Chapitre 30

Une alléchante odeur d'épice virevoltait autour de sœurs, les réveillant délicatement. Après avoir ouvert les yeux, s'être fait éblouir par les rayons du début d'après-midi, elles découvrirent qu'elles n'étaient vêtues que de simples nuisettes séduisantes en dentelle d'un blanc pur. Sommaire à l'avant, le dos était lacé au centre jusqu'en bas. Les côtés étaient précisément tissés de façon à dessiner des fleurs fines. Un épais ruban blanc était noué sous leur poitrine. Leur peau claire immaculée se confondait avec le tissu et leurs cheveux blanc.

Elicia se leva, elle ne sentait pas l'aura qui brillait autour d'elle d'un éclat audacieux, et qui envahissait la pièce. La faim l'avait rendue menue, ses longues jambes étaient prêtes à céder sous le vent mais semblaient toujours prêtes à danser en tombant. Elle avait dans ses yeux translucides presque un brin d'amusement. Intriguée, tendant sa main, elle les observa. Une surface lustrée paraissait les protéger. Elle fit un tour sur elle-même faisant voleter sa nuisette avant d'aider ses sœurs à se relever. Elles paraissaient encore plus fragiles, encore plus translucides, presque transparentes. Elles se levèrent et suivirent l'odeur qui les conduit jusqu'à Douce. Elle déposa cinq assiettes dans les mains de Caly, des couverts dans celles d'Elicia et des verres à Myra. Elle se para d'une jolie carafe en verre qu'elle alla déposer près de la vaisselle sur la table après l'avoir rempli à ras bord et fit tomber quelques gouttes par terre. Elle emmena ensuite un grand plat de viande farci avant de faire glisser autour de la table trois autres chaises. Leur conversation était réduite à des éclats d'étoiles dans leurs iris. Leur sourire résumait la plénitude. Elles avaient presque toutes les quatre l'impression d'appartenir à une véritable famille, comme aucune n'avait jamais eu.

Lorsqu'elles eurent terminé de dresser la table, Leonard entra. Ses pas étaient lourds, ils faisaient résonner son appréhension. Un gros sac pendait dans son dos, tâché de sang. Son air inquiet disparu lorsqu'il déposa un baiser sur le front de Douce, rassuré. Elle le repoussa avec légèreté, l'obligeant à aller prendre une douche. Il monta rapidement après avoir déposé sa besace dans un recoin de la cuisine, ses pas toujours pressés.

Les sœurs le regardèrent sombrement, sa présence alourdissait l'air, ses ondes étaient négatives, elles étaient presque assassines à l'égard des trois sœurs.

Il essayait de faire preuve de bonté malgré son malaise, lorsqu'il redescendit. Il s'assit en bout de table en face de sa femme tandis que les sœurs s'attablaient autour d'eux, les jumelles d'un côté, Elicia de l'autre. La viande, arrosée d'épices, d'herbes aromatiques et de bonnes odeurs, fumait de réalité.

Chacun portait sa fourchette à sa bouche dans une harmonie parfaite. Les tintements des fourchettes, des verres tonnaient gaiment.

Le goût était mémorable. Même si ce n'était pas difficile : les sœurs mangeaient de la nourriture véritable pour la première fois. La saveur était moins accentuée, moins parfaite que les dessins, mais l'amour diffusait une saveur bien meilleure. C'était dur d'avaler parfois, il fallait mâcher certaines bouchées plus longtemps, parfois on avalait de travers, le jus coulait et les tâchait, certaines bouchées piquaient trop, mais la multitude de sensation les émerveillait. Les assiettes pleines de couleur se vidaient et se remplissaient aussitôt. Les verres pleins savouraient chaque instant sous la lumière éclatante et brave de l'après-midi. Le jour dansait dehors sous les nuages. Le vent accompagnait les feuilles des buissons sous le carillon des bruits des couverts.

- J'ai aperçu une portée de belettes pas très loin, raconta Leonard, presque enjoué.

Son visage tendu paraissait faire d'énormes efforts pour affaiblir son mécontentement. Ses yeux noirs s'agitaient, scrutant chaque mouvement de sœurs.

Douce se leva, fendant la mélodie de ses pas dansant. Revenant de la cuisine, elle était munie d'un long plateau aux senteurs de sucre dont d'étranges étincelles volaient par-dessus. Elle déposa avec délicatesse le plat au centre de la table après un : "Joyeux anniversaire Elicia". La jeune fille la regardait, surprise, une lueur allumée dans ses yeux clairs. Elle paraissait sincèrement ravie, et la remercia d'un murmure mais ça ne contenta pas la femme qui semblait attendre quelque chose. Elle posa un regard insistant sur les gâteaux que Elicia regarda avec attention.

Et soudain, elle souffla les bougies, un frisson la parcourut.

- Je suis désolée, je sais bien que s'est déjà passé mais je pensais que ça te ferrait quand même plaisir.

- Ca me fait plaisir. Merci.

Son ton était toujours sec, c'était prévisible, mais l'intention était présente et suffit à faire sourire Douce.

Elle avait déposé sur le plat des petits gâteaux ronds aux odeurs et aux couleurs différentes. Elicia pouvait reconnaître des madeleines à la fleur d'oranger, des formes rondes à l'odeur de citron, des financiers aux amande, des canistrellis aux agrumes, à l'anis. Elle savait que chaque goût lui plairait, que chacun serait une imperfection parfaite. L'hôte les invita à se servir après avoir attrapé une madeleine du bout des doigts. Les milliers de saveurs se répandirent dès le premier contact. C'était si différent. L'acidité du citron et la délicatesse du sucre, tout valsait audacieusement. La piste éclairée sous les nuages débordait de tous les côtés. Les souvenirs de la nourriture dessinée étaient impressionnés, se sentaient presque misérables de leur perfection sans nuance. Leur extravagance brillait. Ces parfums rappelaient aux enfants la cuisine de leur grand-mère, ils leur rappelaient les fruits qu'elles faisaient pousser de son amour, ils leur rappelaient des moments de joie et de bonheur. Elle ferma les yeux avant d'avaler la dernière bouchée.

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