Chapitre 19

Simple voyage entre amis


Il fallut quelques jours au groupe pour se préparer à ce voyage. Pour commencer, Gavion avait fourni des vêtements à toute l'équipe. Mais pas n'importe lesquels. Il s'agissait de tissus renforcés que portaient les Titanomanciens d'Elekya. Alliant la solidité d'une armure et la souplesse du textile, cela leur permettait de se battre avec une protection efficace.

Face au miroir de sa chambre, Noria enfila son pantalon beige dont les motifs en forme de racine couraient sur les côtés, puis une chemise blanche et un corset. Mais le plus beau restait la veste mi-longue que lui avait fournie le sage. Confectionnée spécialement pour les Titanomanciens de terre, un grand arbre était brodé à l'arrière, et ses branches s'élançaient dans toutes les directions pour recouvrir même les manches. Noria se tourna pour voir sa nouvelle allure lui plaisait beaucoup.

En prenant un sac en toile pour y mettre de la nourriture et de l'eau, une pensée alla pour ses amis. Elle n'en revenait pas de les voir continuer à l'accompagner dans cette mission si dangereuse. Ils allaient encore risquer leur vie pour sauver la sienne, sans pour autant qu'elle leur demande. Et malgré toute la vérité qu'elle avait cachée jusqu'à maintenant.

Elle soupira et termina ses préparations. Le doute ne lui était plus permis. Elle devait aller de l'avant et se lancer à l'assaut de son domaine pour confronter son père. Un combat qui lui faisait peur. Elle récupéra sa gourde d'une main tremblante, revoyant son paternel dur et implacable lorsqu'elle était petite. Après tout ce qu'il avait fait, comment réagirait-elle une fois devant lui ? Elle avait beau retourner la question, elle ne parvenait pas à imaginer la conversation avec cet individu.

L'esprit assailli de mille questions, Noria quitta sa maison pour traverser le village d'Ylvea. Un léger vent agitait la cime des arbres, accompagné d'un magnifique soleil à son zénith. Les Titanomanciens vaquaient à leurs occupations dans un brouahah, et Allen surgit de la foule dans la rue principale. Contrairement à elle, il portait des vêtements marquant son appartenance avec l'élément du vent. Des symboles en forme de vague recouvraient son pantalon. Il portait une belle tunique blanche aux liserés bleus avec un harnais spécial pour sa grosse épée, qu'il n'avait malheureusement plus.

– Bonjour Allen ! salua Noria.

La nouvelle tenue de Noria fit rougir le jeune homme. Il perdait ses moyens lorsqu'il s'approcha d'elle. Pire encore lorsque Noria le prit dans ses bras. Elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver plus qu'une sincère amitié envers l'homme qui faisait tout pour la protéger.

– Merci pour tout... murmura-t-elle.

Allen lui caressa le dos avec hésitation. Noria sentit son cœur battre la chamade. Ils restèrent ainsi, silencieux, sous les yeux amusés des habitants d'Ylvea. Ne sachant pas ce qui les attendait, Noria voulait profiter de tous les moments passés en sa compagnie. Elle devait s'y résoudre, ses sentiments dépassaient de loin leur solide amitié. Mais pouvait-elle lui offrir plus alors que sa vie ne tenait qu'à un fil ? Elle le relâcha et s'éloigna d'un pas. Tout sourire, elle lui prit la main pour l'inviter à se rendre à l'entrée, où attendait le reste de leur équipe.

À peine arrivés près de leur nouvelle caravanne qu'ils entendaient déjà Kain et Hirelda se disputer. Leurs cris perçaient la tranquillité du petit village d'Ylvea de bon matin. Non loin d'eux, et apparemment agacée par leur gaminerie, Ozia chargeait le coffre de matériel confié par Gavion. Elle soupirait à chaque fois que l'un de ses amis haussait le ton.

– Mais mets autre chose ! s'énerva Kain. Tiens, Noria, vient voir ! appela-t-il en la voyant arriver.

La Titanomancienne hoqueta de surprise. Elle lâcha la main d'Allen pour les rejoindre. Hirelda, les bras croisés, la fixait d'un regard intense. Sa veste identique à la sienne, mais sans aucune manche lui facilitait l'utilisation de sa magie.

– Qu'est-ce qui se passe ? demanda Noria.

Kain était intégralement vêtu de noir. Si elle ne le connaissait pas, elle le prendrait pour un assassin, et les dagues qu'il portait à son ceinturon ne faisaient que confirmer ses dires.

– Elle va encore à l'aventure à peine habiller ! s'exclama-t-il en poitant Hirelda du doigt.

Noria voyait de quoi voulait parler Kain. Son amie portait une jupe plissée d'un vert impérial avec un bustier. Elle frappa le sol d'une de ses hautes bottes.

– Va chier ! Tu sais très bien que ça me permet de me battre !

