui fit un croche-patte et le laissa chuter dans les escaliers.

Le deuxième, horrifié par la scène, encocha une flèche sur son arc. Pris au dépourvu, Kain n'avait pas le temps d'esquiver cette attaque. Les yeux écarquillés, il scruta l'archer prêt à décocher sa pointe.

Mais la faux d'Ozia lui transperça le ventre. Elle avait fait le tour pour le prendre à revers, trop préoccupé par Kain. Il pesta en lâchant son arme et cracha une gerbe de sang, alors que la Titanomage retira sa lame. Elle le poussa d'un coup de pied et Kain le jeta dans la cave à son tour.

Alors qu'il fermait la porte, il entendit les hurlements des deux mercenaires en train de se faire dévorer par la multitude de zombies. Le cœur battant la chamade, Kain utilisa tout ce qui se trouvait à portée pour barricader cette maudite porte : des caisses, des étagères, il forma une montagne de meubles pour éviter que ces créatures n'envahissent les bois.

Une fois terminé, il se laissa tomber le long d'un mur fissuré. Il reprit sa respiration, songeur. Il venait de risquer sa vie à cause des délires irrationnels d'un Alchimiste. Comment pouvaient-ils faire des expériences aussi tordues ? Que cherchaient-ils à faire ? Vaincre la mort ? Kain soupira. Ozia s'installa à ses côtés, alors que de la sueur perlait son front.

– Merci... murmura-t-elle.

Kain hocha la tête.

– N'oublie pas, tu as promis de raconter ta vie.

Ozia leva les yeux au plafond.

– Non, j'ai dit que je préférais ça que de me faire bouffer. Ce n'est pas pareil.

Kain ricana.

– Non, non. Tu me dois bien ça ?

Le visage d'Ozia s'assombrit.

– Peut-être plus tard. Viens, on s'en va.

Kain ne pouvait pas la forcer à parler, mais il sentait qu'elle lui faisait davantage confiance maintenant qu'il lui avait sauvé la vie. Content de voir qu'elle allait bientôt s'ouvrir aux autres, Kain se leva pour lui emboiter le pas. Maintenant, ils devaient retrouver leurs amis.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top