– Mais...

Kain se pinça le haut du nez.

– ÇA NE TE PROTÈGE DE RIEN !

Noria pouffa. Elle était d'accord avec lui, mais la magie d'Hirelda lui permettait de se vêtir d'une armure d'écorce, sûrement plus solide que leur vêtement. Noria secoua la tête et rejoignit Ozia et Gavion pour les aider, mais Allen portait déjà des cargaisons de nourriture pour en remplir les placards.

La titanomancienne de foudre possédait elle aussi une veste mi-longue sans manche, mais d'une belle couleur indigo avec des éclairs en guise de motif. Impossible de ne pas penser à son élément en la voyant. De longues mitaines fixées par une ceinture complétaient sa tenue avec un pantalon noir.

Noria l'aida à porter la dernière caisse et ils finirent de tout ranger. Gavion ferma le coffre, fin prêt pour leur nouveau voyage, puis il invoqua des Karabas de terre. En quelques tours de bras, les créatures se formèrent à travers un enchevêtrement de racines, elles aussi douées de conscience.

Il était maintenant temps de visiter leur nouvelle caravane. En prenant la porte sur le côté, Noria découvrir un salon cuisine très spacieux. Rien à voir avec celle pour quatre personnes qu'ils avaient empruntées. La jeune femme s'installa dans un des canapés, à côté des étagères où attendaient plusieurs livres, dont les grimoires d'Arvald Norum. Son regard s'assombrit en le voyant, alors qu'elle n'avait toujours pas levé le mystère du blason de sa famille sur ces ouvrages.

Ozia entra dans le salon à son tour en portant des sacs. Un tintement de verre en émanait et Noria se demandait ce qu'elle ramenait. Elle arqua un sourcil en la voyant ranger des tas de fioles et de sachets aux odeurs différentes.

– C'est pour quoi tout ça ? demanda Noria.

Ozia continua son travail, organisant parfaitement les placards. Chaque bocal et sachet possédaient son étiquette, et elle prenait le soin de tout ranger par ordre alphabétique.

– Si jamais on a besoin de potions de soin ou d'antidotes, je serai capable de faire pas mal de choses. Gavion m'a permis de prendre ce qu'il me fallait dans leur boutique. Et puis, j'ai lu la liste des ingrédients nécessaires pour faire la potion qui mettra fin à ta malédiction.

Noria se rendit compte qu'elle avait de la chance de l'avoir dans son cercle d'ami. Après tous les risques qu'elle prenait pour la sauver d'une mort certaine, elle parvenait à la considérer comme telle.

– Merci de m'aider, Ozia. Ça compte beaucoup pour moi.

La Titanomancienne lui jeta un œil rapide, puis hocha la tête. À priori, Ozia n'avait pas l'air d'humeur à entendre des louanges à son égard, mais Noria désirait lui partager ses sentiments.

Allen, Kain et Hirelda pénétrèrent à leur tour dans le salon en fil indienne. Kain et Allen s'installèrent face à Noria et discutaient des évènements qu'ils allaient probablement rencontrer. Allen semblait aux anges de parler avec lui. Noria posa sa tête sur la main et les écouta plaisanter ensemble. Depuis quand ces deux-là étaient devenus si proches ?

– Je prends cette chambre !

La voie d'Hirelda résonna à travers la caravane. Tout le monde se pencha vers elle, alors qu'elle s'écroulait déjà sur le lit en soupirant bruyamment. Curieuse, Noria la rejoignit et, comme à son habitude, elle avait emprunté la chambre la plus spacieuse munie d'un grand lit.

– C'est confortable ? demanda Noria, amusée.

– Oh oui !

Noria ricana.

– Tant mieux, elle est pour vous, lui annonça une voix masculine derrière.

Noria sursauta et se retourna. Gavion les observait avec un large sourire.

– Ici, c'est pour les deux gars qui s'entendent très bien. Là c'est tous les deux. Et je dormirais avec Ozia dans la troisième. Celle avec les lits superposés. Ça va à tout le monde ? Alors on y va !

Après ça, le Sage s'installa dans la cabine pour diriger les Karabas. Le voyage ne dura pas longtemps jusqu'à la ville portuaire d'Orthado. Chacun resta dans son coin, à éplucher les livres ou à discuter de tout et de rien. Un instant de calme dont ils aimaient profiter avant que les premiers imprévus ne leur tombent dessus.

Une fois arrivé, Noria assista à une magie aussi incroyable qu'utile. Gavion usa de son pouvoir pour rétrécir la caravane et la ranger dans une petite boite métallique. Il sifflotait tout en rappelant ses créatures qui disparurent dans un souffle, se dispersant en des centaines de feuilles automnales.

– C'était quoi ça ? demanda Kain.

Tout le monde le scrutait avec de grands yeux.

Gavion haussa les épaules.

– Je vais vous donner des cours de magie, les enfants. Vous avez encore beaucoup à apprendre.

Noria le savait. Gavion l'avait longuement entrainé, mais elle ne connaissait pas encore tous les secrets de la Titanomagie et espérait en apprendre davantage pendant ce voyage.

– Mais... On ne sait pas tout de l'utilisation de la magie ? demanda naïvement Hirelda.

Gavion ricana, tandis qu'ils s'aventuraient sur le port d'Orthado. Une bouffée d'air iodé leur fit le plus grand bien. Noria pouvait sentir l'odeur des algues et des poissons que les pêcheurs ramenaient dans des conteneurs en bois. Au loin, le bateau à vapeur spécialement conçu pour les voyages attendait à quai.

– Vous ne savez pas grand-chose, hormis contrôler l'élément qui vous est lié, expliqua Gavion.

Hirelda semblait aux anges. Elle sautillait autour de Noria, contente d'avoir la possibilité d'augmenter ses pouvoirs. De plus, en voyant l'immense navire de plusieurs mètres de haut, elle sautait de joie à l'idée de faire le voyage dans ce nouvel engin.

Sur le ponton, Gavion acheta des billets dans une cabane, puis ils firent la queue. Hirelda se mit sur la pointe des pieds, curieuse de voir l'intérieur du bateau, mais impossible d'ici. Quant à Ozia, elle semblait nerveuse à l'idée de monter dans un tel engin.

– Tout va bien ? demanda Noria. Tu n'as pas l'air bien.

– C'est la première fois que je prends le bateau, avoua-t-elle. Ça tangue beaucoup ?

Noria fit la moue, sans savoir comment lui répondre. Son dernier voyage s'était fait à bord d'un vieux galion. Rien à voir avec un bâtiment en métal comme celui-ci, qui utilisait la vapeur et l'essence de feu pour faire fonctionner des moteurs.

– Pas du tout madame ! lui assura un marin en remontant le pont. Vous n'avez rien à craindre, vous n'aurez même pas l'impression d'être sur la mer.

Ozia se sentit rassurée, même si elle hésitait encore à monter à bord, s'avançant d'un pas tremblant. Pour Noria, c'était l'anxiété qui l'envahissait plutôt que l'excitation de prendre la mer. Ce n'était pas forcément la peur du bateau, mais plutôt celle de se retrouver dans la région de son domaine. Elle n'avait pas spécialement envie d'y remettre les pieds après tout ce qu'il s'était passé.

Allen lui prit la main. Il n'osait toujours pas la regarder en face, mais ses efforts pour être le soutien dont elle avait besoin la fit sourire. Petit à petit, ils approchaient de l'entrée du bateau, et bientôt, ils allaient découvrir cette nouvelle merveille de technologie.

C'est dans un immense brouhaha que les Titanomanciens pénétrèrent un vaste hall de carrelage blanc scintillant. De part et d'autre, de grandes portes vitrées menaient dans de nouvelles pièces inconnues qu'Hirelda voulait visiter au plus vite.

Comme Gavion n'avait pris que des billets pour la traversée, les Titanomages le passèrent dans un coin du bar, à siroter des boissons en se mélangeant à la population. Des serveurs racontaient la fabrication de cette prouesse technologique par la coopération de plusieurs espèces. Noria tendit l'oreille, intéressée. Trois peuples usaient de la vapeur et de l'essence pour fabriquer des moteurs afin de faire avancer des engins sur l'eau, mais aussi dans les airs. Curieuse, elle posa quelques questions, Ozia à ses côtés.

De l'autre, Allen et Kain buvaient en discutant de leur passé respectif. Noria ne savait toujours rien de leur rapprochement si rapide, mais peut-être qu'un jour elle en aurait tous les secrets. Pour l'instant, les explications des différents marins devenaient difficiles à comprendre lorsqu'ils touchèrent à l'aspect technique de l'appareil. Noria décrocha et préféra monter sur le pont pour y scruter le paysage.

Gavion se tenait contre la rambarde, observant Orthado s'éloigner petit à petit. Noria s'installa à ses côtés, silencieuse. Elle tapota des doigts sur le bois.

– Ne t'en fais pas, tout va bien se passer, le rassura Gavion. Je t'accompagne justement pour ça.

– Merci beaucoup, murmura Noria. Je ne pensais pas qu'un Sage prendrait le temps de m'escorter jusqu'à chez moi.

Gavion se tourna vers elle. Son visage, d'habitude souriant, devint plus sombre.

– Ce n'était pas prévu, avoua-t-il. Mais après ce que vous m'avez raconté sur votre voyage, je me dois de vous protéger. De plus, je vais devoir vous entrainer. Surtout si Ozia tombe de nouveau sur des Titanomanciens.

Noria écarquilla les yeux. Sur le qui-vive, elle voulait partir en courant prévenir son amie qu'elle était démasquée. Jamais elle ne lui avait parlé de ça, et elle ne comprenait pas comment il pouvait être au courant. Elle pesta intérieurement, sachant que la fugitive risquait de se faire arrêter une fois leur mission terminée.

Gavion haussa les sourcils en observant Noria. Il lui fit signe de la main de se détendre.

– Je n'ai pas l'intention de la jeter en pâture à Elekya, rassure-toi.

Noria grimaça, perplexe. Elle ne comprenait vraiment rien à cet homme.

– Pourquoi ? demanda-t-elle.

Il haussa les épaules, un air joyeux sur le visage.

– Je ne sais pas. Peut-être qu'elle n'est pas coupable ? De toute façon, cela ne me regarde pas.

Noria voulait lui tirer les vers du nez, mais il ne semblait pas enclin à lui répondre. Elle soupira, pensant au danger que prenait Ozia pour l'aider. Devait-elle croire Gavion ? Ou était-elle en train de la jeter dans la gueule du loup ? La tête dans ses mains, une furieuse envie de hurler l'envahit. Tous ces évènements qui se succédaient la dévoraient de l'intérieur, avec en prime plus de questions que de réponses.

Une main se posa sur son épaule.

– Arrête de réfléchir, lui dit Gavion d'un visage apaisant. Avance petit à petit, tu auras sûrement les réponses à tes questions au fur et à mesure.

Noria opina du chef et retrouva ses amis dans le restaurant. Après plusieurs heures en mer, le bateau arriva au port de Klank. Il n'y avait pas de grandes différences avec Orthando, même si la ville semblait beaucoup plus grande. Les Titanomages débarquèrent avec quelques autres passagers, puis traversèrent le port sous un magnifique soleil couchant. Préférant ne pas voyager en pleine nuit, ils décidèrent de manger dans un des nombreux restaurants, dont le poisson restait le plat principal, puis dormirent à l'auberge.

Le lendemain, le groupe reprit la route en caravane vers le nord, là où le domaine d'Orwyn les attendait. Noria était de plus en plus agitée à mesure qu'ils approchaient de son ancienne maison. Allen tentait de calmer ses angoisses en la prenant dans ses bras, mais elle ne cessait de cogiter.

Lors de la dernière nuit avant l'ultime pan de route, Noria resta à l'extérieur à scruter le ciel étoilé. Même s'il faisait froid, elle n'arrivait plus à dormir. Les membres de sa famille lui apparaissaient dans ses songes. La façon dont son père la poussait dans le travail plutôt que de lui laisser la vie libre, les punitions sévères qu'elle prenait en lui désobéissant. Et surtout, le jour où il avait jeté sa malédiction. Ce soir-là, son père et sa mère s'étaient disputés comme jamais auparavant. Ses souvenirs trop flous l'empêchaient de se rappeler de la scène et de la discussion, mais suite à ça, son père lui agrippa la main pour l'attirer dans le sous-sol. C'était dans cet endroit sombre, humide, avec une odeur de pourriture, qu'il jeta la malédiction sur sa propre fille.

Allen arriva à cet instant, la ramenant à la réalité.

– Tout va bien ? demanda-t-il en s'installant à ses côtés.

Noria secoua la tête.

– J'ai peur... Je n'ai vraiment pas envie de le revoir, tu sais ? dit-elel en se triturant les doigts.

Allen comprenait très bien ce qu'elle éprouvait, mais il ne savait pas quoi dire pour la consoler. Aucun mot ne pouvait la réconforter, alors que la confrontation contre cet homme approchait. Il passa son bras autour de ses épaules et la serra contre lui.

– Mais je suis là, Noria. Je vais te protéger et te sauver de cette malédiction. Je te le promets.

Pour la première, il la regardait avec une telle détermination. Noria, éberluée, resta pantoise face à sa déclaration. Elle finit par lui sourire et posa sa tête sur son épaule.

– Tu ne vas pas dormir ? demanda finalement Noria.

– Je reste avec toi.

Noria espérait tellement entendre cette phrase. Cela lui mit du baume au cœur de le savoir à ses côtés. Noria ferma les yeux, se blottit contre lui et Allen referma son étreinte. La chaleur de son corps réchauffait le sien, et tous ses problèmes s'envolèrent une fois dans ses bras. Son cœur devint plus léger.

Elle ne s'en rendit pas compte, mais elle s'endormit ainsi. Allen, souriant, attendit quelques instants avant de l'allonger sur l'herbe fraiche. Il se dépêcha d'aller chercher une couverture de rechange, puis la recouvrit. Il s'allongea à ses côtés et profita de cette nuit au clair de lune, aux côtés de la femme qu'il aimait.

Il jura sur son nom qu'il ferait tout pour la protéger !


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